Les sentiers de la gloire
Comme la vocation vétérinaire est souvent liée à un rêve d’enfant, le désir de faire du cinéma caresse celui d’approcher son mythe (dont le Festival de Cannes est un des temples sacrés). Artisanat laborieux liant une infinité d’étapes à une multiplicité de talents, le septième art n’en est pas moins un milieu féroce où l’on doit faire ses preuves. Accorder son rêve au parcours de combattant qu’est la réalisation d’un film exige culot et ténacité. En tant qu’écrivain, Erwann Créac’h (N 95) n’en manque pas. Son précédent livre fut refusé plusieurs fois avant d’être finalement publié et distingué. Sans doute a-t-il mis beaucoup de lui dans le personnage central de son nouveau roman, un jeune réalisateur qui, après des déboires de débutant et au prix d’une détermination sans compromis n’épargnant personne (pas même lui-même), parviendra jusqu’au tapis rouge du Palais des festivals. Connaissant de l’intérieur l’univers qu’il décrit (pour y travailler en parallèle de sa pratique vétérinaire), aiguisant sa fiction avec l’authenticité du vécu, l’auteur nous entraîne, à la première personne, dans l’apprentissage fiévreux et jusqu’au-boutiste de son double romanesque. On retrouve la tonalité intimiste et douce-amère qui faisait mouche dans son premier opus, à laquelle s’ajoute ici le talent de développer une situation, comme en temps réel, en lui insufflant l’imprévisibilité de la vie. Une vraie qualité de scénariste qui rend le film – pardon, le livre – particulièrement captivant. M.B.