Edmonde Charles-Roux écrit sur les entretiens d’Antoinette Fouque avec Christophe Bourseiller (La Provence, 9 mai 2010)

edmonde-charles-roux.jpgDimanche 9 Mai 2010 – Dimanche 9 mai 20100
 
WEEK-END LIVRES
 
Antoinette Fouque, et si nous parlions des femmes ?
 
La militante se livre au gré d’entretiens menés par Christophe Bourseiller
 
Signalons la naissance en librairie d’une nouvelle collection intitulée « Qui êtes-vous ? ». Dans cette collection viennent de paraître les entretiens de Christophe Bourseiller, fils de la superbe comédienne que fut Chantal Darget et beau-fils d’Antoine Bourseiller, jadis directeur du théâtre d’Aix-en-Provence. Il s’entretient avec Antoinette Fouque, née en 1936 à Marseille, d’un père corse, d’une mère calabraise et analphabète.
 
Christophe Bourseiller en présentant cette collection s’interroge : « Tandis que les ténors pérorent sous les sunlights que devient la pensée, la vraie, celle qui sonde, reflète et modèle le réel ? Se cache t-elle derrière le babillage médiatique ? »
 
Cette collection a pour but de faire connaître ceux qui vivent et créent en dehors des chapelles, des sectes intellectuelles et des élites autoproclamées. Appelons les « des inclassables ».
 
bour.jpgAntoinette Fouque est de celles-là. Elle nous signale les dates phares qui jalonnent sa vie. Ce sont comme autant de naissances successives.
 
Il y eut d’abord 1936, l’année de sa naissance : Antoinette Fouque vint au monde en plein Front populaire. Viennent ensuite 1964, date à laquelle elle mit au monde sa fille Vincente. Ce fut sa naissance psychique : expérience unique, singulière, charnelle. Vint ensuite 1968, l’année de ses 22 ans, date de sa naissance politique lorsqu’elle rencontra Monique Wittig, écrivain reconnu et à l’indéniable aura. Elle fondèrent ensemble le mouvement de Libération des Femmes qui aura 42 ans cette année.
 
Antoinette Fouque mena un travail intense sur le terrain qui, loin d’attiser la guerre entre les sexes, voulait les réconcilier afin qu’ils vivent dans une société où l’indépendance sexuelle, économique et politique des femmes ne serait plus mise en question.
 
En 1973, Antoinette Fouque fonde la première maison d’édition des Femmes en Europe. Puis elle fait paraître des livres écrits sur les femmes et par les femmes. Puis vient le temps où s’ouvrent des librairies comme à Marseille et parfois des galeries des femmes.
 
La création des librairies, des livres et des journaux fut suivie d’une autre nouveauté, la création d’une Bibliothèque des Voix entièrement féminine créée pour accueillir des livres-audios rendant la culture accessible à une catégorie sociale interdite de lecture pour cause de maladie, d’éloignement, d’ignorance ou de misère.
 
Antoinette Fouque parle avec chaleur de sa double ascendance méditerranéenne : « Elle nous renvoie à la Méditerranée et aux gens de la mer » nous dit-elle… Je suis née au bord de la Méditerranée et je l’ai quittée, la mère, la mer et le soleil, l’éternité  retrouvéee sous le manteau de la Bonne Mère à laquelle je n’ai jamais renoncé. Je n’ai pas besoin de revenir à mon pays natal, je le porte en moi ».
 
Un petit livre extrêmement riche parce qu’il dit l’essentiel. Il nous livre la trame d’une vie sur laquelle se sont fixés durablement tant de généreux motifs.
 
Edmonde Charles-Roux de l’Académie Goncourt
 
« Qui êtes-vous ? Antoinette Fouque – Entretiens avec Christophe Bourseiller », Bourin éditeur, 148 pages, 19 euros.

Santé Yoga – Isabelle Clerc signe un joli article sur « Je suis née » (mai 2010)

yoga.jpgcha.jpgIsabelle Clerc
N°106 Mai 2010
 
SANTE YOGA
 
Ecrit dans la chair
 
Dans « Je suis née », l’écrivain Chantal Chawaf, élucide plusieurs décennies après, des mini récits de son enfance, qui montrent qu’elle savait dans sa chair ce que son entourage s’était ingénié à lui cacher pour la protéger du drame de ses origines, qui l’avait privée de ses parents et de sa famille, à la suite du bombardement de la porte de Saint-Cloud. Toute petite, elle écrivait créant les multiples versions imaginaires de son arrachement. « Même enfantine, la langue a des pouvoirs de medium, dit-elle. Elle exprime la connaissance enfouie« . La langue a effectivement ce don d’intériorité qui permet au corps de parler comme la yoga, ajouterai-je, qui permet de revenir vers la source, une fois les traumatismes reconnus, identifiés et retraversés à la lumière de la connaissance. « Je suis née« , Chantal Chawaf, des femmes-Antoinette Fouque.

Argoul a lu « Je suis née » de Chantal Chawaf (Fugues et fougue, 6 mai 2010)

Jeudi 06 mai 2010

Titre étrange puisque vous êtes nés aussi, l’auteur comme chacun de ses lecteurs. Mais titre qui intrigue justement parce que la naissance fait problème : naître des morts est peu courant, surtout lorsque vos deux parents disparaissent d’un coup au même moment – ce moment vital qui est celui de la naissance…

chantal-chawaf-je-suis-nee.1272973276.jpgNous sommes le 15 septembre 1943 à 20h30. Le énième bombardement les usines de l’ouest de Paris, dont Renault qui collaborait avec l’Occupant, a fait plus de sept mille morts durant la guerre. Mais ce jour-là, ce sont trois occupants d’une voiture qui sont fauchés porte de Saint-Cloud. Le chauffeur est le père, la passagère arrière la tante et la passagère avant sa femme – la mère. Enceinte, on l’accouche par césarienne in extremis d’une petite fille. C’est cette histoire que nous conte Chantal – son histoire.

Adoptée illégalement par des bourgeois, on lui taira sa naissance et les papiers seront détruits pour que jamais elle ne retrouve sa famille. A l’époque, on pensait le traumatisme trop fort pour une enfant, tandis que le couple stérile se voyait doté d’une fille de bonne origine. Mais le Nom-du-Père hantera la petite Chantal toute son enfance durant, ses écrits de 7 à 13 ans, publiés en annexe, en sont le touchant témoignage. La névrose traumatique fait passer le manque par le langage. Elle évacuera dans l’écriture cette angoisse existentielle du non-dit, du mensonge originel, de la peur tout bébé. D’où ce refuge dans le lourd manteau noir de la chercheuse d’archives, la cinquantaine venue, qui a donné son titre à la première édition de 1998.

Ce gros livre est remarquablement écrit, les phrases fluides au vocabulaire étendu n’hésitent pas à prendre parfois des longueurs à la Proust, sans jamais insister, ou d’établir des litanies à la Céline pour bien marquer le répétitif. Le ton s’adapte aux conditions des gens, mais l’argot parigot de ‘Madame de’ qui fut sa mère adoptive étonne. D’où vient ce parler popu d’une dame à particule qui se pique d’habiter Auteuil ? D’où vient aussi que l’auteur dit être heureusement accouchée page 12, tandis qu’elle se déclare sans enfants page 501 ? Peut-être me pardonnera-t-elle ma lecture, mais j’ai hésité entre récit et roman, ce qui ne se lit pas pareil. L’un et l’autre étaient possibles mais le texte hésite. Toute la « Première époque », jusqu’à la page 279 ressort du roman. Le lecteur marche mais, lorsqu’il parvient à la partie suivante, il trouve du récit. Toujours bien écrit mais – face sombre du lyrisme orienté vers la lumière du début – devenu méticuleux, obsessionnel, dans le ressassement. Le choc des deux parties rend le lecteur mal à l’aise. chantal-chawaf.1272973284.jpg

Pourtant, c’est bien l’écriture qui sauve le livre. Le style, c’est l’homme. Ici la femme, mais le français entend le mot « homme » au sens neutre d’être humain lorsqu’il prend le ton de la généralité (il est bon de rappeler cette évidence aux féministes). L’auteur « essaiera de transfuser la vie dans les mots comme du sang dans les veines. Elle va essayer d’écrire… Au nom de la vie » p.525. Essai plutôt réussi, à lire pour le ton neuf qu’il apporte dans la production française !

Chantal Chawaf, Je suis née, 2010, édition des Femmes, 561 pages, 19€

Jocelyne Sauvard invite Chantal Chawaf dans « Parlez-moi la Vie » sur IdFM 98 (mardi 4 mai 2010, de 20 h à 22 h))

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Un IMMENSE MERCI à la chère Jocelyne Sauvard  
pour avoir mardi 4 mai de 20 h à 22 h, consacré en partie une émission à Chantal Chawaf sur IdFM 98 (on peut aussi la réécouter ici : http://www.idfm98.fr/index10.php?zone=emission&id=172)
 
Jocelyne Sauvard a ce jour-là reçu Christian Bobin, Chantal Chawaf, et commenté l’oeuvre de Marguerite Duras (lectures d’extraits)

 
« Parlez-moi la vie », sur IdFM98, IdFM.fr, tous les premiers mardi de chaque mois, une émission de jocelyne sauvard. http://www.jocelynesauvard.fr/pages/radio.html

cha.jpgInformations sur le site : http://www.jocelynesauvard.fr , pages Accueil,  Actualité et Radio, ou sur le site IDFM.FR – Enregistrement possible in live
 

Tristan Hordé, le premier à avoir rendu compte de sa lecture de notre Hypatie ! (3 mai 2010, e-litterature.net)

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Hypatie d’Alexandrie – Maria Dzielska

préface de Monique Trédé,
éditions des femmes / Antoinette Fouque, nouveauté 2010

lundi 3 mai 2010, critique par Tristan Hordé

Sur ©e-litterature.net

Hypatie d’Alexandrie est devenue héroïne du grand écran sous les traits de Rachel Weisz dans le film Agora (présenté à Cannes en 2009) du réalisateur espagnol Alejandro Amenábar, qui raconte l’histoire de la philosophe et mathématicienne. En France, le premier à la sortir de l’oubli est un grammairien connaisseur de l’Antiquité, Gilles Ménage, qui publia en 1690 Historia Mulierum philosopharum [Histoire des femmes philosophes]. Le sujet a été repris et développé en 2006 par Éric Sartori avec son Histoire des femmes scientifiques de l’Antiquité au XXe siècle : Les filles d’Hypatie. Ce titre donne à Hypatie un rôle de pionnière et on attendait qu’un livre lui soit consacré, qui reprenne minutieusement le peu d’éléments dont on dispose à son propos, textes anciens et correspondances. Il ne suffisait pas de les citer, mais de les comparer et de les analyser en relation avec ce qui peut par ailleurs être connu de la vie politique et des conflits de l’époque.

Maria Dzielska a reconstruit en partie la vie d’Hypatie et analysé la manière dont on a reconstitué sa biographie depuis le XVIIIe siècle. Sa beauté et sa jeunesse ont été constamment louées, elle a été perçue à la fois comme « un symbole de la liberté sexuelle et du déclin du paganisme (et, avec lui, de la disparition de la pensée libre, de la raison naturelle et de la liberté d’expression). » La réalité est différente et plus complexe.

Hypatie, née vers 355 et morte en 415, devint, comme son père Théon, mathématicienne et astronome (elle aurait peut-être mis au point l’édition de l’Almageste de Ptolémée), et elle enseigna aussi la philosophie. Ses disciples faisaient souvent de longs voyages pour former auprès d’elle une communauté intellectuelle, issus de Syrie, de Lybie ou de Constantinople (maintenant Istanbul). Elle était appréciée pour ses qualités morales, menait un train de vie modeste et n’eut probablement jamais de relations sexuelles ; « toutes nos sources, écrit Maria Dzielska, s’accordent à la présenter comme un modèle de courage éthique, de vertu, de sincérité, de dévouement civique et de prouesse intellectuelle. » Dévouement civique : elle était sollicitée pour conseiller les autorités d’Alexandrie ou impériales.

hypatia.jpgPourquoi une telle femme a-t-elle été massacrée par les chrétiens ? À partir de 414, le conflit entre le patriarche Cyrille et le préfet romain Oreste, laïc, s’exacerba, les autorités ecclésiastiques cherchant à empiéter sur le pouvoir politique ; Hypatie, dont l’influence était importante, s’opposait à la mainmise des religieux sur les affaires laïques. Le bruit fut répandu qu’elle était une sorcière, ce qui scellait son sort tant était forte la peur de la sorcellerie : en mars 415, des hommes de Cyrille l’attaquèrent, « la tuèrent à l’aide de « tessons de poterie » […], traînèrent son corps hors de la ville […] avant de la brûler sur un bûcher. »

Hypatie n’a pas été victime d’une campagne contre les païens, non seulement parce qu’elle n’avait pas marqué de sympathie pour les cultes païens, mais aussi parce que les chrétiens s’en prirent d’abord aux juifs avant de combattre la pensée païenne. Après elle, la philosophie grecque, les mathématiques et l’astronomie ne disparurent pas à Alexandrie : « Jusqu’à l’invasion arabe, des philosophes continuèrent à expliquer l’enseignement de Platon, d’Aristote […] et des néoplatoniciens. » Par ailleurs, Hypatie fut d’une certaine manière récupérée par le christianisme : il semble que la plupart de ses qualités ait été versée à la légende de Catherine d’Alexandrie.

Maria Dzielska apporte un point de vue nouveau sur Hypatie et, en outre, étudie dans le détail le statut de ses disciples, ce qui permet de restituer la composition du milieu intellectuel d’Alexandrie dans la dernière partie du IVe siècle ; ces disciples, riches, puissants — et seulement masculins —, occupaient tous de hautes fonctions. Ce travail savant, si nécessaire à la connaissance de l’Antiquité tardive, ne fait donc pas que mettre au jour, comme l’écrit Monique Trédé dans sa préface, « la figure complexe d’une éminente intellectuelle, en un temps où l’hellénisme jette ses derniers feux. » On regrettera seulement que la traduction, à partir d’une version anglaise, soit parfois approximative.

Tristan Hordé

Marjorie Mitucci vous invite à vister l’exposition de Mâkhi Xenakis à la Galerie des Femmes (Questions de Femmes, 3 mai 2010)

mak.jpgQuestions de Femmes – de lundi 3 mai 2010. Par Marjorie Mitucci

ZOOM SUR…

MÂKHI XENAKIS

« Elles nous regardent… » Galerie Des Femmes, Paris.

 

Aujourd’hui, dans un espace plus intime, à la galerie Des Femmes, à Paris, il est possible de découvrir d’autres de ces étranges et impudiques « créatures ». Sculptures de ciment armé teinté (une couleur si identique à celle de la peau que le (la) visiteur (se) ne peut résister à l’envie très sensuelle de caresser l’œuvre), celles-ci travaillent la « féminité » dans l’événement de la maternité, dans l’événement de la solitude, dans l’événement du dialogue, dans l’événement de la folie.

 

Mâkhi Xenakis, qui vit à Paris, a débuté par la peinture dans les années 80. Après un séjour à New-York où elle fut proche de l’artiste Louise Bourgeois, elle se consacra au dessin et à la sculpture. Dessins masse, travaillés à la gomme, qui oscillent entre le minéral et le floral. Dessins où l’on s’abîme, happé(es) par un mouvement de gouffre. Sculptures qui peuvent se dresser longilignes et solitaires ; sculptures comme celles aujourd’hui présentées qui s’adressent à nous en une demande muette… Qui sommes-nous dans nos silences et nos paroles ?

 

Jusqu’à la fin du mois de mai. 35 rue Jacob, Paris 6ème.

Jérôme Serri a adoré le livre audio de Yves Bonnefoy (Magazine Lire de mai 2010)

bonnefoy.jpgLivres audio – Magazine Lire de mai 2010
 
La longue chaîne de l’ancre d’Yves Bonnefoy lu par l’auteur, Editions Des femmes-Antoinette Fouque, 2 CD (soirée à l’Institut Culturel Italien jeudi 6 mai à 19 heures autour et avec l’écrivain)
 
Très émouvant d’écouter Yves Bonnefoy, âgé de 87 ans, lire à haute voix ses écrits. « C’est un besoin, explique t-il dans la préface du livret. Le poème naît dans la voix. Il s’arrime à elle par la longue chaîne d’une ancre, son écriture. » Pour entendre ce que veut dire l’auteur, sans doute convient-il de se souvenir que chacun n’entend sa voix qu’avec sa gorge et que c’est par elle qu’il prend physiquement conscience de l’étrangeté de sa condition. Légèrement blessée par le temps, la voix de cette lecture s’éprouve comme un lien entre l’obscurité qu’abrite toute vie humaine et la lumière du monde. « Etre dans l’étincellement comme une ligne de roseaux entre terre et ciel et là-bas, dans le sable, l’oiseau qui va mourir mais bouge encore. » Yves Bonnefoy regarde le monde, comme font ces gens qui, assis devant leur maison, se laissent distraire par le spectacle de la rue. L’étonnement se fait libération du désir de savoir.
 
Jérôme Serri

Salon du Livre de l’Antiracisme et de la Diversité (Dimanche 2 mai 2010)

La Fédération de Paris de la LICRA, la MAIRIE du 6e arrondissement de Paris et la librairie LA PROCURE ont le plaisir de vous convier au « Salon du livre de l’antiracisme et de la diversité » le dimanche 2 mai de 14h à 19h.

Parmi les auteurs présents, signeront leurs livres :

licra1.jpgJEAN-LUC ALLOUCHE – CLAUDINE ATTIAS-DONFUT – ELIE BARNAVI – CATHERINE BARRY – MARISA BERENSON – DERRI BERKANI – FATIMA BESNACI-LANCOU – LAURENT BINET – NINA BOURAOUI – JEAN-LOUIS BRUGUIERE – CHANTAL BRUNEL – SORJ CHALANDON – JEAN-FRANCOIS COLOSIMO – MICHELE COTTA – LOUIS-PHILIPPE DALEMBERT – PIERRE DARMON – MICHEL DREYFUS – JOSY EISENBERG – DANIELE EVENOU – EMMANUEL FILHOL – JEAN-PIERRE FILIU – ANTOINETTE FOUQUE (représentée par CHRISTOPHE BOURSEILLER) – CAROLINE FOUREST – DAN FRANCK – PATRICK GIRARD – BENOITE GROULT –

licra3.jpgRENE GUITTON – MIREILLE HADAS-LEBEL – MAREK HALTER – MARIE-CHRISTINE HUBERT – PAULA JACQUES – JEAN-NOEL JEANNENEY – LAURENT JOFFRIN – LIONEL JOSPIN – JACQUES JULLIARD – TRISSA KHATCHADOURIAN – VENUS KHOURY-GHATA – PATRICK KLUGMAN – GEORGES MALBRUNOT – ABDELWAHAB MEDDEB – ALBERT MEMMI – ALAIN DE MIJOLLA – EMMANUEL PIERRAT – JEAN-MARIE PONTAUT – GONZAGUE SAINT BRIS – DANIEL SIBONY – MOHAMED SIFAOUI – ALAIN-GERARD SLAMA – CHRISTINE SPENGLER – LUCETTE VALENSI – etc.

licra2.jpgDes tables-rondes et des débats auront lieu également lieu de 14h à 19h en présence de certains auteurs :

Et notamment :

Vers 17 heures : Table ronde sur La situation des femmes en france aujourd’hui avec Benoite Groult, Michèle Cotta, Fatima Besnaci-Lancou et Antoinette Fouque (représentée par Michèle Idels, Vice-Présidente de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie)

Dimanche 2 mai 2010 de 14h à 19h
Mairie du 6e arrondissement de Paris – 78, rue Bonaparte

Métro : Saint-Germain/Mabillon –
Parking : Place Saint-Sulpice

Contact – Frédéric : 01 45 08 08 08 – Entrée Libre

Gilbert Lascault évoque l’exposition de Mâkhi Xenakis (dans La Quinzaine Littéraire, du 1er au 15 mai 2010)

La Quinzaine littéraire du 1er au 15 mai 2010

maternite.jpg Arts – Les légions des soeurs par Gilbert Lascault

Mâkhi Xenakis, Maternité (2009) ciment armé teinté, fibre de verre, fourrure, tissus.

Sans cesse, la créatrice Mâkhi Xenakis (1) travaille. Elle sculpte, elle dessine, elle écrit. Elle invente des formes inattendues. Elle propose des séries d’oeuvres. Elle imagine les légions des soeurs, leurs multitudes, les kyrielles.

 
Exposition Mâkhi Xenakis Elles nous regardent…
Espace des Femmes-Antoinette Fouque
35, rue Jacob, Paris 6ème
8 mars – 30 mai 2010 
Mâkhi Xenakis médite souvent sur le Nombre, sur la féminité plurielle, sur les corps variés, sur leur épanouissement, sur leur densité douce et tendre, sur leur puissance impassible, sur leur force impartiale, sur une souveraineté sereine.
 
Actuellement (de 2007 à 2010), Mâkhi Xenakis sculpte ces êtres féminins étranges, des fétiches occidentaux, des poupées très roses et charnelles. Ce seraient des soeurs voluptueuses, des « Elles ». Mâkhi Xenakis les considère comme « les grandes créatures » et « les petites créatures ». Certaines sont isolées. Quelques-unes se causent, dialoguent, échangent des confidences, des espoirs, des déceptions, des désors ; elles sont peut-être voisines des Causeuses de Camille Claudel. « Deux « créatures » semblent être la mère et sa fille, évidemment plus petite. D’autres « créatures » forment un groupe, une réunion.
 
Ces « créatures » sensibles, sensuelles, séduisantes, ne ressemblent peut-être pas exactement aux femmes de notre terre. Elles viennent peut-être d’un autre astre. Leur peau semble douce, mate, duveteuse, presque soyeuse. Elles n’ont nul bras, de même que Vénus de Milo. Elles n’ont nulle jambe. Elles ont des seins massifs et leurs pointes sont érigées ; elles ont une fente discrète. Elles ont deux pieds (ou deux pattes ?). Leurs cheveux sont rares, légèrement ébouriffés. Elles sont nues. Impudiques ? Je ne sais pas… Elles semblent, quand même, coquettes ; elles portent au cou un ruban de velours pourpre, de même qu’Olympia (1863) de Manet… Les « petites créatures », relativement fragiles peut-être, sont protégées par des globes de verre, comme celles que l’on voyait dans les églises et qui préservaient des reliquaires. Et les « grandes créatures » s’installent sur des coussins épais de velours… Les yeux percés et perçants de ces « créatures » nous regardent, nous observent. Elles nous surveillent. Elles ne nous oublient pas.
 
A d’autres moments, de 1997 à 2004, Mâkhi Xenakis propose des sculptures différentes. Ce sont de longues et hautes figures sveltes, elles aussi féminines. Ces figures n’ont ni bras, ni jambes, ni pieds, ni seins, ni sexe. Au départ, l’artiste moule les têtes en plâtre (avec les trous des yeux, des narines, une bouche suggérée). La tête est portée par une tige filetée (un long cou) ; puis, elle se dresse au sommet d’un corps allongé qui serait une colonne grecque. Ces figures seraient des effigies, des doubles de femmes disparues et de déesses perdues, des formes dressées, des idoles hiératiques, des verticalités. En 2004, Mâkhi Xenakis réalise ces 260 sculptures, destinées provisoirement à la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière et aux jardins de l’hôpital. Ces effigies redoutables s’intitulent, alors, « les Folles d’Enfer », qui bouleversent Mâkhi Xenakis et nous troublent (2).
 
Ce texte de Mâkhi est à la fois un poème, un roman historique de la Salpêtrière et un rassemblement des archives de l’Assistance publique de Paris. Peu à peu, nous découvrons la Salpêtrière comme un lieu de souffrances et de terreur, comme une zone de cris et de supplices, souvent une détention souvent définitive dans la promiscuité et dans la puanteur… Le 14 mai 1657, Louis XIV, le Roi-Soleil, à 19 ans, signe les décrets du grand enfermement. Ce sera la rafle à l’aube. Interviendront les archers du roi qui attrapent tout ce qui arrive : « à la Salpêtrière on prend les femmes mendiantes/mais aussi/de plus en plus/les filles de joie/les folles/les orphelines/les libertines/les protestantes/les paralytiques/les crétines/les juives/les impies/les criminelles/les ivrognes/les mourantes/les sorcières/les mélancoliques/les aveugles/les adultérines/les homosexuelles/les épileptiques/les voleuses/les magiciennes/les convulsionnaires/les séniles/(…) ». La Salpêtrière mêle, entasse, amalgame celles qui sont méprisées et condamnées. La Salpêtrière les confond, les amalgame. Elle les enchaîne par les horaires, par les règlements méticuleux, par les messes, par les travaux sans relâche. Ce sont les cohues et les cohabitations, les foules des folles et des malheureuses.
 

Bien avant les « créatures » d’aujourd’hui, bien avant les effigies-colonnes, Mâkhi Xenakis suggère la féminité par les dessins (1988) ; elle les nommait, alors, les « petites bonnes femmes », solides, accroupies, énergiques… Et en 1992, elle évoque le féminin par les araignées, par la multiplication des pattes qui jaillissent, par celles qui tissent et piègent. Mâkhi aime l’araignée et la redoute ; dans un beau texte (en 2002, à l’Artothèque de Caen), Marie-Laure Bernadac appelle Mâkhi la « Spider-girl »…
Et, sur les murs de l’Espace des Femmes-Antoinette Fouque, les pastels
(2008-2010) de Mâkhi donnent à voir un foisonnement de boucles, de courbes, d’ondulations, la prolifération des cellules, l’exubérance de l’énergie vivace. Se devinent des mèches de cheveux, une colonne vertébrale, un entrelacs d’algues, les tentacules d’un poulpe monstrueux, des vides lumineux, des boucles incertaines, des fentes, des yeux. Se dessinent les forces tantôt centripètes, tantôt centrifuges. Mâkhi Xenakis traduit le mouvant, le fluide, le flottant, les chances de la vie.
 
1. Mâkhi Xenakis est née à Paris. Elle y travaille et crée. Son père était le musicien Ianni Xenakis ; sa mère, Françoise, est journaliste, écrivain.
 
2. Mâkhi Xenakis a publié plusieurs livres aux éditions Actes Sud : Laisser venir les secrets (2008), Les Folles d’enfer de la Salpêtrière (2004), Parfois seule (1999). Et aussi Louise Bourgeois : l’aveugle quittant l’aveugle (1998). A New York, Mâkhi rencontre Louise Bourgeois qui la sauve ; Louise et Mâkhi sont devenues des amies, des soeurs.