« Lettres Capitales » conquis par « Jasmine Catou détective » décide de faire une interview

LE BLOG LITTÉRAIRE DE DAN BURCEA

Interview. Christian De Moliner :

« J’ai Pris Un Chat, Car Un Félin Suscite Naturellement De L’empathie Chez Les Lecteurs »

Christian de Moliner publie « Jasmine Catou détective », un livre composé de cinq textes courts et savoureux qui tournent autour des aventures d’Agathe, agent littéraire trentenaire, et de son chat qui, grâce à ses dons extraordinaires, mérite de devenir, selon lui, tout aussi célèbre que Sherlock Holmes. En bon greffier de l’invraisemblable, l’auteur note le comportement pour le moins étonnant de cette « jolie chatte au poil soyeux et aux yeux verts » qui sauve à plusieurs reprises sa maîtresse des situations embarrassantes. Histoires vraies ou purs récits de fiction ? La frontière entre ces deux genres est traversée par tant d’événements riches en intrigues qui brouillent leurs pistes et font de ces brèves narrations de vrais canevas à la lisière du polar et du fantastique.

Quelle est l’origine de ce livre sur les aventures d’un félin détective ?

J’avais en tête un modèle inspiré de Sherlock Holmes donc des nouvelles et pas un roman, du moins dans un premier temps. J’ai essayé de prendre un thème original et l’idée m’est venue de choisir un détective animal, qui pense et qui écrit l’histoire en utilisant « je », tout en restant un félin. Elle ne peut pas parler, ne peut agir que comme un chat et a donc des difficultés à se faire comprendre quand elle a résolu l’énigme, ce qui est un des ressorts de mon livre.

Qui est Jasmine Catou et qui est Agathe sa maîtresse ?

Pour m’amuser, je me suis inspiré librement de mon attachée de presse Guilaine Depis et de sa magnifique chatte qui s’appelle bien Jasmine Catou. Guilaine m’avait mis au défi d’écrire un livre mettant en scène son félin.

Pourquoi vouloir présenter les cinq textes qui composent votre livre comme tout autant d’énigmes (mot prometteur) posés à Jasmine ?

J’ai cherché un mot qui définisse mes nouvelles. J’ai écarté enquête car dans mes histoires une seule nouvelle est vraiment une enquête policière. Comme l’une d’entre elles est la résolution d’un rébus, ce mot énigme m’est venu tout naturellement.

Fantômes, marabouts, rébus, pertes et morts inexpliquées, sont tout autant de sujets qui peuplent vos récits. Comment les avez-vous choisis ?

Je suis bien incapable de vous répondre ! Je me suis inspiré d’un repas chez Guilaine (où il ne s’est rien passé, je rassure les lecteurs !) pour la première histoire. Pour les autres elles sont apparues spontanément dans mon esprit, sans que je sache pourquoi et sans que je puisse leur attribuer une origine précise. Voilà la magie de l’inspiration littéraire.

Comment définiriez-vous le tandem Jasmine Catou – Agathe dans l’économie de votre livre ? Peut-on dire que c’est un couple idéal pour construire une intrigue de polar ?

Dans le couple Sherlock Holmes Watson, Watson sert de faire-valoir et explore les pistes possibles et les solutions éventuelles (toujours fausses !). Agathe réfléchit à haute voix (c’est pour cela qu’elle discute avec son amie, son amoureux ou ses invités) elle sert à faire avancer l’intrigue, mais le dernier mot revient toujours à Jasmine.

Jasmine occupe la position du narrateur omniscient. Peut-on dire que vous lui avez cédé symboliquement cette fonction ?

Bien sûr ! Cela m’a amusé que Jasmine soit la plus sagace du couple d’enquêteurs, mais qu’elle soit muette. J’ai pris un chat, car un félin suscite naturellement de l’empathie chez les lecteurs.

Entre Agathe et Jasmine Catou, il y a une vraie complicité, voire un lien d’affection. Comment Agathe vit-elle cette relation ?

Elle est folle de son chat ! C’est son enfant, sa fille, la prunelle de ses yeux. Et Jasmine adore aussi sa maîtresse qu’elle appelle toujours maman ou ma mère. C’est le cas de la vraie Jasmine Catou et de Guilaine Depis. Je n’ai eu qu’à reproduire leurs liens.

De façon plus générale, croyez-vous que la présence d’un animal de compagnie a un effet rassurant et bénéfique sur les gens, à l’exemple de ce couple de personnages que vous nous présentez dans ce livre ?

Je le pense en effet ! Comme je l’ai déjà dit j’ai cherché à susciter l’empathie du lecteur surtout que j’ai mis la photo de la vraie Jasmine qui est magnifique sur la couverture pour attendrir petits et grands.

Y aura-t-il une suite à ces merveilleuses aventures de Jasmine Catou détective ?

Oui j’ai déjà en tête une nouvelle histoire qui passera lors d’un concours de beauté pour « chattes ». Quand j’aurai fini les tâches littéraires auxquelles je me consacre actuellement je commencerai la rédaction de cette nouvelle. Ce nouveau volet n’est pas encore finalisé, je laisse donc mûrir dans mon inconscient afin qu’elle soit la plus percutante possible.

Interview réalisée par Dan Burcea

Christian de Moliner, « Jasmine Catou détective », Éditions du Val, 2019, 110 p.

 

Marie Desjardins, excellente lectrice de « Camille » de Thierry Caillat, pour La Métropole

Un livre de plus sur Camille Claudel, mais pas n’importe lequel

par Marie Desjardins

Publier aux éditions de l’Harmattan n’est pas toujours bon signe.

Cela veut souvent dire que le manuscrit a été refusé par les maisons dites bonnes, ou encore prestigieuses. C’est un cercle vicieux : les pontes de la critique littéraire ne rendent compte que des parutions desdites bonnes maisons, et de celles des auteurs connus – les maisons ne publient que ce qui nourrira cette industrie formatée du mérite. Du reste, grâce à l’Harmattan (et c’est le but heureusement atteint), une chance estparfois donnée d’exister à ce qui en vaut le coup.

C’est le cas de Camille, paru en 2019, et portant sur la célébrissime sculptrice. L’auteur, Thierry Caillat, précise qu’il s’agit d’un roman. Le texte est néanmoins truffé de citations tirées de correspondances, témoignages, documents divers, ce qui le rapproche bien davantage de la biographie mise en scène avec habileté et rigueur. Caillat a respecté la méthode propre du biographe, en se mettant notamment à la sculpture pour mieux comprendre l’œuvre de son sujet (et il y réussit très bien), mais aussi en relatant fidèlement les faits connus à l’intérieur de balises assez strictes.

Pour qui ne sait pas grand-chose de la vie de Camille Claudel, sœur de Paul, amante de Rodin, flamme de Debussy, etc., le texte proposé par Caillat – féru de musique et d’architecture, auteur sur le tard – est très efficace : documentation soignée, facture classique, vocabulaire riche et un tantinet suranné évoquant d’autant mieux l’époque, volonté psychologique, chronologie impeccable, mise en contexte respectée, très bonne description des œuvres. Le cocktail est gagnant même si linéaire, parfois convenu, et dépourvu d’une réelle originalité de point de vue et de composition.

Ce n’est pas un reproche. La démarche de Caillat, sous le label roman, est importante et louable puisqu’elle est celle de la liberté d’expression que lui permet ce label, et il en faut. Ainsi l’auteur propose une interprétation – son interprétation sensible – de cette vie aussi flamboyante que désastreuse, d’une infinie tristesse. Les grandes lignes de l’existence morcelée de Camille Claudel sont connues – l’avant, et l’après. Mais le travail très attentif de Caillat remet les choses en perspective, à sa façon, en ce qui concerne cette figure clivante. Lorsque Camille fut enfin extirpée de l’oubli, des décennies après sa mort anonyme, d’abordpar Henri Guillemin et Jacques Cassar, l’interprétation traita beaucoup de l’injustice de cette existence – une femme coincée dans son époque, sans droits, abusée, mise à l’écart, internée par sa propre famille et développant par conséquent un comportement agressif – la bête se défend. Puis, le dépouillement des archives a montré par exemple que le frère avait eu ses raisons d’engloutir sa sœur une fois pour toutes, et que l’amant-mentor-patron avait aidé sa maîtresse rebelle en toute discrétion, jusqu’à son dernier souffle – à lui.

Il n’en reste pas moins que Camille Claudel a fait les frais – astronomiques – « de la solitude d’une vocation et de l’incompréhension qui l’entoure », selon la formule de Blanche Morel, auteur de Méprise. Cela est clairement montré par Caillat, bien qu’avec une indulgence parfois limite pour Paul Claudel, ce génie bien-pensant qui se pavana d’un pays à l’autre et d’une femme à l’autre tandis que sa sœur périclitait chaque jour un peu plus, d’un atelier à l’autre dans son cas, à courir après tous les subsides qui ne venaient jamais, à quémander, à jongler avec les piètres deniers qu’elle récoltait de son travail acharné, remarquable, évidemment, et qui enrichit jusqu’au milliard tant de galeristes après sa réhabilitation…

Certes, la question (quasi politique) suscitée par un tel parcours est systématiquement la suivante : pourquoi aurait-il fallu entretenir l’imbuvable de la famille alors que les autres réussissaient? À chacun sa croix! Oui, bien sûr. Sauf que… Et merci à Thierry Caillat d’avoir cité cet extrait particulier et d’une immense lucidité de la déchirante correspondance de Camille à l’asile : l’artiste enfermée s’étonnait que sa propre mère investisse tant pour la garder derrière les barreaux, alors que pour la faire s’épanouir en liberté, quand il en était temps, sa bourse ne s’était déliée qu’avec des grincements de dents virant aux craquements.

L’injustice de cette vie se situe exactement là. Du fond de sa cellule, la pauvre fille ne cessa de réclamer une petite place auprès de sa mère plutôt qu’au milieu de criardes édentées qui furent ses compagnes au cours des trente dernières années de son existence sabotée, alors que tout courrier (envoyé et reçu) était intercepté selon les instructions de la mère. L’aliénation était, ainsi, totale. Avec son Camille, Thierry Caillat propose de revisiter toute cette affaire, cette vie. Il le fait avec beaucoup de classe, de respect, de pondération en ce qu’il tente systématiquement de faire la part des choses, de cœur et, autant le dire, de talent.

 

 

 

 

 

 

 

Breizh-Info recommande l’essai de Daniel Horowitz

Chronique littéraire. « Leibowitz ou l’absence de Dieu » de Daniel Horowitz

L’auteur est né en Suisse où ses parents s’étaient réfugiés pour fuir les nazis. Il est rentré ensuite à Anvers où il a travaillé jusqu’à sa retraite dans l’industrie diamantaire avant d’émigrer à 60 ans en Israël. Son dernier livre évoque la figure singulière de Yeshayahu Leibowitz qui fut l’un des penseurs juifs les plus remarquables du XX ième siècle. M. Leibowitz est né à Riga en Lettonie en 1903 et est mort en 1994 à Jérusalem.

  Il a commencé ses études en 1919 à Berlin où il a obtenu en 1924 un doctorat de chimie et un autre de philosophie. Il décroche ensuite en 1934 un doctorat de médecine avant d’émigrer la même année en Palestine où il enseigna la chimie organique, la biochimie et la neuropsychologie à l’université hébraïque de Jérusalem jusqu’à sa retraite en 1973.Il est connu pour des travaux sur la physique quantique. Après sa retraite il continua à enseigner la philosophie. Il fut aussi rédacteur de l’Encyclopédia Hebraïca pour laquelle il rédigea de nombreux articles tant scientifiques que philosophiques ou religieux. Ses prises de position contre l’occupation de la Cisjordanie, en faveur des objecteurs de conscience et sa déclaration en pleine invasion du Liban en 1982, dans laquelle il dénonçait l’existence d’une mentalité « judéo-nazie » lui valurent de solides inimitiés.

Quand il reçut le prix Israël en 1992 le Premier ministre de l’époque Yitzhak Rabin refusa de participer à la cérémonie de remise du prix. Pour autant, M. Leibowitz s’est toujours montré un fervent partisan du sionisme et du droit pour les Juifs d’émigrer en Israël. Il fut officier dans la Haganah pendant la guerre d’indépendance de 1948.

Le livre présente principalement la position de M. Leibowitz sur le rapport qui doit exister entre les hommes et Dieu. Sa pensée est fort complexe, mais on peut en première analyse estimer que M. Leibowitz est athée, car par rationalisme il exclut toute intervention divine dans la Nature et dans l’Histoire. Il est le premier penseur du judaïsme à appeler explicitement à renoncer à l’illusion de démontrer l’existence de Dieu. De même, il estime que la scène sur le Sinaï ou Jéhovah aurait donné les tables de la loi à Moïse ne se peut se concevoir que comme une allégorie. Pour lui la Torah n’est pas sainte car écrite par une main humaine. Il en est de même pour le mur des Lamentations.

Cela posé, M. Leibowitz est un commentateur pertinent et un disciple du grand penseur juif du XII ième siècle Maïmonide, même si son interprétation du judaïsme diffère quelque peu de la sienne.  Et paradoxalement, alors que M. Leibowitz affirme que Dieu est hors de ce monde, il préconise le respect des dix commandements et des lois particulières juives, même s’il est partisan de les adapter au monde moderne notamment en ce qui concerne le rôle de la femme.

Le livre de M. Horowitz ravira ceux qui, chrétiens, juifs ou musulmans essayent de comprendre les rapports entre les hommes et Dieu si tant est que celui-ci existe. Il présente clairement une pensée complexe et puissante d’un penseur original, digne continuateur de Spinoza et Maïmonide.

Christian de Moliner

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

François Deymier reçoit Sophie Reverdi pour un long superbe entretien d’une heure sur BTLV

François Deymier reçoit Sophie Reverdi pour un long superbe entretien d’une heure sur BTLV : émission à réécouter ici https://www.youtube.com/watch?v=MSNPNDZW89s&fbclid=IwAR2VRx6P_-40wM6y08K0QlwQPMVv2C2Y_6cMnsB1HwEa9wyo8V8BKsKxmx4

Une vie entière dédiée à combattre le fléau du siècle, l’obésité, décrite par l’OMS comme la première épidémie non contagieuse de l’humanité et décimant plus de 7000 personnes par jour dans le monde, Sophie Reverdi qui vient d’écrire l’intuition du zéro coupé, répond aux questions de François Deymier sur Btlv, dans  » Et si on allait mieux… »

« le plus beau livre que Critiques Libres aura lu de cette année 2019. », c’est « L’intuition du zéro coupé » de Sophie Reverdi

L’histoire d’une femme véritable

Quelle personne merveilleuse que l’auteur de ce livre ! Sophie Reverdi a, toute jeune, juré de consacrer sa vie à lutter contre une maladie bien de notre temps : l’obésité. Mais sans douleur. Car elle, Sophie, toute jeune, enfant, adolescente, en a souffert plus que sa part. Car elle a maigri dans la douleur.

On peine à croire tout ce qui est dit ici, mais les détails sont précis, les gens sont nommés, les lieux reconnus, et des photos émouvantes viennent en appui au récit. Sophie Reverdi, plus que sa vie, nous narre son œuvre.

L’histoire commence comme souvent bien avant la naissance de la narratrice. C’est au centre obscur de l’Europe qu’une jeune femme, que la photo nous révèle merveilleusement belle, comme savent l’être les Roumaines, échappe de justesse aux nazis. C’est la mère de Sophie. Cette jeune fille très éduquée va tomber sans cesse de Charybde en Scylla, car il ne fait pas bon être en Bessarabie, c’est-à-dire en Moldavie, dans les années quarante, surtout si l’on est un peu Tsigane.

Sauvée de justesse de l’envoi en camp de concentration, emmenée en Occident par un premier mari, la jeune femme se retrouva finalement fort mal mariée en secondes noces à un tyran domestique, à qui elle donna une fille, sa seconde, Sophie.
Dire que la famille est malheureuse est loin en dessous de la réalité : Sophie le supporte mal et mange, mange, mange, jusqu’à devenir, dit-elle, monstrueuse. 


Toute la première partie de ce récit concerne les mésaventures familiales, et nous plongeons en apnée dans le monde de cette Mitropa si complexe aux confins de la Roumanie menacée par l’Union soviétique. C’est tout un autre monde, souvent évoqué par Stefan Zweig, aux habitants talentueux et courageux, car dans toutes les bonnes familles on apprend la littérature, la musique et tant d’autres choses. Alors que leur monde s’écroule, ils parviennent in extremis à rejoindre l’Occident encore épargné, mais plus pour longtemps. Nous découvrons l’infinie débrouillardise de ces fugitifs sans cesse menacés.

Évidemment, pas question de revenir en Roumanie après 1945. Quelques années plus tard, le père juge le jeune Ceaucescu peu digne de confiance…
Sans insister, Sophie Reverdi évoque quelques belles personnes qui ont croisé le destin familial, formidable collection d’artistes, intellectuels, gens de toute sorte, tous sachant tout faire, et avec talent. Tout un monde perdu. Au génie européen s’ajoute le génie des désespérés.


Un jour, elle naît dans une famille qui se décompose déjà dramatiquement. Son enfance malheureuse, autour d’une mère atteinte de mélancolie profonde, la laisse sur le carreau. Elle devient le mouton noir de la famille, la seule qui ne sache rien faire, celle qui, de toute façon, est un zéro. Un zéro coupé, même, invente son père. Elle devient alors une handicapée : elle est obèse. Son enfance tourne en une vie de frustrations et de misère, jusqu’à ce qu’un séjour écourté dans un camp de vacances américain pour enfants suralimentés lui provoque une épiphanie salvatrice : elle sauvera les obèses de leur lourd destin. Ce sera le sien. Le zéro coupé a trouvé le but de sa vie et s’y consacrera sans jamais abandonner.

Elle maigrit. C’est sa première tâche. C’est terrible. La méthode est abominable, mais cela marche. Sophie rencontre des gens extraordinaires, encore, un tailleur pied-noir, un musicien de rock, un coach suédois ; elle passe son bac, apprend la gestion des établissements hospitaliers, s’épanouit et n’oublie jamais. De belles photos anciennes de sa famille, jusqu’à ses grands parents et de gens qui ont croisé sa vie, donnent un visage à ces silhouettes évoquées souvent trop succinctement. Mais le récit ne traîne pas, il est dense, varié, oblige parfois à y revenir, et l’auteur sait mener le suspens, ce qui, pour un livre de souvenirs, est exceptionnel.
Nous découvrons aussi, au passage, la mutation d’une adolescente certes jolie, mais difforme qui, au sortir de sa chrysalide, devient une jeune femme à la beauté rayonnante, puis maman.


On pourrait craindre que passer des tribulations d’une famille en détresse à la construction d’un centre de traitement de l’obésité serait l’occasion d’une baisse de la densité du récit. Il n’en est rien. Sophie – qui n’est pas encore Reverdi – sait compliquer son existence au-delà du pensable et c’est, on reconnaît là l’Europe centrale, en tout compliquant qu’elle saute tous les obstacles.
C’est en Tunisie que l’histoire se poursuit. Et de nouveau tourne le carousel de ministres, de médecins, de toute une société intelligente, d’un jeune homme qui saisit l’affaire de sa vie, et deviendra un précieux factotum.

Enfin l’institut ouvre dans un faubourg de Carthage… et, les premiers patients, immanquablement, deviennent des amis. Point de routine, pourtant, une méthode s’invente, et les gens maigrissent. Mais tout serait trop simple et la politique s’en mêle, tant et si bien que Sophie, devenue Reverdi, ouvre un centre à Paris, et tout recommence, avec de nouvelles têtes, un autre défilé de personnes bienveillantes (les autres ont dû passer à la moulinette temporelle, mais, c’est le miracle Reverdi, elles ne sont pas oubliées et réapparaissent un jour. L’amitié de Sophie est sans faille.

Le récit s’achèvera bien plus tard, dans une ribambelle de remerciements et d’éloges pour tout le monde car s’il est une autre chose merveilleuse dans cette Intuition du Zéro coupé, c’est que l’héroïne et narratrice ne s’attribue presque rien, sinon une opiniâtreté à toute épreuve. Tout est toujours présenté comme le résultat de l’aide qu’elle a reçu, du dévouement de ses amis, de l’intérêt que portent des personnalités à son projet, c’est presque comme si elle n’y était pour rien. C’est rare, c’est précieux. On se prend parfois à se dire qu’elle exagère, mais sa modestie est stupéfiante et surgit déjà « un homme merveilleux », une femme admirable » qui permet la réalisation d’un élément du projet.

Que dire d’autre enfin ? Le récit est tenu de bout en bout dans une langue d’une simplicité et d’une précision parfaites. Point de gras, si on peut dire, mais des rebondissements à chaque page. Se lit comme un polar, en somme.

Une annexe présente, de manière assez publicitaire, le programme « Smart and Light », c’est ainsi qu’elle l’a baptisé, en quelques pages. En parler n’est pas de mon ressort, mais vous pourrez consulter le site de Smart and Light ici : https://www.smartandlight.com



Sans doute le plus beau livre que j’aurai lu de cette année 2019.
 François MARTINI

Guy Vallancien troque son costume de clinicien pour celui de philosophe dans Causeur

Guy Vallancien troque son costume de clinicien pour celui du philosophe

Il publie « À l’origine des sensations, des émotions et de la raison »

Dans son essai, À l’origine des sensations, des émotions et de la raison – sous-titré « J’aime donc je suis » – l’ex-urologue Guy Vallancien nous éclaire d’une lumière qui n’est pas exclusivement scientifique ou médicale. Le médecin nous parle des hommes comme un homme. Il troque son costume de clinicien pour celui du philosophe.


Cet essai est d’abord le récit d’une épopée. Guy Vallancien cherche à comprendre ce que l’homme recèle de mystères et de complexités avec, pour point de départ, rien de moins que le grand néant originel. Les questions d’actualité se mêlent, immanquablement, aux questionnements fondamentaux qu’il pose, sans toutefois verser dans un manichéisme infructueux. Il n’y a pas, en effet, le Bien technologique d’un côté face au Mal ancestral de l’autre. Son propos est bien plus nuancé et subtil. Qu’une intelligence artificielle advienne et soit, sans doute, logiquement supérieure à celle de l’homme est un fait avec lequel il nous faudra, à l’avenir, composer.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César !

En revanche, et c’est là toute la portée de la réflexion : jamais une intelligence purement calculatrice, froide et désincarnée ne viendra détrôner la magistrature intellectuelle des hommes. Qu’on le veuille ou non, l’être humain ne sera jamais assimilable à un robot. Il faut donc rendre à César ce qui appartient à César et reconnaître en l’homme ce qui constitue son irréductible spécificité humaine.

Un traité de philosophie

Chemin faisant, Guy Vallancien ôte donc le costume du clinicien pour celui du philosophe. C’est contre une tradition solidement ancrée qu’il s’inscrit en faux. Refusant de considérer l’homme comme une machine, c’est contre le dualisme cartésien (et de beaucoup d’autres philosophes) que se dresse cet ouvrage. « Ce n’est pas parce que je pense que je suis, mais parce que je ressens que je deviens ». À la raison surplombante – « la raison est la seule chose qui nous rend hommes »(1) – défendue par Descartes, Guy Vallancien lui oppose un recours aux sens et un retour des sensations. L’homme n’est donc pas qu’un être rationnel que les sens trompeurs viendraient ébranler. Jetant un pont entre le ressenti et le devenir, cet essai prend des allures fermement existentialistes.

La liberté – puisque c’est bien, en filigrane, de cela dont il est question – est une chose qui demeure exclusivement humaine mais qui ne consiste toutefois pas à prendre le seul parti de l’entendement. C’est que l’intelligence, et plus généralement, la nature humaine sont bien plus que cela : « les post-humanistes méconnaissent totalement le rapport qui nous font exister, combinant le physique au psychique ».

Une réhabilitation du sensible

Il convient donc de « cerner l’Homme dans sa plénitude ». Et la sensibilité humaine est résolument partie prenante de cette plénitude. Bien qu’il n’y soit jamais question en tant que telle dans ce livre, c’est bien la sensibilité qui subsume les sens, les sensations, les émotions. Guy Vallancien nous explique alors que notre présent, du moins tel que les sujets vivants le perçoivent, est d’abord affaire de reconstitution des sens passés. L’homme est donc avant tout un être animé par un passé, un vécu, qui n’a cependant rien du déterminisme : « je m’invente sans cesse » (idée, par ailleurs, essentielle dans la question ontologique fondamentale chez Heidegger, rien de moins !). C’est précisément là que réside toute la subtilité de la nature humaine : la frontière est ténue entre l’expérience vécue et la liberté constitutive et originaire qui amène l’homme à se transcender lui-même et pour ses idéaux. L’être humain est donc définitivement irremplaçable car son existence propre n’est pas réductible à un algorithme.

Cette complexité est le corollaire même d’une sensibilité proprement caractéristique de l’homme. C’est qu’on ne demandera jamais à un robot de nous faire rire, pleurer ou de nous émouvoir : Bach, Chopin, Mozart ou Rembrandt étaient bien des hommes. De cette réhabilitation du sensible, c’est aussi une conclusion politique qu’il convient de tirer.

Guy Vallancien se fait le chantre légitime d’une « unicité de l’être ». Idée qui n’est pas profonde que par la formule. En effet, c’est en reconnaissant à l’homme toute sa dimension sensible que l’on substituera à l’individualisme délétère une individualité précieuse. C’est à se demander si, derrière les débats relatifs à l’intelligence artificielle ou à l’homme augmenté, il n’y aurait pas une forme de vanité des hommes de se faire à leur image. Mais la créature a toutes les chances de n’être qu’illusoirement la réplique du créateur, puisque les hommes sont tous, par définition, des êtres uniques et singuliers.

Préserver la spécificité humaine

La question n’est donc pas de savoir si les robots seraient possibles ou souhaitables, mais plutôt celle de la préservation d’une spécificité humaine, ou plus encore, d’une spécificité des hommes. L’auteur évoque l’indigence d’une « civilisation qui privilégie l’objet analysable au détriment du sujet insondable ». À cela, il oppose la « densité d’être » qui, elle, repose sur la complexité et la richesse de l’intrication des « variantes émotionnelles et créatrices ».

Au fond, ce qui façonne l’homme et l’humanité toute entière, ce sont d’abord les relations intersubjectives. Quid de l’amour, de l’art, du génie, de la beauté du monde, de l’histoire et de l’héritage dans une société devenue régie par la robotique ? Car « c’est en sortant de soi-même pour s’immerger dans la relation interpersonnelle (…) que l’on devient humain, profondément humain, intégralement humain ».  L’ancien praticien de confesser que tout médecin, quelle que soit la spécialité, demeure avant tout un peu psychologue. Le patient demeure avant tout un homme, et sera toujours plus réceptif à l’humanité de son interlocuteur qu’à l’austérité de sa technique.

A l’origine des sensations, des émotions et de la raison: J’aime donc je suis

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« Le Testament du Tsar » à l’honneur sur Atlantico, un précieux regard franco-russo-hongrois sur la géohistoire de l’Europe orientale

GEOPOLITICO-SCANNER

Un regard d’Est en Ouest : géohistoire de l’Europe orientale contemporaine

Ainsi qu’on peut l’observer depuis les élargissements successifs de l’Union européenne à des pays d’Europe orientale et centrale jadis soumis au joug soviétique et libérés depuis la chute du Mur de Berlin et de l’ex-URSS, l’Europe est loin d’être réunifiée. Plus que jamais, un double rideau de fer géopolitique, idéologique, sociologique et historique divise les pays du Continent européen: tout d’abord la « ligne de front civilisationnelle » (pour paraphraser Samuel Huntington) qui sépare et souvent oppose, l’Europe atlantiste-occidentale et la Russie, et ensuite la ligne de haute tension qui oppose politiquement et sépare psychologiquement les pays de l’Europe orientale et centrale (entrés dans l’UE depuis 2004, marqués par le populisme « illibéral » à la Orban), attachés à leur identité chrétienne et marqués par un fort anti-communisme, et, de l’autre côté, une Europe de l’Ouest historique engluée dans son politiquement correct, hostile à l’identité assimilée aux vieux démons. Malgré ce constat, force est de reconnaître que les lignes bougent. Alexandre del Valle a rencontré pour s’en convaincre l’écrivain, publiciste et stratège franco-russo-hongrois Youri Fedotoff, fin observateur géopolitique qui incarne par ses origines ces divisions continentales et qui vient de publier un roman épique (« Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945″*), où la fiction et le fait historique se conjuguent  pour nous offrir un éclairage historique d’Est en Ouest aux origines de l’Europe orientale contemporaine.

Le constat de cette double division du continent européen reste valable et se vérifie chaque jour. Cependant, force est de constater que rien n’est fixe en géopolitique et que les « temps longs de l’Histoire » chers à Fernand Braudel et aux stratèges restent prégnants. C’est ainsi que depuis la visite du président russe Vladimir Poutine au président français Emmanuel Macron au Fort de Brégançon, en août dernier, le dialogue entre la France et la Russie a semblé se confirmer après des années de mésentente, en particulier sous le quinquennat du très atlantiste et « moraliste » François Hollande entouré de russophobes. Les échanges, cette semaine entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine rapportés à la presse au sujet du conflit Syrien et de l’éventualité de la tenue prochaine d’une conférence sur la question ukrainienne renforcent l’impression que le président français est bien plus pragmatique et adepte des temps longs de l’Histoire de la France, allié traditionnel de la Russie. Ce changement d’orientation de la politique étrangère française semble aussi s’étendre à l’Europe centrale, avec la réception de M. Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie à l’Élysée le 11 octobre dernier. Le pragmatisme indispensable à la diplomatie semble prendre le pas sur les incantations idéologiques. Mais cette tendance est-elle durable? Seul l’avenir le dira. Notre expert-romancier russo-hongrois continental a son mot à dire à ce sujet, éclairé qu’il est par l’histoire, outil du passé incontournable pour comprendre le présent et envisager les scénarios d’avenir.

Alexandre Del Valle : Dans votre roman, saga épique qui se déroule sur trois continents, et qui traverse une révolution puis deux guerres mondiales, la fiction et le fait historique se conjuguent et les  personnages dont nous suivons les aventures paraissent servir un véritable éclairage historique concernant une Europe orientale encore très mal connue de l’Occident. Dans votre roman géohistorique, conservateurs, libéraux et révolutionnaires incarnés par les familles Trepchine, de Villeneuve et Boulganov, s’affrontent tout au long de cette période tragique du début du XXe siècle. Quelle est l’originalité de votre point de vue d’Est en Ouest ?

Youri Fedotoff : A l’origine, il y a une interrogation universelle qui perdure encore et qui a été soulignée à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale avec le succès considérable de l’essai de Christopher Clarck «Les Somnambules » : Comment l’Europe relativement en paix, pénétrée des espérances du progrès et qualifiée de « belle époque », a-t-elle pu sombrer dans le plus meurtrier des conflits que l’on ait connus depuis les guerres de religions?… 

ADV : Mais votre livre ne se déroule pas seulement sous la Première Guerre mondiale et la révolution russe ?

YF : Non, et c’est sur ce point que ce regard d’Est en Ouest est différent. Outre-Rhin et jusqu’en extrême orient, le conflit né en 1914 s’est poursuivi jusqu’en 1945 et au delà. A l’Est, l’armistice du 11 novembre 1918 n’a pas ramené la paix civile comme en Occident. Il n’y a pas eu de récréation entre les deux guerres. Les sociétés allemandes, d’Europe centrale et de la Russie, ont été totalement déstabilisées. Elles ont ainsi connu la guerre civile, le chaos économique, la famine puis une insécurité permanente. 

ADV : Vous ne semblez pas prendre un parti idéologique, ni glorifier une nation en particulier, même si l’on ressent parfois une certaine nostalgie des anciennes monarchie russe et austro-hongroise ?

YF : Mes parents russes et hongrois ont été acteurs de cette époque. Je suis dépositaire de leur témoignage vivant. Cela me place dans une situation différente de mes compatriotes français. Je n’ai pas un point de vue clinique occidental sur cette époque. La volonté de me dégager du chagrin de la névrose et de l’acrimonie qui sont propres à l’exil et au déracinement m’a porté, en tout cas je l’espère, au-delà des idéologies et des nationalismes. 

ADL : Pourtant, vos personnages sont des incarnations idéologiques puissantes ?

YF : Les deux confits totalisent environ cent millions de morts. Il faut bien qu’il y ait eu quelques forces idéologiques pour arriver à ce résultat monstrueux. 

Selon le camp des vainqueurs ou des vaincus, naturellement, chacun a ses raisons. Trepchine, le filleul du Tsar, veut rétablir la monarchie en Russie. Son ami Boulganov, adjoint de Trotsky, combat pour le triomphe de la révolution rouge. 

Les de Villeneuve, associés de la banque Morgan, sont des ardents militants pour la démocratie libérale. Ce qui m’a intéressé ici, c’était par conséquent de placer chacun de ces personnages face à l’Histoire et à leurs contradictions en écartant tous manichéismes et tout lieux communs. 

ADL : Identifiez-vous des ressorts historiques fondamentaux ?

YF : Après le chaos de la première guerre mondiale, la nécessité de rétablir un ordre civil précaire au delà du Rhin a finalement entraîné la dictature Stalinienne en Russie puis Hitlérienne en Allemagne. Le totalitarisme rouge ou brun n’est pas tombé de la lune. Impuissant à vaincre la Russie bolchévique, l’Occident a fini par la reconnaître en 1924 et a commercé avec elle. Après les échecs des démocraties libérales en Allemagne, l’Occident a même un temps considéré Hitler comme un pis allié pour contenir la menace d’une extension bolchévique et n’a pas hésité pas à le soutenir. 

ADL : Malgré le constat de l’échec du traité de paix à la fin de la première guerre mondiale, vous n’accablez pas les figures libérales de votre roman.

YF : Le banquier Julius Bauman et son associé Pierre de Villeneuve, le diplomate américain, sont des figures mercuriennes. Bauman ne fait pas l’Histoire, il la traverse. Depuis la nuit des temps, sous tous les régimes, aux côtés du souverain, vous trouverez toujours un banquier. Dans le roman, l’optimisme de Villeneuve et la neutralité de Bauman sont bousculés par la contradiction entre leur vision matérialiste angélique du progrès et la réalité du chaos. Ce roman est aussi une interrogation sur le progrès qui reste entière à nos jours. 

ADL : Comment expliquez-vous l’échec de la révolution russe ?

YF : Le paradoxe c’est qu’en réalité l’échec de la révolution communiste est apparu très tôt, du vivant même de Lénine. Mon parrain, qui était d’une famille d’artistes bien vus par les Bolchéviques, l’a vécu personnellement. Ils étaient restés en Russie. Il m’expliquait qu’il n’y avait rien à manger et que, dans les villes, on était contraint de bruler les meubles pour se chauffer l’hiver… En 1921, face à la famine, Lénine chef du parti bolchévique, a été obligé de recourir à la NEP (Nouvelle Economie Politique). Il s’agissait tout simplement du rétablissement du commerce qu’il avait initialement supprimé par principe en tant que ressort fondamental du capitalisme. Du jour au lendemain, les étals des marchés se sont couverts de victuailles.  

ADV : Vous faites un parallèle entre les dictatures Staliniennes et Hitlériennes ?

YF : Le fait est que les deux régimes ont collaboré. Dans l’Entre Deux guerres, l’armée allemande s’exerçait en Russie. Par la suite, cette collaboration a été renforcée par le pacte germano-soviétique. Durant deux longues années, de 1939 à 1941, Hitler et Staline se sont partagés l’Europe. Outre les exactions commises de concert en Pologne et en Lituanie, la tentative désastreuse de conquête de la Finlande par Staline a coûté la vie à environ 400.000 soldats russes. Ce pacte a en outre évidemment contribué à faciliter l’invasion de l’Europe de l’Ouest par Hitler. Pour les citoyens d’Europe orientale, les plaidoyers pro domo, qui subsistent encore à propos de ce pacte, sont incompréhensibles. Il s’agit d’une fracture historique et idéologique majeure entre l’Europe de l’Ouest traumatisée par le seul hitlérisme et l’Europe de l’Est traumatisée par les deux, car alors prise en sandwich, d’où l’anticommunisme bien plus viscéral d’un Orban (ou de son homologue polonais Jarosław Aleksander Kaczyńsk) inexistant parmi les dirigeants ouest-européens politiquement corrects.

ADL : En 1939, votre héros Michel Trepchine rencontre un personnage à Paris qui ressemble fort à Arthur Koestler.

YF : Koestler est un témoin inestimable de cette époque. Juif Hongrois, ancien communiste, journaliste, légionnaire, écrivain. Il ressemble au personnage de Zekely dans mon roman. Je souligne que les juifs ont aussi été des combattants et des acteurs importants de cette époque pas seulement en tant que victimes. On croise aussi Joseph Roth et Stéphan Zweig qui avec Romain Rolland font partie du cercle pacifiste d’Antoinette, la mère de Trepchine. Zekely incarne aussi les origines et les valeurs du sionisme de cette époque. Rappelons qu’en France surtout, l’intelligentsia de gauche, à commencer par les adeptes de Sartre, a complètement occulté l’oeuvre et les témoignages concrets et vécus de Koestler, notamment dans son ouvrage majeur, Le zéro et l’infini.

ADL : La Seconde Guerre mondiale vous permet d’élaborer un scénario stupéfiant mais dont les faits reposent sur des faits historiques réels.

YF : L’opposition d’une partie de l’état major allemand à Hitler est connue. La faiblesse de l’armée rouge au début du conflit aussi. En revanche, peu de gens savent que les Etats-Unis ont aidé matériellement et économiquement la Russie durant le conflit contre l’Allemagne. Cette contribution a été déterminante pour le succès de la Russie soviétique qui, en contrepartie, a payé le plus lourd tribu humain.  Je rappelle à ce propos qu’il existe de réels intérêts objectifs inavoués entre l’Occident et les Soviétiques, dont l’Europe de l’est n’a subi hélas que les conséquences négatives, ce que l’Europe de l’Ouest a du mal à comprendre.

ADL : Vous ne portez pas de jugements moraux ?

YF : Qui sommes nous pour juger nos parents ? Il m’a semblé plus intéressant de révéler les contradictions dans la politique ou la psychologie des personnages de tous bords que de prendre la posture d’un « procureur de vertu » (pour reprendre la belle expression de Robert Badinter). Dans mon roman, la morale est un domaine réservé au sacré dont j’exprime, du reste, plusieurs  manifestations. Elle n’est pas de nature profane, même si mes héros sont, je l’espère, vertueux au sens antique du terme. Les diamants du Tsar, cachés par Trepchine, servent l’intrigue d’une chasse au trésor tout au long du roman. Ils incarnent la figure morale du caractère à la fois sacré et incorruptible d’une Russie éternelle. 

ADL : Votre roman n’est pas seulement un récit martial, vos personnages incarnent une transition brutale entre le passé et la modernité.

YF : Il faut bien comprendre que toute la société européenne se délite. La Russie sort de la féodalité, la transition compromissoire entre l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie « Biedermayer » patiemment construite par les Habsbourg en Europe centrale s’écroule. Les rêves de puissance de Bismarck aussi. 

En France, la troisième république, pourtant si prodigue, s’effondre lamentablement. Les hommes et les femmes qui ont vécu cette époque ont tous dû affronter de terribles changements. Ils sont écartelés entre des traditions désuètes et des espérances irréalistes. Antoinette est pacifiste mais elle soutient le combat de son fils. La princesse Tin incarne une hyperpuissance féminine revêtue d’une armure guerrière. Les femmes combattent dans l’armée rouge, tel Marina et Irina. A l’inverse, Ilona la pianiste, tente de s’évader dans la musique avec son amant chef d’orchestre mais est rattrapée par l’enfer concentrationnaire. 

ADL : En quoi se roman peut-il aider à comprendre l’Europe orientale et la Russie d’aujourd’hui ?

YF : Les cents millions de morts des deux guerres du XXe siècle, sans compter les guerres coloniales, sont le produit d’affrontements idéologiques. La politique, comme le rappelait Talleyrand, doit répondre aux nécessités. L’Europe orientale et la Russie en particulier sont fatiguées du messianisme idéologique de l’Occident pour lequel elles ont payé un tribu incomparable au XXe siècle. La Russie et l’Europe orientale sortent d’un très long parcours douloureux. Elles ont davantage besoin de considération que de leçons. Pour cela, il faut d’abord étudier l’histoire des pays européens et leur culture. C’est l’effort nécessaire pour éviter des lieux communs et des jugements excessifs. Il faut d’abord apprendre à dialoguer, il est urgent d’arrêter d’insulter les leaders de l’Europe orientale, le terme de « populisme » étant selon moi une insulte.

Youri Fedotoff vient de publier un ouvrage majeur : Le Testament du Tsar, Chaos 1917-1945 (Editions Y&O).

« Pompéi, le sang et la cendre » un roman historique monumental et exceptionnel de Michèle Makki

Parution le 14 novembre 2019 de « Pompéi, le sang et la cendre »

un roman historique de Michèle Makki aux éditions Baudelaire

Pour le recevoir en service de presse / interviewer l’auteure, merci de contacter guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85

Vera s’était échappée pour le rejoindre. Il lui ouvrit les bras dans une chambre d’où était absent le dieu du foyer, où manquaient le feu du mariage et le rire des amis ; ils n’étaient que deux amants réunis pour seulement quelques heures.

L’Antiquité divise les êtres humains en deux parties : les citoyens libres, qui ont le droit de se marier, et les esclaves, considérés comme du bétail. On leur concède l’accouplement, pas le mariage.

Dans cet entrelacs social et juridique se débat une jeune veuve. Sa naïveté et la découverte de la sexualité la poussent dans les bras de l’anti-modèle conjugal : un gladiateur, que son métier rend socialement infréquentable, même s’il est affranchi. Vera reniera t-elle son milieu et deviendra t-elle la concubine d’Albanus ? Son bien-aimé aura t-il la patience de l’attendre ou préfèrera t-il continuer sans elle ?

Réponses dans ce roman où liberté, esclavage et amour se confrontent tout en s’enracinant sous les cendres et le feu du Vésuve dans un cadre historique précis.

Quatrième de couverture :

  • Toi et moi ? Quelle chimère ! Il fut content de la voir pâlir.
  •  Il n’y a pas d’avenir pour nous. Il insistait, volontairement cruel.
  • Tu es une dame et moi un affranchi… Nous ne pouvons pas nous marier.

Que valent les sentiments d’une jeune femme et d’un gladiateur entre Pompéi et Rome au premier siècle après Jésus Christ ? Peut-on les vivre au grand jour ou faut-il les cacher nuit après nuit ? Vera découvre l’amour et la sensualité avec un homme que la société lui défend d’aimer. Quel sera son destin ?

A travers les grandes vagues de l’histoire surgissent, dans la mosaïque de la vie quotidienne, les passions et les espoirs de ceux qui habitaient Pompéi aujourd’hui disparue. Du sang, des larmes et des rires accompagnent cette traversée des règnes de Vespasien et de Titus, gravés dans les mémoires par l’éruption du Vésuve, l’incendie de Rome et une épidémie de peste.

L’auteure : Suisse, Michèle Makki est férue d’histoire. Titulaire d’un Master en philosophie et d’un Master en littérature française, ainsi que d’un Bachelor en italien, elle a enseigné le latin et le français durant sa carrière professionnelle. Journaliste quelque temps au quotidien suisse L’Impartial, elle a dispensé des conférences sur des personnages historiques, publié des poèmes, des articles critiques dans Ecriture, Nova et Vetera (revues publiées en Suisse romande), et coécrit un livre avec Oleg Stépanovitch Kochtchouk (Michel Barde. Un homme, une cité, Editions Slatkine, Genève, 2008)

Mai 79

Où est-elle ?

La servante se leva péniblement. La jeune femme qu’elle devait garder s’était échappée de la maison. C’était de sa faute. Elle ne se réveillait jamais à temps pour lui barrer le passage.

L’aube allait se lever sur Pompéi ; il était un peu plus de trois heures du matin et on la percevait dans la nuit étoilée qui palpitait au-dessus de la ville endormie. Les rues étaient désertes, les portes et les fenêtres fermées. Les fêtards avinés ronflaient dans les auberges après une dernière partie de dés. Une chaise à porteurs descendait la Grand-Rue. Les esclaves qui la soulevaient à bout de bras avançaient à pas vifs, se repérant à la clarté des étoiles et de la lune qui se réfléchissait sur le dallage des rues. Ils se hâtaient grâce à cette luminescence qui facilitait leur orientation. Ils se dirigeaient vers la caserne des gladiateurs. A la hauteur des thermes de Stabies, ils obliquèrent à gauche, repérèrent le temple d’Isis, longèrent la masse trapue du Grand Théâtre. Là, ils ralentirent. Parvenus au coin du Petit Théâtre, ils longèrent lentement une allée de colonnes et s’arrêtèrent devant une volée d’escaliers. Ils posèrent la chaise par terre. Une femme en descendit, drapée dans son manteau de manière à ce qu’on ne puisse apercevoir son visage.

Les porteurs se doutaient de ce que leur maîtresse allait faire dans un quartier qui, de jour, était fréquenté par les acteurs, les oisifs et les femmes en quête d’aventures et, de nuit, s’enfermait derrière des murs et des portes barrées de fer. Elle souleva son manteau d’une main et descendit rapidement les marches. Ils lui emboîtèrent le pas, balançant la chaise sans plus de précautions et soupirèrent d’aise lorsqu’ils furent de nouveau à plat. Ils se taisaient, seuls leurs yeux parlaient pour eux.

Invitation pour la soirée de lancement à la librairie Gallimard de « La Défense d’aimer » mardi 12 novembre à 19h

A vos agendas !

e vous donne rendez-vous ce mardi 12 novembre à 19h à la librairie Gallimard, où suite au bel article qu’il a écrit sur « La Défense d’aimer », j’ai proposé à l’écrivain Luc-Olivier d’Algange d’interviewer mon auteur Domitille Marbeau Funck-Brentano. Je présenterai la soirée, il y aura des bulles et la rencontre sera filmée par un cameraman professionnel. La Présidente du Cercle Richard Wagner de Paris Annie Benoit sera présente et Cyril Plante représentera le Musée virtuel Richard Wagner, deux associations soutenant avec ferveur ce roman d’amour qui se passe à Bayreuth en 1978.

Qui vient ?

Une rencontre exceptionnelle autour du roman wagnérien de mon auteur Domitille Marbeau Funck-Brentano.
Luc-Olivier d’Algange et moi nous lui poserons des questions sur Bayreuth, l’amour, le Ring et l’amour du Ring…

Pour prévoir le cocktail avec champagne, nous vous remercions de vous inscrire par mail à guilaine_depis@yahoo.com (c’est aussi l’adresse mail pour le réclamer en service de presse / contacter l’auteur)