Christian de Moliner, auteur notamment de « Islamisme radical : comment sortir de l’impasse ? »
La crise du grand confinement
La France compte un nombre incalculable d’experts qui se permettent de donner leur avis sur la gestion par le Gouvernement de M. Macron de la crise induite par le Covid 19. Pourtant, il conviendrait d’être humble ; la critique est facile, à la portée de tous, mais gouverner lorsqu’on détient les rênes du pouvoir est complexe et extrêmement difficile.
Nous pouvons néanmoins avancer avec prudence quelques faits. D’abord, il existait une alternative au grand confinement en France, même si la très grande majorité des pays ont choisi de calfeutrer leur population à leur domicile. Nous aurions pu suivre l’exemple de la Suède, de Taiwan et de la Corée du Sud. Nous n’aurions pas fait aussi bien que les deux puissances asiatiques vu que nous étions dépourvus de masques et de tests, que notre industrie, en voie de démantèlement, était incapable de se mobiliser pour fabriquer ces produits indispensables. Si le Pouvoir avait refusé le grand confinement, nos services de santé auraient été débordés, nous aurions dû faire un tri bien plus sévère que celui qui a été effectué en mars et en avril, où nous avons sacrifié les personnes âgées. Tout au plus une mobilisation industrielle aurait pu livrer suffisamment de respirateurs de poche, permettant non d’intuber mais de ventiler les malades avec de l’oxygène. Nous aurions compté 70 000 morts de plus, l’immunité collective n’aurait pas été atteinte, mais la maladie aurait fini par se stabiliser et par régresser. Dans un pays où meurent chaque année 600 000 personnes 70 000 morts de plus était-il un scandale, un désastre ou un simple revers ? D’autant plus que la grande majorité des victimes auraient été des personnes fragiles qui seraient mortes dans les deux ans ? Il est difficile d’estimer la surmortalité effective si on avait rejeté le confinement, peut-être n’aurait-elle été que de 20 000. En échange la crise économique aurait été considérablement atténuée, le coût économique bien moins élevé. Mais refuser le confinement était politiquement impensable. le Pouvoir aurait été accusé de cynisme, le slogan terrible « nos vies valent mieux que leurs profits » aurait fait des ravages. Le gouvernement aurait été balayé aux élections suivantes. En France, seul le confinement était possible, car lui seul était conforme à la doxa en place et aux attentes du Peuple Français. Même une réclusion sur une base volontaire était impossible, car on aurait traité d’égoïstes et d’assassins ceux qui seraient sortis, ceux qui auraient en toute connaissance de cause choisi un risque minime pour une plus grande liberté
Deuxième question qui suit aussitôt ce premier constat : la gestion gouvernementale de la crise est-elle optimale ? La réponse est évidemment non. Les palinodies incessantes du Pouvoir qui a changé d’avis sur les masques, sur les tests, qui a menti visiblement aux Français, sont lassantes. En outre, des erreurs ont été faites. Pointons les principales : ne pas avoir fermé vers le 10 mars les frontières sous le prétexte scandaleux que s’isoler serait une notion d’extrême droite, avoir maintenu le déplacement des supporteurs italiens pour le match Lyon Turin, ne pas avoir suspendu le premier tour des municipales alors que selon les données que, seul, le gouvernement avait en sa possession, une explosion de la maladie était inéluctable. Quant au plan de déconfinement, il est confus et sur certains points incohérent. Pourquoi par exemple avoir mis en place cette limite arbitraire de 100 km ? N’aurait-il pas été plus logique de permettre le déplacement dans tout l’hexagone, en interdisant de quitter le pays sauf exception ?
Le bilan économique sera pour finir terrible. Le chômage va exploser et il faudra 10 ans pour le résorber. Alors que nous étions déjà submergés de dettes, nous emprunterons 500 milliards de plus. Résoudre ce problème est, contrairement à l’opinion commune, facile : le gouvernement peut soit saisir 10% de toute l’épargne des Français, nationaliser tous les terrains et imposer un loyer à tous les propriétaires, déclencher une inflation de 100 % en un an, transformer nos emprunts en une dette perpétuelle qui finira par se dévaluer toute seule, ruinant ceux qui auront misé sur ce type de placement. Pour l’instant, il n’est pas nécessaire d’en arriver à des mesures aussi extrêmes : emprunter 200 milliards en 2019 aurait rapporté à la France 20 milliards ! La dette est en 2020 une ressource et non un coût. L’exemple du Japon où la dette frôle les 230% du PIB démontre à l’envie que la situation actuelle peut perdurer encore très longtemps. Bien plus inquiétante est la diffusion dans l’opinion de l’illusion suivante : l’argent magique existe, la France peut dépenser sans compter, sans se soucier des recettes. Cela aurait été possible, si l’euro n’existait pas, si nous étions restés au franc, si la banque de France pouvait imprimer autant de billets qu’elle le souhaite. Mais dans ce cas, l’hyperinflation et l’effondrement du pays seraient la conséquence rapide de ce laxisme mortifère. Dans le schéma actuel, la BCE nous empêche (heureusement !) de dépenser inconsidérément, tout en nous permettant une injection massive de capitaux en 2020 pour sauver notre économie. Mais des voix s’élèvent de tous côtés pour affirmer : puisque cette année nous allons dépenser 500 milliards par an d’argent magique, pourquoi ne pas mettre en place un revenu universel qui coûterait un demi-billion d’euros chaque année en versant à chaque Français adulte 900 € par mois. Or cette somme dépasserait les recettes du budget (440 milliards d’euros !) Le revenu universel serait donc une folie absolue et je trouve étrange la persistance du débat alors que la cause est entendue depuis longtemps. En fait dans l’opinion publique règne un sentiment infantile semblable aux caprices des adolescents qui assènent à leurs parents « Je veux tout, tout de suite à vous de vous débrouiller pour me le donner » Cela devient « L’État doit me fournir sans aucune contrepartie le cadre de vie agréable auquel j’ai droit parce que je suis Français ». Que la misère existe en Afrique ou en Inde n’entre pas en ligne de compte pour ces « égoïstes ». Cette dérive a été accentuée par Le grand confinement, puisque 32 millions d’adultes Français sur 50 millions ont été payés pendant 2 mois par l’État sans qu’aucun travail ne soit demandé en échange. Ce qui n’était qu’accidentel et nullement soutenable sur le long terme est devenue la norme souhaitée par nombre de Français immatures.
Au fond qu’est-ce une société juste ? On peut viser une société égalitaire où tout le monde aurait le même salaire quel que soit l’investissement personnel. C’était le choix du bloc communiste, or ce modèle a sombré corps et biens. Pour ma part, j’estime que dans une société « idéale » doit exister un filet de sécurité pour les accidentés de la vie, mais aussi pour les paresseux qui refusent de travailler. Le RSA, le paiement du loyer aux propriétaires, des bons alimentaires sont donc souhaitables à mes yeux. Seule condition que j’imposerais : le nombre de bénéficiaires de ces prestations ne doit en aucun cas augmenter artificiellement et on doit éviter que 300 000 nouveaux arrivés s’invitent d’eux même chaque année au partage du gâteau, sans avoir été invités par qui que ce soit. Pour le reste un écart plus faible de revenus que celui en place actuellement serait sans doute souhaitable ainsi qu’une réflexion sur les catégories qui dans un monde idéal, devraient être surpayées ou sous payées. Faut-il mettre en avant le diplôme ? L’utilité sociale ? La pénibilité ? Ce débat sera difficile à mettre en place « les privilégiés » défendant bec et ongles leurs avantages, les « défavorisés » souhaitant accéder à un meilleur niveau de vie.