le site VICE choisit Valérie Fauchet comme « crème des médiums de France »
Dans la Rome Antique, lire l’avenir était une activité qui, pratiquée par les mauvaises personnes, pouvait être sévèrement punie. Le poète Ovide a par exemple été invité à finir sa vie en Scythie inférieure pour avoir, selon certains historiens, participé à une séance de divination néopythagoricienne (un collègue fin connaisseur de la période estime qu’il a surtout été « condamné à dégager parce qu’il faisait chier »).
Aujourd’hui, le seul risque des devins modernes n’est pas l’exil au bord de la mer Noire mais plutôt d’être moqué à répétition dans une pastille de Quotidien. À l’espace Champerret qui accueillait du 13 au 17 février la 34e édition de Parapsy, le salon du corps et de l’esprit, c’est d’ailleurs une des craintes les plus souvent exprimées par les médiums, magnétiseurs et chamans invités.
Dans ce Comic Con de la voyance, on peut aussi bien s’offrir une consultation en cabine (pour des tarifs allant de 40 à 70 euros), qu’une ribambelle d’objets ; pierre, pendule, dreamcatcher, tarot ou photographie de l’aura, qui serviront de support aux médiums. Certains ont placardé sur leur stand coupures de presse ou photos de stars à côté du même message : « Le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour tout achat effectué dans le salon ».
Jacques Attali et Alain Minc, autres as de la prédiction, n’auraient probablement pas renié les intitulés de certaines conférences organisées en salle A et B (« L’importance de développer son intuition en cette année 2020 »). Sur une estrade, un homme en chemise rouge satinée harangue le public tandis qu’à ses côtés, un cartomancien prévient des dangers d’une relation avec un pervers narcissique. Pendant que notre collègue faisait le zouave avec la maigre trésorerie de notre entreprise, on est allé à la rencontre de ces Pythies ordinaires.
Valérie Fauchet, voyante
« Je suis là pour la promotion de mon livre qui est sorti en octobre [Une voyante passe aux aveux, entretiens avec Marie-Noëlle Dompé, publié aux éditions Ipanema]. Mon éditeur voulait que je parle de mon parcours un peu particulier de médium. J’aimais bien l’idée d’être interrogée par une ancienne avocate, magistrate et amie, a priori très carrée et très cartésienne. Elle m’a vraiment poussé dans mes retranchements.
J’ai accepté de faire ces entretiens surtout pour les parents qui ont des enfants médiums. J’ai plusieurs filles et la dernière est très voyante. À l’école, elle a comme moi beaucoup souffert d’être différente. Souvent, les parents qui ont des enfants médiums, mais qui ne le sont pas eux-mêmes, ne savent pas comment gérer. J’ai voulu les aider. Qu’ils se disent : ‘Ah, peut-être que mon enfant n’est pas autiste, qu’il entend et voit vraiment des choses’. Quand on est hypersensible, ce n’est pas évident. Encore aujourd’hui, les gens ont cette appréhension. J’entends : ’Ton truc fait peur’ ou ‘Tu es une sorcière’. Il faut arrêter avec l’inquisition permanente. L’intuition a toujours été au cœur des grandes découvertes scientifiques – Einstein était quand même loin d’être un con – et des grands travaux artistiques. Du coup, j’ai voulu ‘désorcéliser’ un peu tout ça.
Pour moi, être médium ou voyant n’est pas un métier mais un état. J’ai surtout des flashs du passé. C’est un peu différent de la voyance classique – même si j’ai pu prédire le 11-Septembre un an et demi avant qu’il ait lieu, le Bataclan et d’autres choses de ce genre. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler sur la constitution des choix que l’individu a fait face aux événements de la vie. Je vais d’ailleurs collaborer avec un psychanalyste pour aider des gens qui sont en analyse depuis longtemps et qui ne s’en sortent pas. La voyance et la médiumnité sont intéressantes en psychologie parce qu’elles peuvent débloquer les choses et faire gagner énormément de temps et d’argent aux gens qui ne comprennent pas certains événements enfouis en eux.
Après, il y a un côté animal de foire que je dénonce. On m’a souvent demandé en interview : ‘Mais alors, qu’est-ce que tu vois ?’. Ça ne fonctionne pas comme ça, d’abord parce qu’il y a une pudeur et ensuite parce qu’on n’a pas des flashs tout le temps, toute la journée et avec tout le monde. Pour moi, on ne peut pas enquiller des rendez-vous. C’est ce que font les gens sur le salon ? C’est dramatique.
Beaucoup de gens se prétendent médiums, voyants, guérisseurs, ou magnétiseurs. Si vous tombez sur un charlatan, il y a de quoi être dégoûté et l’envie assez logique de généraliser à toute la profession. Mais parfois, si les événements n’arrivent pas exactement comme décrits, c’est aussi parce qu’il y a une part de langage et d’interprétation – comme le diagnostic d’un médecin. Il y a des attaques qui sont particulièrement vaches. Comme si les voyants devaient résoudre tous les problèmes. Quand quelqu’un me demande ‘Qu’est-ce que tu vois dans mon avenir ?’ et que je ne vois rien, je ne dis rien et j’observe souvent que les gens sont déçus. Mais ce n’est pas parce que je ne vois rien qu’il ne va rien se passer. »