Bretagne actuelle s’intéresse au microbiote expliqué par le docteur Patrick Houlier

 

Les bactéries étaient au départ considérées comme des menaces, jusqu’à ce que l’immunologiste Russe Ilya Ilitch Metchnikov démontre en 1903 le bénéfice de certaines d’entre-elles. La recherche s’est poursuivie au fil des décennies, avec pour indéfectible conclusion l’évidence selon laquelle le microbiote intestinal est vecteur de bienfaits pour notre organisme. On sait désormais qu’il existe une connexion entre les intestins et le cerveau. Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! est l’histoire d’un de ces organismes à travers le corps d’un enfant à naître. Patrick Houlier, auteur et docteur en pharmacie, propose une sorte d’anthropomorphisme bactériologique indispensable à satisfaire les plus curieux. Un livre à la fois distrayant, original et passionnant.

L’enfant à naître

Le fœtus est considéré comme stérile tant qu’il est dans le ventre de sa mère. C’est durant la naissance et les deux premières années de vie que son microbiote va regrouper des milliards de micro-organismes en symbiose avec le reste du corps, principalement dans les intestins à l’intérieur desquels se développent quantité de bactéries, mais aussi des levures et quelques virus. Lors d’une naissance par voie naturelle, le bébé entre en contact avec les micro-organismes vaginaux et intestinaux de sa mère ; puis, s’il est nourri au sein, il ingère les micro-organismes de la peau et certaines bactéries probiotiques ayant une action bénéfique sur la santé. Toute cette chimie organique pourra sembler difficile à comprendre. Il n’en est rien.

Patrick Houlier a veillé à ce que ses explication soient accessibles. L’auteur remonte au jour de la conception fœtale en exposant ce qu’est « la grande bibliothèque » du codage des gènes, suivie de la grossesse et des ennemis du microbiote maternel qui sont aussi ceux de l’enfant. Sans oublier les dangers d’une alimentation ultra-transformée… L’indispensable explication de ce que sont les « calories vides »… La dénonciation des additifs, graisses hydrogénées, divers émulsifiants, texturants et colorants délétères pour l’organisme… Autant d’évidences explicitées dans un chapitre indispensable, non seulement à lire mais aussi à partager afin que chacun puisse comprendre les effets du Bal des vicieux de la page 125, véritable association de malfaiteur pour l’organisme.

Une fois adulte

Les liens entre le microbiote intestinal et la santé générale de l’organisme sont multiples et fort complexes. Nombreux sont les chercheurs à s’être penchés sur leurs effets. Immunologistes… neuroscientifiques… addictologues… cancérologues… et bien d’autres spécialistes… chacun les scrute à sa manière mais tous confient leur fascination pour cet écosystème microbien à qui l’on doit également une implication dans la production de vitamines essentielles, comme la vitamine K ou certains types de vitamines B, telle la biotine. Autre rôle majeur du microbiote : nous protéger contre les pathogènes une fois adulte, lorsque le système se régule et se rééquilibre en permanence grâce à moult facteurs extérieurs, dont l’alimentation ; notre intestin relève en fait d’une forme d’écologie digestive en écho avec celle qui nous entoure.

Car l’écologie de la planète va de pair avec celle de l’organisme. Au cours des cinquante dernières années, l’humain a perdu la moitié de son microbiote sous les effets conjugués de l’industrialisation et de l’alimentation dégradée. En effet. Nous avons vu que le premier environnement de l’être humain est le ventre de sa mère, porteur d’un patrimoine génétique sans pareil. Patrick Houlier explique en détail pourquoi le microbiote est un organe (quasi) supplémentaire, un second ADN qui fait de nous des humains enrichis. Une sophistication biologique censée faire de nous des êtres « supérieurs », à la condition unique de respecter ce don naturel qui aide à protéger des maladies, y compris les pathologies neurologiques.

Dialogue avec le système immunitaire

Si le microbiote intestinal est le plus abondant de l’organisme, il n’est toutefois pas le seul ; plusieurs régions du corps comprennent également de nombreux micro-organismes, comme la sphère ORL (bouche, nez, gorge), la peau, le vagin ou encore le poumon. L’alimentation… la prise d’antibiotiques… le stress… la contamination par les polluants… sont des facteurs qui appauvrissent cette communauté de microbes extrêmement délicat dans sa composition comme son organisation et, à la longue, la déséquilibre (« dysbiose »). C’est à ce moment que des troubles ou/et pathologies apparaissent : maladies inflammatoires de l’intestin, diabète, obésité, arthrite, cancers et même anxiété ou dépression. Des études ont suggéré un lien entre dysbiose et la maladie de Parkinson, également entre dysbiose et l’inflammation cérébrale observée dans la maladie d’Alzheimer. Plusieurs recherches semblent en outre montrer une influence du microbiote dans de nombreuses maladies neuropsychiatriques comme l’autisme, la schizophrénie, les troubles bipolaires et la dépression chronique. Le microbiote dialogue avec notre système immunitaire.

Surpoids… Dépression… Diabète…
Et si tout se jouait dans l’intestin ?

L’explosion préoccupante des maladies chroniques depuis les années 1950 est l’une des grandes préoccupations de la médecine occidentale. Au fil des pages, le docteur Patrick Houlier plaide (parfois avec humour) pour « l’écologie microbienne » intestinale. Ses arguments sont avant tout scientifiques. Danger d’une mauvaise alimentation… Médicaments à éviter… Conseils en faveur d’une digestion réussie… Alors ! Faut-il lire Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! Et comment ! D’autant mieux en période de bombance relative aux fêtes de Noël. N’espérez toutefois aucun conseil miracle ou quelques recettes à suivre au pied de la lettre : le régime idéal absolu n’existe pas. Tous les systèmes digestifs sont différents, influencés par notre patrimoine génétique, notre régime alimentaire et les rencontres que nous avons faites grâce auxquelles nous avons échangées des bactéries. L’objectif du livre de Patrick Houlier est avant tout d’offrir les clés des bons choix pour l’organisme. Et si nous cessions de faire de notre corps une boutique d’apothicaire ?

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Novembre 2024 – Bretagne Actuelle & J.E.-V. Publishing

Maman, j’ai rétréci mon microbiote ! Un livre du docteur Patrick Houlier aux éditions Librinova – 203 pages – 16,90€

Microbiote : ce trésor invisible à préserver pour notre santé future – avec le docteur Patrick Houlier

Microbiote : ce trésor invisible à préserver pour notre santé future

Par Yves – Alexandre Julien

L’intestin, longtemps relégué à un rôle purement digestif, est aujourd’hui reconnu comme un organe central dans la régulation de notre santé globale. Dans Maman, j’ai rétréci mon microbiote, publié chez Librinova, Patrick Houlier, Docteur en Pharmacie et ancien interne à l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris spécialisé en écologie digestive, nous plonge au cœur de ce monde fascinant et invisible. Après vingt ans d’activité dans la Recherche, l’Enseignement et l’Industrie, Patrick Houlier s’investit désormais dans la santé  naturelle, mettant en avant le rôle essentiel de l’écosystème intestinal dans notre capital sante . Il est également membre de la Fondation Catherine Kousmine, qui défend l’alimentation comme première médecine.

Un bébé guide dans le monde du microbiote

Dans Maman, j’ai rétréci mon microbiote, Patrick Houlier choisit un narrateur surprenant et attachant : un bébé. Ce bébé, observateur et curieux, nous emmène avec lui dans sa découverte de son propre microbiote dès la conception. Cette perspective originale, qui pourrait paraître naïve, est en réalité un formidable outil pédagogique. Grâce à ce point de vue infantile, des sujets complexes deviennent plus accessibles, avec une touche d’humour et de légèreté. Le narrateur, tout petit mais déjà bien éveillé, vulgarise la science pour captiver le lecteur, à l’instar des ouvrages de vulgarisation scientifique comme Le Charme discret de l’intestin de Giulia Enders.

Dans le chapitre “Le jour 1 de ma conception” (p.17), le bébé-narrateur commence par nous expliquer, avec une candeur touchante, que dès la conception, notre microbiote est influencé par les génomes de nos parents. Il nous apprend, avec des mots simples, que des phénomènes comme l’épigénétique et la “mémoire transgénérationnelle” modulent la composition de notre flore intestinale avant même notre naissance. Là où des ouvrages plus techniques auraient risqué d’éloigner le lecteur, ce bébé rend le sujet intrigant et ludique, tout en nous introduisant à des concepts aussi poussés que ceux explorés dans L’intestin, notre deuxième cerveau de Michael Gershon.

Un voyage digestif dès la naissance

Le narrateur nous entraîne ensuite dans un voyage fascinant : sa naissance, moment clé où son microbiote commence véritablement à se constituer. Dans le chapitre “Quand un cerveau rencontre un autre cerveau” ,ce bébé raconte comment, dès sa venue au monde, les bactéries présentes dans l’organisme de sa mère – et celles rencontrées lors de l’accouchement – colonisent son intestin. Cette colonisation, loin d’être effrayante, devient une aventure biologique passionnante racontée à travers le regard d’un nouveau-né.

Le bébé nous explique également, sans complexe, comment se met en place l’axe intestin-cerveau, un lien mystérieux que même certains adultes peinent à saisir. Ce lien, exploré par des chercheurs comme Emeran Mayer dans The mind-gut connection , est ici décrit de manière intuitive : son ventre envoie des signaux à son cerveau, et cela influence son humeur et sa santé globale. Grâce à cette approche simple et imagée, le lecteur comprend mieux l’importance de cette interaction entre intestin et cerveau, essentielle à la santé mentale.

L’alimentation moderne vue à travers les yeux d’un bébé

Au fur et à mesure qu’il grandit, le bébé-narrateur se questionne sur les effets de l’alimentation moderne sur son microbiote. Dans “L’alimentation ultra-transformée” (p.93), il partage ses découvertes avec la curiosité et l’innocence d’un enfant, mais sans pour autant épargner les travers de notre mode de consommation contemporain. Pourquoi les aliments ultra-transformés, si colorés et appétissants, sont-ils si mauvais pour notre flore intestinale ? Il explique comment ces produits, souvent remplis d’additifs, d’émulsifiants et de colorants, affaiblissent notre microbiote, le déséquilibrant progressivement. Ce point de vue rejoint les analyses d’auteurs comme Tim Spector dans The diet myth, qui expose comment la simplification de notre régime alimentaire affecte notre diversité microbienne.

Avec des anecdotes directes comme celles de “Mon allaitement” (p.167), le bébé décrit le lien entre une alimentation naturelle – comme le lait maternel – et la santé microbienne. Il nous apprend que ce premier lait, le colostrum, est un véritable « champagne » pour le développement de son microbiote. Cette partie du récit illustre à merveille l’importance de ces premières étapes nutritionnelles, alignées avec les thèses de chercheurs tels que Natasha Campbell-McBride dans Gut and psychology syndrome , qui explore comment un microbiote sain favorise le développement cognitif et émotionnel des enfants.

L’impact des médicaments sur le microbiote : une mise en garde infantile

Dans son exploration des dangers contemporains, le bébé-narrateur ne s’arrête pas à la simple alimentation. Il aborde également, avec une étonnante maturité, les impacts des médicaments. Dans le chapitre “Les ennemis du microbiote de Maman” (p.59), il liste certains des « voleurs de richesse » qui appauvrissent son microbiote, décrivant comment l’usage excessif de ces médicaments peut créer des déséquilibres majeurs dans cet écosystème fragile.

Il se demande, de manière espiègle : « Comment est-ce possible que quelque chose qui soigne en même temps tue mes petites bactéries ? ». Cette observation infantile, bien que simple, reflète une question essentielle abordée dans de nombreux ouvrages médicaux récents. Par exemple, Martin Blaser, dans Missing microbes, met en lumière les dangers d’un usage trop fréquent des antibiotiques, qui détruisent des bactéries bénéfiques tout en contribuant à la résistance antimicrobienne.

Un microbiote perturbé dès l’enfance : vers une santé en danger

L’ouvrage souligne également l’importance de protéger ce fragile équilibre dès les premiers jours de la vie, avec des conséquences à long terme. Le bébé nous raconte comment une perturbation de son microbiote à un stade précoce pourrait avoir des répercussions graves sur sa santé future. Dans le chapitre “Face à l’adversité : bébé maltraité, adulte en danger” (p.158), il explique comment les écrans de télévision peuvent être nocifs (p161) tout comme leur contenu jusqu’à à l’âge adulte.

Cette notion rejoint les analyses récentes sur le rôle crucial du microbiote dans la prévention de maladies métaboliques, inflammatoires et même psychiques. Natasha Campbell-McBride, dans son ouvrage Gut and psychology syndrome, met également en lumière l’importance de soigner la flore intestinale pour prévenir des désordres neurologiques et psychologiques chez les enfants et adultes.

La biodiversité microbienne, un enjeu pour la planète et pour nous

L’un des messages forts que transmet ce bébé-narrateur concerne la diversité microbienne. Dans le chapitre “Les ennemis de ma planète” (p.137), il nous explique, avec des mots simples mais percutants, comment la destruction des écosystèmes environnementaux a son parallèle dans la destruction de notre biodiversité intestinale. Il compare la perte de biodiversité dans la nature à l’appauvrissement de son propre microbiote : tout se dérègle, et cela affecte son bien-être: «  Les menaces sur la biodiversité sont bien étayées : les trois-quarts des sols sont dégradés, presque la moitié des milieux marins sont atteints …La cause principale est également connue, en premier lieu les pressions exercées par l’activité humaine sur l’environnement… » ( p138)

Cette perspective fait écho aux travaux de Gérard Eberl dans La symphonie des bactéries, où la santé humaine est comparée à un écosystème qu’il faut protéger des agressions extérieures. Tout comme la planète subit les effets de la pollution et des changements climatiques, notre microbiote subit des perturbations dues aux choix de vie modernes : pollution, alimentation ultra-transformée et usage excessif de médicaments.

Un plaidoyer infantile pour un microbiote équilibré

À travers Maman, j’ai rétréci mon microbiote, Patrick Houlier, par la voix de son bébé narrateur, délivre un message simple mais puissant : notre santé future est intimement liée à celle de notre microbiote. Grâce à une approche infantile et ludique, il parvient à vulgariser des concepts scientifiques complexes, tout en sensibilisant le lecteur à l’importance de protéger cet écosystème fragile.

En miroir de références scientifiques solides comme celles de Tim Spector, Natasha Campbell-McBride, ou encore Michael Gershon, ce bébé éclaire le lecteur sur les choix à faire dès la petite enfance pour préserver ce trésor invisible. Il s’agit non seulement de repenser notre alimentation, mais aussi de limiter l’usage des médicaments et de respecter la diversité microbienne, tout comme nous devons protéger la biodiversité de la planète.

Ce livre, à la croisée entre science et pédagogie, montre que chaque geste compte pour maintenir un microbiote en bonne santé, et que même un bébé, avec ses explications parfois très simples, peut devenir un guide éclairé dans cette quête pour un mieux-être global.