Bruno Fougniès a adoré « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès, il en parle sur le site Reg’Arts (11 octobre 2014)

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Site regarts.org http://www.regarts.org/Theatre/camille.htm

Il s’agit de Camille Claudel, sculptrice, frère du Paul auteur, élève et amante de Rodin, qui délaissée de tous, finira par être internée trente ans en HP par décision de son frère et de sa mère. Elle y mourra pour finir en fosse commune.

Une histoire tragique dans le sens grec du terme, une malédiction divine, une conjuration pour faire échouer le destin de cette femme que la postérité reconnaîtra comme artiste exceptionnelle. Une artiste maudite.

L’ombre d’Auguste Rodin, l’ombre de Paul Claudel, voilà une partie des forces qui l’on empêchée de faire éclater son talent.

Mais ce spectacle n’est pas une biographie. Il tente au contraire d’approcher au plus près le cœur et l’âme de Camille Claudel, sa vitalité créatrice, son souffle.

Le texte de Sophie Jabès pose devant nous trois moments cruciaux de la vie de Camille Claudel : le soir où elle va donner ses lèvres et son génie à Rodin, le soir où elle va être bâillonnée par l’internement chez les fous et le soir de son dernier souffle. Chacun est le moment d’un choix déterminant incarné par les trois comédiennes. Elles sont là, en permanence, sur le plateau.

Ces trois incarnations, prises à trois époques différentes de l’artiste, vont alterner leurs mises en jeu pour finir par dialoguer entre elles. Magie du théâtre.

On sent très bien cette envie de créer une quatrième incarnation à travers ces trois voix, ces trois corps. Faire agir l’alchimie qui fera apparaître devant nous l’incandescence de Camille, le feu créatif, brûlant, voluptueux qui l’a propulsée sur l’arête qui sépare la raison de la folie, l’écorchant à vif au passage.

La pertinence du texte de Sophie Jabès ainsi que de la direction d’actrices de Marie Montegani est de donner à chacun des âges de Camille une personnalité, un rythme, un ton très tranchés. Mais cette pertinence est aussi le banc de sable qui menace de l’envasement. Chacune des incarnations, réellement bien interprétées par des comédiennes de talent, est comme une fusée solitaire dans un ciel plombé. L’amalgame ne se fait pas. Pourtant on le sent tout prêt à nous emporter dans l’exaltation de ce personnage. On attend d’être emporté. On reste suspendu sur le vide.

Il aurait été sans doute plus facile de chercher cette unification dans le langage de chacune, mais comment rendre sensible une âme écartelée entre l’aspiration à la création, le désir de vivre et d’exulter, et la douleur de l’abandon par les siens ?

Les déchirements à l’intérieur même de cette personnalité, sa solitude extrême, sa folie visionnaire même est parfaitement rendue par ce spectacle. Il tente de pénétrer la pensée de Camille au plus profond, de nous faire partager son monologue intérieur, de l’aider à exprimer ce monologue. C’est un accouchement. L’accouchement de Camille Claudel par elle-même. 

Alors, on comprend qu’au-delà de ce destin particulier, il importe peu qu’elle soit la sœur du poète panthéonisé, ou la maîtresse du sculpteur déifié, l’important est ce destin de femme artiste, aux prises avec une société verrouillée par l’autorité masculine. Entendre enfin que le génie dans cette société ne peut être que mâle ou anéanti par tous les moyens.

Il suffira de rien pour que cette pièce soit merveilleuse, si l’alchimie soudain emporte les trois interprètes dans la même folie.

Parce qu’avec trois comédiennes magnifiques, au talent certain, aux personnalités éclatantes, avec une mise en scène pensée,  respectueuse, avec un décor et une scénographie qui fonctionnent, il n’y a aucune raison pour que le radeau sur lequel elles tanguent ne s’envole pas et nous emporte avec.

 

Bruno Fougniès

 

Camille, Camille, Camille

De Sophie Jabès
Adaptation et mise en scène : Marie Montegani
Scénographie : Élodie Monet
Images : Christophe Cordier

Avec : Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnick

« Un hommage impressionnant » rendu par l’écrivain Sophie Jabès à Camille Claudel pour D. Dumas théâtre (10.10.14)

camille-300.jpgD. Dumas, théâtres

Coups de coeur et commentaires

10/10/2014

Les trois vies de Camille Claudel

Quand la scène s’éclaire, elle (Christine Yelnik) est assise sur un banc, immobile, elle attend, le manteau boutonné, son chapeau sur la tête, et on reconnaît la vieillarde du cliché pris à Montdevergues en 1929.

C’est elle, Camille Claudel, celle que sa mère et son frère ont « mise au tombeau »* en la faisant interner le 10 mars 1913, huit jours après la mort de son père. Elle attendra trente ans qu’on vienne la délivrer. En vain.

Le directeur de l’hôpital, en août 1942, avait prévenu Paul que Camille s’affaiblissait « depuis les restrictions qui touchent durement les psychopathes ». Elle mourra de malnutrition, à l’hospice de Montdevergues, en octobre 1943. Paul, très occupé par la première du Soulier de satin assurait la gloire de la famille.

Elle fut inhumée dans le carré des indigents, accompagnée du seul personnel de l’hôpital, et comme son corps n’avait pas été réclamé par ses proches, ses restes furent transférés dans la fosse commune. En 2008, Reine-Marie Paris, sa petite-nièce, qui a consacré sa vie à retrouver l’œuvre de Camille et à la réhabiliter aux yeux du monde, a inauguré une stèle en souvenir de celle qui fut une artiste majeure et que la société bourgeoise avait anéantie.

Camille Claudel devint l’héroïne d’Une femme d’Anne Delbée qui porta à la scène sa biographie romancée en 1981, puis le film de Bruno Nuytten en 1988, lui donna le lumineux visage d’Isabelle Adjani, mais le récit s’arrêtait en 1913. Brunot Dumont dans son Camille Claudel, (2013) s’immobilisait à l’année 1915. Avec Camille, Camille, Camille, Sophie Jabès nous présente l’artiste à trois époques de sa vie, elle va plus loin, elle frappe plus fort. 

Elle présente d’abord, cette vieille femme solitaire, visage fermé, yeux noyés de tristesse qui dialogue avec sa mort, l’accueillant comme une délivrance : « Te voilà enfin ! ». Puis intervient la femme trahie (Nathalie Boutefeu), désespérée parce qu’elle ne peut vivre de son art, parce que l’homme aimé, Rodin, l’a abandonnée et qu’elle a dû renoncer à la maternité. Et enfin la jeune fille (Vanessa Fonte), confiante, passionnée, belle, luttant pour s’imposer comme artiste dans un milieu misogyne et dont la conduite risque de faire scandale dans sa famille.

Marie Montegani, qui signe la mise en scène, ajoute une quatrième figure, projetée sur l’écran, en fond de scène, celle d’une messagère adolescente qui prévient Camille de la trahison des siens (vidéo et lumières de Nicolas Simonin, images de Christophe Cordier).

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegLes trois Camille se partagent l’espace scénique (scénographie d’Élodie Monet), et leurs monologues alternés joignant les différents moments de cette vie, composent une œuvre poignante d’une grande beauté : « personne pour m’entendre » dit-elle dans sa solitude. L’émotion est profonde devant ces trois figures d’une même femme injustement condamnée.

Sophie Jabès lui rend un hommage impressionnant.

On vous attend : Rencontre-dédicace avec ses lecteurs sur une péniche pour Richard SARTÈNE mercredi 8 octobre à 19h30

Ce mercredi 8 octobre à 19h30 rendez-vous pour une rencontre à La Péniche-librairie avec le docteur Richard SARTÈNE auteur de « Une enfance entre Guerre et Paix », une nouveauté aux Éditions du Net. 

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J’y serai, et vous ?

CONTACT => Péniche-librairie « L’eau et les rêves » – Face au 3 quai de l’Oise, 75019 Paris (M° Crimée)

– Tél.: 01 42 05 99 70 – Ouvert l’après-midi de 14 heures à 19 heures sauf le lundi
http://www.penichelibrairie.com/

PÉNICHE-LIBRAIRIE
Une librairie sur le canal de l’Ourcq, à Paris
23 juillet 2014 – 08:50
La Péniche-Librairie "L'eau et les rêves" (Photo J.Rosa)Capture d’écran 2014-10-06 à 18.30.33.pngJudith Rosa vient du monde de l’édition, Didier Delamare est marin. Tous deux ont ouvert en avril « L’eau et les rêves« , une librairie consacrée aux voyages, à l’eau et à la navigation, sur un bateau amarré quai de l’Oise, au bord du canal de l’Ourcq, à Paris. 

Judith Rosa, traductrice et responsable de suivi éditorial en Italie et en France, et Didier Delamare, capitaine de la marine marchande, ont acheté leur bateau en 2009. Désireux de continuer ensemble leurs aventures littéraires et maritimes, ils ont craqué pour « Erik », un Freycinet des années 50, aménagé en librairie universitaire sur la Seine à Melun (Seine-et-Marne). Ils le renomment « L’eau et les rêves« , titre d’un essai de Gaston Bachelard, et le ramènent quai de l’Oise, à Paris. Les travaux une fois réalisés, le couple connaît une telle série de déboires administratifs que Le Parisien leur consacre un article fin 2013…

Les rayonnages de la Péniche-Librairie (Photo J.Rosa)Depuis mai, tout cela n’est plus qu’un mauvais souvenir et la librairie a déjà ses inconditionnels. Voyageurs en salon ou au long cours, marins du grand large ou d’eau douce y trouvent récits de voyages, livres d’Histoire, beaux-livres, ouvrages de navigation et bien sûr les Fluviacartes. Mais également un coin Jeunesse et des ouvrages, romans, polars et essais ayant, de près et parfois de loin, un lien avec l’eau, la mer et les fleuves.

Le 19 juillet, bateau et librairie quitteront Paris pour quelques nouveaux travaux. « L’eau et les rêves » reviendra début septembre au bord du canal de l’Ourcq, avec de nouveaux ouvrages à découvrir mais aussi un programme d’expositions, de lectures et d’animations pour les plus jeunes.

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La Théâtrothèque recommande la pièce « Camille, Camille, Camille » de Sophie Jabès (du 1er octobre au 22 novembre 2014 au Lucernaire)

La théâtrothèque.com 

camille-300.jpgCamille, Camille, Camille de Sophie Jabès
Mise en scène de Marie Montegani
Avec Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnik, Geneviève Dang (messager)

Camille Claudel marche sur son destin, un destin sculpté sur le bronze de l’amour-passion pour son maitre d’atelier, Auguste Rodin.

Camille Claudel, la sœur de l’écrivain Paul Claudel, naquit en décembre 1864 à Fère-en-Tardenois, un village situé dans le bas de l’Aisne. Elle voue une passion pour la sculpture et c’est ainsi qu’après s’être initiée à la terre glaise, elle profitera d’un déménagement familial dans le quartier de Montparnasse pour fréquenter les artistes du moment. Alfred Boucher auprès duquel elle appris ses premiers gestes et vint la rencontre avec Auguste Rodin, le maitre. Les œuvres de Camille Claudel, inclassables tel L’Age mûr, immortelles comme Persée et la Gorgone, insoupçonnées La Valse. 

Le texte de Sophie Jabès, une résonance biographique de l’existence de Camille Claudel déclinée en trois dimensions humaines, l’élève de Rodin, l’artiste et l’internée. Ce texte évoque par analogie des moments d’errance que Camille Claudel traduisit avec La Jeune fille à la gerbe, L’Implorante et Profonde pensée. Si l’histoire est d’encre, ces œuvres sculptées dans la terre cuite, le bronze et le marbre, correspondent aux matériaux de la construction et de la déconstruction de l’homme.

La pièce, une succession de tableaux, lesquels prennent pour cadre le support vidéo où apparaît un Messager, interprété par Geneviève Dang. Il annonce la mort à chacune de ses interventions. La scène révèle dans un clair-obscur une vieille femme assise sur un banc, laquelle entretient un monologue articulé entre confusion et sénilité. Le récit d’une vie qui suit le fil d’une pensée décousue. Clémentine Yelnik est Camille Claudel âgée, internée en psychiatrie à Montfavet. Elle est celle qui sait tout, celle qui a été et restera dans le commun des mortels, une artiste qui s’est gravée un nom sur le panthéon de l’Art nouveau. Clémentine Yelnik est criante de tendresse dans ce rôle qui demande d’alterner simultanément la déraison et son inverse.

vz-AADC5968-0B87-432E-9A7F-F4C324CE49A6.jpegIntervient Camille Claudel, étrangère avec elle-même, ténébreuse dans le propos, angoissée avec le passé. L’inconscience lui inflige un désordre psychologique, lequel va évoluer vers une obsession aveugle, telle Médée qui criait justice, alors qu’elle était coupable d’avoir tué ses enfants. Camille Claudel n’a jamais fondé de famille et peut-être dénonce-t-elle la mort prématurée de son frère Charles-Henri, un an avant sa naissance. Elle s’emmure dans une solitude qui ravage la femme et atteint l’artiste. Rodin n’est pas étranger à cet état d’être. Nathalie Boutefeu interprète Camille Claudel à un moment crucial de sa vie, une parenthèse ouverte sur l’inconnu et la folie. L’expression des yeux de la comédienne dénonce avec une intensité prononcée cet entre-deux de l’existence de la sculptrice. Vanessa Fonte joue Camille Claudel, jeune, artiste débutante et éprise de Rodin. Elle se réalise à travers ses sculptures, elle revendique son talent, elle aime Rodin, son maitre. Vanessa Fonte est convaincante d’assurance dans ce rôle qui assoit une nouvelle fois sa présence remarquée au théâtre.

Marie Montegani réalise une mise en scène avec trois tempéraments affirmés, lesquels se glissent par extrait dans la vie de Camille Claudel. Cette mise en scène dépoussière les clichés biographiques si souvent repris au théâtre et qui manquent d’originalité. Marie Montegani a posé sa touche personnelle en intégrant la vidéo et les images filmées, en jouant avec les fluidités de la technique, régie son et lumières. Une mise en scène aboutie qui subtilise le passé et ressuscite Camille Claudel une heure durant. Camille, Camille, Camille, l’histoire d’une artiste réécrite pour le théâtre.

Philippe Delhumeau

 

Camille, Camille, Camille de Sophie Jabès
Du 01/10/2014 au 22/11/2014
Du mardi au samedi à 18h30. Relâche les mardis 21 et 28 octobre.

Lucernaire
53 Rue Notre-Dame des Champs
75006 PARIS (Métro Vavin, Notre-Dame des Champs, Montparnasse Bienvenüe)

Réservations : 01 45 44 57 34 

Froggy’s delight voit dans la pièce de Sophie Jabès jouée au Lucernaire « un spectacle charnel et saisissant »

Capture d’écran 2014-10-19 à 22.37.01.pngCAMILLE, CAMILLE, CAMILLE

 

Théâtre Le Lucernaire (Paris) octobre 2014

 

 

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Comédie dramatique de Sophie Jabès, mise en scène de Marie Montegani, avec Vanessa Fonte, Nathalie Boutefeu, Clémentine Yelnik et Geneviève Dang.


C’est la Camille internée à la fin de sa vie qui nous apparaît d’abord. Seule sur un banc, elle vocifère sur sa situation. Tour à tour, trois Camille vont se succéder sur les trois espaces scéniques qui divisent la scène, pour retracer les étapes de la vie de Camille Claudel, ses débuts comme élève d’Auguste Rodin puis Camille au seuil de la folie et celle, à l’asile qui revoit sa vie.

Enfin, et c’est le plus intéressant dans la pièce de Sophie Jabès : c’est à une confrontation entre ces trois Camille que nous assisterons.

 

« Camille, Camille, Camille » est le portrait éclaté d’une femme déchirée qui dans sa famille demeure dans l’ombre de son frère, Paul Claudel. De ces fragments de Camille se dégagent la passion pour son art et pour Rodin, même si là encore, elle doit lutter pour s’affirmer face à ce monstre de sculpteur et ne se remettra pas de son abandon.

 

Dans une belle scénographie d’Elodie Monet, les trois femmes se débattent et crient leur amour tandis que sur l’écran, un étrange page vient annoncer les morts autour d’elle.

La mise en scène de Marie Montegani fait cohabiter sur scène ces trois périodes avec habileté et sait tirer le meilleur de ses trois comédiennes. Vanessa Fonte est une jeune Camille pleine de fougue et d’émotion. Volcanique et impatiente. Elle est bouleversante.

 

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Nathalie Boutefeu qui fût une inoubliable Emily Dickinson (« Emily Dickinson, la belle d’Amherst ») est une Camille sensible, encore pleine de révolte dont la folie naissante transparaît dans le comportement.

Enfin, Clémentine Yelnik est une impressionnante Camille à l’asile de Montdevergues, dont chaque phrase retentit du vécu de la femme et de l’artiste, de ses frustrations, ses blessures et de sa solitude. Elle est phénoménale.

 

« Camille, Camille, Camille » est un spectacle charnel et saisissant sur une artiste d’exception qui prit son existence à bras le corps au service de l’art pour se consumer de passion.

 

Nicolas Arnstam www.froggydelight.com