« Un petit essai de plaisir » sur Mozart

John-Frédéric Lippis, Dans le chœur de Mozart

Pianiste compositeur et fondateur de l’Académie de piano JF Lippis, l’auteur engrange en tout un livre son amour de Mozart. Il aime comme lui la légèreté, la transgression des normes, l’inépuisable liberté. Ce pourquoi le titre est un jeu de mots entre chœur et cœur, deux domaines qui entrent en résonance. Quoi de mieux en effet pour se sentir « ensemble » que de chanter à l’unisson ? Dans le chœur, la fraternité n’est pas un vain mot ; ce fut l’un des mantras de Mozart, qui l’a fait entrer en Maçonnerie avec La Flûte enchantée et aimer les Lumières.

L’essai est court et ne commence que page 13, mais il diffuse en deux parties et dix-sept chapitres un peu enflés l’infusion de Mozart. L’auteur en a été ébloui enfant, et surtout adolescent avec La marche turque et la Symphonie n°40 en sol mineur. Pas besoin d’être musicien et de toucher d’un instrument pour le comprendre intimement, tant la musique de Mozart pénètre chacun, quelle que soit sa classe sociale ou son niveau d’études, sans avoir à y penser.

Certains propos ressortent plus d’une émission de radio-copains que d’un « livre » mais quelques formules sonnent juste. « Il reste quelque chose de très marqué chez Mozart, c’est son incessante créativité et son désir de fuite, de liberté, vers la lumière, l’inconnu. Mozart bouge en permanence, et son répertoire est un magnifique catalogue de voyage, faisant rêver et donnant du bonheur » p.125. Avec Don Giovanni ou Don Juan, Jean voulant dire « jeune » : « Mozart était aussi un rendez-vous intime permanent. Il renferme dans son être en existence finalement tous les éléments qui font la vie, ses couleurs, ses drames, ses plaisirs, ses joies » p.119.

Un petit essai de plaisir.

John-Frédéric Lippis, Dans le chœur de Mozart, 2022, Lina éditions, 142 pages, €19,99 vente directe sur site

Le site de l’auteur

John-Frédéric Lippis sur le thème « La quête spirituelle habite t-elle toujours les grands artistes ? » invité de Marie-Ange de Montesquieu

« La quête spirituelle habite-t-elle toujours les grands artistes ? »

En Quête de Sens  09h05 Réécouter l’émission ICI

Joséphine Barbereau, crée les kits Little io qui proposent aux familles de découvrir avec les enfants les héros des mythes fondateurs à travers tous les arts. Elle collabore depuis de nombreuses années avec les éditions Diane de Selliers. Les grands mythes à travers l’art – Little io

Christian Doumet,professeur de lettres et écrivain. Vient de paraître chez Arléa-poche « Segalen ». Segalen : Arléa (arlea.fr)
Victor SEGALEN : poèmes, biographie, oeuvres et recueils (unjourunpoeme.fr)

John-Frédéric Lippis, pianiste, compositeur et auteur. Dernier livre paru « Dans le chœur de Mozart » (Lina Editions).
Dans le choeur de MOZART (johnfredericlippis.com)
L’auteur compositeur | Paris | John-Frédéric Lippis (johnfredericlippis.com)

François Cardinali repère le livre de Claude Rodhain

Oublier son enfance

Roman

C’est à une saga familiale dans la France d’après-guerre que nous convie Claude Rodhain dans Le Temps des orphelins, l’odyssée d’un enfant abandonné par ses parents, mais qui va tout faire pour s’en sortir.

Il y a du Dickens dans la vie du Charles de Le Temps des orphelins (*) ! L’histoire se déroule au début des Trente Glorieuses. Dans la France d’après-guerre, Charles est un orphelin qui ignore tout de sa famille. Brinquebalé de foyers en pensions, de familles d’accueil en maison de correction, il n’a qu’un seul but : s’évader pour découvrir la vérité sur ses origines. À 12 ans, il s’enfuit et traverse la France à pied. Direction Versailles, le siège de l’Assistance Publique. Là, il rencontre un frère et une sœur dont il ignorait l’existence. Ils lui racontent pourquoi leurs parents les ont abandonnés : c’était la guerre, la misère, la pauvreté… Charles a désormais une inépuisable soif de revanche sur la vie …

Avec ce roman, on sent que l’inspiration est un brin autobiographique. Claude Rodhain a connu un parcours difficile avant que de parvenir à la force du poignet à créer en 1974 un cabinet de Conseil en propriété industrielle qui représentait les intérêts de près de 1 000 entreprises. Après l’avoir cédé vingt-ans plus tard, il a rejoint le barreau de Paris comme avocat certifié en propriété industrielle. Également écrivain, il a donc nourri le récit sur la vie du petit Charles d’une partie de sa propre expérience : lui-aussi, il fut un bébé abandonné à l’Assistance publique durant l’Occupation par un père ivrogne et violent et par une mère qui était dépassée car devant élever ses cinq enfants avec les pires difficultés.

« Ce livre est mosaïque, comme le souvenir » sur « L’amputation » d’Eric Durand-Billaud

Eric Durand-Billaud, L’amputation

C’est un deuil, un cri d’amour et une psychothérapie que ce livre. Il est en hommage à l’aimé, au compagnon puis mari durant 33 ans : Patrice. Car le couple est celui de deux hommes bien dans leurs peaux, qui se sont rencontrés vers 24 ans en janvier 1988, l’un en sixième année de médecine et l’autre diplômé de Science Po et en DEA de droit international. Ils ne se sont plus jamais quittés, voyageant beaucoup, s’installant à Paris puis à Bruxelles en fonction de leurs métiers.

Patrice fut DRH de l’OCDE à Paris avant de prendre un poste équivalent à l’Otan à Bruxelles ; Eric fut médecin spécialisé en neurosciences, directeur du pôle santé des prisons de Fresnes puis de Fleury-Mérogis avant de devenir chef de service à l’hôpital universitaire Érasme de Bruxelles. La mort subite suivie de mise en bière (en Belgique) durant le premier confinement de Covid, sidère littéralement Eric. Patrice a eu un accident vasculaire cérébral, pas un Covid. Mais Eric ne s’en remettra jamais. Il entreprend, pas à pas, et avec le temps, le chemin d’une résilience. Son psy, qui sait écouter plus que théoriser, le fait avancer par lui-même. Le souvenir est tout pour faire son deuil : les cérémonies avec les amis et relations communes, les moments remémorés par l’écriture, les photos triées et regardées en face, les peintures pour extérioriser ce qu’on ressent.

Ce livre est mosaïque, comme le souvenir, regroupé en chapitres qui évoquent les instants de bonheur, les plaisirs partagés, les découvertes en commun. Il s’agit de voyages qui ouvrent l’esprit, d’expositions qui alimentent la culture, d’opéras qui immergent dans la musique, de gastronomie qui fait plaisir aux papilles et à l’être tout entier. Mais aussi de réflexions comme autant de chapitres sur le sens de la vie, l’enfer, les plaisirs, le suicide, la réanimation.

Sans l’aimé, le survivant est « amputé ». Ce mot brutal dit brutalement la brutalité de ce qui arrive ; il n’en est pas d‘autre. Comme l’amputé physique, l’amputé affectif ressent son membre absent, est incomplet sans lui. Une vie brisée à la cinquantaine est une injustice foncière, surtout lorsqu’on a eu une existence morale exemplaire, attentif aux autres et diplomate, toujours présent pour rendre service.

Un cri d’amour, car l’amour peut survenir aussi entre gens du même sexe, même si cela reste une minorité, même si ce n’est pas mon goût, même si cela « choque » les dogmes de nombreux croyants en religions « révélées ». L’être humain est trop divers pour devoir l’enserrer dans des rets outrageusement rigides et préétablis par une morale particulière figée éternellement par la culture du Livre.

Les droits d’auteur de cet ouvrage sont intégralement versés à l’association créée à la suite du décès de Patrice Billaud-Durand pour financer la recherche clinique et scientifique dans les maladies vasculaires du cerveau : www.lesamisdepatrice.com

Eric Durand-Billaud, L’amputation, 2022, éditions Chemins de tr@verse, 278 pages, €20,00 e-book Kindle €8,99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

« Ce nouveau livre frappe d’abord par sa vérité » sur « le temps des orphelins » de Claude Rodhain dans Actualitté

Le temps des orphelins, autofiction de Claude Rodhain

Avocat honoraire, désormais installé dans les Bouches-du-Rhône, Claude Rodhain a fort bien évoqué son parcours d’enfant abandonné devenu notable dans Le Destin bousculé, autobiographie parue chez Robert Laffont en 1986, deuxième prix des lectrices du magazine Elle, succès de librairie. Vingt-six ans plus tard, l’homme revient avec une suite, plus romancée, plus sombre aussi. Texte d’Étienne Ruhaud.

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Peut-on toutefois parler de suite au Destin bousculé ? Écrit, cette fois, à la troisième personne du singulier, Le temps des orphelins revient sur l’enfance même du héros. Claude Rodhain devient ainsi Charles Baudrin. Le « je » apparaît brièvement, mais une distance entre l’auteur et le personnage semble s’installer d’emblée. Nous ne sommes plus à proprement parler dans l’autobiographie, mais bien davantage dans l’autofiction. L’auteur revient sur son passé d’orphelin, comme l’annonce d’ailleurs le titre même du volume.

Le roman s’ouvre ainsi, tragiquement, sur la guerre, à l’hiver 44, sur la vision d’un soldat gisant à même le pavé. S’ensuit une série de malheurs. Accusé, à tort, de pyromanie, rejeté par sa famille d’accueil, Charles est expédié à Charonne, terrible maison de correction, près de Limoges. Il y fait l’apprentissage de la violence, de la cruauté des adultes, mais aussi de l’amitié, et d’une salvatrice révolte. Vagabondant, à pied, jusqu’au siège de l’Assistance Publique à Versailles, le garçonnet dénonce les exactions commises par « Chabaud », directrice sadique, et obtient ainsi gain de cause.

Condamnée suite à une inspection sérieuse, la Chabaud est démise de ses fonctions. Déplacé vers un nouveau foyer, Charles retrouve son frère Robin, ainsi qu’une sœur qu’il ne connaissait pas, se découvrant ainsi un passé d’enfant battu, maltraité, abandonné par ses parents. Entré en apprentissage, Charles suit en parallèle les cours du CNAM pour devenir ingénieur, se marie, très jeune, avec une certaine Sophie, fille de restaurateurs. Décidé à prendre sa revanche sur le sort, l’homme connaît une fulgurante ascension. Entré au service d’un certain Joseph Guilledoux de Questembert, homme trouble, Charles parvient, à force de travail et d’intelligence, à gravir les échelons, jusqu’à créer son propre cabinet de conseil, et à devenir riche, respecté, proche du pouvoir.

Failles…

Tout semble donc, a priori, sourire au self-made-man. Est-il pour autant heureux ? Obsédé par la figure d’une mère absente, la fameuse Mam-Two, l’homme demeure à jamais ce gamin avide, insatisfait, sevré de lait maternel. Attiré par le mystérieux Guilledoux de Questembert, devenu figure paternelle, et paternaliste, bel homme, séducteur, Charles ne parvient jamais à combler ce manque originel, cette béance affective, pas même en multipliant conquêtes et aventures d’un soir, ni même en accédant aux honneurs, à l’ordre national du mérite. Il n’était pas préparé au bonheur : tout semble résumé dans cette phrase.

Confronté, d’emblée, au deuil de sa famille, l’homme d’affaires brillant, qui a subi les avanies de l’Histoire (la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre d’Algérie, où il manque d’être tué), se trouve également traumatisé par la disparition de sa première épouse, puis par le suicide d’une fille souffrant de troubles psychiatriques, et enfin par le décès de son frère Robin. Une sorte de fatalité poisseuse semble s’attacher aux pas de cet homme, jusqu’à la scène finale, lorsque Charles, désormais éteint, échange quelques propos désabusés sur la vie avec un gamin. 

La littérature comme consolation ?

Moins flamboyant, moins positif, sans doute, que Le destin bousculé, ce nouveau livre frappe d’abord par sa vérité. Résolu à se livrer, par le truchement de la fiction, Claude Rodhain, devenu Charles Baudrin (et on notera la proximité onomastique des deux patronymes), offre au lecteur un récit vrai. Derrière la façade d’homme brillant, respecté de tous, président d’une association d’aide aux orphelins, derrière l’auteur à succès publié chez Robert Laffont, se cache un être fragile, meurtri, errant dans le cimetière d’Arcachon où repose sa fille, s’urinant dessus avant de se soûler au bar, désespéré.

Dès lors, la littérature apparaît comme un baume, une libération, une façon de livrer l’envers du décor, d’une image publique extrêmement flatteuse. D’où, sans doute, le style hyper réaliste, direct, propre à C. Rodhain : dépourvu de formation littéraire scolaire, mais grand lecteur, Rodhain/Baudrin, qui semble en outre apprécier le cinéma et la chanson, s’exprime en termes clairs, sobres, dépouillés. Comme s’il s’agissait justement d’être sincère, notamment lorsqu’on parle de sexe, d’échangisme, à travers quelques courtes scènes évoquant immanquablement Houellebecq.

Une poésie populaire, que d’aucuns jugeront maladroite, ou un peu surannée, affleure par endroits, à travers plusieurs passages lyriques, convenus, peut-être, et cependant touchants dans leur naïveté même : Une journée hors norme. Il a plu la veille. L’orbe du ciel est bleu, mais une fine vapeur monte du sol. La terre respire une mouillure blanche et parfumée. Le printemps se précipite à grands pas.

Un livre de la maturité :

Sur son blog, le critique « Argoul » parle d’un « livre populaire ». De fait, Le temps des orphelins se lit facilement, bien qu’on puisse déplorer la présence de certaines coquilles, et de certains anachronismes laissés par l’éditeur. Loin de toute audace stylistique ou formelle, Claude Rodhain, également auteur de polars et de romans historiques, semble se confier, se raconter, à travers son personnage de Charles. Loin des années 80-90, des décennies du « fric », où tout paraissait facile, où tout roulait, Le temps des orphelins révèle une certaine mélancolie. Désormais octogénaire, Claude Rodhain établit un bilan doux-amer. 

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Claude Rodhain City Editions
Le temps des orphelins
22/06/2022 300 pages 19,00 €