La Bourse
Séance du lundi 18 juin 2007
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Chaque jour, un parcours réussi
« Au contact des autres femmes, j’ai appris à accepter la maladie »
Hacina Zermane, 35 ans, séropositive, auteur d’une autobiographie
Hacina revient de loin. Séropositive à 19 ans, cette jeune femme de Gonesse (Val d’Oise) a failli en venir au pire : « Je refusais de prendre mon traitement et de m’alimenter. Je me laissais mourir. » Sa famille n’a rien fait pour l’aider, la poussant au contraire à culpabiliser : « Certains de mes frères ont eu des mots très durs. » Dans un ouvrage paru fin 2006, la Francilienne raconte le calvaire de sa maladie.
Née en Algérie, Hacina a grandi dans le quartier de la Grande-Borne à Grigny (Essonne). Aînée d’une famille de cinq enfants, elle connaîtra une enfance douloureuse. Abusée sexuellement par son oncle à l’âge de 8 ans, placée de foyer en foyer, elle fugue pour oublier.
Retrouver le goût de vivre
C’est lors d’une escapade dans la capitale qu’elle rencontre son futur mari, un danseur malien de dix ans son aîné. C’est le coup de foudre. Mais elle n’a que 18 ans lorsqu’elle accouche de son premier enfant, et sa situation se complique. Faute de papiers en règle, son compagnon est expulsé. Elle s’envole alors pour Bamako, l’épouse et fait reconnaître leur mariage en France. Installée à Paris avec sa petite famille, la jeune femme a l’impression de vivre un conte de fées, jusqu’au jour où elle apprend que son mari est polygame et lui a transmis le VIH. « Au début, j’avais du mal à l’admettre parce que j’avais trop besoin d’amour. Je ne voulais pas le perdre. Pour lui, j’ai porté le voile et j’ai vécu à l’africaine. » Pensant être ensorcelée, elle consulte des marabouts et se réfugie pendant un an dans la secte de Raël. C’est l’association Ikambéré, soutenant les femmes africaines confrontées au SIDA, qui va l’aider à s’en sortir. « Pour la première fois, je me suis sentie en confiance. L’association a fait beaucoup plus que les médecins. Au contact d’autres femmes, comme moi, j’ai appris à accepter la maladie. » Hacina retrouve le goût de vivre et reprend ses 18 kg perdus. Elle entre en contact avec Sidaction, rencontre une journaliste, Myriam Mascarello, qui la pousse à publier son histoire, et Line Renaud qui se propose pour la préface.
Aujourd’hui, cette battante vit à Gonesse avec ses quatre enfants, qui, « par chance, sont séronégatifs », et a engagé une procédure de divorce. Après avoir témoigné dans un spot pour France Télévisions, elle veut créer dans sa ville un contre de prévention contre le SIDA avec un espace diététique. « Avec cette maladie, j’ai appris qu’il faut avant tout manger pour survivre. »
Ludovic Luppino
« Sheh, bien fait pour toi ! » Editions Des femmes, 84 pages, 5 E