Christine Bini, merveilleuse lectrice de Guillermo de La Roca (11 octobre 2013)

the-evening-gown-1954(1).jpgPar Christine Bini, le 11 octobre 2013

Essayiste et chroniqueuse littéraire. Hispaniste. Rédactrice en chef de La Cause Littéraire de novembre 2011 à février 2013. Rédactrice sur Encres Vagabondes. Ecrivain de fiction sous le nom de Christine Balbo. Membre de la SGDL (société des Gens De Lettres) et de la SHF (Société des Hispanistes Français)

 

connaitreetapprecier.jpgConnaître et apprécier, Guillermo de La Roca,

nouvelles, éd. Chroniques du çà et là, 160 pages, 14 octobre 2013.

 

Saluons la naissance d’une nouvelle maison d’édition, Chroniques du çà et là, fondée par Philippe Barrot, déjà à l’origine de la création de la revue du même nom. En ce mois d’octobre paraissent deux recueils : Nouvelles bartlebyennes d’Emmanuel Steiner et Connaître et apprécier de Guillermo de La Roca.

 

Guillermo de La Roca est né en 1929. Jusqu’à présent, il était célèbre pour avoir enregistré plusieurs disques – avec los Machucambos, notamment – et pour avoir joué sur les scènes internationales de la flûte indienne, vêtu à la manière précolombienne. C’est aujourd’hui en « jeune » écrivain qu’il s’exprime, dans ce recueil rédigé en français.

 

disquelaroca.jpgLes nouvelles qui composent Connaître et apprécier sont indubitablement d’inspiration sud-américaine, même lorsque l’action se déroule au Bois de Boulogne ou en Provence. Ce sont des cuentos rapides, qui plongent le lecteur dans un univers reconnaissable et pourtant magique, où la chute est souvent tranchée, vertigineuse. Dans Le Rhin, la dernière phrase « Nous coulâmes vers 15h30 », reflète parfaitement cette ambiguïté basée sur l’évidence (« nous coulâmes ») et l’incertain (« vers 15h30 »). Guillermo de La Roca s’inscrit dans un réalisme magique latino-américain où les décors – selva, montagne –, les ambiances – saison des pluies, cérémonies –, et les personnages – bâtards, religieux, chamans, métis – forment un univers rude, aux relations sociales marquées. On trouve aussi, dans les nouvelles de ce recueil, des anges et Satan, des thérapeutes et un club sado-maso, un chat narrateur.

 

guillermedelaroca.jpgLes textes sont écrits sans effet de style, comme un constat où l’étonnement n’a pas sa place. L’emploi de mots espagnols non traduits contribue au dépaysement. Le lecteur accepte la réalité décrite, accepte d’entrer dans un monde où un professeur d’anthropologie sociale discute avec le Diable, où un informaticien se découvre voyant, où la civilisation côtoie la barbarie et la religion les superstitions. Guillermo de La Roca ne juge pas, n’établit ni comparaison ni hiérarchie. Il jette sur le monde qu’il observe et qu’il crée un regard malicieux. Il confronte la banalité et le surnaturel, la tradition et la modernité, la légende et l’hic et nunc.

 

Connaître et apprécier enchantera les lecteurs qui apprécient Gabriel García Márquez, Marcel Aymé, Horacio Quiroga…

 

Extrait (p.149) :

« Quand j’étais enfant, j’allais avec mes grands-pères dans les grottes profondes, dessiner à la lueur des torches, les bêtes terrifiantes et les animaux fidèles compagnons de notre vie, les empreintes de mes mains sur les parois, témoignent de ma présence dans ces lieux de mystères. Soudain les torches s’éteignaient, le monde disparaissait avec ses décors, et les voix familières me guidaient vers la lumière ».

Laisser un commentaire