Télérama annonce Empreintes ! (01.10.08)

T. 20 h 35 France 5 Documentaire

Empreintes

Antoinette Fouque

Documentaire de Julie Bertucelli (France, 2008). 55 mn. Inédit.

« Il faut y aller. » Antoinette Fouque répètera cette phrase plusieurs fois au cours d’un document qui embrasse le destin exceptionnel d’une femme et l’évolution d’un mouvement social, politique et intellectuel. A 70 ans, droite dans son fauteuil, la parole aussi vive que le regard, Antoinette Fouque raconte quarante ans de combats : le MLF (Mouvement de libération de la femme) créé en octobre 1968, la fondation des Editions des femmes, la députation européenne, une lutte internationale pour les libertés individuelles.

Née en 1936 d’un père communiste, marin et berger, et d’une mère italienne, analphabète au tempérament indépendant, Antoinette a, de naissance, le sens de la justice sociale. Psychanalyste, elle suit les séminaires de Lacan, à la fois admorative et en colère contre cet homme qui unit « intelligence et misogynie ». En s’activant pour la légalisation de l’avortement, contre les violences conjugales et l’excision, en luttant pour que le viol soit reconnu comme un crime, elle ne revendique pas seulement l’égalité des sexes, mais se concentre sur leurs différences.

Ce document est à montrer aux jeunes générations pour leur rappeler que le combat pour la démocratie n’est jamais gagné.

Christine Ferniot
Rediffusion : 12/10 à 9 h 35

Le Parisien souhaite un bon anniversaire au MLF ! (01.10.08)

VIVRE MIEUX

40 ANS DU MLF

« GLOBALEMENT, LES FEMMES S’EN SORTENT BIEN »

Antoinette Fouque, cofondatrice du Mouvement de libération des femmes en 1968

Saint-Raphaël (Var), le 26 septembre. Antoinette Fouque, cofondatrice du MLF, estime qu’il faudrait aujourd’hui « un Grenelle des femmes, pour tout mettre à plat et traiter toutes les violences qui tombent sur elles : domestiques, économiques… » (LP/ANAIS BROCHIERO)

Il y a quarante ans, le 1er octobre 1968, quinze femmes de 17 à 33 ans se retrouvaient dans un petit studio de la rue de Vaugirard à Paris. Un studio vide, prêté par Marguerite Duras, où, assises à même la moquette et renvoyant fermement les garçons qui passaient le nez par la porte, ces intellectuelles et artistes ont décidé du lancement du Mouvement de libération des femmes. Une deuxième révolution, aprèsles pavés très masculins de mai, à laquelle les Françaises soivent aujourd’hui la plupart de leurs droits. A leur tête, discrète et passionnée, une prof de lettres à l’accent chantant, Antoinette Fouque. La cofondatrice du MLF a toujours refusé de réclamer, contrairement à son amie Monique Wittig, une égalité qui anéantirait la féminité. Refusé le mépris, la caricature, les clichés. Depuis sa maison face à la mer, où la maladie l’a clouée dans un fauteuil roulant au milieu des livres et des rêves encore pleins la tête, Antoinette Fouque fête aujourd’hui ses 72 ans. A quelques jours de la parution de « Génération MLF », un livre de témoignages de 616 pages publié aux Editions Des femmes, elle revient pour nous sur ces quarante années de conquêtes à la fois inouïes et inachevées.

Saint-Raphaël (Var) de notre envoyée spéciale

Quand vous avez lancé le MLF il y a tout juste quarante ans vous pensiez faire la révolution en un jour ?

Oh non, on a tout de suite su que ce serait la plus longue des révolutions ! Le MLF, c’est la partie qui émerge de l’iceberg, les combats médiatiques. Pour la majorité des femmes, c’était, c’est encore, violences, injustices, invisibilité… Mais on a fait plus en quarante ans qu’en quatre mille ans, et on peut être fières. En 1968, c’était terrifiant ! Pour tous ces gens qui renouvelaient la pensée, les femmes n’existaient pas. Nos seuls droits, c’étaient le droit de vote et la contraception. Tout ce qu’il a fallu combler au niveau juridique… A l’époque, je n’avais même pas de compte en banque à mon nom !

Ce sont donc quarante ans de victoires ?

Je considère qu’on a gagné. Les femmes d’aujourd’hui font des enfants désirés sans renoncer à leur désir d’exister dans le siècle, ni à leur indépendance économique. « S’acheter une paire de bas quand on veut », comme disait ma mère. Si on a voulu la parité politique, c’est aussi pouvoir entrer avec une poussette dans le métro. Il faut être 30% dans une assemblée pour commencer à être entendu ! D’énormes progrès ont été faits mais il faut rester vigilant pour faire appliquer les lois, et se battre pour les étendre. Je suis pour donner à toutes les femmes d’Europe les droits les plus élevés de chaque pays.

« Il est temps de donner un second souffle au féminisme »

Parmi ce qui n’a pas beaucoup évolué, il y a les violences conjugales…

Lors de notre première réunion en 1968, une des filles nous avait avoué que sa mère se faisait frapper par son père. Et, ça continue. Mais entretemps, on a fait connaître ces violences et maintenant, il y a des lois. C’est quand les droits sont acquis que les luttes commencent ! Il faudrait vraiment un Grenelle des femmes, pour tout mettre à plat et traiter toutes les violences qui tombent sur elles : domestiques, économiques…

Vous observez des régressions ?

C’est sûr que Sarah Palin, aux Etats-Unis, c’est le retour de la Mère Fouettard. C’est grave ! Et Halle Berry battue par son compagnon… Mais quand je vois Mélissa Theuriau qui se marie avec Jamel, Laurence Ferrari ou d’autres, il me semble que les femmes d’aujourd’hui gardent quand même l’essentiel des acquis récents. Elles vivent leurs contradictions sur un mode bénéficiaire. Globalement, elles s’en sortent bien.

Vous êtes amère quand le MLF est moqué par les hommes, renié par les trentenaires, ignoré par les plus jeunes ?

J’en ai tant attendu… On a été traitées comme les femmes sur les barricades de la Commune : on disait qu’elles retrouvaient visage humain une fois mortes ! On a été considérées comme des hystériques. Non, ce n’est pas bien de discréditer ce mouvement. Quand on voit tout ce qui reste à faire, c’est presque criminel. Moi, je n’ai jamais voulu que le mot « féminisme » recouvre le mot « femme ». Je pense que toutes les femmes ont vocation à exister en tant que femmes, mais toutes n’ont pas vocation à mener des combats féministes !

Vous êtes optimiste pour l’avenir ?

La seule chose qui reste de 68, c’est le mouvement des femmes. Cet anniversaire, c’est une opportunité : il est temps de lui donner un second souffle, sur les anciennes questions comme sur celles qui surgissent. On a conquis, pas trop détruit, c’est imparfait… Mais je suis persuadée que la masse des femmes ne s’est pas encore exprimée. J’attends tout des générations qui viennent. »

Propos recueillis par Florence Deguen