Isabelle Béné participe au livre « Les Pionnières » de la Route de la Soie Editions

Sous la direction de Claude Mesmin & de Sonia Bressler

La Route de la Soie Editions

Diplômées 270-271 : Les Pionnières 22 €


Diplômées est une revue de l’Association Française des Femmes diplômées de l’Université. Dans le cadre de ses actions l’association cherche à donner de la visibilité aux femmes dans tous les domaines et notamment la recherche.

« Les Pionnières », voici un thème qui nous tenait particulièrement à coeur. Par cette expression, nous cherchons, dans ce numéro, à rendre hommage aux femmes qui explorent l’humanité, mais aussi le monde, ou bien l’espace.
Elles sont plus nombreuses qu’on ne peut le soupçonner. Souvent loin des médias, elles passent sous les espaces traditionnels de visibilité. Ce numéro est consacré à celles d’hier mais aussi d’aujourd’hui. Au travers de plusieurs chapitres et de nombreux articles, il s’agit de tracer des portraits, des parcours, mais aussi de découvrir le lien entre toutes ces femmes.

Ont participé à ce livre : Marie Bagi, Isabelle Béné, Sonia Bressler, Yvette Cagan, Anne-Sophie Coppin, Annie Crépin, Françoise Dasque, Laurence Frabolot, Jie Gao, Renée Gérard, Stéphanie Gicquel, Nadine Gomez, Alain Janicot, Christine Janin, Fanny Lévy, Claude Mesmin, Isabelle Mons, Elisabeth Nicoli, Sylvina Boissonnas, Michèle Idels, Nadia Pour, Françoise Richard, Hélène Romano, Maria Grazia Soldati, Sylvie Técoutoff, Inès Vissouze de Haven, Laetitia Vivien, Jing Xie.

« ENTRE DEFIANCE ET PUISSANCE. Dix questions sur l’Europe post-covidienne », par Pierre Ménat

Quatrième de couverture : Avec la pandémie de Covid 19, l’anxiété du monde s’est encore accrue. Nous aimerions compter sur une Europe qui rassure. Or l’Union européenne est confrontée à la crise la plus grave de son histoire. Face à ce tsunami, l’Union a révélé ses potentialités, en apportant une réponse monétaire et budgétaire inédites, mais aussi ses faiblesses : la dépendance du continent envers l’extérieur et notamment la Chine, fut cruellement soulignée. La crise a accentué un malaise déjà installé. La nécessaire puissance européenne ne pourra devenir réalité que si les Européens se départissent de leur défiance, qui reste forte envers l’Union.

C’est ce dilemme que ce livre analyse à travers dix questions sur les grands choix européens, de l’euro à l’immigration, des suites du Brexit à l’écologie. Au cœur de tous les débats revient la notion de souveraineté européenne, prérogative exercée à la fois par les Etats, qui en sont les principaux détenteurs, et par l’Union européenne, qui en est attributaire déléguée. 

Le modèle institutionnel actuel peut fonctionner, sous réserve d’être amélioré, pour l’économie et la monnaie. Mais ce modèle est inadapté à la politique étrangère et à la défense, domaines pour lesquels le plan Fouchet présenté par le Général de Gaulle en 1961 pourrait être repris.

Après France cherche Europe désespérément, Pierre Ménat actualise ici sa réflexion avec le Brexit et à l’heure du Covid. L’auteur, qui a été ambassadeur de France en Roumanie, en Pologne, en Tunisie et aux Pays-Bas, est ancien directeur Europe du ministère des Affaires étrangères.

 

 

 

ENTRE DEFIANCE ET PUISSANCE.

Dix questions sur l’Europe post-covidienne

 

Avant-propos

 

Chapitre 1 Quel rôle l’Europe peut-elle jouer dans un monde anxiogène  ?

Chapitre 2 Le Brexit : pourquoi et comment ?

Chapitre 3 L’Union Européenne  limite-t-elle la souveraineté des Etats ?

Chapitre 4 L’UE est-elle ultra-libérale ?

Chapitre 5 L’UE peut-elle relever le défi climatique ?

Chapitre 6 Comment mieux gérer la zone euro ?

Chapitre 7 L’UE est-elle éloignée des citoyens ?

Chapitre 8 L’UE peut-elle avoir une politique migratoire ?

Chapitre 9 Y a-t-il un modèle institutionnel idéal ?

Chapitre 10 Que signifie « la souveraineté européenne » ?

 

ENTRE DEFIANCE ET PUISSANCE

Dix questions sur l’Europe post-covidienne

 

Avant-propos

 

Voici quelques mois était publié mon livre « France cherche Europe désespérément ».

J’y analysais la relation si complexe que notre pays entretient avec l’Union européenne.  S’ils admettent la valeur d’une association institutionnalisée entre les Etats du vieux continent, les Français, consciemment ou pas, souhaiteraient que cette nécessaire union s’effectue autour de leur modèle. Et cette espérance, commune à tous les acteurs de la scène politique française, est considérée comme un gallicisme par nos partenaires.

« Encore un livre sur l’Europe. Pourquoi faire ?» écrivais-je au tout début de cet ouvrage. Et voici qu’à nouveau, je prends la plume !

Pourquoi ? Le sujet est inépuisable ; le premier livre était mû par l’ambition d’éclairer les actuelles frustrations par un historique de la construction européenne depuis 1948. 

Mais surtout, le Covid 19 a modifié les perspectives. Soudainement, cette pandémie a catalysé une angoisse déjà perceptible. En 2015, Rémi Brague nous alertait sur les dangers du « règne de l’homme »,  soulignant les risques d’une victoire supposée de l’immanence sur la transcendance. Or, la science est l’argument  le plus solide de la raison. Et les progrès de la médecine sont l’un des succès les plus visibles de la science. Déjà la mondialisation, le terrorisme, le changement climatique, l’absence de leadership international, la mutation insidieuse des idéologies, la prise de contrôle de l’information par des réseaux sociaux eux-mêmes incontrôlables, la montée du complotisme suggéraient ou révélaient une forte anxiété. Et voici qu’un simple virus est capable d’enfermer à domicile les deux tiers de l’humanité, de promettre un bouleversement des fondamentaux de l’économie mondialisée : les échanges, les transports, ou simplement la liberté d’aller et de venir. Plus fondamentalement, nous réalisons que notre système de valeurs a placé la sauvegarde de la vie humaine au-dessus de tout, cette vie que nos anciens savait menacée par guerres ou maladies.

Brusquement, nous mesurons, touchons du doigt l’anxiété du monde, lui donnons un nom. Nous réalisons que les progrès médicaux spectaculaires ne sont pas infinis. Bien sûr le COVID est une grave pandémie, mais surtout l’homme n’est plus en mesure d’accepter un tel risque, qu’il croyait révolu. Nous n’étions plus mentalement immunisés contre ce mal, ne pouvions plus tolérer que la vie soit ce qu’elle est, aléatoire, transitoire, interruptible.

Déjà privé de repères, le monde a encore perdu un marqueur. Exposé au terrorisme ou à la pauvreté, il se croyait au moins vacciné contre les épidémies. Une illusion de moins.

Face à ce monde qui inquiète, nous aurions aimé compter sur une Europe qui rassure. Mais l’Union européenne est confrontée en 2020 à la plus grave crise de son histoire. L’épidémie de coronavirus, par ses ravages sanitaires et économiques, a révélé au grand jour les atouts de l’UE mais aussi ses  failles.

Cette Union si prompte à interférer dans la vie des Etats a tardé à réagir, puis l’a fait de manière diversement puissante et pertinente.

Cette crise est d’abord la revanche des Etats, dont le général de Gaulle disait qu’ils étaient « la seule entité à même de donner des ordres et d’être obéis ». A l’intérieur des frontières, l’Etat est de retour. Même les plus libéraux reconnaissent, avec bien sûr des nuances selon que l’on soit, par exemple, aux Pays-Bas ou en France, que seule la puissance publique a la capacité matérielle et financière de lutter contre la pandémie et surtout contre ses désastreuses  conséquences économiques.  Certains crient au scandale : pourquoi l’argent qui n’était pas magique l’est-il devenu ?  Réponse : dans la crise, il redevient légitime d’emprunter et seul l’Etat peut le faire dans de telles proportions. Cependant se dessine ici l’ombre portée de l’Europe. La levée des critères de Maastricht, l’ampleur de l’intervention de la Banque centrale européenne, la création d’un nouveau mécanisme d’emprunt-subventions sont des contreparties du recours massif à la dette  et ne sont pas acquises à jamais. Nous y reviendrons dans le chapitre consacré à la zone euro.

Et dans l’ordre international, l’Etat retrouve sa pertinence et sa souveraineté mises à mal par la mondialisation ou l’Union européenne. C’est dans le cadre étatique que sont définies les frontières, que sont mesurés les ravages de la pandémie, que sont comparées les capacités de chacun à y faire face, quitte à ce que ces jugements soient nuancés en fonction de l’organisation interne, fédérale ou non, de chaque Etat.

Alors qu’en est-il de la souveraineté européenne, dont on nous parle si souvent ?

Nous nous attacherons plus loin à essayer de cerner cette notion si complexe, qui associe en fait deux parts inégales de souveraineté, celle des Etats européens qui est la règle et celle de l’Union qui demeure l’exception. Et cette exception dépend bien sûr des domaines de compétences dévolus à l’Union. 

La monnaie d’abord. Est censée être souveraine la Banque centrale européenne (BCE). Elle seule a le  pouvoir de création monétaire dans la zone euro. Depuis l’arrivée à sa direction de Mario Draghi en 2012, la BCE s’est lancée dans une politique dite non conventionnelle, par le rachat d’obligations publiques sur les marchés secondaires, c’est-à-dire aux banques et autres détenteurs de telles obligations et, à partir de 2015, par l’assouplissement quantitatif. Poursuivie par Christine Lagarde, cette politique a été renforcée par un programme de 750 milliards d’euros destiné à faire face à la crise née du Covid. Et pourtant, même dans ce domaine de compétence exclusive, l’autonomie de la BCE vient d’être menacée par la décision en date du 5 mai 2020 de la Cour Constitutionnelle allemande de Karlsruhe.  Cette juridiction suprême allemande ne peut certes donner d’injonction à la BCE, mais exige des autorités allemandes qu’elles demandent des comptes à la banque de Francfort, sous peine de se voir interdire de participer aux programmes de la BCE.

Souveraineté économique ? Elle ne coule pas de source si l’on considère les divergences entre Etats pour mettre en place un plan de relance, quant à son volume, mais aussi à sa forme, que l’on parle de subventions, de prêts ou de garanties. La crise aura permis de muscler l’outil budgétaire européen, mais au service de quelle ambition ?

Souveraineté politique ? Celle-ci supposerait que deux conditions soient remplies : la responsabilité et la solidarité. Or, l’Union n’a pas compétence en matière de santé publique. Et la solidarité s’est surtout manifestée dans les coopérations bilatérales. L’Union n’a que peu contribué au volet sanitaire de la crise. Elle n’a été réactive ni dans la coordination de la réponse  des Etats-membres, ni dans la gestion de la capacité hospitalière globale, ni dans le domaine de la recherche de traitements et d’un vaccin.

Que signifie la souveraineté européenne ? Tel est le titre du dernier chapitre du présent livre. Et chacun voit bien que l’importance de la question comme les termes de la réponse sont affectés par le Covid.

Pour autant, il faut partir de ce qui existait. Il y a plus d’un an, en mai 2019, cela paraît loin, les citoyens de l’Union ont élu le nouveau Parlement européen (PE). Nous avions assisté à une campagne donnant lieu aux débats habituels sur la souveraineté, les valeurs, l’inadaptation des institutions européennes. Dans la plupart des Etats-membres, à commencer par la France, le clivage désormais habituel entre « européistes » et « eurosceptiques » a fait rage. Les populistes montaient, affirmaient pouvoir être majoritaires.

Le 25 mai 2019 au soir était dévoilé le nouveau visage du Parlement. Il ne prendrait sa forme définitive que le 1er février 2020, après l’entrée en vigueur du Brexit. Finalement, les  groupes considérés comme populistes ne gagnaient globalement pas en nombre. La nouveauté était ailleurs. Depuis sa création, le PE était dominé par une « grande coalition » entre la droite (PPE) et la gauche (S et D). Cette majorité pouvait être qualifiée d’institutionnelle : elle ne se formait que pour la désignation du président du PE, des vice-présidents, des présidents de commissions et de l’approbation des nominations proposées par le Conseil européen. Pour le cœur de métier, à savoir les fonctions législative, budgétaire et politique, chacun reprenait sa liberté, y compris au sein des groupes.

Cette majorité n’existe plus. Au sein du PE, le PPE compte 187 députés, trente de moins que dans la précédente assemblée. L’hémorragie est encore plus forte chez les socialistes, passés de 187 sièges à 148. Qui a gagné ? D’abord, le groupe centriste ALDE, renommé Renew Europe, qui conquiert une trentaine de sièges (97 contre 68), fort de l’arrivée de 23 parlementaires macronistes. Ensuite, le groupe Identité et démocratie, classé le plus à droite, fondé par Marine Le Pen en 2015, progresse de 35 à 76 membres ; mais cette hausse est compensée par la régression des « conservateurs et réformistes », dont le groupe, amputé des conservateurs britanniques et désormais dominé par le PIS polonais, perd une dizaine de sièges. Les Verts gagnent une dizaine de sièges ; la gauche radicale en perd 11.

Donc les partis classés comme européistes (droite, gauche, centre, verts) totalisent 500 sièges, soit 70 % du PE. Mais PPE et S et D sont à 30 sièges de la majorité absolue. Pour élire la présidente de la Commission européenne, il a fallu l’appoint de Renew Europe.

Qu’a fait ce Parlement une fois élu ? Il a « montré les muscles » envers certains Etats-membres. Au sein du Conseil européen, la France avait mené une bataille contre le système des  « spitzenkandidaten ». Selon le PE, le président de la Commission devait être choisi parmi ces têtes de listes. Et puisque le PPE était arrivé en tête, son candidat, président de son groupe parlementaire, Manfred Weber, était fléché pour prendre la tête de l’exécutif européen. Le président Macron s’est insurgé à juste titre contre ce mécanisme contraire au traité. Ce fut  une autre personnalité allemande, Ursula Von Der Leyen, qui fut élue – de justesse – comme présidente de la Commission. En réponse, une humiliation fut infligée à la France : Sylvie Goulard, désignée comme commissaire française, fut largement battue en commission des investitures et dut laisser sa place à Thierry Breton. La Commission ne prit ses fonctions que le 1erdécembre 2019.

Le Conseil européen consacra des semaines à la nomination des principaux hauts responsables de l’Union. La recherche d’un équilibre entre les Etats, les mouvances politiques et les genres domine ce type d’exercices, plutôt que le choix de fortes personnalités particulièrement compétentes dans leurs domaines respectifs d’activité. Cependant, les deux critères sont remplis pour Christine Lagarde, nouvelle présidente de la Banque centrale européenne. Quant au président du Conseil Européen, Charles Michel (Belgique), il est, contrairement à son prédécesseur Donald Tusk, citoyen d’un Etat-membre de la zone euro, dont il présidera les sommets. Josep Borrell (Espagne), nouveau haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est un ancien président du Parlement européen. Mais disposeront-ils de la capacité d’initiative et de la marge de manœuvre leur permettant de peser sur le cours des affaires ?

Ces institutions renouvelées faisaient  face à un lourd agenda : adoption du cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire du budget européen 2021-2027 ; discussion du « green deal » proposé par la nouvelle Commission ; négociations sur les futures relations avec le Royaume-Uni après la période de transition qui doit s’achever fin 2020 ; lancement d’une conférence sur l’avenir de l’Europe voulue par le Parlement européen et soutenue par Mme Von der Leyen.

Et puis vint le COVID-19. Ce virus qui a bouleversé la vie du monde a constitué un puissant révélateur des tensions contradictoires auxquelles est soumise l’Union européenne. Nous l’avons évoqué et y reviendrons tant l’agenda futur de l’Union  en sera affecté.

Au-delà de ces échéances importantes, il ne faut pas perdre de vue les deux défis majeurs, qui viennent de se présenter sous un jour encore plus net : la confiance et la puissance.

Il existe une crise de confiance entre l’Europe et ses peuples. Son symptôme le plus net : un grand Etat-membre, le Royaume-Uni, vient de quitter l’Union. Certes peut-on se demander s’il y était vraiment entré. N’oublions pas non plus que 48 % des Britanniques ont voté pour le maintien. Mais le Brexit est un séisme dont l’ampleur est encore mal appréciée, dont les répliques toucheront aussi bien les Britanniques que les autres Européens. Nous reviendrons sur les épisodes passés et futurs de cette saga. Mais soyons certains qu’après le Brexit, l’Europe ne pourra plus être pensée de la même manière.

La défiance existe aussi parmi les peuples du continent. Dans « France cherche Europe désespérément », je me suis longuement penché sur le cas de notre pays. Le ressentiment envers l’Union y est fort, notamment depuis la rupture qu’a consacrée le referendum négatif du 29 mai 2005 et qu’a aggravée la ratification par voie parlementaire du traité de Lisbonne, qui reprenait l’essentiel de la constitution européenne. De plus, la question européenne, qui suscitait des débats dépassant souvent le clivage gauche-droite, voire majorité-opposition, est aujourd’hui au cœur du duel entre « progressistes » et « patriotes ». Cette situation se prête aux caricatures, à des présentations trop optimistes pour les premiers, destructrices pour les seconds. Dans ce contexte, les résultats de l’élection européenne de 2019 ont pu rassurer les défenseurs de l’UE : hausse de 8% de la participation, scores élevés mais contenus des eurosceptiques. Pour autant, un excès de confiance serait malvenu.

En France comme ailleurs, par commodité sans doute, les commentateurs ont un peu trop tiré sur l’accessible ficelle du populisme pour expliquer la contestation de l’Union européenne. Et dans leur lancée, ils sont conduits à coller l’étiquette populiste à des mouvements d’inspiration diverse et parfois contradictoire. Il n’y a rien de commun entre les ultraconservateurs du PIS polonais, le fantasque ligueur Salvini et le PVV néerlandais, sans parler de l’extrême-gauche. Les Etats d’Europe centrale, qui avaient passé quarante-cinq années sous le régime de la souveraineté limitée par Moscou, se montrent peu enclins à abandonner leurs compétences à Bruxelles. Le populisme italien tient à la résurgence d’un césarisme considéré comme le mieux à même de juguler la vague migratoire. Aux Pays-Bas, l’ultra-droite est ultra-libérale, prompte à condamner les cigales du Club Med et anti-islamique. Tous reflètent, il est vrai, la méfiance envers une Union jugée soit intrusive, soit incapable, tantôt trop dépensière, tantôt pas assez généreuse. « Union européenne » est devenue une formule magique qui désigne tout ce qui ne va pas : même la réforme des retraites en France serait due, selon certains propos, à une imaginaire exigence de Bruxelles. Le déficit de confiance sera difficile à combler.

En réalité, entre européistes et eurosceptiques, il y a la masse des « euro-indifférents ». Ceux-ci n’adhèrent pas particulièrement à des mots d’ordre comme le Frexit ou la sortie de la zone euro mais perçoivent les institutions européennes au mieux comme éloignées de leurs préoccupations, au pire comme aggravant leurs problèmes. Cette majorité silencieuse est sensible à la petite musique populiste, alors qu’elle est peu attirée par les messages optimistes.

L’autre grand défi est celui de la puissance. Souverainistes et Européistes  peuvent se retrouver autour d’un constat : l’Europe, qui dominait encore le monde au début du XXème siècle, a perdu la main. A partir de là, les analyses divergent. En se fédérant ou se confédérant, les grands Etats européens pourraient-il compenser cet affaiblissement ?

Le sujet est séculaire, puisqu’en 1919, Paul Valéry se demandait si l’Europe deviendrait « un petit cap du continent asiatique » tandis qu’Oswald Spengler dissertait sur le déclin de l’Occident. Car ce fut la première guerre mondiale qui porta un coup fatal au rayonnement européen. Territoires dévastés, populations décimées, empires désagrégés, voilà le tableau du continent, qui serait encore noirci par l’autre guerre. Dans le même temps, de nouvelles puissances montaient en gamme, à commencer par les Etats-Unis d’Amérique. 

En 2020, si l’on peine à définir l’Europe-puissance, c’est parce que ce concept résulte d’un raccourci. A l’apogée de sa gloire, notre continent avait pour champions quelques Etats. La France et le Royaume-Uni, en passe d’être rejoints par l’Allemagne, disposaient de toute la panoplie des Grands : l’armée, la diplomatie, l’économie, la monnaie, l’influence mondiale s’appuyant sur leurs empires. Un siècle plus tard, nos Etats ont perdu l’essentiel de ces forces. Soumis pendant quarante-cinq ans à l’ordre de Yalta, qui sanctionnait le condominium Etats-Unis-URSS établi en 1945, les Européens vivent depuis 1989 dans un monde dépourvu de repères. Décrétée en 1989, la « fin de l’histoire » avait pour corollairel’obligation pour les démocraties de se ranger derrière la bannière étoilée. Mais celle-ci a pâli. Les Etats-Unis détiennent encore le statut de première puissance mondiale, étant le seul pays du monde à disposer encore à la fois d’une monnaie hégémonique, d’une puissance de feu inégalée, de ressources énergétiques confortables, de géants à la pointe du développement technologique, d’un ordre juridique protecteur et d’une influence culturelle universelle. Mais leurs erreurs répétées les ont conduits à se concentrer sur la défense de leurs intérêts, au détriment de leur fonction de meneur de jeu.

Dans le même temps, la Russie de Poutine se vengeait des humiliations qui lui avaient été infligées dans les années quatre-vingt-dix. Convertie au capitalisme le plus débridé, la Chine, à son tour, acquérait une capacité économique lui promettant la première place en ce domaine. L’absence de leadership mondial permettait à quelques puissances moyennes, comme l’Iran ou la Turquie, loin des scrupules démocratiques, de songer à étendre leurs zones d’influence respectives.

Au sein du vieux continent, deux Etats, France et Royaume-Uni, conservaient ces atouts de la puissance que constituent l’arme nucléaire et la qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité. La supériorité démographique et le dynamisme industriel de l’Allemagne réunifiée la hissaient à la première place en matière économique. L’Union européenne est le premier marché du monde en taille et en prospérité. Mais peut-on la qualifier de puissance ?

Ce terme s’applique encore à certains de ses Etats, mais à condition de l’assortir du qualificatif « moyenne ». Et lorsqu’on parle d’Europe-puissance, cela implique que tous les facteurs concourant à cette qualité soient agglomérés et contribuent à un effet d’échelle.

Voilà la difficulté. L’Union européenne est une structure sui generis, associant certains ingrédients du fédéralisme à des mécanismes de caractère intergouvernemental. La cote a été taillée au fil des années et des changements de traités. Si bien que parmi les attributs de souveraineté, l’un d’entre eux, la monnaie, a été transféré au niveau européen pour les Etats-membres de la zone euro. Les autres fonctions dites régaliennes, la diplomatie, l’armée, la police, la justice, demeurent du ressort des Etats. Mais le jeu a été compliqué depuis le traité de Maastricht, qui, en 1992, a institué un pilier « justice et affaires intérieures ». Il a aussi prévu une « politique étrangère et de sécurité commune » et a dessiné la perspective d’une défense européenne. Ces derniers concepts sont trompeurs : ils désignent des actions que les Etats décident de mener ensemble, un plus petit dénominateur commun qui n’entrave en rien leur autonomie de décision. Aussi la notion de souveraineté européenne, récemment avancée, est-elle complexe, associant des mécanismes de nature fédérative (commerce, monnaie) et d’autres qui relèvent en dernier ressort des Etats.

Le Brexit contribue à brouiller les pistes. Avant le départ du Royaume-Uni, il était déjà difficile de concevoir une diplomatie et une défense dans le cadre de l’UE. C’est désormais impossible, sauf à se priver de l’apport irremplaçable du seul Etat européen qui, avec la France, détient l’ensemble des atouts de la puissance. C’est pourquoi, dans « France cherche Europe désespérément », j’ai suggéré une autre piste, inspirée du plan Fouchet présenté en 1961 par le général de Gaulle.

 

Confiance à l’intérieur, puissance dans le monde, voilà bien les deux défis européens qui sont au cœur de ces dix questions sur l’Europe post-covidienne.

« Le Petit Roi », premier roman d’Emmanuel de Landtsheer

Vient de paraître, rentrée littéraire août 2020

« Le Petit Roi » le premier roman d’Emmanuel de Landtsheer

aux Editions Saint-Honoré

Pour le recevoir en service de presse / interviewer l’auteur, merci de contacter guilaine_depis@yahoo.cm 06 84 36 31 85

Le Petit Roi, c’est l’histoire d’un enfant qui découvre le monde… avec son regard, sa compréhension, sa quête. Il n’est qu’amour, et découvre ce monde qui l’entoure qui est tout le contraire. Le Petit Roi est un observateur, il regarde tout, comprend tout.
Mais ce monde des adultes est tellement loin de lui qu’il décide de se mettre en retrait, refuse la parole, et cherche à le comprendre en rentrant dans le cerveau des personnes qu’il croise.
Il se réfugie alors dans son imaginaire, et au fil de ses rencontres se noue d’amitié, découvre l’amour, et se construit ainsi, en parallèle, avec cette conscience qui l’a toujours habité, il est là pour faire quelque chose…
Le Petit roi est un créatif, un pur, qui va chercher à s’inventer sa vie, comprenant petit à petit que les autres lui sont indispensables…

EXTRAITS DU LIVRE

« Je n’ai jamais su pourquoi, mais j’ai toujours rêvé en blanc des images vaporeuses et légères.
La plupart de ces rêves étaient très doux et je ne rêvais jamais de mes parents.
Pourtant j’avais le sentiment qu’ils m’accompagnaient partout où j’allais.
Le plus délicieux et le plus fréquent de mes rêves était celui où je marchais sur un sol très tendre d’où s’évaporait une musique douce et où chacun de mes pas révélait quelque chose d’inattendu.
Une pensée prenait une forme bien particulière et j’avais une sensation très forte que quelque chose s’animait en moi.
Marcher était peut-être une façon de se sentir vivre.
Comme si vivre, c’était marcher, à moins que ce ne soit le contraire.
Ce rêve revenait fréquemment, un peu comme une alternative au langage que je n’avais pas.
Le rêve a tenu une place énorme dans mon enfance, certainement parce qu’il était trop absent de mes journées.
À force de vouloir m’apprendre la réalité, j’ai fui dans son contraire et inventé un univers autre, où les mots plaisir et poésie avaient pour moi un sens, celui très personnel que je leur accordais.

C’était ce sens qu’il me fallait trouver, par n’importe quel moyen, même si cela devait me prendre une vie.
Ça, je m’en moquais, j’étais persuadé d’en avoir plusieurs. »

A propos de l’auteur : Emmanuel de Landtsheer

Emmanuel de Landtsheer était un enfant solitaire, un peu en retrait, observateur méfiant mais attentif à la vie des adultes. Amoureux d’une île où il passait tous les étés de son enfance, il en a retiré cette conscience que depuis une île, au centre de l’océan, tout est possible puisque tout est autour. Devenu architecte et designer, le dessin a pris le dessus sur l’usage des mots, et le besoin de renouer avec l’écriture est né au rythme des chantiers, comme des années qui s’écoulaient. Le besoin d’écrire Le Petit Roi est arrivé à la mort du père, personnage doux et tendre, mais qui n’avait pas réussi sa vie. De cette perte, il a eu besoin d’en faire quelque chose et de raconter, au travers de ce personnage, ses années d’enfance, d’adolescence, d’errance, et de cette rencontre avec le monde des adultes qui ne l’attirait pas, mais dans lequel il savait qu’il allait devoir, d’une manière ou d’une autre, s’inscrive.

Marie-Ange de Montesquieu reçoit le romancier Eric-Louis Henri auteur de « La Souciance »

En Quête de Sens – Émission du 22 juillet 2020 : Comment développer votre créativité pendant les vacances ?

Réécoutez Eric-Louis Henri : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/22-07-2020/

« La créativité, c’est l’intelligence qui s’amuse » disait le physicien Albert Einstein ! Faut-il encore se mettre  au diapason pour définir ce qu’est la création… Car du collier de nouilles au roman de 550 pages, il semble y avoir un océan… Sauf que l’été, lorsqu’on a du temps, peut-être est-ce le moment de sortir papier crayon ou autre idée de ses tiroirs, pour se lancer ? Car si créer c’est s’amuser, c’est peut-être aussi s’explorer, s’expérimenter et finalement se connaître mieux… Alors comment développer votre créativité pendant les vacances ? Tentative de réflexion dans cette émission…

« On ne peut pas créer sans émotion, chaque création est d’ailleurs liée à une émotion », Jean Cottraux, psychiatre auteur de « A chacun sa créativité » (Odile Jacob)

Avec : Eric-Louis Henri, philosophe de formation et auteur de « La Souciance » (Editions du Panthéon)

Jean Cottraux, psychiatre honoraire des hôpitaux, ancien chargé de cours à l’Université Lyon 1, psychothérapeute et auteur de « A chacun sa créativité » (Odile Jacob) et de « Tous narcissiques » (Odile Jacob)

Emilie Devienne, coach accréditée auprès de la société française de coaching, auteur de « Savourons le silence » (Eyrolles)

 

Rainfolk’s diaries a repéré la Souciance

Un nouvel article sur la Souciance
La Souciance d’Eric-Louis Henri, un roman en forme de balade philosophique qui invite à aller à la rencontre de soi

Par Bernie

Dans ce premier roman, publié aux Editions du Panthéon, Eric-Louis Henri nous propose un moment hors du temps, une réflexion profonde, intime et poétique, induite par un pays propice à l’introspection et à la découverte de la « souciance ».

La Souciance

Un couple de voyageurs fait halte dans un village suspendu entre mer et montagne. Une étape de plus, somme toute ordinaire, lors d’un périple estival sans but précis.

Mais ce qui aurait pu n’être qu’un simple instant de découverte heureuse révèle d’emblée une autre dimension, singulière, insolite. L’évidence du lieu, fragile, immédiate et surprenante, dessine alors pour le couple un futur inattendu.

Une balade philosophique pour cheminer vers l’intime

Le fil de l’histoire se déroule dans le sud méditerranéen : cela pourrait être l’Italie ou la France, la Grèce ou l’Espagne, la Crête ou la Carthagène tunisienne… Il est de tous ces lieux et d’aucun à la fois. Apatride et universel, berceau et tremplin. Il est de tous les temps aussi, quoique résolument contemporain.

L’histoire débute par une halte dans un village suspendu entre mer et montagne ; ce n’aurait pu être qu’une simple étape d’un périple estival. L’instant de découverte passé, se révèle une autre dimension, singulière, insolite pour un couple de voyageurs. L’évidence d’un lieu dessine alors pour celui-ci un futur inattendu, propice à la “souciance”.

Mais quelle est donc cette “souciance” ? Ce terme, issu de la phénoménologie, évoque à la fois l’infime singularité de toute existence et les incertitudes essentielles de la vie humaine.

« La Souciance” d’Eric-Louis Henri est tout à la fois :

  • Le journal d’un apprenti en pensée.
  • L’itinéraire d’un homme qui, à l’épreuve du réel, est en quête de ce qui fait sens en lui et pour lui. Qui tente de ne pas manquer ce rendez-vous en s’ouvrant à l’imprévisible, à l’inattendu, … à cette part de “réalité singulière qui constitue son universalité ».
  • Une mise en abîme des présupposés contemporains gouvernant notre existence.

Un livre à mettre entre toutes les mains

« La Souciance » n’est pas un livre réservé à quelques « happy few » férus de philosophie. L’auteur a adopté une écriture simple, accessible, et vivante.

Chacun.e peut aussi se projeter, en filigrane, dans cette histoire : même si sont évoqués quelques lieux et moments qu’Eric-Louis Henri a croisés, visités ou « entre-vécus », même si elle s’en est nourrie, La Souciance n’est pas une autobiographie.

Voici ce que la journaliste-correspondante en Europe, éditrice et critique littéraire équatorienne Sofia Cardoen (Diario El Universo – Perla del pacifico Ediciones) écrit à propos de ce roman captivant :

« Ne cherchez pas une histoire, ne cherchez pas une action, ne cherchez pas des personnages haut en couleurs. En ouvrant ce livre, c’est vous-même que vous allez rencontrer.

D’une façon détournée, imprévue, l’auteur vous emporte dans son monde intérieur et de cette intériorité s’ouvre un passage à votre propre être par le rythme et la réflexion que l’auteur a suscitée.

Observer, méditer, ralentir pour se retrouver au milieu d’un nulle part qui ne prend sens que parce que vous vous y trouvez. La souciance est ce temps qu’on devrait accorder à soi-même et qu’on passe toute une vie à remettre pour plus tard. »

Extrait

« Et si l’éternité n’existait pas ?

Et si l’éternité, ce n’était que le passé.

Derrière nous…Résolument clos.

Devant, il n’y aurait que l’infini. Sans cesse naissant, indéfiniment mouvant. Indéterminé, voire improbable…

En arrivant au village, j’ai aussitôt ressenti que quelque chose se jouait du temps. Un « je-ne-sais-quoi » qui frissonnait à la surface du présent. Comme un air de commencement.

D’ordinaire, lorsqu’on se rend quelque part, la destination est connue. On sait où le chemin nous mènera. On sait où l’on va et, normalement, par où aller. Sans que l’ordre du monde, de son monde, n’en soit bouleversé.

Ce fut différent, cette fois.

Hasard ou coïncidence ?

Prédestination ou providence ? »

La genèse de ce roman hors du temps

L’écriture de « La Souciance » est née dans un avion, alors qu’Eric-Louis Henri partait vers le Sud de l’Italie avec son épouse.

Alors qu’il sort d’une rupture professionnelle tendue et tumultueuse suivie de 6 ans de procédures, procès et actions en justice, il reprend son cahier de notes. Sur ce Moleskine petit format non ligné, celui qui l’accompagne toujours où qu’il soit, il jette sur la page blanche ouverte : « Et si l’éternité n’existait pas? »

Cette même phrase, cette même interrogation qui ouvre « La Souciance ». Et le reste a suivi, spontanément, en un flot continu, comme si cela allait de soi et était normal. Eric-Louis ne relèvera la tête qu’à l’atterrissage, trois heures plus tard.

Il écrit alors le livre en 3 mois. Puis il passe autant de temps à le relire, le réviser, le corriger, le compléter… Lui qui écrit à la main, au crayon, dactylographie ensuite le manuscrit et l’envoie à des éditeurs figurant sur une liste fournie par un ami bibliothécaire.

Il accepte la proposition de la première maison d’édition qui lui répond, sans réfléchir. Comme une page que l’on tourne car l’essentiel était que cela se passe, s’accomplisse et se frotte à sa réalité…

Eric-Louis raconte :

« Les miens se sont demandés six ou sept mois durant quel était ce dossier qui m’accaparait une fois de plus à ce point. Je ne leur en ai donné la raison qu’une fois le manuscrit totalement retranscrit. C’est à ce moment-là qu’ils ont découvert le roman. »

Aujourd’hui, la publication de La Souciance a été bien accueillie, tant dans son entourage privé que professionnel. La critique en Belgique francophone a été positive de même que les commentaires sur ses réseaux sociaux.

Eric-Louis Henri

Eric-Louis Henri est philosophe de formation. Il parcourt désormais le monde au service de projets d’entreprise.

Né dans une famille bourgeoise au passé colonial et entrepreneurial pesant et guindé, il marque une première rupture en pratiquant la danse classique durant 12 ans. Cette discipline, à la fois sportive et artistique, représente pour lui à la fois un éveil et une révélation.

Dès que l’âge civil l’y autorise, il prend alors son envol…

Après deux ans de mathématiques appliquées, il est initié à l’école de la phénoménologie (Husserl & Heidegger) et du postmodernisme (Jean-François Lyotard). Il suit ensuite un MBA international puis se forme au management, et notamment à ses modèles contraignants et « castrateurs ».

Auteur d’une méthodologie de Stratégie et Communication Corporate, il accompagne aujourd’hui des projets de développement d’entreprises start-ups et PME dans le monde.

Véritable électron libre, il est toujours à l’écoute des nouveaux modèles de pensée. C’est d’ailleurs ce qui le conduit à poursuivre sa réflexion aujourd’hui sous un mode narratif.

Eric-Louis souligne :

« L’écriture est pour moi un chemin qui laisse advenir le sens, et me permet de prendre le temps d’être à l’écoute de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, de comprendre davantage les disruptions, les failles d’une civilisation en proie à “l’algorithmisation” de l’existence. »

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Eric-Louis Henri

L’auteur est notamment fasciné par les premières rencontres, celles d’un lieu, d’un temps, d’une existence. Pour lui, elles sont toujours porteuses de sens et d’infini, spontanément, et préfigurent déjà un futur à naître…

Eric-Louis travaille actuellement à la rédaction d’un autre roman, qui emmènera le lecteur vers les pays de l’Est. Sans être une suite de La Souciance, son « ici et maintenant » en prolongera la réflexion.

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Charles de Meyer livre dans Politique magazine un superbe article sur le récit d’Anne-lise Blanchard

Debut des travaux de reconstruction en mai 2016 de la cathedrale melkite greco-catholique de Homs entierement detruite d’avril 2011 a mai 2014 par les combats, les pillages et l’explosion d’une bombe laissee par les rebelles. / Beginning of reconstruction work in May 2016 of the Melkite cathedral Greek Catholic Homs completely destroyed from April 2011 to May 2014 by fighting, looting and the explosion of a bomb left by the rebels.//GERVAISLARASCARLETT_0940.1112

Rencontrer la mère d’un ami n’est jamais une mince affaire. Il faut être présentable et convenu. L’idéal de notre mère à nous, qu’on ne voudrait pas décevoir. Avec Anne-Lise, la mère de Benjamin Blanchard, co-fondateur et directeur général de SOS chrétiens d’Orient, les choses allèrent d’elles-mêmes. Engagée, très soupçonnable d’être arrimée à de solides principes ensoleillés par la connaissance du monde, le courant ne pouvait que passer. Et il passa, sereinement, dans les conseils d’administration comme dans les chemins orientaux. Elle arpenta ceux que j’arpentai, rencontra les mêmes visages, connut émerveillements et déceptions aux mêmes avanies.

Magie linguistique, elle sentit les choses tout différemment ou, plutôt, tout singulièrement. Je vous avais déjà parlé de son recueil Le Soleil s’est caché dans les cailloux paru chez Ad Solem il y a quelques années. Anne Lise n’écrit pas que des vers. Elle prit aussi des notes. Plus minutieuses que les miennes, plus féminines certainement. À Alep, elle rencontra les pires affres de la guerre imposée en Syrie : « Quelques tirs d’obus traversent la nuit, la guerre n’est pas terminée. Cependant mon court séjour ici, avec ses nuits exquises, sera une halte bénéfique pour mon sommeil dans le cours de cette mission itinérante au mode de vie très spartiate ».

Comme cela me rappelle les premières équipées de SOS chrétiens d’Orient ! Dormir est un enjeu essentiel. Les agapes officielles s’étalent de longues heures, assez semblables au narghileh qui s’invite aux tables syriennes, volupté du temps sec et des tables copieuses. Il se fume sans précipitation et sans peur du lendemain, qu’il encombrera de sa toux. Et puis, il faut parler du dîner qui vient de s’écouler. En Syrie, je le fis avec du thé ou ce que nous trouvions. En Irak, un soir, nous longeâmes la route d’une nuit noire pour débusquer le premier marchand d’arak à des kilomètres. Nous le sirotâmes jusqu’au matin tant nous avions de choses à dire.

Le débat n’est alors jamais tranché : éteindre la climatisation et étouffer ? Ou maintenir la climatisation comme bande sonore des ronflements ? Les choses les plus futiles deviennent obsessionnelles dans les pays étrangers. Surtout quand nous filons d’un village à l’autre pour visiter un maire, évaluer un projet, brandir une pancarte. Au bout viennent les épuisements comme les ravissements. Anne-Lise décrit la découverte des travaux avancés de la cathédrale de Mgr Arbach, à Homs, ou les visites au père Najeeb, protecteur des manuscrits syriaques les plus précieux et devenu archevêque de Mossoul.

Avons-nous senti les mêmes parfums ? Goûté aux mêmes mets ? Je n’en sais rien. Ce qui me frappe le plus à la lecture de ses chroniques, c’est que nous avons plongé dans une civilisation, désormais morcelée et qu’on ne doit pas laisser partir en lambeaux. Qui ne doit pas s’évanouir entre les canons mondiaux et les balles locales. Pour que les arcanes d’Alep déploient leurs feuillages jusqu’en nos imaginaires, il faut qu’à des centaines de kilomètres de là les villages montagnards du Kahbour soient préservés des bombardements turcs qui les accablent en ce mois de juin, que le Liban sauve ses paysages matraqués de béton ; que les vestiges chrétiens de Jordanie jaillissent au milieu des déserts.

C’est à cette condition que nous pourrons lire, au siècle prochain, des récits de voyages en Orient, si méprisés par les universités mais tellement propices à l’aventure. Anne-Lise, de retour à Maaloula, écrivit : « La vigne, culture plurimillénaire de Maaloula, replantée cette année sous l’œil expert de Julien, jeune ingénieur agronome chargé des projets agricoles, annonce le retour à la vie de Maaloula en attendant celui des chrétiens syriens et irakiens sur leur terre. » La Mésopotamie doit nous nourrir à nouveau. Par nous, entendez, la France ; quant à SOS chrétiens d’Orient, nous ne nous lassons pas de nous en rassasier.

Anne-Lise Blanchard, Carnet de Route. De l’Oronte à l’Euphrate, les marches de la résurrection, Via Romana, 2020, 15 €

Les chroniques de Koryfée (l’excellent blog littéraire de Karine Fléjo) a eu le bon goût de lire Paula Marchioni

N’en fais pas une affaire personnelle, Paula Marchioni

N'en fais pas une affaire personnelle
©Karine Fléjo photographie

Une histoire féroce dans les coulisses du monde du travail. Ou quand une femme cadre sup s’arroge tous les pouvoirs, y compris celui de détruire les autres.

Pression inhumaine en entreprise

Bobette a succédé à la Rousse au poste de boss au sein de l’agence de pub spécialisée en cosmétique. Un challenge qui sied à son tempérament de battante, celle d’une femme qui toute sa carrière s’est imposée pour occuper des postes de direction au même titre que les hommes.

Mais quand elle intègre l’agence, elle constate que les arrêts maladie et burn-outs sont légion. Et très vite Bobette identifie le problème : l’unique et tyrannique grosse cliente de l’agence, nommée Super Power. Une éternelle agitée qui noie le personnel de l’agence sous des mails, appels et SMS, sept jours sur sept. Et de leur hurler des ordres du matin au soir, de les malmener, de les rabaisser, de les humilier, sans jamais aucune remise en question de sa part. Sans aucune cohérence dans ses ordres et requêtes. Dès lors, les employés sont dans un état de stress et d’épuisement émotionnel, physique et mental extrêmes. Impossible de satisfaire Super Power, aussi investi soit le personnel de l’agence, tant ils se heurtent aux injonctions contradictoires de cette dernière.

Heureusement, Bobette peut compter sur le soutien affectif et les conseils de son compagnon Nounours, sur son psy et sur sa coach privée, ainsi que sur les respirations salvatrices que sont pour elle ces ateliers d’écriture.

Mais comment tenir face au rouleau compresseur Super Power, face à sa folie destructrice?

La férocité du monde du travail

Paula Marchioni a fait carrière dans la communication avant de s’élancer dans l’écriture. Le monde de l’entreprise, ses codes, ses pressions, ses défaillances, ses priorités données au profit au mépris de l’humain, elle les connait bien et s’en est inspirée pour écrire ce roman. S’il est de bon ton de revendiquer l’épanouissement et le bonheur au travail, ces valeurs éthiques ne sont bien souvent qu’un rideau de fumée. Dans la réalité du monde de l’entreprise, la quête de profits toujours plus grands est de rigueur, doive-t-elle se faire en exigeant du personnel une disponibilité et une joignabilité de chaque instant, en rognant sur leur salaire et sur leurs nuits. Et en les remerciant par un licenciement du jour au lendemain quand on n’a plus besoin d’eux.

Un livre qui, bien que fictionnel, parlera à beaucoup, confrontés à l’impitoyabilité du monde du travail. Et leur donnera peut-être des clés, voire les aidera à se sentir moins seuls.

Informations pratiques

N’en fais pas une affaire personnelle, Paula Marchioni – éditions Eyrolles, juin 2020 – 325 pages – 16€

Erwann Créac’h, l’auteur de « Carnivores domestiques » (Prix Goncourt des animaux) réinvité dans « En quête de sens » sur Radio Notre Dame

Réécoutez ici la seconde émission de Marie-Ange de Montesquieu avec Erwann Créac’h : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/15-07-2020/

Erwann Créac’h, vétérinaire et écrivain. Il est l’auteur de « Carnivores domestiques » (Points) et de « La montée des marches » (Encre Rouge). Il a reçu le Goncourt des animaux

Jill-Manon Bordellay, professeur de philosophie, docteur en philosophie, littérature comparées et psychologie. Collaboratrice à l’Encyclopédie Universalis, et à différentes revues d’art et de psychologie, ainsi qu’aux revues 30 millions d’amis, Alternatives végétariennes, Droit animal, éthique et sciences. Engagée pour la protection des animaux. Elle est l’auteur de « Stop abandons d’animaux »  (Sydney Laurent)

Père Pierre de Martin de Viviés, Prêtre du diocèse de Lyon auteur de « Ce que la Bible dit…sur les animaux » (Nouvelle Cité)

Erwann Créach, écrivain vétérinaire, vient parler de la place des animaux à la radio

En Quête de Sens Émission du 15 juillet 2020 : La place des animaux a t elle changé pour les chrétiens ?

Réécoutez l’émission ici : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/15-07-2020/

Erwann Créac’h, vétérinaire et écrivain. Il est l’auteur de « Carnivores domestiques » (Points) et de « La montée des marches » (Encre Rouge). Il a reçu le Goncourt des animaux

Jill-Manon Bordellay, professeur de philosophie, docteur en philosophie, littérature comparées et psychologie. Collaboratrice à l’Encyclopédie Universalis, et à différentes revues d’art et de psychologie, ainsi qu’aux revues 30 millions d’amis, Alternatives végétariennes, Droit animal, éthique et sciences. Engagée pour la protection des animaux. Elle est l’auteur de « Stop abandons d’animaux »  (Sydney Laurent)

Père Pierre de Martin de Viviés, Prêtre du diocèse de Lyon auteur de « Ce que la Bible dit…sur les animaux » (Nouvelle Cité)