La Montagne par Jérôme Pilleyre
Actualités (NON EXHAUSTIF)
Christian Mégrelis dans La Provence par François Tonneau
La Provence du 1er septembre 2022 par François TONNEAU
L’écrivain Bertrand du Chambon qualifie de « fulgurant » le début littéraire de Svetlana Pironko (La Cause littéraire)
Svetlana Pironko : un début fulgurant

Quelquefois nommée Luz par l’un de ses amants, la belle va se retrouver étudiante à Paris, voyageuse (son âme de nomade) et plus tard éditrice, vivant à Paris, à Londres, à Edimbourg, au gré des rencontres avec des hommes dont on pourrait dire qu’elle a du mal à se satisfaire. Mariée, divorcée, romantique à la petite semaine, cette Luciole se cogne souvent contre la lumière, et découvre peu à peu, à force d’introspection, qu’à chaque malheur, [ il faut ] chercher la femme… En effet. Si un jour elle est malheureuse, elle n’aura pas à chercher très loin. Elle sera à l’origine de son propre malheur.
Ne faisant guère son miel d’une telle révélation, L. continue de s’inspecter, de s’analyser, de se reprocher quantité de choses jusqu’à ce que le malheur, enfin ! la frappe réellement : son père, cet homme fait de roc et de merveilles, meurt d’une façon inattendue. L. est inconsolable. Pire, elle va pouvoir enfin donner un socle à ses inquiétudes, justifier ce qu’elle croit être son inaptitude au bonheur.
Et puis, elle s’est trouvé un amant de belle prestance. Ils s’écrivent de vraies lettres ! Elle lui raconte le personnage qu’elle s’est inventé : une sorte de cavalier solitaire, indifférent, impénétrable. Invulnérable. Or nous savons, nous, que vulnus, la blessure, peut survenir n’importe quand…
La lectrice, le lecteur verront si elle parviendra un jour à faire confiance à ses intuitions et surtout, à lâcher prise. Pour que l’on goûte un si beau roman, nous ne vendrons pas la mèche.
Bertrand du Chambon
Svetlana Pironko, Une Heure avant la vie, éd. Le Passeur, septembre 2022, 268 p.-, 18 €.
France TV Info interviewe Christian Mégrelis de 17h à 18h
France TV Info : Sophie Le Saint interviewe Christian Mégrelis de 14h à 16h30
La critique coup de coeur superbe de Charles-Henri Dahlem
La critique coup de coeur superbe de Charles-Henri Dahlem
Une heure avant la vie
En deux mots
Dans les pays lointains où elle a grandi, L. cherche à meubler sa solitude et va trouver refuge dans les livres. Lorsqu’au sortir de l’adolescence, elle sert de guide à un artiste-peintre parisien, elle va trouver le moyen de s’émanciper. Une nouvelle vie va alors s’offrir à elle.
Une vie de femme, un parcours initiatique, une envie irrépressible d’émancipation. En suivant L. qui tente d’avancer dans la vie sans tout comprendre de la vie que mènent ses parents, on découvre une ferme volonté d’avancer mais aussi un parcours semé d’épreuves.
Parmi les images qui restent gravées dans la mémoire de l’enfant revient d’abord cette insulte proférée par une gitane à sa mère, cette conne qui n’a pas su garder son mari et qui déstabilise les deux promeneuses. L’angoisse qui l’étreint lorsque sa mère lui annonce que le P’tit Prince, son frère né dans la joie quelques mois plus tôt, est gravement malade et qu’elle part avec lui à l’hôpital. Un événement qui lui permettra toutefois de se rapprocher de ce père trop absent. Il ira jusqu’à accepter de l’emmener avec lui à la chasse, lui fera découvrir Hemingway et deviendra son superman.
Loin de tout, au gré des affectations, elle va aussi trouver un point d’ancrage dans ses lectures. Une bibliothèque qui va devenir un centre de formation pour l’adolescente en mal d’ami(e)s.
Puis viennent les premiers émois amoureux, la rencontre avec Grégoire l’artiste-peintre qui fait partie d’un groupe de touristes qu’elle est chargée de guider. Cet homme plus âgé a surtout pour L. l’aura du parisien, habitant cette ville fantasmée au cours de ses lectures et qu’elle rêve de découvrir.
Si c’est grâce à lui qu’elle prendra son envol, on comprend très vite que ce mariage est d’abord un moyen de s’évader. L’écriture tout en subtilité de Svetlana Pironko laisse deviner que l’amour pour Grégoire cache l’envie d’une autre vie, plus riche, plus dense. On va dès lors suivre le couple à Paris, à Séville, à Venise ou encore en Toscane. Mais on va surtout suivre la trajectoire d’une femme avide de connaissances, de culture, d’expériences.
En découvrant le milieu de l’édition, elle se sent enfin dans son élément. Les idées, la création et même la séduction forment alors un feu d’artifice qui permettent à L. se s’épanouir. De ses rencontres dans les salons professionnels jusqu’à la tanière d’un écrivain britannique.
Si l’on retrouve dans ces lignes bon nombre d’éléments autobiographes, c’est d’abord la volonté et l’envie qui donnent à ce roman une belle énergie. En voulant donner raison à Hemingway, après Paris est une fête elle se rappellera que Le soleil se lève aussi, prouvant qu’il est bon de rêver sa vie… avant de la vivre.
Une heure avant la vie
Svetlana Pironko
Éditions Le passeur
Premier roman
267 p., 18 €
EAN 9782368909621
Paru le 1/09/2022
Où?
Le roman est situé en Asie centrale, notamment au Kazakhstan, puis à Paris et Londres. Mais on y voyage aussi beaucoup.
Quand?
L’action se déroule de la fin du siècle passé à nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
« Le soleil se lève sur le petit aéroport d’Assouan. Sur le désert nubien… Comme sur la steppe de la Faim ce matin lointain, avant la chasse au loup. C’est le même soleil qui se lève. Il se lève sur un monde différent. Sur une vie différente. Mais c’est le même grand disque incandescent, et elle trouve de la consolation dans cette pensée. »
Une heure avant la vie est un voyage – celui de L., une femme-luciole qui parcourt le monde, des steppes d’Asie centrale jusqu’à Paris et plus loin encore. Intrépide, elle puise sa force dans l’amour inconditionnel de son père et dans des livres qui ont le pouvoir de changer une vie.
Tour à tour lucide, ironique, émouvante ou mélancolique, L. nous entraîne dans sa quête. Que cherche-t-elle? Et que va-t-elle trouver?
Les premières pages du livre
« Un gros mot
Dans ses souvenirs d’enfance, c’est toujours l’été.
Elle marche dans la rue avec sa mère. Main dans la main. Elle est trop grande pour qu’on lui tienne la main, mais aujourd’hui maman est une copine. Elles sont allées au cinéma. Pas le cinéma du quartier, où travaille son grand-père. Elle y va quand elle veut. Avec Nina ou même seule. Le vrai cinéma, en ville ! Et avant, une glace à «La Reine des neiges».
Elles ont vu Le Lac des cygnes. Elle a un peu pleuré à la fin. Elle n’aime pas pleurer.
Après, maman lui a acheté un petit sac à main au «Monde des enfants». Presque un vrai sac de dame qu’elle porte maintenant à son coude, Comme fait maman quand ils sortent avec papa. Le sac de maman est plus beau — il est en cuir marron qui est comme du bois poli. Lisse et brillant. Papa le lui a rapporté d’une mission. Et aussi une paire de chaussures qui va avec.
Papa part souvent en mission. Elle aime bien. Il rapporte toujours des cadeaux pour elle et pour maman.
Son sac est rouge. C’est joli, mais elle voudrait un jour avoir le même que celui de sa mère. En attendant, elle parade avec son cadeau écarlate. Et ce n’est même pas son anniversaire!
Elle sent la main de sa mère serrer plus fort la sienne. Il y a une femme, une vieille femme qui fait signe à maman de s’approcher, d’un doigt crochu. Une gitane.
Elle se recroqueville intérieurement. Elle a peur des gitanes — elles crient, gesticulent, abordent des passants qui essaient toujours de les fuir.
La vieille parle à sa mère, mais la regarde, elle. Deux yeux perçants très noirs la fixent. Elle a peur de détourner son regard.
La gitane veut lire la main de maman. Mais comment? Les mains de maman sont blanches et lisses sans rien d’écrit dessus ou dessous.
Maman dit non, merci, pas besoin, et accélère le pas, en lui serrant la main encore plus fort. Elle doit courir maintenant pour suivre. Elle entend la gitane rire derrière elles:
— Pas besoin de lire ta main pour dire que ton mari ne t’aime pas, pauvre conne!
Maman ne se retourne pas. Elle, si. Elle jette un regard qu’elle veut assassin à cette vieille, si laide et si méchante. «Conne toi-même», articule-t-elle, à peine audible.
«Conne» est un très gros mot. Elle le sait. Papa aime maman. Maman est belle. Même si elle a grossi cet été.
Elles tournent dans une petite rue. Sa mère s’arrête et lui lâche la main. Elles sont toutes les deux essoufflées.
Elle enlace les jambes de sa mère et pose sa tête sur son ventre arrondi. Elle attend des mots rassurants qui ne viennent pas. Elle lève la tête. Des larmes silencieuses coulent sur les joues de sa mère. Une tombe sur son front. Elle ne savait pas que les gros mots faisaient si mal. Elle espère que la gitane aussi est en train de pleurer.
Cette nuit, elle fait un rêve. Elle est seule sur un manège qui tourne. C’est un beau manège, avec des animaux en bois, de toutes les couleurs. Il est posé, bizarrement, au milieu de la cour de la maison de ses grands-parents. Elle voit, tour à tour, le grand portail vert, la maison, le potager, le plus beau coin du jardin où sa grand-mère fait pousser des dahlias et des glaïeuls, et la pergola couverte de houblons. Toute sa famille est réunie sous la pergola. Même Mourka et Plimus.
Un autre tour, et de nouveau le portail. Il est en train de s’ouvrir en grand tout seul. Elle voit une vieille femme entrer. C’est elle! La gitane ! Sa robe noire, son grand châle aux roses rouges, ses longs cheveux mal peignés, son sombre visage tout ridé. Ses yeux…
Le manège tourne, mais elle ne veut pas perdre la vieille de vue. Elle l’entend marmonner. Des gros mots encore? Elle se détourne et cherche des yeux sa mère.
Ce qu’elle voit la tétanise. Ils sont tous en train de se transformer en animaux. Pas en bois. Des vrais… Ce grand éléphant, là, c’est grand-papa. Maman se transforme en girafe. Longue, fragile et pleine de grâce, elle se meut vers le portail ouvert. Le lion… Papa! Elle voudrait crier, mais aucun son ne sort de sa gorge. Ils partent tous. Même Mourka et Plimus.
Ils sont partis.
Elle est seule.
Elle se réveille.
Elle a peur pour la girafe. »
À propos de l’auteur
Svetlana Pironko © Photo DR
Svetlana Pironko vit entre Paris et Dublin. Après avoir été traductrice, agent littéraire et éditrice, elle signe son premier roman. De son enfance au Kazakhstan, elle a gardé l’amour des grands espaces et des longs voyages. Elle s’épanouit dans la sérénité des aéroports, où il fait si bon lire et écrire, mais elle aime plus que tout revenir à son port d’attache, Paris.
Christian Mégrelis chez Sophie Roussi sur TV5 Monde
Christian Mégrelis chez Sophie Roussi sur TV5 Monde
Le Figaro interviewe Christian Mégrelis sur Gorbatchev
«Gorbatchev emportait l’admiration», le récit d’un collaborateur français
ENTRETIEN – Christian Mégrelis a travaillé pour l’ancien dirigeant soviétique de 1989 à 1991.
ENTRETIEN – Christian Mégrelis a travaillé pour l’ancien dirigeant soviétique de 1989 à 1991. Christian Mégrelis est un homme d’affaires. Après la chute du mur de Berlin, il participe au programme des 500 jours afin de transformer l’économie soviétique et conseille Mikhaïl Gorbatchev dans les négociations avec l’Union européenne en 1991. Un épisode qu’il raconte dans son ouvrage Le naufrage de l’Union soviétique : choses vues, aux éditions transcontinentales.
LE FIGARO.- Comment avez-vous rencontré Mikhaïl Gorbatchev ? Christian Mégrelis.- J’ai été introduit au Kremlin grâce au professeur Svatislav Chataline afin de participer au plan des 500 jours qui devait permettre de libéraliser l’économie soviétique. Vaste projet ! En parallèle, Mikhaïl Gorbatchev m’a demandé de mener une campagne à l’étranger pour promouvoir les investissements en URSS. Je suis arrivé en Russie pour faire des affaires avec la Perestroïka, et j’ai sympathisé avec Gavriil Popov, qui deviendra maire de Moscou. Il avait une équipe qui prenait le pouvoir économique sous le contrôle de Gorbatchev. Enfin, j’ai participé aux négociations avec Bruxelles en 1991 qui aboutiront aux accords TACIS (un programme d’aide de la Commission européenne pour aider à la transition vers une économie de marché, NDLR). Pour l’anecdote, j’ai même rédigé et porté la première lettre de Gorbatchev à Jacques Delors (président de la Commission européenne de 1985 à 1995, NDLR). Comment Gorbatchev se comportait-il au travail ? Il était très formel, je ne peux pas dire qu’il était sympathique. Gorbatchev était cassant et très content de lui-même. Néanmoins, il emportait l’admiration puisqu’il faut bien admettre que c’était un homme extraordinaire et très supérieur, avec une grande vision. Il avait aussi, ce qui lui sera reproché plus tard, une attention particulière pour ce qui venait d’Europe de l’Ouest.
Pour moi, il était l’un des plus grands hommes du XXe siècle, au même rang que Churchill. Il a réussi à débarrasser la Russie du système communiste sans verser une goutte de sang. Souvenons-nous que les Occidentaux, eux, ne voyaient pas d’autres solutions qu’une guerre nucléaire pour détruire le communisme. Comment définiriez-vous ses projets de Glasnost et de Perestroïka ?
Je dirais qu’ils symbolisaient l’entrée de l’URSS dans le monde réel alors qu’elle vivait dans un monde imaginaire… Une situation qui est revenue aujourd’hui. Vladimir Poutine, avec sa guerre, renverse toutes les vérités et ment. Pour justifier son invasion de l’Ukraine, il prétend que l’Otan envahit l’Ukraine. Ce système négationniste rappelle Hitler.
Comment les Russes se souviennent-ils de Gorbatchev ? Ils en ont une très mauvaise opinion. S’il a bien réussi sa communication internationale, il l’a ratée en interne. Dès qu’il était attaqué, il ne répondait pas. Par exemple, la disparition de l’URSS lui est attribuée à tort. Le traité de Minsk, créant la Communauté des États Indépendants (CEI), a bel et bien été signé par Boris Eltsine. Par la suite, Gorbatchev entretenait un rapport très froid avec la Russie et surtout son ennemi, Eltsine. Il ne lui a jamais pardonné d’avoir sacrifié l’URSS à son ambition. Quel rapport entretenait-il avec la France ? Il y avait un rapport très particulier. Il passait par un personnage amusant appelé Domung, un gérant de coopérative agricole dans les environs de Toulouse, à Noé. Il était communiste fervent et ami de tous les secrétaires généraux. Domung l’invitait, ainsi que Raïssa, sa femme, en France. Il lui avait même donné les fameuses cartes de crédit Gold qui ont fait scandale (Raïssa se serait servie d’une Gold Card réservée à la clientèle huppée d’American Express, un privilège que ne partageaient pas les Soviétiques, NDLR).
Gorbatchev n’était pas très cultivé, mais aimait surtout les beaux hôtels, les belles piscines, le luxe et les paysages français. Plus tard, il lui sera reproché de donner l’impression de se plaire plus en Europe de l’Ouest qu’à l’Est.
Mort de Mikhaïl Gorbatchev, interviewer Christian Mégrelis son ancien conseiller
Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’URSS, est mort à l’âge de 91 ans.
Pour interviewer son ancien conseiller (seul conseiller non russe à avoir vécu en direct du Kremlin la fin du communisme)
Christian Mégrelis
(auteur de « Le Naufrage de l’Union soviétique – choses vues »), intervenant régulier de LCI, CNEWS, TV5 Monde, France Inter etc Russie
contact presse 06 84 36 31 85
guilaine_depis@yahoo.com
Retrouvez beaucoup de ses interviews sur mon site (5 liens ci dessous et argumentaire du livre plus bas en jpeg)
https://guilaine-depis.com/category/actu-christian-megrelis/
https://guilaine-depis.com/category/actu-christian-megrelis/page/2/
https://guilaine-depis.com/category/actu-christian-megrelis/page/3/
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https://guilaine-depis.com/category/actu-christian-megrelis/page/5/
Rachilde et Esteban Frédéric point commun le piano dans La Cause littéraire (par Marjorie Rafécas Poeydomenge)
Rachilde, Homme de lettres, Cécile Chabaud (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)
Rachilde, Homme de lettres, Cécile Chabaud, éditions Ecriture, août 2022, 240 pages, 18 €


La vie d’artiste est souvent vallonnée d’ombre et de lumière. Mais celle des femmes artistes du XIXème siècle était redoutablement chaotique tant l’énergie, l’audace, voire la folie étaient nécessaires pour s’échapper de la gangue fangeuse. C’est toute l’œuvre et le talent de Marguerite Eymery, femme de lettres autoproclamée « Rachilde », que retrace avec brio Cécile Chabaud, professeur de lettres.
C’est toujours dangereux de convoquer les morts quel que soit le siècle. Et pourtant le spiritisme était à la mode au XIXème siècle. Était-ce lié à l’influence du spirite Allan Kardec ? Comme le pratiquait Victor Hugo dans l’espoir de retrouver sa fille Léopoldine, les grands-parents de Marguerite, Urbain et Isoline, avaient l’espoir d’entrer en communication avec leur fils défunt. Le spiritisme était une façon de prolonger la vie et l’espoir des retrouvailles.
Un soir, lors d’une séance de spiritisme où le ciel était insondable et voilé, Marguerite entendit un fantôme lui parler… C’était un certain « Rachilde », comte Suédois né en 1523 à Göteborg. La sonorité étrangère et exotique de ce nom lui plut et elle décida d’en faire son nom de plume. La musicalité des mots joue parfois la partition du virage d’une vie.
Nocturne, opus neuf, numéro deux de Chopin, Lied de Schubert, doigts électrisés, transe médiumnique… Quel point commun entre ce roman qui nous fait voyager à l’époque de Rachilde, femme de lettres du XIXème siècle et Mon sixième sens du voyant Estéban Frédéric (Editions De Vinci, 2022) ? Le piano. Oui, le piano peut être la meilleure catharsis pour échapper à des dons envahissants. S’acharner à faire galoper ses doigts pour faire danser plus vite ses pensées que les esprits. Comme si les notes musicales pouvaient sauver d’un destin sombre. Gabrielle, la mère de Marguerite (Rachilde) pratiquait la même technique qu’Estéban Frédéric : dès qu’elle était en proie à des visions envahissantes, elle cherchait à apaiser ses tracas avec le Lied de Schubert. Une « harmonie céleste » s’échappait alors du piano de Gabrielle. Mais Marguerite y entendait une ombre de dissonance. Le cri de l’aliénation ? Des voix murmuraient déjà dans la tête de sa mère. Et Marguerite savait déjà au fond d’elle-même que ce piano de Schubert était de mauvais augure. Il faut du talent pour affronter la beauté comme la laideur de l’âme humaine.
Le domaine du Cros dans lequel Marguerite habitait était très sauvage et lugubre. Les disputes incessantes de ses parents alourdissaient encore plus le paysage. Elle décidait parfois de s’aérer, près de l’étang, même en pleine nuit noire. Mais, un jour, elle eut une expérience très désagréable près de cette mare. Une force l’oppressa, la bâillonna, elle ressentit aussitôt une douleur comme un poignard. Démon ou personne humaine ? Elle vit juste s’échapper dans l’atmosphère éthérée un « cadavre blême » marchant sur l’étang. Elle n’osa pas en parler mais garda un long goût amer de cet incident.
Transportée par l’audace du Marquis de Sade et son goût des mots interdits, Marguerite ressentait un besoin irrépressible et salvateur d’écrire. Pourtant si jeune et si frêle, elle ne craignait ni le diable, ni les ambiances dantesques et décadentes.
Un jour, sa mère souffrant d’un ennui infini et de la maltraitance de son mari, décide enfin d’échapper de son destin morne pour fuir à Paris avec sa fille. Arrivée à la Gare d’Austerlitz, Rachilde est aussitôt séduite par l’odeur âcre de la capitale, « cette odeur malsaine et magnifique que les plus grands poètes avaient psalmodiée ». Rapidement, elle est attirée par les bars du Quartier Latin et les hydropathes, qui adoptèrent tout de suite Rachilde, avec son nom si « hydropathesque ».
Après quelques accueils enthousiastes de ses écrits dans la presse, Rachilde se jette enfin à l’eau avec son premier livre « Monsieur de la Nouveauté ». Mais c’est un « four » (à ne pas confondre avec les « petits fours »), c’est-à-dire que le succès ne fut pas au rendez-vous, malgré quelques remarques admiratives.
Rachilde n’oubliera jamais la mauvaise blague que lui a fait subir Abraham Catulle Mendès, lors de sa rencontre avec Victor Hugo. Mais la beauté est parfois d’une ruse au charme invincible. Mendès était malheureusement beau, il oscillait entre un air de « guerrier vandale » et « séraphique » et cela fut un nouveau piège pour Rachilde, malgré la honte éprouvée face à Victor Hugo. Elle fut prise d’une telle passion fulgurante pour cet homme, pourtant totalement indifférent à ses charmes, qu’elle termina hospitalisée en maison de repos, à la suite d’une crise d’épilepsie et d’une paralysie hystérique. Des séances d’électrothérapie s’ensuivirent. Le cœur a ses raisons que la raison ignore… Mais tel un sphynx, elle renaît de ses cendres avec un certain Monsieur Vénus, un roman sulfureux digne de cet épisode foudroyant.
Le goût du scandale et de la décadence conserve : Marguerite, surnommée « Mademoiselle Baudelaire », a vécu jusqu’à 93 ans… Sa prose infamante se moquait des « tiens-toi droite », des corsets pour redresser les femmes… Malgré son nom d’auteur, ses habits androgynes, Rachilde n’était pas si féministe. Elle voulait juste être une femme libre. Et pas une « bas-bleu », comme les femmes de lettres étaient désignées au XIXème siècle. Amie de Sarah Bernhardt, contemporaine de Verlaine, elle aura vécu puissamment sa féminité. En dépit de son amour platonique et de ses longs échanges épistolaires avec Maurice Barrès, elle choisit Alfred Vallette pour filer le parfait amour.
Grâce à la plume précise et élégante de Cécile Chabaud, on s’attache au personnage de Marguerite et on admire l’audace de Rachilde. Une femme de lettres à faire renaître de toute urgence.
Ce roman est un ovni littéraire qui vous fera voyager au XIXème siècle avec douceur et mystère.
Marjorie Rafécas-Poeydomenge