Salon Culture et jeux mathématiques
Intervention de Gérard Muller
Vendredi 29 mai 2020 :
Thème : Le rôle de la modélisation dans l’industrie spatiale, suivi de son prolongement dans la littérature.
Argumentaire : La modélisation mathématique est primordiale dans l’industrie spatiale, car les satellites en particulier évoluent dans un environnement que l’homme ne peut pas appréhender de façon naturelle. Sa connaissance ne repose que sur des modélisations basées sur les expériences successives, dans un processus itératif de modélisation/expérience/recalage du modèle/nouvelle modélisation. Chaque mission spatiale apporte de nouveaux éléments qui vont à leur tour enrichir la modélisation que l’on a de l’environnement spatial et du comportement des véhicules spatiaux dans celui-ci.
À partir de là, le monde du spatial doit être ouvert et le plus transparent possible afin que chacun puisse enrichir la communauté et bénéficier de l’expérience acquise. Cela a été le rôle des agences spatiales jusqu’à aujourd’hui.
Les autres industries, à l’égal de l’industrie spatiale, utilisent de plus en plus la modélisation numérique pour développer ses produits et services, dans un monde devenu de plus en plus complexe.
L’IA et le deep learning ne sont qu’une étape supplémentaire dans cette évolution.
Le processus de création romanesque s’apparente au deep learning.
Développement : La modélisation du comportement d’un satellite dans l’espace doit tenir compte des phénomènes suivants :
· Mécanique : sa tenue au lancement pendant la phase propulsée où il est soumis à des niveaux de vibrations importants (20 g)
· Thermique : la gestion de sa température dans le videalors qu’il fait face au soleil d’un côté et à la température de fond du cosmos de l’autre (3°Kelvin). Sa température externe va alors varier de plus de 100°C à -100°C en fonction de sa position orbitale (éclipse ou non).
· Thermoélastique : Les gradients thermiques évoqués conduisent à des déformations thermoélastiques des pièces constituants le satellite pouvant provoquer soit des ruptures, soit les désalignements d’un télescope par exemple.
· Radiations : Les électroniques embarquées sont bombardées d’électrons (effet de dose cumulée sur les performances) et d’ions lourds (effets changeant l’état d’une mémoire, pouvant aller jusqu’à la destruction d’un transistor).
· Micrométéorites : Le satellite doit, autant que faire se peut, être résistant à des micrométéorites (de l’ordre de quelques grammes) allant à des vitesses différentielles de 20 km/s.
· Charge électrostatique : Le satellite doit être une équipotentielle pour éliminer tout arc électrique provoquant des courts-circuits.
· Orbitographie : L’orbite d’un satellite est perturbée par le vent solaire, le reste de pression atmosphérique (orbites basses) et surtout par les effets gravitationnels (dérive de l’orbite). Il est donc nécessaire de repositionner le satellite sur sa bonne position orbitale (maintien à poste). Pour les véhicules extraterrestres, l’on utilise aussi le rebond gravitationnel en se servant des planètes.
Les industriels ont alors réalisé des modélisations mathématiques qui prennent en compte l’ensemble de ces phénomènes dans des modèles globaux (car tout joue avec tout). Avant de lancer le satellite, son comportement est entièrement simulé sur terre dans des ordinateurs qui vont restituer son comportement dans toutes les phases de sa vie (jusqu’à sa désorbitation, pour laisser la place à d’autres). Chaque satellite a alors une vie virtuelle, avant même d’être assemblé !
Les essais au sol, nécessaires pour prouver que le véhicule va pouvoir réaliser sa mission, vont aussi utiliser des simulations numériques. Le satellite, une fois assemblé au moins partiellement, va être connecté à des simulateurs qui vont le mettre en situation. Les simulateurs seront purement numériques pour ce qui concerne les logiciels embarqués, ou physiques pour simuler sa dynamique, son comportement mécanique et thermique.
Sans modélisation numérique, il n’y aurait pas eu de conquête spatiale.
Prolongement vers la littérature : Le passage de la modélisation numérique à des fins d’ingénierie industrielle à la littérature pourrait s’avérer soit artificiel, soit périlleux. Pourtant, en tant qu’auteur de roman et ancien ingénieur, je suis persuadé qu’il s’agit d’un processus similaire. Pour cela, je vais m’appuyer sur le big data et deep learning.
Aujourd’hui, le monde industriel et celui des sciences humaines font de plus en plus appel à l’IA (intelligence artificielle) pour résoudre des problèmes que la simulation numérique classique ne peut pas résoudre (ou difficilement). Le processus consiste à entrer dans un processeur à base de réseaux neuronaux d’énormes quantités de données. Le processeur va alors traiter l’ensemble de ces données pour construire des algorithmes conduisant à la résolution du problème posé. Ces algorithmes travaillent sur des systèmes de corrélation et de simulation, sans d’ailleurs que l’on sache exactement comment ils procèdent.
Le processus littéraire romanesque travaille de la même façon : le processeur sera alors le cerveau du romancier et les données (les data) seront l’ensemble des expériences qu’il a vécues, partagées ou lus. À partir de là, les algorithmes de son cerveau vont entamer un processus imaginatif (dont une partie est inconsciente) qui vont lui permettre de construire le roman. De même que nous ne savons pas comment fonctionne le deep learning, de même nous sommes incapables de comprendre comment notre imagination marche, mais nous assistons à deux processus similaires.
Conclusion :
· La modélisation est de plus en plus nécessaire pour la maîtrise du développement des produits et services industriels, dans un environnement de plus en plus complexe. L’industrie spatiale a montré la voie à la plupart des industries d’aujourd’hui.
· L’IA et le deep learning ne sont qu’une étape supplémentaire dans la modélisation des phénomènes et processus industriels. Ils relèvent de la même problématique.
· Le processus de création littéraire s’apparente au deep learning. Ou plutôt, c’est l’inverse : le monde industriel utilise de plus en plus le processus cérébral humain.
Biographie de Gérard Muller : 70 ans, ingénieur, retraité de l’industrie aérospatiale où il réalise encore du « consulting », Gérard Muller est un vrai passionné de littérature. Il consacre son temps libre à l’écriture de poésies et de romans de fiction, en voyageant à travers les différents genres, du polar au roman psychologique. Il anime par ailleurs un atelier littéraire consacré à l’écriture romanesque. Il organise en outre le Grand Prix littéraire Philémon et S.P.A.F. de la ville de Toulouse, consacré à la poésie et à l’art de la nouvelle. Il est aussi membre de la Société des Poètes et Académicien des livres de Toulouse