Les sept poèmes inédits d’Alina Reyes pour l’expo de Sophie Bassouls

reyes.jpgPour photos Sophie Bassouls

1

Petits pas d’or dans les allées

De ton corps, ô monts, ô sommets

Que j’adore ! Oh, mille-mille-pattes

Du gazon des amours, où,

Oui, où t’en vas-tu, et d’où, doux

Vilain loup, t’en reviens-tu ?

Dis-moi le donc, lequel de nous

Deux s’amuse à se promener

Dans le jardin de l’autre ? Quel

Autre est l’hôte de son hôte ?

Mille-mille pas font de ton

Corps l’icône d’or de mon

Désir, pure essence sacrée.

2

Tu es tout en dents, non ?

Je suis toute en lèvres, oui.

Tu es tout en os, bon sang,

Je suis toute ouïe, bon Dieu,

Tu es tout yeux, je suis toute

Regard.

Combien d’os as-tu, tout nu ?

Combien de dents pour me défendre

De toucher ton seul, ton unique

Os ?

Hosannah du profond de mes chairs !

Je pressens la source qui vient.

3

Allons, mon grand, es-tu vraiment

Si sérieux ? Et moi, suis-je à ce point

Distante ? Nous sommes-nous bien

Regardés ? Quand pourrons-nous

Nous voir ? Allons, moi, laisse tomber

La prose. Allons, toi, abandonne

La pose. Que l’objectif en pause

S’emmêle les pinceaux face

Aux gestes de la vie. Joie !

4

Ton sexe à sexte, j’ai le compas

Dans l’œil. Mon texte en vue, je sors

Le petit oiseau de ma tête.

Te déclicqueras-tu, lumière ?

Dans le noir de la chambre une rose

Éclôt. Invisible en la nuit

Une rose sans bruit, soudain,

Se déboutonnant, répand

Un violent parfum d’île

Au trésor.

5

Puis voici l’oasis, le puits.

Puis voici le mirage, puis

L’espoir, le doute, et peut-être

La déréliction. Puis voici

Que je me perds en te perdant,

Pays, vert paradis de nos

Enfances. Voici que résonne

La sentence. Voici venu,

Animal triste, le crépuscule

De l’idole, l’heure assombrie

De toutes les langues de bois.

Voici la séparation, la mort

Dans l’âme et le mors aux dents.

Voici le temps du ridicule

Appariement de l’homme avec

La femme quand du meilleur ne reste

Que le moins bon. Allons, nomades,

Ne pas nous éterniser

Ci-bas quand monte à l’horizon

L’or nouveau de nos amours nouvelles !

6

Bonjour, le jour, l’amour

Chante aux gorges des oiseaux !

Leur réveil sont ta joie, l’abri

Où j’ai dormi en toi, jardin.

Le soleil qui se lève verse

Des cailloux d’or dans tes allées.

Oui, je me repère en toi, corps

De l’être que je suis venue

Chercher, si nue d’aurore,

Aux tympans de la maison de Dieu.

Entends-tu rire la rivière ?

Qui coule vive sur tes cailloux,

Qui roule en ton lit ses pépites,

Allumant en mes gorges mon chant ?

Oh, bonjour, amour, je t’aime.

7

Je cueille des rameaux, des palmes

Et des plumes, je tresse

Un nid pour l’oiseau que j’attends.

Dès l’aube l’on entend mon cœur

Qui caracole, pourquoi ?

Je suis montée au ciel pour te chercher,

Toi qui te trouves où je me cherche.

Comment y suis-je allée ?

En me quittant. Aux bords de la rivière

Mes pas dans le sable me réécrivent

Entièrement. L’eau me lave les yeux,

Qu’ils soient limpides pour le jour

Où tu viendras t’y voir. L’eau me lave

Les lèvres, qu’elles soient fraîches au jour

Venu de te dire la beauté

De tes os, de ta peau, du secret

De ton cœur.

Présentation de Sophie Bassouls (oeuvre)

sophie.jpgSophie BASSOULS, photographe
( curriculum vitae )

Née à Neuilly en 1936, Sophie Bassouls a commencé son travail de photographe
Au Figaro Littéraire il y a 40 ans .

Elle travaille ensuite pour différentes agences de presse photographiques, Norma, Rush et Sygma, devenue Corbis-Sygma, où de 1986 à 2003 elle couvre l’actualité littéraire .

Elle a photographié plus de 3000 écrivains.
Elle développe aussi des thèmes personnels .

Livres :
Sous le soleil, à l’ombre du boulevard en collaboration avec Eudes Panel et Benjamin levesque, Editions Aréa 2005
550 Ecrivains, Flammarion 2001 »
Paris est une ville pleine de lions texte de Geneviève Dormann, Editions Albin-Michel
Portraits de la Littérature, Editions Pierre-Marcel Favre

Expositions :
2004 : Vincennes « Les américains à Paris »
Dublin , Institut Français « Noms de plume »
2003 : Nice « Visages d’Écrivains Européens »
Angers , Grand Théâtre »550 Écrivains hors-textes »
2002 : Le Caire, Institut Français « Ecrivains d’Egypte et de France »
Porto « Sob Influencia »
2001 : Paris , Bibliothèque Historique de la ville de Paris « Écrivains, 666 photos »
2000 : San Francisco , Goldwasser Rare Books « Americans writers in Paris «
: New-York, French Institute « American Writers in Paris »
1997 : Naples « Tolérance Intolérance »
1995 : Naples « Le tour du monde en 80 Écrivains »
: Bologne « Le tour du Monde en 80 Écrivains »

Alina Reyes, poète (biobibliographie)

Alina.jpg

Alina REYES, écrivain
(illustre par ses poèmes l’exposition « Nus et or » de Sophie Bassouls)

Blog : http://amainsnues.hautetfort.com
Alina Reyes est née en 1956 près de Bordeaux. Elle est l’auteur du Boucher (Seuil, 1988), traduit en 25 langues. Elle a notamment publié Quand tu aimes il faut partir (Gallimard, 1993), Derrière la porte (Laffont, 1994), Il n’y a plus que la Patagonie (Julliard, 1997), et aux éditions Zulma : Poupée, anale nationale (1998), Corps de femme (1999), Ma vie douce (2001), Une nuit avec Marilyn (2002), Politique de l’amour (2002) et La Dameuse (2008)

Bibliographie détaillée :
Alina Reyes est née en 1956 près de Bordeaux. En milieu populaire, communiste. Enfance et adolescence à Soulac-sur-Mer (racontée dans Le chien qui voulait me manger et dans Ma vie douce). Interne à Royan où elle choisit d’apprendre le grec ancien, elle commence à tenir son journal en I968. Quitte le lycée avant le bac, années de bohème. En 1981, mère de deux garçons, elle s’installe à Bordeaux où elle reprend ses études : journalisme et lettres (DEA). Collabore à la presse locale (écrite et radiophonique), fait des remplacements de professeurs en collège. En 1988, publie le Boucher. Dans les années suivantes, vit à Montréal, puis à Paris et dans les Hautes-Pyrénées. Naissance de ses deux derniers fils en 1994 et 1996. Depuis son premier roman, Alina Reyes construit une œuvre littéraire marquée par le questionnement du corps revendiqué comme acte politique : l’érotisme ou le refus de la chair y traduisent l’aspiration de l’être à une difficile, voire impossible, libération. (cf. en particulier Poupée, anale nationale, mais aussi Lilith, Nus devant les fantômes – Franz Kafka et Milena Lesenska…). Aborde par ailleurs la question sociale à travers des livres autobiographiques tels que : Quand tu aimes il faut partir, Moha m’aime ou Ma vie douce, journal 1979-2000). Poursuit, parallèlement, une activité de chroniqueuse (entre autres dans Le Devoir, à Montréal, puis à Libération magazine, Globe, Pyrénées magazine, Edelweiss, à Genève, etc). Nombreuses publications dans la presse écrite, quotidiens et magazines ; collaborations à des revues littéraires (L’Infini, Supérieur Inconnu, Le Passant ordinaire, Inventaire/Invention, revue sur Internet, qui publie son premier long poème, Autopsie) ; lectures et conférences en Europe et aux Etats-Unis. A réalisé un court-métrage, Métamorphoses, dans la série « L’érotisme vu par (des écrivains) », pour Canal + en 2001
Derniers livres parus : Forêt profonde (Le Rocher, 2007) ; La jeune fille et la Vierge (Bayard, 2008) ; La Dameuse (Zulma, 2008).

Maglione par Claudine Roméo (1980)

O192.jpg Les tissus, bijoux et petits « mobiliers » de Milvia Maglione étaient directement le répertoire des songes ; les tentures déploient, en volets successifs, le rêve, dont les gouffres, les déchirures, les béances et les abîmes, auraient été remplis, avec le courage de l’affirmation.

Remplis, d’abord, en faisant le plein d’atmosphère et de ciel, un plein solide et cristallin, provoquant échos de clochettes et tintements de carillons, visualisé, à travers tout le travail de Milvia, par ce bleu royal qu’elle utilise. Je qualifierai ce bleu, de couleur profonde et chaude.

Ce bleu souvent dominant n’est pas un simple élément formel, avec toutes les autres couleurs qui miroitent à côté de lui, un certain ocre par exemple. Il est la qualité même d’un monde féérique et mythique, mais complètement habité par le réel.

Tout le temps, on est renvoyé à un ciel étoilé où mille choses scintillent, mais choses du quotidien. Travail quotidien et millénaire des femmes, outils utilisés pour les vêtements, tentures, voilures, draps, déguisements, nappes : ce qui habille et représente la vie ordinaire. Réalité aussi de l’enfance, des objets manipulés, fétichisés, usés : formes précises et brillantes.

Peintre, Milvia ? Oui, mais la toile est un grand drap de lit qu’elle rebrode, d’une part de broderies « classiques », en les reprenant avec amour sur des petites pièces, exercices appris dans l’enfance. Utilisant d’autre part les matériaux divers de la couture, habituellement cachés : boutons, agrafes, pressions, crochets, et ses instruments : ciseaux, dés à coudre, rapprochés des minuscules objets d’enfants : dînettes, figurines, vignettes et amulettes, tout ce qu’elle appelle elle-même les « fonds de tiroirs ».

Une dimension ludique et sacrée s’ouvre, hommage et réhabilitation du travail des femmes, bien sûr, mais aussi force poétique fondamentale et populaire, rappelée à la surface, réhabitée, repensée et mise en couleurs et en formes pour accéder à un rang d’universalité. Cette histoire ordinaire et courante, mais traversée de grands mythes, de contes et d’obsessions, est évoquée par la répétition millénaire des nuits et des jours que suggèrent les draps-cieux enluminés.

De même, les bijoux témoignent d’une histoire grande et ordinaire, en mêlant les objets « utilitaires », aux frivoles fioritures, volutes, serpentins, rubans de papiers, tous reflets et éclats de la vie.

Les mobiliers de poupées, recouverts de bleu ou de pointillés multicolores et constellés de nuages, évoquent le passage du temps sur les maisons et les villes, et créent un habitat familier pour Alice au Pays des Merveilles, qui est présente partout ici.

Claudine Roméo, Novembre 1980

Maglione par Maryvonne Georget (1985)

Maglione.JPGLe Dualisme de Milvia Maglione

L’oeuvre de Milvia Maglione comporte deux faces. A l’image du cosmos, elle est rythmée par l’alternance du jour et de la nuit, du quotidien et du rêve :
– diurne, l’univers baroque et rutilant des textiles et des objets que l’on peut interpréter comme un recensement ethnographique d’une culture populaire et féminine, en voie de disparition, ou comme un hommage poétique et militant au labeur obscur des femmes.
– nocturne, l’espace des toiles et des sérigraphies. Ici on pénètre dans les profondeurs glacées du rêve et de l’inconscient. C’est un monde sous-marin et utérin, un théâtre d’ombres. Les objets ne sont plus « miettes du quotidien » comme les textiles et les sculptures-objets, mais simulacres, symbôles et même signes. Ils se meuvent dans l’apesanteur, ils ont perdu leur lourdeur, leur densité accoutumée et semblent flotter devant un mur végétal comme des poissons dans un aquarium.

Milvia Maglione manie avec autant d’aisance le signe et l’objet. Dans les toiles et les sérigraphies une écriture très minimaliste qui emprunte au vocabulaire de la peinture contemporaine, se substitue à l’univers très concret de « la pie voleuse ». Le plus souvent, sur un fond végétal réaliste, exécuté au pochoir et retravaillé au pinceau, se superposent quelques lignes symboliques, blancs comme des fantômes, peints en relief, des pictogrammes qui peuvent devenir des signes, des lettres de l’alphabet. Ainsi C est à la fois croissant de lune et la lettre C initiale du mot « coudre » symbôle du travail féminin par excellence. Milvia, avec habileté, joue sur la polysémie de l’image, elle invente un langage très codé où se rencontrent des signes cosmiques, la lune, le nuage, l’arc en ciel, et des signes d’un espace intérieur, silhouettes le plus souvent d’enfants seuls ou avec leur mère. Comme « Alice » (« De l’autre côté du miroir »), ces personnages ont franchi le miroir de la réalité et sont en route pour un voyage initiatique, mais un mur quasi infranchissable les sépare de l’infini de la mer ou du ciel. Dans la toile « Uscita in premiere » de 1966, Alice s’est brisée avant d’atteindre le sommet de la prairie. L’oeuvre de Maglione est-elle une version moderne du mythe de la caverne de Platon, de la réalité, nous ne percevons que les ombres ? Ne sont-elles pas alors ce qu’il y a de plus réel ?

Mais Milvia peut « mettre de la mayonnaise à la place du jaune » (interview de Maglione « Je passe de mon atelier à ma cuisine » – Des femmes en mouvement – Paris N°7 1978) et cet aspect de son oeuvre n’est pas moins original. Il n’y a pas un temps pour vivre, un temps pour créer séparé par une frontière, mais des passages continuels de l’un à l’autre. C’est à une « transfiguration », une métamorphose du quotidien à laquelle on assiste. Chaque objet ouvre sa porte de rêve et Milvia retrouve ce temps d’enfance, de découverte, d’errance ou les détournements d’objets se font naturellement.

Cette oeuvre pose aussi le problème fondamental du passage de l’artisanat à l’art. Elle souligne le rôle obscur de la femme dans la création. Ne lui reproche t-on pas d’avoir laissé peu de traces dans l’histoire ? Seulement des « ouvrages de dames », des travaux anonymes comme les bâtisseurs de cathédrales, l’oeuvre de Milvia est un hymne à toutes ces femmes qui ont dû humblement se contenter de la part de rêve, de création que le quotidien pouvait leur apporter. Elle ne conte pas les exploits de Guillaume le Conquérant, comme la reine Mathilde, dans la tapisserie de Bayeux mais « l’Amour » ou le départ silencieux d’Adélaïde, sa grand-mère. « La rue Rambuteau » est sa conquête de l’Angleterre. Dessins, objets, broderie, écheveaux colorés cohabitent sur ces textiles et racontent dans un langage pictogrammique la Grande Saga des Femmes.

La femme est reine, reine-mère et le plus vieux culte de l’humanité, celui de la déesse de la fécondité, se trouve renouvelé par tous ces rites que Milvia recrée. Originaire des Pouilles, en Italie, ses textiles participent aux rites processionnels, simulacres des tentures et bannières de la fête de la Vierge. C’est bien toujours le culte de la femme qui y est célébré.

Les sculptures-objets de Milvia Maglione se réfèrent très directement à l’art populaire. Les bazards des plages sont toujours remplis de ces objets englués de coquillages, à l’image des rochers que les berniques et les moules tapissent. Sur des meubles pour un royaume de Lilliput, Milvia accumule les petits objets du quotidien : fruits, légumes, ustensiles de cuisine… et les recouvre d’une couche d’un bleu méditerranéen uniforme, qui les métamorphose. Par la magie de la couleur ils acquièrent un autre statut, celui d’objets archéologiques, sur lesquels un lent travail d’enlisement, de sédimentation marine se serait effectué. Seuls quelques souvenirs plus vivaces, quelques objets colorés différemment émergent de cette uniformité bleue, image de l’embue de la mémoire. C’est de l’archéologie du coeur dont il s’agit.

L’univers de Milvia Maglione est cosmique et mythique et se situe quelque part entre « coeur et nuage » comme le rappelle la très belle sculpture en pâte de verre, de technique millénaire. L’artiste est italienne et Venise, patrie des souffleurs de verre, fut pendant longtemps la porte de l’Orient. C’est toute cette magie qui affleure dans l’oeuvre de Milvia Maglione, à la fois la chaleur et la transe extatique des cultes méditerranéens et le charme poétique et nocturne des Contes des Mille et une nuits.

Maryvonne Georget
Royan, Mai 1985

Maglione par Aline Dallier (1998)

T11_1(1).jpgVersion originale de l’article en anglais, in Contemporary Women Artistes, St. James Press, Detroit, U.S.A., 1999

Milvia Maglione : peintre et décoratrice inspirée

Milvia Maglione est une artiste bien connue en France et en Italie, depuis les années 1970 environ. Elle se distingue néanmoins assez nettement de l’ensemble de la production dite « d’avant-garde » de ces vingt dernières années dans la mesure où on ne peut la classer ni comme un peintre figuratif, ni comme un peintre abstrait, ni comme une artiste conceptuelle.

Milvia Maglione est une artiste peintre, graphiste et décoratrice, qui se sert de sa main, de son pinceau, de ses ciseaux, de ses aiguilles et autres outils traditionnels pour peindre des paysages imaginaires aussi bien que des portraits stylisés ; mais elle peut aussi broder de grandes tentures souples, assembler des bijoux où sont juxtaposés des pierres précieuses et de simples cailloux, en un mot transfigurer des objets du quotidien en objets fabuleux.

En ces temps d’art transgressif, souvent violent, l’artiste présente une autre singularité car sa finalité esthétique ne vise ni la provocation, ni la déconstruction de l’oeuvre d’art. Son but n’est pas de déranger ni même de « questionner » le spectateur mais plutôt de le consoler des petites et grandes misères de la vie, en lui offrant de beaux objets chargés de tendresse ou d’humour souriant.

Je prendrai comme exemple ses tasses à thé avec soucoupes (Le Thé d’Alice, de 1972), en laine bi-colore crochetée à la main, qui sont un double clin d’oeil à Lewis Carroll et à Meret Oppenheim dont on connaît la fameuse tasse en fourrure, plus sauvage mais moins ludique que celle de Milvia Maglione. En effet, ce que nous propose l’artiste avec ce type d’objets, c’est de prendre la vie comme un jeu – un jeu aussi bien léger que dangereux. Dans ce même esprit, j’évoquerai une oeuvre plus récente, souvent exposée à Paris et à l’étranger à la fin des années 1980 : il s’agit d’une vraie malle de voyage en bois, (cf. le Coffre mystérieux datant de 1987) recouverte d’innombrables objets fétiches miniaturisés qui font partie du vocabulaire habituel de l’artiste : poissons, coquillages, papillons,étoiles, quartiers de lune, nuages, arcs en ciel, feuilles, fleurs, et aussi cuillers, fourchettes, couteaux, petites casserolles qui nous ramènent à une poétique du domestique que nous aurions tort de sous-estimer.

A ce propos, j’aimerais souligner que Milvia Maglione, dans sa vie et dans son oeuvre, a constamment tenté de valoriser une « culture féminine » qui ne reposerait pas seulement sur l’expérience de la relégation des femmes dans la sphère domestique mais qui, au contraire, s’affranchirait de l’enfermement par la créativité à partir du domestique (cf. La Leçon de broderie, 1976).

Quant au principe d’accumulation qui régit l’oeuvre de l’artiste, j’y vois une marque de sa filiation avec les Dadaïstes et post-Dadaïstes, bien que ces derniers travaillent généralement dans un esprit sacrificateur et expiatoire inspiré par un folklore urbain en pleine mutation, tandis que Milvia Maglione s’appuie sur un art populaire encore traditionnel comme celui du sud de l’Italie, dont elle exalte la théâtralité, l’opulence et la sensualité.

En dehors de son goût pour les arts traditionnels et populaires, dont elle est d’ailleurs une collectionneuse avisée, Milvia Maglione n’a cessé de défendre la cause du beau métier d’artiste-artisan qu’elle pratique elle-même avec fierté. C’est ainsi qu’elle a illustré de nombreux livres, créé des prototypes d’assiettes pour la Compagnie des porcelaines de Sèvres, des vases et autres réceptacles pour une célèbre cristallerie française. Elle a également décoré la vitrine de la boutique Hermès à New York, ce qui permet de la comparer à de grands artistes-designers italiens comme Bruno Munari et Enzo Mari qui n’ont pas hésité à faire suivre leurs recherches artistiques proprement dites par des applications au design de haut niveau.

Il n’y a pas si longtemps, la plupart des artistes, et plus encore des artistes femmes, devaient se défendre de pratiquer l’artisanat ou la décoration parallèlement à la peinture ou à la sculpture, sous peine d’être déconsidérés en tant qu’artistes. Dans les années 1920-1930, Sonia Delaunay eut, entre autres mérites celui d’ouvrir la voie pour une meilleure articulation entre arts et arts appliqués. Il revient à Milvia Maglione d’avoir développé cette voie avec délicatesse et imagination.

Aline Dallier
Paris, 1998

Maglione et la Librairie des Femmes (Maïten Bouisset), « Le Matin », 1981

Editions.jpg« Le Matin »

20 février 1981

Milvia Maglione, peintre et femme

Rue de Seine, les Editions des Femmes viennent d’installer une nouvelle librairie-galerie, et c’est Milvia Maglione, dont on n’avait pas vu les travaux à Paris depuis longtemps, qui inaugure cimaises et vitrines.

Qu’elle s’exprime sur une toile traditionnelle avec des pinceaux, ou sur un grand drap laissé souple avec du fil et une aiguille, le fait plastique domine chez Milvia Maglione et s’impose totalement. Il n’est pas ici un côté peinture et un côté couture, même si l’artiste a tenu tout un temps à mettre en évidence les instruments d’un univers dit spécifiquement féminin pour, à sa manière, se joindre à un combat nécessaire.

L’histoire de Milvia Maglione se raconte sur fond de paysage. C’est dans le paysage que naît une simple zone de lumière qui marque le temps de l’éclair de la pensée, de la réflexion, de la descente aux tréfonds de soi. C’est dans le paysage que la poupée, mais aussi la petite fille, se voit en morceaux, sa tête roulant comme une balle.

C’est du paysage enfin qu’émerge un très bel autoportrait. La tête est pleine d’images, lisibles, signifiantes, saisies dans une sorte de microscope géant, qui sont à déchiffrer une par une. Simplement parce qu’elles parlent de l’histoire d’une femme, mais aussi de celle de toutes les femmes.

Maïten Bouisset
Librairie des Femmes, 74 rue de Seine, jusqu’à fin février.

Cette poésie qui nous est chère….

L’objet de ce Bulletin Poésie estival est de vous inciter à découvrir « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Les deux « marchent » étonnamment bien pour de la poésie, et ont en commun d’être aussi profonds que faciles et de ne plus pouvoir être lâchés dès le moment où on s’aventure à les ouvrir. (Si vous n’aimez pas la poésie, passez votre chemin… Sinon, des détails, des infos, des extraits etc etc Construction hyper organisée, liens à gogo pour approfondir etc)

Comme le remarquait Jocelyne Sauvard dans son superbe article sur Antoinette Fouque l’année dernière, la cofondatrice du MLF (1er octobre 68, date historique), (…) Antoinette Fouque n’est pas que la personnalité aux multiples activités, engagements, et missions, elle est aussi écrivain, au sens du Robert : personne qui compose des ouvrages littéraires. Qui puise au plus près de la poésie. Exemple. « Il pleut. Ciel bas, noir outremer à l’est. Mer formée, lourde, de plomb ou d’obsidienne, selon les fonds. Le petit bouquet du jour, crocus et narcisses, arrive avec le café et mes trois quotidiens… » (…) http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2007/09/22/antoinette-fouque-par-jocelyne-sauvard-sitarmag.html

Depuis deux couvertures de livres, de Clarice Lispector et Hélène Cixous, les plus attentifs avaient pu noter le dessin au feutre sur papier comme autre talent possédé par Antoinette Fouque. A présent et jusqu’à la fin de l’été, ils sont invités à venir voir, au milieu d’une foultitude d’autres illustres artistes (Louise Bourgeois, Niki de Saint-Phalle, Aurélie Nemours, Sonia Delaunay etc voir liste complète en empruntant ce lien : http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2008/06/15/concert-inedit-mardi-17-juin-a-20-h-huit-femmes-compositrice.html) certaines de ces oeuvres à la Galerie des Femmes, 35 rue Jacob.

Mais, revenons-en à la POESIE, puisque nous l’aimons aux éditions Des femmes. Cette année, deux excellentes surprises au niveau de ce genre littéraire : « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Pour les deux, les premières critiques sont dithyrambiques. Si vous souhaitez recevoir en service de presse l’un, l’autre ou les deux de ces recueils, je vous remercie de me communiquer votre adresse postale. Envoi immédiat. Je vous quitte en vous livrant suffisamment d’informations pour vous donner l’eau à la bouche sur ces deux pépites !

A très bientôt, je suis à votre disposition pour toute mise en relation avec Catherine Weinzaepflen ou Françoise Collin.