Leonard B, né en 1918, est un Juif ukrainien né de parent immigrés aux Etats-Unis vers 1908. Asthmatique, souffrant des disputes du couple, le jeune Leonard est fou de musique. Il est émerveillé par les chants hébreux à la synagogue, écoute la radio en continu, reproduit les chansons quil a entendues au piano offert par sa tante qui ne pouvait le garder. Il commence le piano malgré son père, qui considérait les musiciens comme des baladins, à 10 ans. Bon élève, il entre à 17 ans à Harvard et en est diplômé en 1939 après des études de philosophie, littérature anglaise – et musique. Il suivra ensuite les cours du Curtis Music Institute à Philadelphie.
Tourmenté, enthousiaste, facilement amoureux, il est bi. Plutôt homosexuel en sa jeunesse, marié à 33 ans en 1951 avec une belle Felicia Montealegre qui lui donnera trois enfants, Jamie, Alexander et Nina, il retournera vers les hommes à l’âge mûr. Il est beau, séduisant, bouillonnant. Il jouera du piano, dirigera Mahler et Chostakovicth au Philharmonique de New York, à l’Orchestre philharmonique d’Israël, à l’Orchestre philharmonique de Vienne, à l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, à l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise, à l’Orchestre national de France. Il composera de la musique de film, des comédies musicales (Peter Pan 1950, West Side Story 1957, 1600 Pennsylvania Avenue 1976, entre autres), deux opéras (Trouble in Tahiti 1952, Candide 1956). Il crée en 1961 les concerts de Young Performers, où des jeunes solistes peuvent se produire avec orchestre, sous sa direction. Il remplace au pied levé en 1942 le chef d’orchestre Bruno Walter à New York. En 1948, il dirige l’ochestre des survivants des camps de concentration près de Munich. En 1967, il dirige l’Orchestre philarmonique d’Israël sur le mont Scopus après la guerre des Six jours. En 1963 et 1968, ill dirige l’Orchestre philarmonique de New York à l’occasion des funérailles des Kennedy, John puis Robert. En décembre 1989, il dirige au Konzerthaus de Berlin la Symphonie n° 9 de Beethoven avec des musiciens du monde entier pour fêter la chute du mur.
Eclectique, prolifique, boulimique de sons, Leonard Bernstein vivait pour la musique. « Partout où je vais, je veux montrer au public et aux journalistes une nouvelle image du chef d’orchestre. Je suis jeune, j’aime le jazz, les blagues, le boogie-woogie, l’autodérision et, believe it or not, je ne porte pas de chapeau » p.45. Ni la religion, ni la politique ne l’intéressaient, bien qu’il ait été proche de John Kennedy, jeune comme lui, et qu’il ait milité de façon « radicale chic » contre la guerre du Vietnam, pour le désarmement nucléaire, contre le Sida et pour la promotion d’artistes de couleur dans les orchestres. Car Bernstein aimait la jeunesse, le mouvement, la vie. Il a passé au-delà en 1990 à 72 ans d’un cancer du poumon. Entre Mars et Jupiter, la ceinture centrale d’astéroïdes en comprend un qui porte son nom. Il a inspiré le film de Bradley Cooper, Maestro, sorti en 2023 – pas (encore?) de Dvd.
Ce livre rend hommage à sa vie riche et à son tempérament enthousiaste. Richement illustré et joliment édité, il est couché sur le papier d’après un podcast de France Musique lu par Charles Berling.
Les albums scénarisés par l’ingénieur Hemvé et illustrés par la dessinatrice Neyptune, fondent un monde magique pour 3 à 7 ans, tous sexes confondus. Les Presses de l’Île de France sont les éditions des Scouts et Guides de France, mouvement de jeunesse catholique, féru de pédagogie traditionnelle, mais adapté à notre monde moderne – en témoignent les prénoms, bien peu issus du calendrier religieux.
Dans La journée à l’envers, Myla la petite fille veut « être chef ». C’est une obsession quasi névrotique, mais un sylphe (nous sommes dans le monde magique de l’enfance), lui susurre que ce n’est pas une bonne idée, et même « une très mauvaise » : « être chef, ce n’est pas faire ce que l’on veut. C’est partager son expérience ». Myla est-elle assez dotée d’expérience – donc d’années – pour cela ? Mais Myla s’en fout, son obsession l’emporte sur toute raison. Et voilà les cinq amis qui glissent sur le sol du grand arbre et dégringolent jusqu’au bas. Là les attend une fourmi géante qui semble vouloir les dévorer. « J’ai essayé de te prévenir, dit le sylphe Kawane à Myla. Tu n’en as fait qu’à ta tête ». Les autres enfants prennent alors le relai de la cheftaine défaillante : Marie caresse le front de la bête et dit qu’elle a aussi peur qu’eux, Théo « se souvient de ce qu’il a appris » – et l’insecte les conduit vers la sortie. Mais là, Myla se reprend son obsession : être chef. « C’est moi qui ai provoqué tout ça, donc c’est moi qui vais diriger le groupe pour rentrer sain et sauf ». Et paf ! Elle est prise dans une toile d’araignée qu’elle n’a ni vue, ni prévue. L’araignée rigole; elle est effrayante mais ne les suce pas. Dans le monde magique, elle ne mange pas d’humain. Elle convie les enfants à se baigner dans le pollen, « doux et agréable comme un bain moussant ». Sensualité d’enfance reconnue par les Scouts. Ce sont donc les abeilles qui emportent les gosses jusqu’à l’endroit d’où ils sont partis. Ils retrouvent leur taille normale et le sylphe Kawane en tire la leçon : « N’oubliez pas, chaque chose en son temps ! Vouloir grandir trop vite peut avoir des conséquences. Et c’est amusant d’apprendre tous ensemble ! »
Autrement dit, respectez les anciens et tenez votre place. L’espoir est qu’il « reste de nombreuses années pour progresser grâce aux conseils des plus grands ». Et un jour être chef ou cheftaine.
Dans Mystère, mystères ! il s’agit de « se méfier des apparences ». Une flèche sur un arbre est tentante, elle semble indiquer une piste vers « un trésor ». Malgré le sage hibou qui prévient les enfants : « les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, et la forêt est pleine de mystères ». Évidemment, les enfants n’ont aucune conscience du danger et n’écoutent que leurs passions, pas la raison. Ils n’en ont pas encore l’âge, mais doivent apprendre à l’avoir. Les albums illustrés sont pour 3 à 7 ans et 7 ans est considéré comme « l’âge de raison », la période où l’enfant calme ses émotions et peut donc développer ses facultés raisonnantes. Il se sert désormais plus de ses capacités intellectuelles que de ses sens pour établir des relations entre les objets et les concepts. Ces albums scouts aident à éveiller cette conscience raisonnable en laissant les enfants découvrir par eux-mêmes la réalité, et à dompter leur imagination, si fertile durant les années (magiques) précédentes. Cet âge du « pourquoi » est d’ailleurs passionnant pour les parents et les proches, j’en témoigne. Évidemment, les enfants ignorent les sages conseils du hibou et se laissent entraîner par leur fantasme d’aventure. Ils suivent les signes de piste, jusqu’à la croix de fin de piste. Ils sont dans la forêt, il y a de la brume, le monde change. Il se met à pleuvoir « un déluge » (référence biblique, punition de Dieu). Ils s’abritent sous des champignons qui ont poussé, mais ce sont des amanites phalloïdes (tout ce qui est « phalloïde » est dangereux et conduit au péché, c’est bien connu des chrétiens). En bref, ils sont piégés. D’autant que la pluie a effacé tous les signes du retour. Le hibou était Yzô, « le sylphe de la sagesse ». Il atterrit devant les mômes et leur assène cette leçon : « Sachez que lorsqu’on entre dans la forêt avec de mauvaises intentions, celles-ci se retournent contre nous. Maintenant, seule la vérité peut encore vous sauver. » Et la vérité est que Marie, la plus grande, a tracé ces signes par jeu, pour entraîner ses compagnons qu’elle va quitter, car désormais trop âgée, elle va passer dans un groupe supérieur. On lui pardonne et, miracle, la forêt redevient comme avant, les enfants jurent de rester amis, « sans secret pour les séparer ».
Autrement dit, dissimuler est péché et entraîner ses amis sans rien leur dire met tout le monde en danger. A l’inverse, « c’est si bon d’avoir des amis avec qui on peut partager ses peurs, plutôt que de garder des secrets pour soi ! » Le scoutisme incite à la communauté plutôt qu’à la société, à partager plutôt qu’à garder pour soi, à se laisser surveiller par les autres pour ne pas dévier. Une leçon qu’il faudra relativiser à l’âge adulte, faute de quoi on deviendra bon conformiste, politiquement correct, et woke par confort…
Hemvé et Neyptune, Histoires de veillées : Les presses d’Île-de-France, 2024, chaque album €14,90
Un jeu-concours de Noël est lancé par les Presses de l’Île-de-France, ouvert aux enfants de 3 à 7 ans. Après avoir lu le tome 1, Le Bois de Caruos (dont je n’ai pas parlé), les enfants doivent écrire (ou dicter à leurs parents) selon leur imagination une nouvelle aventure des cinq amis, tenant sur une seule page A4. A adresser RAPIDEMENT par mél à Guilaine Depis, l’attachée de presse (références ci-dessous). La remise du prix aura lieu le mardi 10 décembre 2024 à 19h à la Librairie Libres Champs, 18 rue Le Verrier à Paris 6ème. Le lauréat désigné par le jury emportera une œuvre de la dessinatrice Neyptune et pourra visiter le château de Jambville, centre d’activité des Scouts et Guides de France.
Antoine de Suremain, aventurier et réalisateur, il fait partager à ses 150 000 followers sa passion pour le patrimoine naturel français sur son compte Tiktok. Antoine explore aussi la France dans son émission « Antoine l’Aventure » sur Canal + Kids. Il a enfin publié Marche au désert sur le chemin de Saint Guilhem (Éd. Salvator)
Gérard Guerrier, ingénieur accompagnateur en montagne il a traversé avec son épouse mes Aloes à pied. Il a écrit de nombreux ouvrages dont Éloge de la peur – à l’usage des aventuriers et des baroudeurs du quotidien (Éd. Paulsen)
Matthieu Varaut, ingénieur et écrivain. Il publie des histoires d’aventures pour les enfantsn peut mentionner ses Histoires de veillées dont le premier tome s’intitule Le bois de Caruos (Éd. Les Presses d’île de France)
Après le lancement du captivant premier tome Le Bois de Caruos, les enfants pourront bientôt découvrir deux nouvelles aventures : La Journée Mystère à l’Envers le 17 février 2025, et Mystère, Mystères le 14 avril 2025. Éditée par les Presses d’Île-de-France, cette série éveillera la curiosité des jeunes lecteurs tout en les guidant à travers des récits riches en enseignements et en merveilles visuelles.
À une époque où les écrans captent une attention croissante, cette collection de bandes dessinées jeunesse propose une alternative audacieuse. Avec ses intrigues fantastiques et ses personnages attachants, elle célèbre des valeurs universelles comme le courage, l’amitié et la découverte. Les héros, Théo et Myla, grandissent à travers des aventures empreintes de magie et de mystères.
Des histoires pour nourrir l’imaginaire
Chaque tome plonge les jeunes lecteurs dans des univers où la nature, l’aventure et l’entraide remplacent la digitalisation omniprésente. À travers leurs périples, Théo, Myla et leurs amis découvrent des mondes invisibles, rencontrent des créatures fantastiques et apprennent des leçons essentielles pour grandir. Ces récits célèbrent le courage et la curiosité, rappelant que le véritable pouvoir réside dans l’imagination et l’exploration.
Pourquoi lire cette collection ?
Les aventures de Théo et Myla ne se contentent pas de stimuler l’imagination. Elles abordent aussi des thèmes profonds et inspirants. Chaque tome invite les lecteurs à s’interroger : que signifie grandir ? Quelles sont les valeurs essentielles de l’amitié ? Que peut nous enseigner la nature sur nous-mêmes ?
Cette collection incite les enfants à voir au-delà des apparences et à explorer un monde riche de mystères. Une invitation rafraîchissante à poser les écrans et à redécouvrir la richesse du réel.
Des albums qui éveillent et accompagnent
Loin des distractions numériques, Histoires de Veillées offre une expérience immersive avec des récits concis, des illustrations vibrantes et des valeurs intemporelles comme l’entraide et la sincérité. Destinée aux enfants dès trois ans, la série propose des histoires riches en symboles, peuplées de créatures extraordinaires et bienveillantes.
Dans Le Bois de Caruos, Théo rêve de camper avec sa grande sœur Myla. Mais cette veillée au coin du feu prend une tournure magique : il doit sauver le Roi Feu, une figure mythique incarnant l’esprit des feux de camp. Guidé par le sylphe Blogane, Théo traverse une forêt peuplée de créatures fantastiques et apprend à surmonter ses peurs et à faire preuve de courage. Ce premier tome introduit un univers enchanteur où la nature dévoile ses secrets à ceux qui savent écouter.
« La Journée à l’Envers » : Une aventure renversante
Dans ce deuxième tome, Théo, Myla et leurs amis sont miniaturisés et découvrent un monde où les insectes deviennent leurs guides. Cette transformation leur offre une perspective nouvelle et leur enseigne le courage et l’humilité.
L’histoire débute avec Myla, frustrée de ne pas être cheftaine, qui entraîne ses amis au pied d’un arbre enchanté. Ignorant l’avertissement du sylphe Kawane, les enfants se retrouvent réduits à la taille d’insectes. Ils doivent alors naviguer dans ce monde immense, où chaque brin d’herbe est un défi. Cette aventure pousse les jeunes lecteurs à réfléchir sur la responsabilité et la coopération.
« Mystère, Mystères ! » : Un voyage initiatique au cœur de la forêt
Pour leur dernière veillée de l’année, Théo, Myla et leurs amis se lancent dans une chasse au trésor mystérieuse. Une série de signes tracés sur des arbres les guide, mais un hibou sage les avertit : « Méfiez-vous des apparences. »
La forêt devient le théâtre d’un périple initiatique rempli de surprises et d’énigmes. Les enfants apprennent à se fier à leur intuition et à compter les uns sur les autres. L’histoire explore l’importance de la solidarité et montre que le véritable trésor réside dans les leçons apprises en chemin.
Un livre-objet à chérir
À l’ère du numérique, ces albums rappellent l’importance du livre physique : un objet que l’enfant peut explorer et s’approprier. Les illustrations immersives de Neyptune transportent les lecteurs dans des paysages oniriques où chaque détail invite à l’émerveillement. Sa vision sensible de la nature rappelle l’approche de Claude Ponti ou Maurice Sendak, avec des images qui nourrissent à la fois l’imagination et les émotions.
Des récits universels au-delà du scoutisme
Bien que les aventures s’inspirent du scoutisme, elles abordent des thèmes universels comme l’amitié, le respect de la nature et la quête de soi. Chaque page invite les enfants à grandir, à s’ouvrir aux autres et à devenir plus autonomes. Ces albums, bien plus que de simples divertissements, sont des outils d’éveil moral et social.
Un duo créatif en parfaite harmonie
Le texte poétique de Hemvé s’allie parfaitement aux illustrations vibrantes de Neyptune. Ensemble, ils créent un univers à la fois accessible et enchanteur, où chaque détail invite à la contemplation et à l’imaginaire. Neyptune joue avec les couleurs et les formes pour donner vie à un monde magique qui dialogue directement avec les jeunes lecteurs.
Un jeu-concours pour les petits créateurs
Pour célébrer cette collection, un jeu-concours intitulé « Théo, Myla et Vous » invite les enfants à créer leur propre aventure inspirée de Le Bois de Caruos. Les récits gagnants seront mis à l’honneur lors d’un événement spécial à la librairie Libre Champs, avec des récompenses comme une œuvre exclusive de Neyptune.
Une invitation à grandir autrement
Avec Histoires de Veillées, les enfants découvrent des récits qui nourrissent leur imagination tout en les connectant au monde réel. Chaque tome explore des valeurs essentielles : le courage, la curiosité et l’amitié. Une série qui, loin des écrans, invite à ralentir, à rêver et à explorer.
Prêts à embarquer dans l’univers de Théo et Myla ? Laissez-vous porter par ces récits enchanteurs qui éveillent l’esprit et le cœur des petits et des grands.
Ces courts textes que l’écrivain François Coupry appelle à sa manière « vilaines pensées » et que l’on pourrait rapprocher du mauvais esprit d’autrefois ne trouveraient plus un éditeur de premier plan aujourd’hui pour le publier, alors même qu’il a fait paraître plus de soixante livres chez Gallimard, Le Rocher, Robert Laffont, etc.Non qu’elles soient mauvaises. Au contraire ! Si elles sont vilaines, au sens de décapantes, elles sont, en revanche trop honnêtes et corrosives pour une époque si lisse, tiède et bien-pensante. Son prélude n’en fait d’ailleurs pas mystère ! Après avoir publié le premier tome chez le regretté Pierre-Guillaume de Roux, à la disparition de ce dernier, la liberté d’expression se réduisant encore drastiquement avec la fin des éditions du fils de Dominique de Roux, il ne restait à François Coupry que l’autoédition pour continuer de diffuser ces textes, sous forme de billets d’abord publiés dans son blog.
Il n’en fait d’ailleurs pas mystère dans le prélude à ce troisième tome, rassemblant des textes allant de 2013 à 2021 : « L’ère de Gutenberg agonise. Par goût des bouleversements je me suis renversé, à mon âge, eh oui ! vers cette manière moderne de communiquer. » François Coupry n’hésite pas à s’auto-flageller. Il a lui-même cédé à la machine, aux nouvelles technologies, et à la rapidité des blogs et des réseaux sociaux. Il est vrai, qu’au début du siècle, avec l’arrivée de toutes ces plateformes de partage, on avait cru que la liberté était libérée, et que nous avions franchi un pas de plus dans l’émancipation des masses. Que nenni !
« Le passage de la rapidité numérique à la belle pesanteur du papier, son volume, son odeur, sa tenue en main, marque son évolution dans sa violence : d’un côté un échange immédiat, consommé et aussitôt consumé, oublié, de l’autre un échange plus médiatisé, décalé, réfléchi, qui peut se garder, s’archiver, se humer, se consommer, se boire et se manger avec lenteur. »
Ce livre nous dit ce que l’on n’ose à peine penser tout bas : qu’il y eut durant le terrible 11 septembre 2001 une forme de fascination morbide pour ces tours qui s’écrasaient en chacun de nous. Il raconte les histoires de Monsieur Piano, qui écrivant un livre dont personne ne voulait, finit par acheter une maison d’édition, des librairies, des journaux pour qu’il voie le jour et qu’il soit acheté par des lecteurs. N’ayant aucun succès, c’est Monsieur Piano lui-même qui se mit à s’acheter ses propres livres.
François Coupry revisite la condition humaine et regarde le monde en face, ce monde en décomposition permanente, loin des éléments de langage et des conventions conformistes qui prétendent éloigner de nous le tragique de notre existence, la folie de nos sociétés modernes, l’épreuve de vivre dans une vie où, comme le disait Érasme, « il faut être bien fou pour se croire sage dans un monde de fou. »
À lire sans modération.
François Coupry, L’agonie de Gutenberg. Vilaines pensées 2013-2021, FCD-Livres.
Jungle en multinationale est à la fois un thriller financier, une intrigue juridique, et une machination familiale. Son auteur sait de quoi il parle : célèbre entrepreneur, industriel de renom et grand voyageur, évolue dans la grande finance et ses multiples influences.
Les livres de Jean-Jacques Dayries racontent le véritable monde d’aujourd’hui : celui des « grands » qui, dans l’ombre, tirent les ficelles. Jungle en multinationale est le roman vrai de la puissance, mais c’est aussi l’histoire de multiples trahisons et celle d’enjeux incertains face auxquels personne ne souhaite perdre la moindre opportunité de les saisir. Ce combat de fauves nous entraîne à Londres et Paris, en passant par la Suisse, la Riviera, Saint-Barthélemy et quelques autres rivages caribéens. L’auteur connaît particulièrement bien le milieu de la finance, il ne manque toutefois pas non plus d’imagination pour tisser une trame romanesque aux multiples arborescences.
Pas seulement une intrigue
Jungle en Multinationale n’est pas seulement une intrigue multifacette, c’est aussi une enquête très documentée sur le monde de l’hôtellerie à travers les coulisses d’une industrie méconnue. Tout commence par le bruit sourd d’un V8 américain. Il faut imaginer le ronronnement d’une très belle embarcation floquée d’acajou vernis glissant sur les reflets sombres du Léman ; petite croisière dominicale en direction de l’église, où, chaque dimanche, Jean rejoint le même banc afin d’accompagner Élisabeth davantage soucieuse de l’office que lui… Et tout finira aussi un dimanche – cette fois de fin d’automne – avec la même appréhension que l’on ne fasse surtout pas craquer les vernis du bateau à l’accostage contre le bord du ponton : Jean apprécie le respect des belles choses, quel qu’en soit le cadre, professionnel ou privé, l’apparence est le vêtement de la courtoisie…
Entre ce début lacustre et cette fin nautique, le lecteur aura été confronté aux laborieux méandres des affaires qui (souvent) ne sont rien en regard des gageurs familiales plus difficiles que toute autre entreprise ; car au-delà de l’intendance de l’hôtel et du domaine, Jean sera aussi confronté aux tracas personnels, à l’égo de chacun, et à moult intérêts spécifiques nourriciers de trahisons. Chapitre 33 : « Passer les premières minutes, il regrette déjà d’avoir accepté cette réunion. Les intentions de ces gens-là sont trop compliquées à saisir. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Acheter une minorité du capital ? À quelles conditions ? Quel type d’accord pourrait-ils envisager avec les autres actionnaires familiaux ? L’intermédiaire dit que leur intention est pacifique, qu’ils sont des investisseurs de long terme, qu’ils resteront passifs, que le management leur convient. » Mais est-ce vraiment le cas ?…
Une histoire… Un ton… Un style…
Jean-Jacques Dayries ne fait pas dans la pamoison superfétatoire. Ce qui lui importe est de ne pas laisser le lecteur se détourner de l’histoire qu’il est en train de lire. Aucun colifichet verbeux n’agrémente Jungle en multinationale. Le récit. Seulement le récit. Au diable cosmétique et maquillage. Vous ne lirez que les mots nécessaires. Mais alors ! Cette écriture sans emphase inutile ne serait-elle pas terne ? Eh bien non ! Elle est tout à l’inverse pleine et entière, précisément parce qu’elle est invisible. Manière de raconter sobrement et sans fausse littérature comme c’est trop souvent le cas de nos jours. Cela n’évite en rien de suivre avec intérêt les protagonistes et leur trajectoire.
Outre une intrigue, un ton et un style, la lecture d’un livre relève aussi de ressentis personnels. Ainsi peut-on noter plusieurs scènes aux images bien construites. Les décors y sont posés en quelques mots justes. Page 74 : « Dehors, c’est Londres. Il fait nuit, froid, et il pleut. […] C’est ce qu’ils disent à leur mère. En fait, ils n’ont pas eu le temps de regarder par les fenêtres. » Également en ouverture du chapitre 54, lorsqu’Antoine et Alexandre s’engagent pour une courte promenade dans le jardin : « Ils sont accoudés au garde-fou qui longe le rivage. Un projecteur illumine le Lac, devant eux. L’odeur du jardin sous la neige. Celle de l’eau douce, un peu fade. » Notons aussi de nombreux clins d’œil aux arts classiques : Bach… Bayreuth… Noureev… menant à envisager Jean-Jacques Dayries comme un mélomane averti soucieux du partage pudique (presque taiseux) de sa passion : la musique.
Problématiques intergénérationnelles de notre époque
Si l’histoire de Jean-Jacques Dayries mérite un succès de librairie, c’est parce qu’elle raconte les préoccupations d’une famille, certes privilégiée, mais à laquelle chaque lecteur pourra s’identifier en choisissant le personnage duquel il se sent le plus proche. La générosité des uns… L’arrivisme de autres… La bienveillance de certains… L’acrimonie et l’arrogance de ceux qui s’y opposent… Jungle en Multinationale évoque les problématiques de notre époque. Autant de défis professionnels qui s’entremêlent aux tracas individuels lorsque le quotidien prend des allures de « feu au Lac » entre choc générationnel et force des clans.
Dans Jungle en multinationale, Jean-Jacques Dayries (ancien vice-présidence de Pechiney Asie-Pacifique) nous plonge au cœur des luttes de pouvoir et des rivalités au sein d’une famille possédant un groupe hôtelier international.
Entreprendre – Le monde impitoyable des multinationales dans une « corporate jungle » à la française
Inspiré de faits réels, le roman dévoile les tensions invisibles de l’univers impitoyable des grandes entreprises familiales. Entre héritages, ambitions contrariées et manœuvres financières, Dayries dresse le portrait d’une micro-société où chaque faux pas peut coûter des millions. Ce monde feutré, magnifiquement décrit, évoque aussi bien les tensions du capitalisme familial que la fragilité des dynasties financières face aux ambitions et aux égos. Décryptage d’un monde où le capitalisme et la dynastie se rencontrent, au prix de drames personnels et de choix stratégiques.
Jungle en multinationale, 296 pages
Un héritage comme champ de bataille
L’intrigue de Jungle en multinationale commence par un événement décisif : le décès du fondateur, patriarche de la famille et principal détenteur du groupe hôtelier. Sa disparition marque le début d’une lutte de pouvoir où chaque membre de la famille devient acteur et adversaire dans un jeu d’échecs grandeur nature. Le roman dépeint avec une précision redoutable les jeux d’alliances et de trahisons qui se jouent lorsque l’héritage d’une entreprise familiale est en jeu.
Les rivalités familiales : quand la dynastie devient un poids avec des personnages piégés
La galerie de personnages mise en scène dans ce roman est aussi vaste qu’intrigante. D’Antoine, le directeur général de 45 ans, à Jean, fils du fondateur et figure centrale du groupe, en passant par Carole, jeune héritière prise entre ses sentiments et son devoir, chacun porte une histoire et un rôle qui enrichissent la complexité du récit. Ce casting de personnages, savamment orchestré, reflète les tensions familiales et professionnelles, où chacun doit naviguer entre ses propres ambitions et les attentes familiales. Un exercice de funambulisme qu’illustre également F. Scott Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique, avec des personnages tourmentés, oscillant entre leurs désirs personnels et la pression de leur milieu.
Dans un chapitre où Elizabeth, épouse de Jean, emmène son mari dans une escapade improvisée à travers les collines, on perçoit un besoin d’évasion, une fuite éphémère loin des tensions omniprésentes. Le talent de Dayries réside dans sa capacité à instiller un sentiment de réalisme et à rappeler que derrière chaque grand dirigeant se cache un être humain avec ses failles et ses doutes. « Qu’aurait-il fait s’il ne l’avait pas rencontrée ? » s’interroge Jean, comme si le bonheur privé pouvait offrir un répit face aux guerres de pouvoir.
Dayries excelle dans la description des conflits générationnels qui secouent la famille. Il n’y a pas de « jeunes loups » ou de « vieux sages » dans ce roman ; chaque personnage est en proie à ses propres ambitions, ses frustrations et ses doutes. Le directeur général, Antoine, se débat avec un environnement où les intérêts familiaux l’empêchent souvent de prendre les décisions stratégiques qui seraient pourtant essentielles pour la croissance de l’entreprise.
Ce roman rappelle, par sa structure, l’intensité de la tragédie familiale dépeinte par Shakespeare dans Le Roi Lear ou encore les intrigues de succession dans La Dynastie des Forsyte de John Galsworthy. Ici, cependant, l’arène n’est plus un royaume ou un salon victorien, mais des salles de réunion de multinationales et des villas luxueuses dispersées entre Londres, Paris, la Riviera et les Antilles. Les discussions familiales deviennent autant de « board meetings » informels où chacun tente de tirer son épingle du jeu.
Un choix stylistique spécifique
Jungle en multinationale n’est pas seulement un roman familial ; c’est aussi une immersion dans le monde des multinationales, où le langage technique et le jargon des affaires foisonnent. Dayries, lui-même ancien cadre dirigeant, maîtrise parfaitement cet univers. Les termes tels que « business plan », « private equity », ou encore « EBITDA » sont des rappels constants que les personnages, bien qu’apparentés, ne parlent souvent que la langue de la finance.
Ce choix stylistique ancre le récit dans la réalité économique contemporaine et rappelle les romans de Tom Wolfe comme Le Bûcher des vanités, où le jargon professionnel dessine une frontière invisible entre initiés et profanes. Ici, cependant, Dayries pousse la réflexion plus loin en montrant comment ce langage de l’efficacité peut devenir un outil de manipulation au sein de la famille elle-même. Le choix des mots devient une arme autant qu’une méthode, et chaque conseil stratégique cache une tentative d’influence.
Les multinationales, entre ancrage local et impérialisme économique
À travers Jungle en multinationale, Dayries fait la part belle aux lieux où se déploie son intrigue : Londres, la Riviera, Zurich, Saint-Barthélemy… Ces paysages évoquent le luxe et le cosmopolitisme des grandes fortunes, mais aussi les obligations de l’économie mondialisée, où les déplacements incessants ne laissent aucun répit aux personnages. Ce rythme effréné, dicté par les impératifs financiers, rappelle les analyses de David Harvey dans The Condition of Postmodernity, où il décrit la compression du temps et de l’espace imposée par le capitalisme globalisé.
Les personnages, souvent pris entre des valeurs familiales traditionnelles et les exigences modernes de la compétitivité, incarnent le dilemme du capitalisme familial à l’heure de la mondialisation. Jean tente de « concilier les intérêts divergents dans un pacte d’actionnaires », ce qui n’est pas sans rappeler la saga familiale de la dynastie Murdoch et ses luttes de succession. Dayries nous met face à la dualité de ces empires financiers : s’ils peuvent être un moyen de transmettre un héritage, ils deviennent aussi le théâtre de déchirements et de trahisons.
Une réflexion sur la solitude des dirigeants
Le roman de Dayries soulève également une question de fond : qu’est-ce que le pouvoir, et à quel prix s’exerce-t-il ? Les personnages principaux sont souvent dépeints dans une solitude dévorante, face à des décisions qui les isolent davantage de leurs proches. Comme l’écrivait Balzac dans La Comédie humaine, « derrière chaque fortune, il y a un crime ». Dans Jungle en multinationale, les personnages ne sont pas des criminels, mais leur ambition les amène parfois à sacrifier l’humain pour l’intérêt financier.
La figure du fondateur, restée omniprésente même après sa mort, rappelle cette obsession pour la pérennité à tout prix. Que ce soit Jean, qui prend des décisions stratégiques en solitaire, ou Antoine, pris dans les arcanes du management moderne, chacun tente de s’extirper des ombres du passé pour façonner son propre destin. Pourtant, les choix qui s’offrent à eux sont souvent minés par les jeux d’influence, dans un climat rappelant les mots d’Albert Camus : « Ce monde n’a pas de sens au-dessus des forces humaines. »
Des enjeux financiers démesurés et des alliances fragiles
L’héritage du fondateur n’est pas seulement une question de succession : il implique une réorganisation complexe des actions et des pouvoirs. Au fil des pages, les alliances évoluent, se font et se défont.
Le roman explore avec finesse les implications de cette redistribution des parts. Chaque membre détient désormais un pouvoir équivalent, rendant les décisions plus complexes. L’intrigue s’anime de manipulations, d’ambitions dévorantes, et d’une guerre froide où chacun tente d’assurer sa position sans faire de vagues.
Quand l’entreprise familiale devient un miroir de la société
En filigrane, Jungle en multinationale interroge notre rapport à la réussite, au capital et aux valeurs qui sous-tendent les dynasties familiales. Dayries, lui-même ancien dirigeant, réussit une plongée réaliste dans le monde feutré mais impitoyable des multinationales. Il s’interroge subtilement sur la capacité d’une entreprise à rester un lieu d’éthique et de transmission dans un monde obsédé par le profit. Le jeu d’échecs évoqué sur la couverture, où chaque mouvement est calculé, est une métaphore évidente : dans cette arène de pouvoir, chaque faux pas peut faire chuter l’empire bâti par des générations.
En explorant les facettes de cette « jungle » du pouvoir familial, Dayries rejoint des réflexions que l’on retrouve chez Max Weber, qui parlait dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de la tension entre valeurs spirituelles et rationalité économique. Dans un monde où les multinationales ont pris le pas sur les institutions, le roman rappelle la nécessité de repenser le capitalisme, de s’interroger sur ses dérives et ses limites.
À l’image de Casino de Nicholas Pileggi, qui décortique les rouages du monde des jeux d’argent, Dayries nous montre l’envers du décor de l’hôtellerie internationale. Chaque destination glamour masque une tension sous-jacente : l’enjeu n’est pas seulement de séduire une clientèle exigeante, mais de maintenir un équilibre financier dans un secteur où la concurrence est féroce et où le moindre faux pas peut coûter des millions.
La morale d’un capitalisme au visage de comédie humaine
À travers son roman, Jean-Jacques Dayries ne se contente pas de raconter une histoire ; il dépeint une critique subtile du capitalisme familial. Le lecteur perçoit un certain malaise face à ces héritiers privilégiés, déchirés entre leur désir de réussite individuelle et l’attachement à l’entreprise familiale. Chaque personnage semble pris dans un dilemme moral, hésitant entre l’ambition personnelle et les valeurs héritées du Fondateur.
Ce questionnement rappelle les thématiques de La Comédie humaine de Balzac, où l’argent et la morale se confrontent sans cesse. À l’image de la famille Nucingen chez Balzac, la famille décrite dans ce roman incarne à elle seule la puissance d’un empire économique fondé sur des valeurs capitalistes, où chaque faux pas peut entraîner la perte du précieux héritage.
Dans ce contexte, le fondateur agit comme une figure quasi-dictatoriale, manipulant les cartes pour maintenir le contrôle sur ses enfants et ses anciens partenaires, sans jamais céder à l’émotion. Comme le dit Timothée dans un extrait : « Le Fondateur ne nous dira pas ce qu’il veut. Il préfère nous voir nous battre pour comprendre ses intentions. » Cette phrase pourrait aussi bien sortir de la bouche d’un Vautrin ou d’un Rastignac, figures emblématiques de l’ambition calculée et de la manipulation sociale.
En montrant les failles et les dilemmes des héritiers, Dayries interroge la nature même du capitalisme : est-il encore possible de mener une entreprise multinationale avec une éthique familiale, ou la recherche du profit finit-elle toujours par détruire les valeurs humaines ? Cette réflexion trouve également un écho dans les travaux de Pierre Bourdieu, notamment dans « La Distinction – Critique sociale du jugement » , où l’auteur explore comment les structures sociales et le capital économique influencent les comportements et les valeurs, y compris au sein des familles puissantes. Dans le roman de Dayries, les héritiers, pris entre les attentes familiales et les exigences du marché, illustrent parfaitement cette tension entre habitus familial et rationalité économique.
Bourdieu souligne que les structures de domination et les privilèges, bien souvent invisibles, façonnent les choix individuels et collectifs au sein des classes dirigeantes, une analyse qui se retrouve dans les dilemmes et rivalités qui opposent les membres de cette famille à la tête d’une multinationale.
Dayries, observateur acéré du monde de l’entreprise
Avec Jungle en multinationale, Jean-Jacques Dayries signe une œuvre qui allie suspense, complexité humaine et profondeur économique. Plus qu’un simple roman, ce livre est une immersion dans les arcanes du pouvoir et de l’argent, un miroir tendu à notre époque où les multinationales familiales sont devenues les nouveaux fiefs de l’économie mondiale. Ce « corporate jungle » est à la fois captivant et troublant, rappelant que derrière les façades de verre et d’acier se cachent des luttes aussi anciennes que le monde.
Malédicte vous expliquera qu’il faut accepter les personnes trans même si on ne les comprend pas (son père est devenu une femme) – jeudi 28 novembre 2024 à la Louisiane