Yezza Mehira par Emile Cougut dans Wukali
Il arrive que parfois dans un roman, on finisse par trouver quelques recettes de cuisine. On pense bien sûr aux livres d’Aurélie Foucher qui se terminent généralement par quelques recettes des spécialités de l’île de Groix, à Michelle Barrière dont l’œuvre vous incite à cuisiner des plats allant du Moyen-Âge à notre époque, ou encore le succulent Livre de recette de la série noire, car dans les romans policiers : on mange et souvent très bien. Mais, je n’ai pas le souvenir qu’au fil de mes lectures avoir trouvé une recette de cuisine qui serve de fil conducteur à une nouvelle. Et c’est exactement ce que fait Yezza Mehira dans La cuisine des âmes nues publié par la courageuse petite maison d’éditions de la Zitourme.
Toutes s’ouvrent par une recette, ce qui nous en fait 13 en tout. 13 recettes provenant du pourtour Méditerranéen, en incluant la blanquette de veau, car ce plat symbole de notre pays, est aussi Méditerranéen vu l’emplacement géographique de la France. Certaines comme l’omelette internationale (à base d’herbes) ou les amuse-bouches des amants, n’ont pas « signatures » géographiques, alors que d’autres (la fenkata, le baba Ganoush ou la kamounia, entre autres) sont issues d’endroits, de pays bien identifiés.
Alors ces recettes? Comme d’habitude, leurs lectures titillent mes papilles gustatives et j’en essaie quelques unes. Elles sont toutes d’une remarquable simplicité et le résultat est à la hauteur de la sensualité qui se dégage de ces nouvelles, mais c’est ma seconde partie.
Après, nous sommes essentiellement dans une cuisine du Sud ou de l’Est Méditerranée, ces endroits où les épices sont reines (parfois un peu trop), et savoir les utiliser parfaitement, savoir trouver les équilibres, les dosages qui ravissent le palais demande, de fait, des années de pratique qu’un simple occidental gascon, hélas n’a pas ! ( Pleurons, pleurons NDLR). Mais il n’empêche que j’ai mangé grâce à Yezza Mehira une excellente soupe de pois chiche.
Les nouvelles nous font voyager de la Libye à l’Espagne (et l’Histoire numéro 1 n’est pas sans faire penser à Lucià Etxbarria, cette autrice débordant de talent), de l’Égypte à la France, de la Syrie à la Tunisie). Toutes sont des histoires de femmes : soumises, révoltées, victimes de sociétés patriarcales qui les corsètent jusqu’à être mises dans un moule qui les étouffe. Toutes se réfugient, s’expriment à travers la cuisine, le lieu où elles sont les maîtresses incontestées, le lieu où, de fait, elles peuvent s’exprimer, créer, dévoiler leurs vraies personnalités.
Ces nouvelles s’adressent à nos cinq sens d’où la sensualité (dans le sens étymologique du terme) qui s’en dégage.
Avec son style limpide, dans lequel pas un mot n’est de trop, juste à sa place, Yezza Mehira nous entraîne dans des lieux où, quelque soit le contexte parfois difficile ou oppressant, l’âme humaine trouve à s’épanouir.