À l’ombre de Saint-Germain-des-Prés, attablé à la terrasse des Deux-Magots, café bien connu de l’écrivain qui y a reçu un prix il y a plus de quarante ans, François Coupry déploie sa pensée, entre les frôlements d’oiseaux audacieux, les sirènes assourdissantes et les gorgées de café. L’écrivain provençal à la carrière impressionnante fut rédacteur en chef de la revue Roman, président de la Société des gens de lettres et de la Société française des auteurs de l’écrit.
Il a commis une cinquantaine d’ouvrages dont le dernier, L’Agonie de Gutenberg, qui collige des chroniques parues sur internet entre 2013 et 2017, vient de paraître aux éditions Pierre Guillaume de Roux.
Trouver un (vrai) trésor, enterré quelque part en France ? C’est le loisir auquel s’adonnent de plus en plus d’amateurs…
Mais où se cache la chouette ? Depuis le début des années 1990, c’est la question que se posent des milliers d’amateurs de chasse au trésor. Dans la nuit du 23 au 24 avril 1993, un certain Max Valentin, fondu de jeux de sagacité, enterra quelque part en France une petite chouette en bronze aux ailes déployées, à 80 cm de profondeur. A son heureux découvreur de l’échanger contre la statuette originale composée d’or, d’argent et de diamants, et estimée à l’époque à 1 million de francs. Pour la localiser, il suffisait d’acheter le livre composé de onze énigmes et d’autant de visuels et de se munir d’une carte de France Michelin. Édité par Max Valentin, Sur la trace de la Chouette d’or a été réimprimé à deux reprises et s’est vendu à 70.000 exemplaires. Une première édition s’échange aujourd’hui aux alentours de 150 à 200 euros sur eBay.
Le succès a été fulgurant. « Cette chasse-là aura toujours un statut particulier », confie Jacques Morel, chouetteur de la première heure… car cette petite statuette, qui devait être trouvée en un ou deux ans maximum selon les prédictions de Max Valentin, n’a toujours pas été déterrée, vingt-cinq ans plus tard ! Celui-ci était le seul à pouvoir en dévoiler la cachette mais ce formidable organisateur de chasses au trésor est décédé le 24 avril 2009, seize ans jour pour jour après l’enfouissement de sa chouette. Aux dernières nouvelles, les solutions des énigmes sont dans le coffre d’un cabinet d’huissier. Aujourd’hui, on estime à 2.000 les passionnés, dont certains vivent en Afrique, en Asie, aux États-Unis… qui espèrent encore trouver ce trésor légendaire.
La chouette, Julien Alvarez l’a longtemps cherchée. Aujourd’hui, il n’en a plus vraiment le temps. Après avoir entamé une carrière dans la finance, cet entrepreneur de 40 ans a fini par réaliser son rêve : monter sa propre maison d’édition, consacrée… aux chasses au trésor et aux explorateurs ! Les Éditions du Trésor comptent une trentaine de publications. Sur la piste des pierres précieuses, Trésors des mers, l’histoire engloutie …, chaque ouvrage est une invitation au voyage et à l’aventure ! Mais celui dont il est le plus fier a pour titre A la recherche du trésor perdu. Reprenant le flambeau de Max Valentin, Julien Alvarez a lancé le 25 avril 2017 une immense chasse au trésor dont la thématique s’inspire des romans d’aventures les plus célèbres de la littérature. Le magot ? Un coffre rempli de 85 pièces d’or, 65 pièces d’argent et 50 pierres précieuses et semi-précieuses, dont la valeur est estimée à 50.000 euros.
On se pose évidemment la question du financement… « Il y avait deux gros postes à budgétiser, explique le jeune éditeur. Celui lié au livre, de sa fabrication (droits d’auteur, impression, etc.) à sa médiatisation, puis le financement du trésor. Nous avons puisé dans nos fonds propres et mis à contribution nos futurs lecteurs par le biais d’une campagne de crowdfunding six mois avant la chasse. Il s’agissait de prévendre le livre. Nous avons ainsi récolté 38.000 euros. » L’ouvrage s’est vendu à 20.000 exemplaires, séduisant un public très varié. « C’était la grosse surprise, confie Julien Alvarez. Nous avons des chercheurs âgés de seulement treize ans, des personnes qui cherchent en couple, des groupes d’amis trentenaires ; nous avons plus de femmes que d’hommes ! »
Amandine, passionnée de rébus et d’énigmes, a tout de suite accroché. Il faut dire que ce loisir demande un investissement minimum pour des heures de recherche et de plaisir : « Je n’ai quasiment rien dépensé à part l’achat du livre et quelques-uns des grands classiques nécessaires , explique cette jeune maman, qui cherche en binôme avec une amie. C’est une activité attractive et facile d’accès. » Contrairement à la Chouette d’or, Julien Alvarez a prévu une date de fin. Si le coffre n’est pas trouvé au plus tard le 30 avril 2019 à minuit, il offrira le gain à une association caritative ou le remettra en jeu dans le cadre d’une autre chasse.
Dans des endroits atypiques et sur des durées plus courtes, c’est ainsi que s’organisent aussi les chasses au trésor. Isabelle Terrissol a fondé Anima Events, une société qui en propose sur catalogue. Un des concepts qu’elle a imaginés fait fureur : la chasse au trésor dans le Louvre ! Chaque mercredi soir, une dizaine d’équipes de six joueurs résolvent des énigmes au beau milieu des collections du célèbre musée. « On est complet toutes les semaines, se réjouit-elle. Chaque séance compte entre 60 et 100 joueurs. Il y a des bandes d’amis, des familles, des amoureux… pas forcément le public habituel des musées. Ça permet d’aborder ce lieu différemment. » Le succès est tel que le concept a depuis séduit les Invalides, le Quai Branly, le musée Guimet, Beaubourg et la Cité des sciences.
Les entreprises se mettent au jeu
Plus étonnant, Anima Events organise des chasses au trésor pour les entreprises. La dernière a eu lieu dans la demeure d’un célèbre maroquinier de luxe de la place parisienne. « C’était une chasse en costumes à la Agatha Christie, explique Isabelle. Elle existe déjà dans notre catalogue (La Dame blanche, NDLR) mais nous avons rajouté des acteurs, des costumes, des intrigues et nous l’avons adaptée au lieu. » Les particuliers font aussi appel à ses services pour animer un lendemain de mariage, une cousinade, un anniversaire…
Les thématiques Harry Potter ou pirates font un carton auprès des plus jeunes. « A une époque, c’était devenu ringard, estime Isabelle Terrissol, mais grâce aux escape games et à certains jeux vidéo où il faut fouiller des pièces et trouver des indices, on observe un gros regain d’intérêt de la part du public. Le principe de la chasse en lui-même est indémodable, après, c’est une question de marketing. » Il faut compter une cinquantaine d’euros par personne pour une chasse déjà écrite. Le double pour du sur-mesure.
7 millions de géocacheurs
Le dernier venu dans la grande famille des chasses au trésor s’appelle le géocaching. Né en juillet 2000, lorsque le département américain de la défense décida de libéraliser le GPS, il consiste à cacher (ou à trouver) un minuscule objet (jouet, pièce, message…) glissé dans une petite boîte (la géocache) grâce à ses coordonnées géographiques. Celui qui trouve l’objet peut à son tour le replacer dans une nouvelle cache et ainsi de suite… Pour jouer, il suffit de télécharger une application puis de se localiser.
Il existe forcément des dizaines, voire des centaines de caches près de l’endroit où vous vous trouvez. « 7 millions de personnes s’y adonnent dans le monde entier, explique Jacques Morel, notre chouetteur, également mordu de géocaching, et il existe à ce jour trois millions de géocaches. » Si l’aventure vous tente et que vous êtes (très) joueur, la plus incroyable de toutes se trouve… en orbite, dans la Station spatiale internationale ! Déposée le 12 octobre 2008 par le magnat des jeux vidéo et « touriste spatial » Richard Garriott, la géocache numéro 218 est à ce jour le plus inatteignable des trésors !