Valérie Gans, écrivain et éditrice digne d’être dans Causeur !

Valérie Gans, une autre voix est possible

Valérie Gans publie « La question interdite », un roman pas franchement #MeToo

Valérie Gans, une autre voix est possible
La romancière Valérie Gans. DR.

Valérie Gans publie un nouveau roman, La question interdite, dans lequel elle dénonce les dérives du féminisme et le tribunal des émotions. La romancière a également fondé sa propre maison d’édition, Une autre voix, pour lutter contre le wokisme qui gangrène la littérature actuelle.


Dans La question interdite, Valérie Gans nous plonge dans une société où la vérité est sacrifiée sur l’autel du conformisme. Ce roman audacieux raconte l’histoire d’Adam, un vidéaste accusé à tort de pédocriminalité par Shirin, une adolescente manipulée par sa mère. À travers ce récit, Gans met en lumière les dérives du féminisme contemporain, du wokisme et de la justice médiatique, rappelant les dangers d’un tribunal populaire où l’émotion prime sur la raison.

Loin de minimiser la gravité des véritables crimes, Gans interroge cette tendance inquiétante à juger et condamner sans preuve, sous l’influence des réseaux sociaux et des foules hystériques. Elle rejoint ainsi des penseurs comme Jürgen Habermas, qui affirme que la démocratie ne peut survivre sans un espace public pour la discussion rationnelle. Ce roman appelle à réhabiliter la nuance et la raison dans une société de plus en plus polarisée, où la suspicion remplace l’investigation et où la condamnation publique est instantanée.

Une autre voix : un engagement littéraire audacieux

Pour défendre la liberté de penser, Valérie Gans a fondé sa propre maison d’édition, Une autre voix. Ce projet incarne une rébellion contre la censure et le conformisme idéologique qui dominent l’industrie littéraire actuelle. Gans y prône la diversité des opinions et des récits, s’opposant à l’autocensure qui se généralise et à l’emploi de sensitivity readers.

Le manifeste d’Une autre voix est clair : il s’agit de redéfinir l’espace littéraire en brisant les carcans imposés par les dictats sociaux et idéologiques, et en défendant une littérature authentique, sans compromis. Cette maison d’édition milite pour un retour à la liberté d’expression, sans censure et sans déformation de la réalité.

L’effet de meute : quand la foule prend le pouvoir

L’un des thèmes centraux de La question interdite est l’effet de meute, ce phénomène où l’individu se dissout dans une foule assoiffée de justice expéditive. Gans illustre comment la société actuelle, avide de coupables, se précipite de juger et de condamner avant même que les faits ne soient établis, un lynchage médiatique que Durkheim et Bourdieu auraient décrit comme la nouvelle forme de violence symbolique.

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Cette dynamique est amplifiée par les réseaux sociaux, où chacun peut, en quelques clics, participer à la destruction d’une vie. Adam devient ainsi la victime d’une « chasse aux sorcières » moderne, son destin brisé par une accusation infondée. Gans démontre ici les ravages d’une justice populaire qui ne laisse aucune place à la défense ou à la nuance.

Wokisme et cancel culture : la nouvelle inquisition

Valérie Gans ne cache pas son scepticisme envers le wokisme, qu’elle décrit comme une nouvelle forme d’inquisition. Dans ce contexte, l’idéologie dominante impose une pensée manichéenne, un contrôle permanent des idées et des mots, comme Orwell le décrivait dans 1984. Ce carcan idéologique, qui se cache derrière des apparences de justice sociale, menace la liberté d’expression et étouffe le débat.

Dans La question interdite, la manipulation de Shirin par sa mère incarne cette dérive : la fausse accusation est acceptée non pas en raison de preuves, mais parce qu’elle correspond aux normes sociales en vigueur. Michel Foucault, dans Surveiller et punir, alertait sur les dangers d’un contrôle total des idées. Gans dépeint un monde où la vérité n’a plus de place et où le doute est criminalisé.

Le féminisme face à ses excès

Si Valérie Gans questionne les dérives de certains courants féministes, elle ne rejette pas le mouvement dans son ensemble. À travers le personnage de Shirin, elle montre les dangers d’une victimisation systématique qui essentialise les rôles de bourreau et de victime. Ce discours fait écho aux critiques d’Élisabeth Badinter, qui, dans Fausse route, dénonçait les excès d’un féminisme radical, source d’incompréhensions entre les sexes.

Gans appelle à une autocritique salutaire du féminisme, afin de préserver sa pertinence. En posant la question dérangeante : « Et si ce n’était pas vrai ? », elle rappelle que le féminisme, comme toute idéologie, ne doit pas être au-dessus de la critique.

Une société sous surveillance : la mort de la vérité

La question interdite offre une vision dystopique d’une société où chaque interaction est surveillée, où la suspicion est devenue la norme, et où les relations humaines sont soumises à une transparence totale. Gans anticipe ainsi une société du contrôle social, où chacun est jugé non sur ses actes, mais sur la perception subjective de ces derniers, une situation qui rejoint les théories de Byung-Chul Han dans La société de la transparence.

Cette omniprésence du jugement public détruit la confiance et pousse à l’autocensure. Gans montre à quel point ce climat délétère empêche toute véritable communication et paralyse les relations authentiques.

Un appel à la révolte contre le conformisme

Malgré la noirceur de son récit, Gans laisse entrevoir une lueur d’espoir. Vingt ans après les faits, Shirin, rongée par le remords, tente de rétablir la vérité en publiant un message sur les réseaux sociaux. Si ce geste n’efface pas les injustices commises, il symbolise la quête inlassable de la vérité, un combat que Camus jugeait nécessaire, même s’il est souvent vain.

La question interdite est un appel à résister à la tyrannie de la pensée unique et à réhabiliter la nuance et la liberté de penser. Valérie Gans, avec ce roman et à travers sa maison d’édition, incarne un engagement contre la censure sociale, médiatique et éditoriale. Elle nous invite à retrouver le courage de questionner les certitudes et à défendre, coûte que coûte, la liberté d’expression.

Une rencontre-débat avec Valérie Gans et ses auteurs est organisée jeudi 28 novembre 2024 dès 19h à l’hôtel la Louisiane 60 rue de Seine, Paris 6e. Inscriptions par sms au 06 84 36 31 85 

La question interdite, de Valérie Gans, Une autre voix, 2024

« La Question interdite » de Valérie Gans fait réfléchir les Bretons !

Il faut du courage pour prendre le risque d’ouvrir une nouvelle maison d’éditions en 2024, triste époque où les livres se vendent chaque année de moins en moins. Valérie Gans a se courage. Mieux ! Sa démarche engage une hardiesse combative face à la redoutable adversité de la bien-pensance progressiste et libérale. Une Autre Voix aborde tous les sujets sociétaux sans jamais verser dans la pensée unique.

Un livre… Une histoire… Un propos…

Galéjade… Baratin… Boniment… Quel que soit le nom qu’on lui donne, un mensonge coure toujours plus vite que la vérité, à tel point que « ne pas mentir » est un axiome dont les parents se prévalent auprès des enfants, et seulement auprès d’eux, nulle part ailleurs ; ainsi ne demande-t-on jamais sérieusement à un adulte de dire juste la vérité, puisqu’aucun ne peut honnêtement affirmer qu’il ne ment jamais. Et diable ! que la vie serait triste sans mensonge. Dans La question interdite, Valérie Gans raconte précisément l’histoire d’un mensonge. Les nez s’y allongent au fur et à mesure des contrevérités… L’hypocrisie s’installe… L’imposture prend forme… Ce que l’auteur résume en ces termes (page 157) : « … la seule [question] qui devrait nous intéresser, est : qui est cette fille qui ose mettre en cause tout ce pourquoi, depuis deux décennies, nous nous sommes battues ? Qui est-elle pour semer le doute sur la vérité grâce à nous avérée (…) que les hommes sont des prédateurs ? Et qu’il faut s’en méfier, au lieu d’essayer de leur trouver des excuses ! » 

En outre, depuis MeToo, la question souvent posée au sujet des hommes est : Et si c’était vrai ?… Jamais, ou trop rarement : Et si cela était faux ?…  A l’heure numérique, montrer du doigt ne suffit plus, il faut désormais accuser en multipliant les jets de pierres lancées sur les réseaux sociaux. Et ! Bien entendu. Ne surtout pas laisser la partie adverse se défendre. Page 204 : « Mais je ne comprends pas, demande Pauline. Si il n’y a rien eu entre lui et vous, s’il ne s’est rien passé, pourquoi l’avez-vous dénoncé ? (…) À cause de la honte. Ce n’est pas lui qui m’avait agressée, c’est moi… Vous comprenez ? » Les femmes comprendront peut-être. Et encore ! Les hommes beaucoup moins. Ils sont plus bruts – ne pas confondre avec brutaux – et ont du mal à mentir en mettant la (fausse) raison de leur côté. Au reste, aucun homme n’a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge, en tout cas pas aussi bien que les femmes car…

Les cinq dernières pages

… contrairement aux idées reçues, les plus grands mensonges sont féminins. A commencer par celui d’Iseult au préjudice de Tristan qui, par jalousie – c’est presque toujours le cas ! –  lui fait croire que le bateau en approche arbore une voile noire et non une blanche… Notons également les faussetés de Cassandre… Et celles d’Apaté, déesse mineure du panthéon grec, elle est toutefois l’un des pires maux contenus dans la boîte de Pandore… Puis la duplicité de Cléopâtre vis-à-vis de Marc-Antoine… Sans oublier Scarlett O’Hara, menteuse éhontée pour obtenir gain de cause avec l’homme de ses convoitises… Allez ! Une dernière. Pas des moindres. Ève Lecain sous la plume de Frédéric Dard dans C’est toi le venin ; peut-être le plus gros mensonge de la littérature francophone… Point commun avec La question interdite : Ne manquez pas les cinq premières pages… Et ne racontez surtout pas les cinq dernières…

Où ? … Quand ? … Comment ? …

Le propre d’une chronique littéraire n’est pas de raconter par le menu l’histoire dont elle parle. Juste inciter à sa découverte. La question interdite est un pavé, non seulement dans la mare des publications actuelles, mais aussi et surtout dans l’eau saumâtre de cette rentrée littéraire. Peut-être un renouveau. Ou pas. Le lecteur jugera. Pour se faire, il faudra commander le livre directement aux éditions Une Autre Voix. En effet. Afin d’éviter que les ouvrages partent au pilon et n’alimentent la gabegie de l’édition, Une Autre Voix a choisi de contourner le système de diffusion traditionnel. C’est pourquoi – tout au moins pour le moment – aucune de leurs publications n’est disponibles en librairie. Tout s’achète en ligne. Et Surtout ! Ne manquez pas les cinq premières pages… Ne racontez pas les cinq dernières… Bonne lecture.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Octobre 2024 – Bretagne Actuelle & J.E.-V. Publishing

La question interdite, un roman de Valérie Gans aux éditions Une Autre Voix – 207 pages – 31,00 Uniquement en vente ici 

« quatre contes légers et longs en bouche » de Jean-Jacques Dayries sur Saint Barthélemy

Jean-Jacques Dayries, Petits contes philosophiques de Saint-Barthélémy

Quand un homme d’affaires prend l’avion pour passer d’un continent à l’autre, le temps lui paraît long. Après avoir épuisé ses messages, ses rapports à lire, son courrier, il ne lui reste plus que les films insipides de la culture globish. Certains préfèrent utiliser leur temps de cerveau disponible à plus utile : par exemple écrire des contes ou des nouvelles.

L’auteur, administrateur de sociétés après en avoir dirigé une, s’y essaie avec bonheur dans ce petit recueil, publié par amusement. Le plaisir à les écrire se ressent à leur lecture, soutenu par les aquarelles fraîches de Caroline Ayrault.

Ce sont quatre contes légers mais dont la profondeur ne se ressent qu’après lecture. Ils sont « longs en bouche », comme on le dit d’un cru. Le premier évoque le baptême de l’île caraïbe de Saint-Barth, le second l’acculturation d’un iguane par la délicieuse nourriture importée jetée par un modèle femelle de luxe venue retrouver sa taille anorexique qui fait si bien sur les photos, le troisième est la vision du futur d’une tortue îlienne, le quatrième sur un caillou blanc porte-bonheur.

Cristoforo voulait épater le monde et ne pas faire comme tout le monde. Ce pourquoi il a cherché les Indes ailleurs : vers l’ouest et non vers l’est. Savait-il que la terre était ronde ? Il n’a trouvé la première fois que des îles, pas d’or ni d’épices. La seconde fois, en 1493, il s’est émancipé de son maître roi d’Espagne pour nommer une île du nom de son frère Bartolomeo. Lequel est « un fainéant de première classe [qui] y serait parfaitement heureux ». Une île au sol sec où les plantations ne sauraient prospérer, mais où une anse protège les bateaux, aujourd’hui port franc au carburant détaxé. Ainsi fut nommée Saint-Barth, 10 000 habitants dont l’ex-doyenne de l’humanité Eugénie Blanchard – et l’auteur. Cette collectivité d’outre-mer des Antilles françaises est aujourd’hui un paradis de milliardaires (dont Laurence Parisot, Harrison Ford, Beyoncé, Mariah Carey, Bill Gates, Warren Buffett, Paul Allen, la famille Rothschild – et Johnny Hallyday, en son temps). La température y oscille toute l’année entre 22° et 31° mais la fiscalité y est plus douce. Comme quoi d’un mal (pas d’or) peut surgir un bien (attirer l’or)…

Delicatissima fait référence à un saurien des Antilles, l’iguane nommé ainsi pour ses probables qualités gustatives. L’auteur retourne le compliment en faisant de l’animal un gourmet. Il est hélas soumis à la tentation de la nourriture mondialisée via une touriste de passage qui jette les fraises et les pains au chocolat cuisinés pour elle et qu’elle ne mange pas, pour maigrir. Ce gaspillage de la belle profite à la bête, laquelle se languit néanmoins de ces mets au point de délaisser la production locale. Comme quoi la mondialisation est un mal qui fait désirer ce qu’on n’a pas et qu’on est incapable de trouver localement ou de produire.

Autre réflexion écologique sur le futur de l’île, avec Carbonaria, une tortue philosophe. En observant les gens, les nantis qui viennent se poser sur l’île, elle imagine ce que sera Saint-Barth dans cinquante ans : une horreur. De grands immeubles, de gros bateaux, un essaim d’hélicos, une piste de jets rallongée. « Mais avec un grand souci de protéger la nature », ironise l’auteur. Des réserves de faune endémique préservées et nourries pour les touristes, un court de tennis au-dessus de Shell Beach, un grand champ d’éoliennes pour l’électricité indispensable aux 80 000 habitants prévus… Ou comment changer un paradis en clapier, en l’enrobant des vertes paroles du greenwashing.

Quant au caillou blanc, il fait rêver, comme tout porte-bonheur. Mais le petit Arawak qui l’a le premier donné, en échange d’une lame de fer, a préféré le réel au rêve, un instrument utile à un objet fétiche. L’Arawak est l’indigène premier de l’île : il pratique l’utilitarisme sans le savoir, préférant le rot au fumet, comme Rabelais.

(A noter pour une réédition que taureau ne s’écrit pas « toreaux » p.22 lorsqu’il s’agit d’animaux pour la corrida)

Jean-Jacques Dayries, Petits contes philosophiques de Saint-Barthélémy, 2018, Roche / Fleuri éditeur, 65 pages, €17,96

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