Actualités (NON EXHAUSTIF)

Zone critique met à l’honneur « La Chambre de Léonie » d’Hélène Waysbord aux éditions Le Vistemboir

Hélène Waysbord : une chambre à soi avec Marcel Proust

Henri Matisse, La Chambre rouge

N’importe quel lecteur et admirateur de Proust sait que la plus grande joie que procure la Recherche du temps perdu consiste en une relecture infinie et à en parler avec d’autres lecteurs. Hélène Waysbord nous fait le don de cet échange à travers son délicat ouvrage La chambre de Léonie, écrit en période de confinement – ce détail n’est pas anodin. Il s’agit bien d’une conversation, au cours de laquelle l’auteure tantôt nous offre sa vision de l’œuvre, tantôt se confie sur son existence. Ces deux angles de composition résultent du rapport singulier qu’Hélène Waysbord entretient avec la mémoire, qui l’a inévitablement menée à pénétrer avec abandon et délice dans la prose proustienne.

« Chaque être sans doute reste le corps vibrant porteur des traces  d’origine qui l’ont comblé, seules quelques-unes seront vivifiées. Proust apprend cela si on s’abandonne à lui. » (p. 119 et 120)

Hélène Waysbord et Marcel Proust : un compagnonnage intime

Au début, il y eut une perte
Celle de ses parents, déportés puis assassinés à Auschwitz à l’automne 1942 puis au printemps 1943, années maudites entre toutes. Perte des repères, perte de l’amour donné, perte du Tout par lequel l’enfant s’attache au monde et s’y reflète, sans effort. Acter cette perte, c’est accepter de ne plus recevoir l’image de son propre reflet dans le monde et par conséquent, demeurer démuni. Isolé. Dépossédé. Hanté. Tout cela, Hélène Waysbord l’a été tour à tour, simultanément, invariablement. Habitée par une histoire qui est la sienne et qui lui échappe, qui la plonge dans le désarroi de l’identité dérobée.

Puis, il y eut la vie.
L’enfance recommencée malgré tout, dénuée d’illusions et emplie de l’incertitude des années de guerre, qui finit enfin, objectivement, mais continue d’habiter une subjectivité dorénavant marquée du sceau de l’effroi. Des études en littérature, une thèse de doctorat sur la métaphore dans l’œuvre de Proust, un mariage, l’enseignement, des activités culturelles auprès du gouvernement de François Mitterand, dans les années 1980. En 2013, Hélène Waysbord publie L’Amour sans visage, chez Christian Bourgois, puis Alex ou le porte-drapeau une année plus tard. Le premier est suivi des lettres que son père écrivit depuis le camp où il était interné avant sa déportation et de leur commentaire rétrospectif par sa fille, Hélène Waysbord. Ces deux récits, surgis des profondeurs de l’enfance orpheline, sont bouleversants comme le sont les témoignages qui exposent le vertige des existences rongées par l’indicible. Elle a longtemps présidé l’Association de la maison des enfants d’Izieu, qui fut un asile temporaire pour quarante-quatre enfants juifs de toutes nationalités, finalement déportés en 1944.

En période de confinement inattendu, Hélène Waysbord prend la plume pour examiner la chambre comme kaléidoscope de la vie morcelée, comme bastide clandestine, qui protège et isole en même temps.

Mais l’auteure de La Chambre de Léonie est avant tout une grande lectrice et spécialiste de Proust. Quoi de plus symbolique que de faire l’inventaire des chambres dans la Recherche du temps perdu, quand on a soi-même été une enfant recueillie, cachée entre quatre murs, puis retenue dans les chambres par la douleur, la stupeur, la mélancolie des jours qui passent sans pouvoir éclaircir les heures troubles du passé ? En période de confinement inattendu, de passage en Normandie en mars 2020, Hélène Waysbord prend la plume pour examiner la chambre comme kaléidoscope de la vie morcelée, comme bastide clandestine, qui protège et isole en même temps. Mais la chambre a surtout été, de tout temps, le lieu par excellence de la lecture solitaire, cette activité qui nous prête des vêtements imaginaires « pour jouer en costumes ces rôles où l’on s’apprend soi-même » (p. 17). Pour Hélène Waysbord, le livre reste ce professeur muet, qui nous offre une possibilité de « proximité immédiate » (p. 117) avec un écrivain aujourd’hui disparu, mais si familier grâce à l’œuvre apte à témoigner de sa présence bien plus intimement – et même, charnellement – que n’importe quelle rencontre : « Je me sentis d’emblée concernée par une lecture du monde qui ne livrait pas ses secrets » (p. 73). La lecture de l’œuvre de Marcel Proust a contribué à éclairer le chemin nébuleux des méandres de la tragédie personnelle d’Hélène Waysbord ; à nommer les minuscules pans de lumière reconquise – tels, dans l’œuvre, « le petit pan de mur jaune » et le « rayon de soleil sur le balcon »  – là où n’importe qui d’autre n’aurait rien vu, rien que des ombres, des traces qu’on soupçonne, à moitié effacées, à moitié ignorées.

Dans La Recherche du temps perdu, la chambre de Léonie est la chambre des chambres, le refuge de la tante malade, de la femme prostrée, mais aussi de la rumeur et de l’observation, dans laquelle le narrateur s’abreuve du thé magique qui lui vaudra d’être, des années plus tard, transporté pour la première fois dans le labyrinthe de la mémoire qu’il parcourt dans son œuvre. De la chambre de sa tante Léonie, le narrateur retient le lit, cette matrice et ce sanctuaire de la création dont on sait par l’entremise de Céleste Albaret que Proust lui-même y écrivit l’intégralité de son œuvre :

[…] Léonie qui, depuis la mort de son mari, mon oncle Octave, n’avait plus voulu quitter, d’abord Combray, puis à Combray sa maison, puis sa chambre, puis son lit et ne « descendait » plus, toujours couchée dans un état incertain de chagrin, de débilité physique, de maladie, d’idée fixe et de dévotion.[1]

Le resserrement du monde de Léonie à la ville, puis aux différents contenants dont le dernier est le lit permet à Proust de colorer ce lit-matrice de toute la palette morale de l’intériorité de celle qui s’y tient. En somme, Combray est la métonymie du lit de tante Léonie, et plus encore, en vient à symboliser toutes les âmes ayant été terrassées par un chagrin incommensurable. Cette petite bourgade triste, résumée par son église un peu morne, résonne de l’écho de toutes les voix fluettes qui n’ont plus la force de se révolter contre le désastre, la perte, l’oubli contre lequel il faut lutter. Mais le lit d’une petite bonne femme qui ânonne seule et dont les paroles évanescentes disparaissent à tout jamais fait place, grâce à la vocation du narrateur, au lit comme métaphore de l’intériorité et de la mémoire. Celui sur lequel s’ouvre le roman tout entier annonce tous les autres, surgis de l’imagination du petit Marcel qui se tourne et se retourne, exaspéré mais déjà à demi assoupi, en pensant au baiser trop court que sa mère a bien voulu venir lui donner quelques instants auparavant, et qu’elle a emporté avec elle en fermant la porte de la chambre. Ce lit où il éprouve sa solitude sera, dans une autre dimension, celui où l’écrivain passa, pelotonné, la plus grande partie de sa vie pour composer l’intégralité de son œuvre, enveloppé dans le nuage opaque et presque irréel de ses fumigations contre l’asthme.

Un inventaire poétique

Composé de courts chapitres permettant d’en faire un bréviaire à consulter par entrées, La Chambre de Léonie revient sur quelques chambres de la vie d’Hélène Waysbord

Composé de courts chapitres permettant d’en faire un bréviaire à consulter par entrées, La Chambre de Léonie revient sur quelques chambres de la vie d’Hélène Waysbord, de la chambre « de satin rose dragée », où l’orpheline de cinq ans fut recueillie après la « disparition » de ses parents, à la « Chambre rouge » de Matisse, qui revêt une importance capitale aux yeux de l’auteure, car cette toile lui permit d’envisager, après une phase particulièrement cruelle d’égarement « empli de menaces », « un monde où vivre » (p. 104 et 105). La description qu’elle en fait après l’avoir découverte au Musée de Lille est un enchantement : en pénétrant dans les tourments de sa mémoire, Hélène Waysbord nous donne aussi accès aux étincelles de beauté que ses yeux ne cessent de percevoir, malgré la perte qui revient, le désarroi qui demeure :

La chambre selon Matisse devenait un lieu total de contemplation, de jouissance silencieuse, sans irruption menaçante du dehors avec l’œil de la Gestapo derrière chaque porte, comme un pistolet pointé. (p. 106)

L’œuvre comme chambre où se lover, où trouver refuge contre les abîmes et la folie, mais également où commencer à écrire ce qui se dérobe quand le péril guette, apparaît évidemment en filigrane dans ces lignes. La chambre de Léonie accomplit un doux va-et-vient entre les souvenirs de la jeune orpheline observatrice que fut – et que restera toujours – Hélène Waysbord, et une réflexion sur la lecture, sur l’enchantement permis par la prose proustienne toute droite sortie non pas d’une mais de nombreuses chambres, c’est-à-dire d’un lit d’homme confiné : successivement au Grand Hôtel de Cabourg, à l’hôtel des Réservoirs à Versailles, à Paris enfin. L’auteure rappelle à quel point Marcel Proust était relégué lui aussi par sa santé fragile et ses poumons délicats à l’espace domestique et intime du lit, et aime à penser que malade ou pas, « chacun se cache » dans sa chambre, dans un espace où dissimuler sa différence, ses désirs et ses chagrins honteux, son corps éprouvé. La chambre comme lieu de confinement et refuge au monde extérieur et à sa brutalité, devient sous la plume d’Hélène Waysbord un espace sacré « au sens ancien, dans [lequel] on ne peut entrer » sans avoir sonné (p. 96).

Le charme de ce livre réside dans la confiance qu’Hélène Waysbord accorde au lecteur, dans le fait de bien vouloir lui confier ses tourments fondateurs

Le motif de la chambre fait la part belle aux dispositifs d’observation mis en place dans La Recherche du temps perdu, le roman des apparences et des mirages, mais surtout de la surveillance, voire, de l’espionnage. Aux dires de Céleste Albaret, Proust ne sortait jamais de chez lui qu’avec « un objectif précis en chasseur d’un détail ou en pèlerin de ses personnages » (p. 80). On imagine aisément Hélène Waysbord, à la poursuite d’un passé impénétrable, d’une enfance volée et inconsolée, en investigatrice infatigable, « en recherche d’un père protecteur et idole, abruptement arraché » (p. 54). On croise sans surprise dans La chambre de Léonie un spectre inversé d’Albertine sous la forme de ce père trop aimé et qui n’aime pas en retour, disparu sans crier gare. Une enfant est déplacée malgré elle d’Argenteuil en banlieue parisienne vers un village lointain, anonyme, et trouve refuge au « café en face de la gare », dans « la chambre de satin rose dragée », « où le romanesque prend son envol », et qu’elle préfère à la salle du bas avec « ses contigüités équivoques » (p. 24). Une jeune femme se marie dans les années 1950 et décrit sa relation à l’auteur de La Recherche du temps perdu comme destinée « à durer bien au-delà de ce qu’[elle aurait] pu croire » (p. 72). Il y a quelque chose de Modiano chez Hélène Waysbord : dans la permanence de l’énigme au cœur de l’existence, mais également dans la douceur infinie qui émane de leurs récits respectifs. L’un et l’autre voguent, au gré de leurs gouffres, sur une mer instable mais protectrice. Leur vie apparaît comme une négociation perpétuelle avec le précipice et la matrice. Ils partagent avec Céleste Albaret, l’inoubliable femme de chambre de Proust, le temps propre au célèbre écrivain : celui-ci n’a plus rien de commun avec le temps des autres, celle de l’horloge parlante ou des gares. Il s’étire inconsidérément, mais surtout, dessine une nouvelle dimension : celle où l’identité et la mémoire se confondent.

Le charme de ce livre réside dans la confiance qu’Hélène Waysbord accorde au lecteur, dans le fait de bien vouloir lui confier ses tourments fondateurs, et de les lui laisser associer avec la grâce rédemptrice des récits proustiens, auxquels elle mêle sa voix, dans une fugue envoûtante et poétique.

  • Hélène Waysbord, La chambre de Léonie, Préface de Jean-Yves Tadié, éditions Le Vistemboir, Paris, 2021.

Fanny Arama

[1] Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, coll. « Folio », édition présentée et annotée par Antoine Compagnon, 1988, p. 48 (je souligne).

Session de jeu coquinou autour d’un petit-déjeuner INNOOO le 18 novembre à 10h

Session Bonnes Pratiques Internet
INNOOO a le plaisir de vous inviter à une session de jeu Coquinou autour
d’un petit déjeuner:
Avec Luc Rubiello Président fondateur d’INNOOO et Dominique Jaquet DSI
de l’APEC Vice-Président d’INNOOO et des membres de l’association:
Le jeudi 18 novembre 2021 à 10h
Au Cercle militaire 8 place Saint-Augustin Paris 8ème:
Pass sanitaire scanné à l’entrée du Cercle et jean proscrit pour les
hommes
Lors de cette partie de jeu Coquinou entre les participants, chacun
améliorera ses Bonnes pratiques internet et échangera sur l’indépendance
internet de la France dans un monde sans GAFAM
A propos d’INNOOO : l’association est reconnue d’intérêt général et
milite pour un internet français et sans publicité reposant sur des
outils conçus, hébergés et maintenus en France :
    un multimoteur de recherche ouvert retournant les réponses les plus
pertinentes sans publicité,
    les Actualités du jour garanties sans « fake news »,
    un moteur d’images pour des recherches mettant l’accent sur la
sérendipité (capacité de faire une découverte par hasard),
    un réseau social acentré (sans système centralisé), libre et modéré,
    des actions de sensibilisation aux bons réflexes internet : jeu de
cartes pédagogiques Coquinou, tutoriels gratuits, conférences dans les
lycées, entreprises et universités.
Plus d’information: www.innooo.fr
Un événement Balustrade * RSVP par sms au 06 84 36 31 85
Informations presse : guilaine_depis@yahoo.com

Un superbe article de l’écrivain Marie Desjardins sur « La Chambre de Léonie » dans La Métropole

 

Du côté de l’expérience Proust

Marie Desjardins

C’est un voyage intérieur que propose Hélène Waysbord avec La chambre de Léonie, paru aux éditions Le Vistemboir : un essai tenant du récit, un récit tenant de l’essai, une réflexion psychologique et philosophique, un ouvrage biographique ajoutant à la connaissance de l’auteur d’À la recherche du temps perdu, Marcel Proust. Biographie, en effet, en ce que la biographie est une famille, un ensemble. Dans cette perspective, elle devrait s’écrire avec la majuscule, toutes les biographies, avec une minuscule, étant ses constituants, autant de prismes du kaléidoscope.

La biographie est un genre, si l’on peut dire, car comment atteindre à la vérité du personnage (ce que recommandait André Maurois lui-même) ? Le chemin le plus sûr est sans doute celui de sa propre vérité. Or c’est celui qu’emprunte Hélène Waysbord, conseillère de François Mitterand dans les années quatre-vingt pour les Grands projets. C’est en exposant son sentiment, son expérience, du grand écrivain qu’elle parvient à en fournir un éclairage peut-être pas nouveau, mais personnel et par conséquent unique. Tous les livres sur l’analyse d’une figure sont utiles, fussent-ils littéraires ou non. La recherche ne s’achève jamais. Aussi ne peut-on pas se surprendre d’une énième parution sur Proust, en l’occurrence. Chaque pierre participe à l’édification de la connaissance.

Tout lecteur de Proust, même d’une infime partie de son œuvre, s’il est fasciné par le personnage, yeux sombres, élégant, énigmatique, camélia à la boutonnière, presque mystique dans sa démarche, trouvera donc son compte dans cet essai, ne serait-ce que pour un détail… celui que rapporte Waysbord, par exemple, au sujet de la voix exceptionnelle du créateur de Swann, en citant ce que Cocteau en dit : « Cette voix n’arrivait pas de la gorge, mais des centres elle avait un lointain inouï. »  Le détail est fondamental au tableau, et chaque témoin d’un détail participe à la Biographie. Ainsi, entre autres, Benoist-Méchin relatant sa visite à Proust en 1922, et rappelant le souvenir de ce regard abyssal, brillant littéralement dans la pénombre, surgissant du visage cireux, Proust mourut quelques jours après sa rencontre avec ce jeune intellectuel brillant, collaborateur condamné puis gracié, grand biographe. Waysford et Benoist-Méchin, diamétralement opposés, ont néanmoins dans leur cheminement vers Proust un point commun : ils lui ont consacré une thèse.

La démarche de Waysford est claire : « Comment, se demande-t-elle, faire de Proust mon mystérieux correspondant, personnage et guide à la fois dans mon entreprise audacieuse, sans doute impossible, d’une présence retrouvée ? » Les parents d’Hélène Waysford, juifs, ont été déportés à Auschwitz. Depuis elle n’a jamais cessé d’être à la recherche du temps perdu. La fréquentation de Proust, cet être confiné, devenu orphelin, d’une extrême sensibilité, d’origine juive également, cette pure affinité élective entraîne au moins Waysford sur la voie de l’apaisement. Dans son esprit, le disparu toujours vivant fait œuvre étrange de consolation, un frère dans l’au-delà. C’est l’angle de La chambre de Léonie. Et aussi celui de la genèse de l’œuvre ; « les “écrans” proustiens, qui jalonnent le récit, précise-t-elle, la chambre de Léonie, celle de Vinteuil, ou la cour de l’immeuble du narrateur, sont constitués selon un dispositif identique : cadrage, espionnage, dissimulation. ». Affirmation qu’elle nuance elle-même, englobant dès lors tous les possibles : « Il est tant de façons de lire Proust. »

Par la première phrase, par exemple : « Longtemps je me suis couché de bonne heure. » Si connue, tellement citée… C’est, selon Waysford, « la phrase la plus simple et la plus décantée. […] D’emblée le lieu est privilégié est posé, le lit nocturne, centre du monde à venir. […] Une première phrase qui est le miroir de réfraction où se projettent les nombreuses pages de la Recherche. N’importe qui aurait pu la dire, chacun peut se l’attribuer vu sa simplicité, mais écrire le roman qui suit était réservé à un seul, un grand malade couché, la vie la plus singulière qui soit. »

Cette réflexion si juste est une autre définition de Proust qui étoffe sa Biographie. Celle-là est de Waysford qui, comme son sujet, a accédé à l’écriture par la souffrance, la remise en question, l’affirmation, enfin, à la faveur… d’une pandémie des temps modernes. Son ouvrage est d’actualité, on y lit quelques remarques délicieuses au sujet « d’un minuscule virus » ; comme celle-ci : « le mot confinement, répété à longueur de journée sur les ondes et dans les journaux, avait remplacé la moitié du lexique… » C’est par conséquent lorsqu’elle se retrouve enfermée, comme Proust, que Waysford se met à la rédaction de son expérience avec lui, livrant du coup une foule d’anecdotes éclairant son sujet, bien sûr, mais aussi le parcours général du biographe, dont ses frustrations. Dans le cas de Waysford, l’impossibilité de mettre la main, lors d’une vente à Drouot, sur une lettre capitale de Proust écrite le 18 août 1902 dans laquelle elle comprit que, « dix ans avant la chambre de liège et le retrait, son choix [était] déterminé en tous ses aspects. ». Elle rapporte par ailleurs des joies occasionnelles du biographe à la parution inattendue, notamment, de fragments de nouvelles de jeunesse, dans lesquels la vocation et l’orientation de l’écrivain sont clairement établies.

« J’essaie de suivre l’itinéraire de Proust dans la recherche de son identité profonde. Je retrouve donc ainsi des fragments éclatés de ma propre identité », déclare-t-elle dans une interview lors du festival de Cabourg, en octobre dernier. Un long travail, long d’une vie, personnel, à même le déchirement et la cruauté d’une époque ; « le trou noir de l’arrachement », écrit-elle. Tout ceci a conduit Hélène Waysford à formuler cette conclusion sur Proust, en soi un morceau d’anthologie de réelle critique littéraire, synthétique, exact et limpide : « Chaque être sans doute reste le corps vibrant porteur des traces d’origine qui l’ont comblé, seules quelques-unes seront revivifiées. Proust apprend cela si l’on s’abandonne à lui. »

Quel amour. Quelle leçon de lecture. Comment résister à citer intégralement l’explication que donne Waysford de la méthode de Proust en ce qui concerne ces « traces d’origine » ? Explication qui résume impeccablement cette méthode. « Il n’est pas question de mémoire, il s’agit d’une navigation sans boussole dans l’épaisseur du temps où le passé coexiste avec le présent. Le corps parle tel un épiderme mémoriel où les sensations ont tracé leur sillon. Des moments rares qu’on ne commande pas à volonté, mais qu’il convient de recevoir comme une grâce et un travail. L’intelligence de Proust s’est consacrée à élucider ces instants de temps à l’état pur, arrachés aux contingences du moment, à toute la chronologie de ce qui serait déjà joué. Des images instantanées de l’éternité. »

Il n’y a plus un mot à dire, sinon que le livre qu’on tient dans les mains est par ailleurs très esthétique, tant par son format original, 18 x 18, que par sa couverture très réussie.

Hélène Waysbord, La chambre de Léonie, Préface de Jean-Yves Tadié, Éditions Le Vistemboir, Caen, 2021, 125 pages.

Gilles Pudlowski fait l’éloge de « La Conversation »

Quand sa rédactrice en chef, à l’heure de partir en vacances, demande à Charlotte, jeune journaliste stagiaire, frais émoulue de Sciences Po, d’interviewer, au coeur de l’été, l’ancien président de la République récent prix Nobel de la Paix, Victor Esménard, celle-ci va y voir forcément une chance, une aubaine, une occasion à ne pas manquer. La rencontre se passe au Plaza Athénée, commence dans la galerie, se prolonge à table. Le politicien rusé, censé détester les journalistes, use de séduction, pratique l’art de la conversation avec un sens aiguisé du monologue, use de l’aphorisme, de la citation, sans en abuser, médit de l’époque, glisse d’utiles conseils d’écriture (toute la page 80 sur le thème de « si vous vouez écrire, écrivez écrivez… »), se gausse de ses contemporains, vante les vertus du vin et du cognac, de la bonne chère aussi, évoque la douceur de vivre et se défie de l’avenir. Bref, donne, sans y prendre garde, des leçons de sagesses. Charlotte, elle, encaisse, réplique, ruse, et se trouve piégée en bout de course. On ne vous dira pas comment. Cette conversation, premier roman d’Alexandre Arditti, est un brillant exercice de style qui échappe aux lieux communs, à la redite, à la banalité. Et se suit avec un constant plaisir. Gilles Pudlowski

RSVP 13 novembre Soirée Yoga, méditation et cocktail dînatoire avec Anne-Cécile Hartemann

Balustrade Santé Bien-être Psycho

Vous invite à

une Rencontre exceptionnelle Corps & Esprit

avec Anne-Cécile HARTEMANN, thérapeute en relation d’aide, enseignante de Hatha yoga et animatrice de cercles philosophiques

Expérience unique de yoga

et méditation offertes

Précédant un cocktail dînatoire

Samedi 13 novembre 2021

à l’Hôtel La Louisiane60 rue de Seine Paris 6°

De 18h à 21h30

Réservation obligatoire par sms 06 84 36 31 85

Programme de la soirée :

18h Atelier de yoga avec Anne-Cécile HARTEMANN ; 19h Présentation de « Métamorphose », le livre de l’invitée ; 
20h Dédicace, échanges avec la salle, cocktail dînatoire

Contact presse : guilaine_depis@yahoo.com

INNOOO pour un monde sans (hégémonie du) GAFAM

Dossier dans Le Journal du Geek 

Et si la panne Facebook avait continué ?

Par Amandine Jonniaux le 

Pendant quelques heures, la panne de Facebook a paralysé une partie du monde. Mais comment le monde aurait réagi si l’incident s’était éternisé ?

logo Facebook

© Journal du Geek

Sommaire [Afficher]

Le 4 octobre dernier, le monde numérique s’est trouvé paralysé pendant près de six heures. Frappés par une panne sans précédent du groupe Facebook, les plus gros réseaux sociaux de la planète ont cessé de fonctionner, obligeant les internautes à changer leurs manières de communiquer, de se divertir et de s’informer. Mais que se serait-il passé si la panne du géant du web avait duré six jours, six mois ou six ans ?

Six heures : communiquer

En seulement quelques heures, ce sont plusieurs centaines de millions d’internautes qui ont dû modifier leurs habitudes. Privés de Facebook Messenger et WhatsApp, il a bien fallu trouver un moyen de communiquer, ne serait-ce que pour commenter le blackout mondial du géant technologique ou organiser cette soirée entre collègues prévue de longue date.

Alors que les applications Signal et Telegram ont vu débarquer plusieurs millions de nouveaux utilisateurs sur leurs plateformes, c’est Twitter qui s’est imposé comme le grand gagnant de la panne, s’étonnant lui-même de cette soudaine popularité. En quelques heures, le réseau social à l’oiseau bleu était devenu le point névralgique d’une situation jusqu’alors inédite, puisque même le groupe Facebook avait choisi d’y assurer sa communication.

Privés de nos biais traditionnels, la priorité a logiquement été de contourner la situation, en téléchargeant de nouveaux outils, ou en optant pour certaines fonctionnalités oubliées. Ainsi, les appels et les SMS aussi, ont eu droit à leur moment de gloire. Délaissés par le grand public depuis l’arrivée des plateformes web – une situation qui pourrait bientôt changer avec l’arrivée du protocole RCS – les moyens de communication “classiques” se sont finalement imposés comme les plus fiables en temps de panne.

Six jours : se divertir

Une fois le capharnaüm des premières heures passées, la panne Facebook a soulevé une autre problématique, celle de notre dépendance aux réseaux sociaux. Car en l’absence d’Instagram et consorts, c’est un important “temps de cerveau humain disponible” qui se retrouve inutilisé, rappelle Khalil Mouna, directeur général et co-fondateur de l’application Gleeph : “On parle d’une moyenne de deux heures par jour sur les réseaux sociaux pour les 15-34 ans, c’est énorme. Et avec la panne, ce temps on ne savait pas quoi en faire”. Privés de vidéos de chats, de tutos express et de citations inspirantes, notre intérêt a – difficilement – dû s’accrocher à quelque chose d’autre.

Si la panne Facebook avait duré plusieurs jours, c’est sans doute cette dépendance de temps d’esprit qui aurait pris le pas sur notre besoin de communiquer, plus facilement résoluble. “Les réseaux sociaux sont basés sur un système de récompense immédiate, c’est une mécanique de drogue à court terme”, explique Khalil Mouna. “C’est pour ça qu’on a besoin de combler immédiatement ce vide, en fléchant vers quelque chose d’autre”. Un des multiples “effets nocifs et délétères” des GAFAM, analyse Luc Rubiello, président de l’association INNOOO (INNOvation Ouverte par Ordinateur, qui milite pour un Internet français sans publicité et sans GAFAM), et qui “au cas par cas, explique la dépendance aux outils de Facebook”.

En nous obligeant à nous divertir autrement, la panne Facebook aura aussi permis à certains réseaux sociaux alternatifs de tirer leur épingle du jeu. Au lieu de scroller indéfiniment le long de l’algorithme d’Instagram, les internautes se sont tournés vers d’autres plateformes, comme Netflix, Spotify ou encore Gleeph, un réseau social dédié à la lecture. “On a enregistré un pic d’activité historique jamais atteint depuis trois ans” se félicite le co-fondateur de la plateforme. Ça prouve que même si les applications comme la nôtre n’ont pas la même rétribution immédiate sur le cerveau, c’est un bon espoir sur le long terme”.

Six mois : repenser les réseaux sociaux

Et si arrêter de scroller indéfiniment – cette manie qui inquiète tant Tim Cook, le PDG d’Apple – nous permettait de nous rapprocher du réel ? En s’éloignant temporairement de l’algorithme Facebook, force est de constater que l’addiction des premiers jours, d’abord dictée par le besoin de communiquer, puis celui de divertir notre cerveau, s’estompe peu à peu. Sans doute de quoi expliquer le succès de la tendance digital detox, qui depuis déjà plusieurs années, nous invite à nous éloigner volontairement des écrans.

Dans le cas hautement improbable où l’entreprise de Mark Zuckerberg serait contrainte à l’arrêt pendant plusieurs mois, il y a fort à parier que nos habitudes changeraient drastiquement. Plutôt que de considérer les réseaux sociaux comme une finalité, les plateformes restantes pourraient plutôt s’imposer comme un moyen d’accéder à un divertissement “plus qualitatif, et avec davantage de sens”, estime Khalil Mouna : “Quand on lit un livre, quand on regarde un film, qu’on écoute de la musique, ou n’importe quoi d’autre, on enrichit ses connaissances à travers des souvenirs qui restent. Avec les réseaux sociaux de Facebook, on se sent vide, il ne ressort rien”. Dans tous les cas, il faudrait s’attendre à une baisse drastique de notre temps passé sur les réseaux sociaux.

Peut-on imaginer un monde sans GAFAM ?

Évidemment, il y a très peu de chance qu’une panne de l’ampleur de celle connue par Facebook ne s’éternise. Comptant parmi l’une des plus grosses entreprises au monde, le géant américain n’aurait sans doute aucun mal à minimiser la portée d’un tel incident, synonyme de pertes financières conséquentes pour lui. Ces dernières semaines nous ont pourtant prouvé qu’aussi puissant soit-il, c’est tout l’écosystème de Facebook qui pouvait être mis à l’arrêt pour une simple erreur humaine.

Facebook applications
Crédits : Jeremy Zero / Unsplash

Même si elle n’aura duré que quelques heures, cette panne généralisée de Facebook s’impose finalement comme “un très bon test” à grande échelle, analyse Khalil Mouna : “Ça prouve qu’on peut concrètement s’en passer. Par contre, il faut être réaliste, tant que les GAFAM existent, ce sont eux qui gagneront. C’est une question de poids. Quand on est une entreprise à la valorisation boursière de centaines de milliards d’euros, on est bien trop puissant”.

Si la disparition des GAFAM paraît peu probable, c’est en jouant sur leur propre terrain que des plateformes plus modestes pourraient tirer leur épingle du jeu. Tandis que certaines plateformes misent désormais sur un contenu plus qualitatif, en France, le réseau INNOOO aspire à retrouver un Internet indépendant et sécurisé, loin de l’hégémonie des GAFAM.

Rappelons que certains pays ont déjà fait le choix de se passer du groupe Facebook, à l’image de la Chine et la Russie. Moins radicale, l’Europe aspire aujourd’hui à réguler la présence et le pouvoir des GAFAM sur son territoire. Un projet compliqué, à l’heure où Facebook possède une valorisation boursière de 442 milliards d’euros, soit plus que le PIB de la Norvège, de l’Irlande ou du Danemark. Difficile dans ces conditions de faire pencher la balance en faveur de l’utilisateur.

Sur France 24, Ali Laïdi consacre « L’entretien de l’intelligence économique » à John Karp

Crypto-art : la révolution numérique dans le monde artistique

Beeple, PAC, Xcopy, Trevor Jones, Hackatao : ces artistes inconnus du grand nombre pourraient devenir les prochains Picasso, Manet, Chagall et autres géants de l’art. Ils appartiennent tous à une scène numérique, le crypto-art, qui pourrait renverser les tables des grandes places artistiques mondiales. Pour vous initier au crypto-art et aux nouveaux titres de propriétés, Ali Laïdi a invité John Karp, essayiste, passionné d’art numérique et co-auteur, avec Remy Peretz, du livre « NFT Revolution. Naissance du mouvement crypto-art ».
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et https://fr.news.yahoo.com/crypto-art-r%25C3%25A9volution-num%25C3%25A9rique-monde-095706464.html

Interview d’Hélène Waysbord dans Ouest France

Interview d’Hélène Waysbord dans Ouest France

Le festival littéraire de Cabourg se poursuit ce dimanche
Hélène Waysbord, haut fonctionnaire au ministère de l’Éducation nationale et auteure de La chambre de Léonie, participera à l’une des tables rondes du festival littéraire, dimanche 24 octobre 2021, au casino de Cabourg (Calvados).
Quel est votre rapport avec la Normandie ?
J’ai commencé en tant que professeure au lycée Malherbe de Caen (Calvados), mes enfants y sont nés.
Lorsque j’ai quitté à Paris, j’ai acheté une petite maison au bord de la mer, dans le Bessin. Je suis profondément attachée à cette région. Je connaissais Cabourg, je suis une lectrice et j’ai travaillé sur Proust, que j’ai enseigné à mes élèves. La Normandie est toute pénétrée du souvenir de Proust.
Quelle est la genèse de votre livre La chambre de Léonie ?
J’étais dans ma maison en Normandie, lors du premier confinement. Il y a là une bibliothèque de livres anciens que j’achète dans les brocantes. Le pays était vide. Si bien qu’il était peuplé des fantômes proustiens. Ce livre est venu tout seul. C’est une recherche sur la façon dont Proust écrit pour se livrer et se cacher en même temps. Cette recherche est, à la fois, une quête d’identité et la recherche du style qu’il va trouver pour l’exprimer. L’œuvre de Proust est une suite d’illusions perdues, pourrait-on dire, que j’ai essayé de transmettre dans mon livre à travers le thème des chambres. Les chambres sont des lieux espionnés par le narrateur, à travers lesquelles va se révéler une vérité profonde des êtres.
Deux mots sur la conférence ?
J’essaie à la fois de me situer dans la grande tradition du roman, plus particulièrement dans ce livre, de suivre l’itinéraire de Proust dans la recherche de l’expression de son identité profonde. Je retrouve ainsi des fragments éclatés de ma propre identité, des bouts de miroir à travers lesquels le lecteur peut pénétrer dans l’œuvre de Proust.
Dimanche 24 octobre 2021,
à 10 h 30, table ronde « Restituer les lieux et personnages du passé par la grâce des mots », salle panoramique du casino.