Derrière un titre poétique – La petite fille qui regardait le Bosphore – se cache un drame beaucoup plus sombre. Pour son premier roman, Pierre March invite le lecteur à découvrir un sujet souvent tabou, le sado-masochisme, à travers un amour impossible…
La petite fille qui regardait le Bosphore c’est une histoire d’amour « sulfureuse » car placée sous le sceau d’un sado-masochisme consenti entre Hugo, cadre supérieur et une jeune femme, mariée dans la tradition judaïque, Marine, créatrice du premier laboratoire privé de séquence d’ADN… Une histoire d’amour inattendue entre deux adultes ayant chacun une vie de famille, qui pourra en choquer certains, et une histoire d’amour qui finit mal.
Au fil des pages, qui joue sur un aller-retour entre passé et présent, Pierre March raconte, non sans une certaine froideur de descriptions presque cliniques, la relation qui se tisse entre ces deux êtres, réunis par le même goût pour des relations de maître à esclave. Il écrit ainsi : « Nous avons rapidement découvert que nos atomes étaient assez « crochus ». Ton masochisme, bien réel comme j’ai pu le vérifier si souvent par la suite, ne pouvait s’exprimer dans une vie de couple simple et routinière, bercée – endormie ? – par une pratique religieuse peu propice à l’épanouissement de ces pulsions sauvages et perverses qui te transperçaient régulièrement.«
Au fil de courts chapitres, on plonge ainsi dans un univers étrange, voire choquant, pour qui est étranger à de telles pratiques sexuelles. Au demeurant, Pierre March parvient bien à faire partager comment ces relations violentes entre deux adultes consentants – elles se déroulent au milieu des années 90 – est une expression, violente, dérangeante, d’un amour profond. Pour autant, comme le dit la chanson, « les histoires d’amour finissent mal en général » et ce récit tourne rapidement à une oraison funèbre…
Portrait d’une femme marquée par la difficulté de vivre, d’échapper au poids d’une certaine tradition, et d’un homme qui lui impose les règles d’un jeu dominateur, ce roman ne peut laisser indifférent tant les choses sont décrites par le menu. Il lui écrit ainsi : « Mon école est dure, dites-vous, certes, mais cherchiez-vous donc la facilité pour que vous me reprochiez plus particulièrement cela ? Je n’ose le croire. En tout état de cause, vous ne sauriez critiquer ma méthode impunément, sachez-le, et ne fautez plus. »
Chronique d’une relation sur un fil du rasoir, ce premier roman explore un univers qui ne peut que susciter des interrogations, et ce d’autant plus que l’auteur ne cède à aucun folklore mais décrit, sans fard, la réalité d’une telle relation. Ce réalisme ne peut alors laisser de marbre…
(*) Ed. Le Four banal