Actualités (NON EXHAUSTIF)

Le Dit des Mots trouve que « La Tentation de la vague » tient ses promesses

La saga d’un bourgeois révolutionnaire
par François Cardinali : Premier roman de Alain Schmoll, ingénieur de formation, La Tentation de la vague est une espèce de polar politique où un meurtre sert de révélateur dans une société où certains mènent  une double vie. Tel Werner, alias Romain…

La Tentation de la vague joue sur deux mondes. Playboy et un rien bobo, Werner vit à Paris, à l’écart de ses parents, de riches industriels de la filière laitière menant un train de vie fastueux sur la rive suisse du lac de Genève. Un jour, il découvre que le groupe familial va au-devant de graves difficultés. Pour Werner, se pose alors la question essentielle de la responsabilité, celle du groupe et la sienne. Car Werner est un as du double jeu.

À la ville, à Paris, sous le patronyme de Romain, il dans un tout autre univers. Activiste d’extrême-gauche, formé à Cuba à la lutte révolutionnaire clandestine, il a fondé son propre mouvement politique. Il s’appuie sur Julia, sa compagne, et sur Greg, un jeune militant qu’il a choisi pour son charisme et son pouvoir de séduction. Or, Julia va, sans le vouloir vraiment au départ, les séparer…

Alain Schmoll connaît ses classiques révolutionnaires et il décrit avec une vraie habileté le parcours gauchiste de Romain dont le métier de consultant est une habile couverture pour ses autres activités. Le romancier décrit avec verve les débats enflammés de ces révoltés qui ont été formés à l’école de Cuba : c’est là que Romain a croisé et vécu avec une fille qui le hante, une fois qu’ils sont séparés, Julia. Car Romain a appris à se fondre dans l’anonymat comme le souligne l’auteur : « Quand il a un article,  une tribune, une déclaration ou un ensemble d’emails à diffuser, comme c’était la cas ce matin, il l’enregistre sur une clé USB, puis se rend dans l’un des cybercafés ou dans l’un des espaces de coworking, rendant impossible toute identification personnelle, ainsi que tout repérage de son matériel et de son lieu de résidence. »

Le contraste avec ce milieu d’activistes révolutionnaires est d’autant plus grand ensuite que, dans la maison familiale de Suisse – grand industriel dans l’alimentaire, son père, rêve de passer la main car il sait atteint d’un cancer incurable-, ses parents font tout pour organiser des fêtes somptueuses et lui faire rencontrer les jeunes filles les plus prometteuses, socialement parlant.

Tout ce savant château de cartes qu’il a construit dans cette vie compartimentée est sur le point de s’écrouler quand, suite à des manifestations violentes dans une ZAD près de Nantes, Greg est retrouvé agonisant, victime d’un coup violent derrière la tête. Bavure policière or not ? Cette mort ne peut qu’entraîner le lecteur sur bien des pistes, plus ou moins valables… Un meurtre qui fait peser quelques légitimes soupçons sur Romain qui était présent dans la zone durant quelques heures.

Fin connaisseur du monde des affaires, Alain Schmoll fait pénétrer le lecteur dans cet univers où la finance est reine et nombreux les coups fourrés sur fond de guerre de la communication et des réseaux sociaux. Ainsi quand il décrit les actes de Claude Cordelier, ami intime de son père et personnalité essentielle dans la gestion du groupe : « Claude Cordelier en était le mandataire social. A ce titre, il était le seul maître à bord et il la dirigeait sans rendre de comptes à personne. Plus exactement, la société établissait des comptes globaux et les transmettait au Groupe, sans en diffuser les pièces justificatives. Ils étaient validés par un commissaire aux comptes des environs de médiocre réputation, mandaté directement par Cordelier. »

Si la chute du polar et la révélation du responsable de la mort de Greg n’est pas vraiment étonnante, le roman tient ses promesses dans sa description de deux mondes que tout oppose. Et où les salauds ont la vie dure. Romain en est le parfait exemple qui reconnaît : « J’étais en train de basculer dans le monde que j’avais honni depuis mon adolescence, celui de l’argent, des affaires, de Jonquart, de mes parents, de Toni. »

(*) Ed. L’Harmattan

Wukali repère « un grand écart très réussi » pour Alain Schmoll

La tentation de la vague, un roman astucieux sur des choix économiques extrêmes

 Une intrigue policière très politique

Par Émile Cougut /. D’un côté Werner, de l’autre Romain. Tout semble les séparer.
Le premier est la caricature du fils à papa (important industriel dans le fromage qui est allé faire fructifier sa holding en Suisse) : un dilettante qui se dit conseiller en relations humaines, habitant dans un immense appartement sur les Champs-Élysées, revenant passer des week-ends dans la propriété familiale sur les bords du lac Léman. Mais, son père est atteint d’une maladie mortelle et les nuages se concentrent sur la société. Il faut que Werner s’implique dans la gestion de cette affaire. Il y a bien un fonds américain qui est prêt à investir et à s’impliquer mais à une condition : que le fils du fondateur soit présent.

Romain, ancien des forces spéciales castristes, a essayé d’apporter la parole révolutionnaire dans le monde entier. C’est à Cuba qu’il a rencontré sa compagne actuelle, la belle Julia, qui hésite de partir travailler au cabinet d’avocats de ses parents à Bordeaux. Romain a créé un mouvement d’ultra gauche qui a rencontré une certaine estime médiatique. C’est un théoricien qui prône la révolution mais condamne toute idée de violence. Il est secondé par Amin, un excellent organisateur et logisticien et par Greg qui assure le contact avec les militants.

Greg est un jeune homme, formé idéologiquement par Romain qu’il adule ; mais c’est surtout un aigri de la vie qui a été humilié dans son adolescence car il n’était pas membre de la bonne classe sociale. Et de fait, Greg, plus ou moins amoureux de Julia, veut passer « à la vitesse supérieure » et recourir à la violence. Contre les consignes strictes de Romain, il organise un groupe lors d’une manifestation autour d’une ZAD. Les incidents avec les forces de l’ordre sont d’une rare violence. Dans la soirée, on retrouve sur le « champ de bataille » Greg, gravement blessé qui va expirer à l’hôpital. Qui a tué Greg ? Romain, tout porte à le croire, car Greg lui a bien dit qu’après la manifestation il dira à Julia et aux militants le secret de ce dernier ? D’ailleurs, après la mort de Greg, Romain a disparu. Ou bien la Police ? Ou encore un inconnu ?

Je ne vais pas décrire la fin de ce roman, même si, très vite, on a compris le secret de Romain. C’est d’autant plus évident quand on étudie la structure du roman : une suite de chapitres, l’un à la première personne du singulier autour de Werner, l’autre à la troisième personne du singulier autour de Romain. La fusion est évidente, mais laquelle ?

Alain Schmoll réussit à faire le grand écart entre les théories capitalistes les plus libérales et les déclinaisons anticapitalistes les plus radicales. Bien sûr, les spécialistes trouveront que parfois c’est quelque peu caricatural, mais en même temps c’est une très bonne vulgarisation. Ceux qui veulent approfondir ces théories peuvent toujours le faire, surtout s’ils sont confinés.

Émile Cougut


La tentation de la vague
Alain Schmoll
éditions L’Harmattan. 23€

Domitille Marbeau Funck-Brentano dans l’émission radio de Benjamin Blanchard

Samedi 21 mars 2020, Benjamin Blanchard a reçu dans son Libre journal durant une heure à la radio :

  • Domitille Marbeau Funck-Brentano, auteure wagnérienne
  • Henri Adam de Villiers, maître de chapelle à la Schola Sainte Cécile à Saint-Eugène et à l’église russe de la très sainte Trinité de Paris
  • Julien Clos, président de l’ordre des pauvres chevaliers du Christ

Thèmes : « A la découverte des Églises d’Orient (Épisode 33) : L’Église grecque (4ème partie) ; Voyage initiatique à Bayreuth ; Une marche contre la christianophobie » Réécoutez l’émission ici : https://www.radiocourtoisie.fr/2020/03/21/libre-journal-de-la-plus-grande-france-du-21-mars-2020-a-la-decouverte-des-eglises-dorient-episode-33-leglise-grecque-4eme-partie-voyage-initiatique-a-bayreuth-une-marche-cont/

Opération Coronavirus, la collaboration de Thierry Caillat

APRES LE COVID… (texte du 20/03/20 de Thierry Caillat)
En plein cœur de la crise sanitaire, ne serait-il pas temps de préparer sa sortie — ou plutôt

l’étape suivante?

Pour certains, cet après se focalisera sur le procès de sa gestion, c’est-à-dire sur le passé — on les voit déjà commencer à aboyer. Simple preuve de leur propre incapacité à préparer l’avenir. Pourtant, si l’on élargit son champ de vision au-delà de l’hexagone, on constate une problématique universelle : la gestion du coronavirus, c’est le choix entre la détresse d’une hécatombe et le gouffre d’un cataclysme économique. Entre les spectres de la grippe espagnole et de la crise de 29. Tous les pays en sont là. La diversité de leurs décisions n’est que le reflet du niveau de la pandémie chez eux, du degré de compréhension, et de populisme, de leurs dirigeants. Et leurs choix évoluent au fil des jours selon la progression du mal. Partout, et partout dans le même sens.

Critiquer ces choix, c’est ignorer deux contraintes fondamentales. Gérer une telle crise, inimaginable il y a encore trois mois — même si certains affirment qu’ils l’avaient prévue, bien sûr —, c’est forcément devoir improviser en permanence, quel que soit le degré de préparation de l’État (au sens large) à des situations inédites.

C’est surtout devoir intégrer l’évolution des mentalités dans l’équation coût humain / coût économique. Personne, et surtout pas les responsables politiques, justement parce qu’ils sont aux manettes, n’aurait pu imaginer en janvier, ou même en février, de renoncer à toute raison économique pour parer à un risque sanitaire; la population n’aurait jamais accepté le confinement en janvier, ou même en février, alors que le nombre de victimes était encore de quelques dizaines d’unités. C’est ainsi, il fallait attendre que l’opinion des uns et des autres évolue; la résistance qui perdure dans beaucoup d’endroits, survitaminée par les fanatiques de la théorie du complot, en atteste largement, sans parler des «leçons» d’un petit nombre de politicards.

L’épidémie se soldera vraisemblablement par quelques milliers de décès chez nous, si nous parvenons à tenir le confinement. Un chiffre statistiquement faible en regard de la population et des causes ordinaires de mortalité — cancers et autres —, quelle que soit la crudité de ce constat pour les victimes et leurs proches.

Toutes les prédictions convergent en revanche vers une crise économique abyssale, dont chacun subira les effets, lorsque l’État devra cesser de jouer l’assurance tous risques, et qu’il faudra payer le coût de son intervention débridée — car rien n’est gratuit, même la «planche à billets» se paye. Une crise de l’ordre de celle de 29, dont la population n’a aucun souvenir : chômage et misère généralisés, de longue durée, et toutes les plaies qu’ils génèrent – suicides, criminalité… Et cela sous deux contraintes.

D’abord un contexte géopolitique éclaté en rivalités exacerbées. Repli des États-Unis, polarisés sur leur nombril et fragilisés par ce nouvel échec de leur toute-puissance. Prosélytisme incendiaire de la Chine et de la Russie, s’empressant de venir combler le vide. Guerre économique généralisée entre des états exsangues, incapables de s’entendre sur des remèdes collectifs. Explosion du populisme, porteur du souverain remède de la xénophobie.

En second lieu, la soudaine utopie selon laquelle nous allons tirer la leçon de nos errements mondialistes, au profit d’un vertueux ordre nouveau humanisto-environnementaliste. En

contradiction absolue avec le désir de tout un chacun de revenir au plus vite à l’état antérieur de son confort personnel, ou de l’améliorer, pour les moins bien lotis — le plus grand nombre.

Attendrons-nous d’être plongés dans cette nouvelle crise, infiniment plus grave sur le plan humain, pour nous poser la question du «que faire»? Ne serait-ce pas le moment de lancer le débat — certaines voix ont commencé à le faire —, publiquement, en mettant à profit la disponibilité momentanée des oreilles dans une grande partie de la population? Pas de s’en tenir à des analyses macro-économiques, des querelles entre spécialistes, ni même à des annonces calamiteuses. Il faut se pencher sur le quotidien futur, solliciter l’imagination de tous pour multiplier les idées pratiques, les initiatives, préparer la population à passer brutalement d’un État-providence à son paroxysme, à une démarche proactive face à une terrible adversité.

Débat qui aurait le mérite — et l’opportunité — de profiter de l’espace médiatique laissé disponible par une actualité ratiocinée à la comptabilité morbide des décès et à quelques médiocres polémiques.

Autre utopie? N’est-ce pas potentiellement la plus fédératrice? Allons, vite, il n’est que temps!

Thierry Caillat 30 mars 2020

« N’EN FAIS PAS UNE AFFAIRE PERSONNELLE » un roman de Paula MARCHIONI (parution le 2 avril 2020 chez Eyrolles)

SOUS LES FEUX DE L’ACTUALITE CORONAVIRUS, (parution d’un roman le 2 avril 2020) :

« N’EN FAIS PAS UNE AFFAIRE PERSONNELLE »

un roman de Paula MARCHIONI, inaugure la nouvelle collection de Eyrolles BEHIND THE SCENE 

Pour le recevoir en service de presse / interviewer l’auteure : guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85

Coronavirus : comment un petit virus révèle les failles de tout un système qui depuis des années place la rentabilité et la recherche du profit avant l’humain…

Les questions qui sont posées par cette épidémie :

  • Aura-t-on assez de lits pour soigner tout le monde, après des années de flux tendus au nom de la rentabilité ?

Au-delà de l’urgence de la crise sanitaire qu’il faut gérer, c’est bien notre « business model » et les fondamentaux de notre société néo-libérale et globalisée qui sont profondément questionnés. Nous sommes confinés, parce que le système atteint ses limites.

Aujourd’hui, la crise du Coronavirus en révélant, entre autres, la fragilité de notre système de soin nous interroge sur notre fragilité tout court.

Ce sont les failles de tout notre système économique néo libéral qui sont mises à nu.

Peut-on légitimement continuer à ériger le profit et la rentabilité comme seule loi au détriment de l’humain, de la vie, de la nature ?

Cet arrêt de travail forcé et collectif peut avoir de multiples vertus. Se confiner peut être l’occasion de repenser notre rapport au travail, son sens : Peut-on tout sacrifier au nom du profit, en commençant par l’humain ?

C’est aussi la question qui est naturellement posée à la lecture de ce roman d’entreprise, une véritable descente aux enfers que la course à la rentabilité et à la culture du chiffre impose à l’héroïne « Bobette », dirigeante d’une agence de publicité, confrontée à la folie de sa cliente toute puissante « Super Power ».

Au nom du profit, personne ne sera épargné, et ce malgré « l’enfumage » des beaux discours de l’entreprise sur la bienveillance et la QVT. (qualité de vie au travail)

Cette fiction réaliste, au ton à la fois léger et profond, véritable ascenseur émotionnel, questionne tout notre système de production néo-libéral, et sa déshumanisation.

Comment l’égoïsme de quelques-uns peut-il continuer à se confronter à l’héroïsme des autres en toute impunité ?

La nouvelle collection Behind The Scene de Eyrolles porte un regard sans concession sur le monde du travail aujourd’hui. Elle interroge sa violence et sa perversité, et les possibilités humaines d’y faire face. – 316 pages – 16€ – En librairie le 2 avril 2020

 

« Elle avait tous les pouvoirs, même celui de nous détruire »

Une histoire féroce dans les coulisses du monde de l’entreprise

L’HISTOIRE : Reprendre au pied levé une agence de publicité spé- cialisée en cosmétique : voici la mission confiée à Bobette ! Elle hérite d’une équipe au bord du burn-out, malmenée par les agissements de son unique cliente, Super Power. Les créatifs sous pression s’évertuent à cracker la coconut. En vain. Les demandes contradic- toires les submergent : une noix de coco puissante, mais pas trop, travaillée par la main de l’homme mais pas trop, toujours plus de plumpy-glowy… Jusqu’où ira l’inflation de l’absurde ? Bobette le découvrira à ses propres dépens.

Cette Super Power en roue libre, autorisée à exercer sans limite sa folie toxique, incarne les défaillances profondes d’un système, où la logique du profit sacrifie l’humain. N’en fais pas une affaire personnelle est le récit tour à tour réjouissant et sidérant d’une descente aux enfers, qui vient dire toute la violence du monde du travail aujourd’hui.

Dans cet open space de young people,
avec lesquels je travaille, il y a des frictions,
des tensions, des envies, des souffrances, et ça dure. Cela a démarré bien avant moi, depuis que l’agence est sous le joug de Super Power. Notre cliente.

extrait : https://fr.calameo.com/read/00532236286779795ce79

Présentation Powerpoint : Prezcontexte roman(1)

 

Jacques Fiorentino interrogé sur le confinement en famille par Radio Notre Dame

En Quête de Sens

Émission du 19 mars 2020 : Coronavirus: comment vivre le confinement en famille sans craquer?

Réécouter : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/19-03-2020/

Jacques Fiorentino : Médecin et consultant auteur « Père passe et manque » aux éditions Assyelle  et auteur d’un petit texte sur le confinement en famille

Christian Spitz : pédiatre, il était le Doc dans l’émission culte « Lovin’ Fun » sur Fun Radio dans les années 1990. Christian Spitz publie un livre à quatre mains avec son fils Valentin. Les deux hommes racontent leur histoire et leur arrivée tardive dans la vie de l’autre dans  « L’éloge de l’imperfection » editions Flammarion

Sébastien Galland: Psychologue notamment spécialisé en psychologie du travail
 

Nord Eclair a eu un coup de foudre pour le nouvel album des « Hurlements d’Léo »

Musique pour le confinement : quinze albums récents que nous avons aimés

JForum.fr reprend le splendide article de Maya Nahum sur Marc Lumbroso

JForum.fr reprend le splendide article de Maya Nahum sur Marc Lumbroso

Itinéraire d’un Juif français ordinaire de Marc Lumbroso

« Je suis un homme tout à fait ordinaire, un simple passant de l’existence, un observateur, un témoin » écrit Marc Lumbroso dans son livre Itinéraire d’un Juif français ordinaire.

Ordinaire ? Sans doute. Et c’est peut-être cela qui fait l’intérêt de ce livre : l’histoire d’un homme ordinaire du siècle dernier, devenu un témoin inquiet de la France du XXIe siècle, empêtrée dans des communautaristes étouffants, ces « identités meurtrières » que déplorait Amin Maalouf il y a déjà 20 ans.

Car ce sont ses propres identités multiples, ouvertes et joyeuses dont traite essentiellement Marc Lumbroso et du temps où il était facile d’être un homme, un Français, un juif, sans peur et sans reproches.

      Résultat de recherche d'images pour "Marc Lumbroso: itinéraire d’un Juif français ordinaire"C’est fini. « Les juifs français, comme moi, ne sont pas seulement tristes ; ils sont inquiets pour eux-mêmes et pour la France ».

On n’est pourtant pas dans le 9-3 mais dans le XVIe arrondissement de Paris où vit Marc Lumbroso et dont il est maire adjoint. Chef d’entreprise et ancien président du B’nai B’rith France, si lui a peur, il y a de quoi s’alarmer. D’autant qu’il est « Homme de modération et de nuances » comme l’écrit son maire, Claude Goasguen dans la préface du livre.

Marc Lumbroso est né à Tunis en 1943. La Tunisie est alors sous protectorat français. Musulmans, Maltais, Siciliens, Sardes, Français – dont beaucoup de Corses -, Juifs y vivent côte à côte.

La communauté juive est double, d’une part les Touansas, dont la présence, antérieure à la conquête arabe, remonte aux Phéniciens, d’autre part les Granas, les juifs chassés d’Espagne et du Portugal en 1492 et qui se réfugièrent en Italie (Le mot Grana vient de la déformation de Livourne, Ligourna, donnant Grana).

Cette distinction entre Touansas et Granas était profonde. Les premiers considérant les autres comme des presque goys, les seconds regardant de haut les Touansas, trop orientaux et pas assez occidentaux pour eux.

C’était il y a fort longtemps bien sûr ! Mais cet antagonisme a donné lieu à des récits et blagues qui se racontent encore dans les familles. Les Lumbroso sont Grana de Livourne justement. Ils sont viscéralement attachés à la France. Sans doute parlent-ils italien ? Le jeune Marc fréquente un collège jésuite qui fut son « apprentissage de l’universalité… » et où il ne s’est jamais senti autant Français, écrit-il, c’est là qu’il approche le monde chrétien.

Il rencontre l’Hachomer Hatzaïr, la Jeune garde, un mouvement scout juif dont le but est d’envoyer les enfants vivre en Terre Sainte. Il ne fera pas son alya mais devient sioniste à tout jamais.

Il perd sa mère très jeune et rêve de France où il part après le bac pour faire ses études. Il y rencontre une jeune Polonaise, juive, qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants.

Marc Lumbroso vit Mai 68 comme étudiant, en couple avec Annette. Politiquement il se sent plutôt « centre droit », très opposé aux valeurs de droite. Un humaniste pour le progrès social, mais aux antipodes de la pensée marxiste. Modéré et nuancé.

1969 : Seize mois de service militaire. Il est vite affecté au TGPE (tableau général des propriétés de l’État). Il n’y connaît rien mais se voit chargé de la mise à jour des ouvrages appartenant à l’armée de terre. L’expérience de l’armée le rend « plus républicain et patriote que jamais, fier d’être Français, et soulagé d’avoir été reconnu comme tel en dépit de [s]es différences de juif d’Afrique du Nord », écrit-il. Ses identités se portent bien.

Marc Lumbroso va trouver chez les francs-maçons du Grand Orient de France un écho à ses valeurs : « un chemin initiatique sur fonds de solidarité et de fraternité… mais chez les êtres humains le sentiment de fraternité n’est pas naturel ». Lucide, il cite Caïn. « Je ne suis pas le gardien de mon frère ».

Marc Lumbroso finira par choisir le B’nai Brith, « les Fils de l’Alliance », association juive équivalente des francs-maçons et il en deviendra le président.

À la Mairie du XVIe, il s’occupe du logement, avec compassion et rigueur. Il veut aider les gens en détresse. Pendant son mandat, il rencontre huit à dix mille personnes en demande de logement. Et en tant que maire adjoint, il marie. Même des personnes du même sexe ou une transsexuelle.

Pour lui ce n’est pas plus insolite qu’un vieillard qui épouse une jeunette, comme ces couples de circonstance pour obtenir la nationalité française… Marc Lumbroso ne juge pas. La pluralité des identités. Sa crainte vient d’ailleurs, de « l’identité obsessionnelle ».

De ces islamistes qui hurlent leur haine antisémite, mais aussi de l’extrême droite qui reprend du pouvoir, ou des « gilets jaunes » qu’il considère comme un soulèvement identitaire des plus démunis.

Ces extrémistes de tous bords sont un danger pour les juifs de France, qui voient ressurgir les vieux clichés : le juif riche, le juif partout, le juif tueur d’enfants (palestiniens bien sûr). Quelques pages du livre parlent de Dieu et de Spinoza, dont il se sent proche, retracent l’histoire de la Palestine et de la création de l’État d’Israël, d’autres pages parlent de laïcité, qu’il défend bec et ongles, Marc Lumbroso est cultivé. Il se dit agnostique.

Il faut lire l’Itinéraire d’un Juif français ordinaire comme on se balade en forêt, on peut revenir sur ses pas, s’attarder sur une page comme sur un arbre, repartir vers une autre clairière. Tout ici est nuances et modération, ce qui calme en ces temps de certitudes folles.

Maya Nahum

www.causeur.fr

Tribune Juive vous conseille à tous « Itinéraire d’un Juif français ordinaire »

Tribune juive reprend le splendide article de Maya Nahum sur Marc Lumbroso

Maya Nahum. “Marc Lumbroso: itinéraire d’un Juif français ordinaire”

« Je suis un homme tout à fait ordinaire, un simple passant de l’existence, un observateur, un témoin » écrit Marc Lumbroso dans son livre Itinéraire d’un Juif français ordinaire.

Ordinaire ? Sans doute. Et c’est peut-être cela qui fait l’intérêt de ce livre : l’histoire d’un homme ordinaire du siècle dernier, devenu un témoin inquiet de la France du XXIe siècle, empêtrée dans des communautaristes étouffants, ces « identités meurtrières » que déplorait Amin Maalouf il y a déjà 20 ans.

Car ce sont ses propres identités multiples, ouvertes et joyeuses dont traite essentiellement Marc Lumbroso et du temps où il était facile d’être un homme, un Français, un juif, sans peur et sans reproches.

C’est fini. « Les juifs français, comme moi, ne sont pas seulement tristes ; ils sont inquiets pour eux-mêmes et pour la France ».

On n’est pourtant pas dans le 9-3 mais dans le XVIe arrondissement de Paris où vit Marc Lumbroso et dont il est maire adjoint. Chef d’entreprise et ancien président du B’nai B’rith France, si lui a peur, il y a de quoi s’alarmer. D’autant qu’il est « Homme de modération et de nuances » comme l’écrit son maire, Claude Goasguen dans la préface du livre.

Marc Lumbroso est né à Tunis en 1943. La Tunisie est alors sous protectorat français. Musulmans, Maltais, Siciliens, Sardes, Français – dont beaucoup de Corses -, Juifs y vivent côte à côte.

La communauté juive est double, d’une part les Touansas, dont la présence, antérieure à la conquête arabe, remonte aux Phéniciens, d’autre part les Granas, les juifs chassés d’Espagne et du Portugal en 1492 et qui se réfugièrent en Italie (Le mot Grana vient de la déformation de Livourne, Ligourna, donnant Grana).

Cette distinction entre Touansas et Granas était profonde. Les premiers considérant les autres comme des presque goys, les seconds regardant de haut les Touansas, trop orientaux et pas assez occidentaux pour eux.

C’était il y a fort longtemps bien sûr ! Mais cet antagonisme a donné lieu à des récits et blagues qui se racontent encore dans les familles. Les Lumbroso sont Grana de Livourne justement. Ils sont viscéralement attachés à la France. Sans doute parlent-ils italien ? Le jeune Marc fréquente un collège jésuite qui fut son « apprentissage de l’universalité… » et où il ne s’est jamais senti autant Français, écrit-il, c’est là qu’il approche le monde chrétien.

Il rencontre l’Hachomer Hatzaïr, la Jeune garde, un mouvement scout juif dont le but est d’envoyer les enfants vivre en Terre Sainte. Il ne fera pas son alya mais devient sioniste à tout jamais.

Il perd sa mère très jeune et rêve de France où il part après le bac pour faire ses études. Il y rencontre une jeune polonaise, juive, qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants.

Marc Lumbroso vit Mai 68 comme étudiant, en couple avec Annette. Politiquement il se sent plutôt « centre droit », très opposé aux valeurs de droite. Un humaniste pour le progrès social, mais aux antipodes de la pensée marxiste. Modéré et nuancé.

1969 : Seize mois de service militaire. Il est vite affecté au TGPE (tableau général des propriétés de l’État). Il n’y connaît rien mais se voit chargé de la mise à jour des ouvrages appartenant à l’armée de terre. L’expérience de l’armée le rend « plus républicain et patriote que jamais, fier d’être Français, et soulagé d’avoir été reconnu comme tel en dépit de [s]es différences de juif d’Afrique du Nord », écrit-il. Ses identités se portent bien.

Marc Lumbroso va trouver chez les francs-maçons du Grand Orient de France un écho à ses valeurs : « un chemin initiatique sur fonds de solidarité et de fraternité… mais chez les êtres humains le sentiment de fraternité n’est pas naturel ». Lucide, il cite Caïn. « Je ne suis pas le gardien de mon frère ».

Marc Lumbroso finira par choisir le B’nai Brith, « les Fils de l’Alliance », association juive équivalente des francs-maçons et il en deviendra le président.

À la Mairie du XVIe, il s’occupe du logement, avec compassion et rigueur. Il veut aider les gens en détresse. Pendant son mandat, il rencontre huit à dix mille personnes en demande de logement. Et en tant que maire adjoint, il marie. Même des personnes du même sexe ou une transsexuelle. Pour lui ce n’est pas plus insolite qu’un vieillard qui épouse une jeunette, comme ces couples de circonstance pour obtenir la nationalité française… Marc Lumbroso ne juge pas. La pluralité des identités. Sa crainte vient d’ailleurs, de « l’identité obsessionnelle ». De ces islamistes qui hurlent leur haine antisémite, mais aussi de l’extrême droite qui reprend du pouvoir, ou des « gilets jaunes » qu’il considère comme un soulèvement identitaire des plus démunis.

Ces extrémistes de tous bords sont un danger pour les juifs de France, qui voient ressurgir les vieux clichés : le juif riche, le juif partout, le juif tueur d’enfants (palestiniens bien sûr). Quelques pages du livre parlent de Dieu et de Spinoza, dont il se sent proche, retracent l’histoire de la Palestine et de la création de l’État d’Israël, d’autres pages parlent de laïcité, qu’il défend bec et ongles, Marc Lumbroso est cultivé. Il se dit agnostique.

Il faut lire l’Itinéraire d’un Juif français ordinaire comme on se balade en forêt, on peut revenir sur ses pas, s’attarder sur une page comme sur un arbre, repartir vers une autre clairière. Tout ici est nuances et modération, ce qui calme en ces temps de certitudes folles.

Marc Lumbroso

Marc Lumbroso, né dans une famille juive de Tunisie, est un producteur de musique français, éditeur et un directeur artistique. Il a publié les disques de Jean-Jacques Goldman, Vanessa Paradis, Maurane, Patricia Kaas, Mc Solaar, Keren Ann, Raphael et Christine and the Queens. Il a également édité la musique du film Les Choristes.

Source: Causeur. 16 mars 2020.

Maya Nahum, née à Tunis, diplômée d’histoire et de lettres, est écrivain et auteur à Causeur.