Je ne sais plus avec précision à quel moment il a été pour la première fois question que je sois traduite et publiée aux Editions Des femmes. C’était en tout cas au début des années 1980, à l’occasion d’un voyage d’Antoinette Fouque au Japon. Des projets concrets ont alors soudain vu le jour.
Non que d’éventuelles traductions n’aient jamais été évoquées auparavant, mais tout était resté dans le vague. Ce que l’on connaissait alors de la littérature japonaise à l’étranger se limitait aux classiques ou aux oeuvres de célèbres auteurs masculins tels que Kawabata ou Mishima, et que l’on puisse vouloir traduire et publier un auteur jeune, de surcroît une femme comme moi, était totalement inouï.
La littérature féminine japonaise que l’on connaissait alors en Occident mettait essentiellement en scène des figures féminines toutes d’une soumission que l’on croyait éminemment japonaise. Tandis que dans mes romans les femmes repoussent fermement les hommes, ce qui me valait d’ailleurs bien des critiques, essentiellement masculines, au sein même de la société japonaise. Aujourd’hui encore, je suis donc pleine d’admiration pour la décision prise par les Editions Des femmes de s’intéresser à mon travail. Lorsque j’ai rencontré Antoinette Fouque à Tokyo, elle m’a proposer de publier cinq de mes textes, et a signé sur-le-champ un engagement en ce sens. Je n’oublierai pas ce qu’elle disait alors : pour faire connaître un auteur, il ne suffit pas de présenter un livre, il faut au moins en présenter cinq.
A l’époque, l’Occident ignorait encore, à un degré presque inimaginable aujourd’hui, ce que pensaient les femmes japonaises, la manière dont elles vivaient. Je suis persuadée qu’en France, et plus largement en Europe, ces publications, qui étaient un véritable acte de courage, ont ouvert une brèche pour permettre à la littérature féminine japonaise actuelle de rencontrer un large public.
Y.T.