Les livres audio ont le vent en poupe dans le magazine Challenges. Merci à Agnès Séverin (07.01.10)

affouque.jpgLes livres audio dans le magazine Challenges du 7 janvier 2010 – Article d’Agnès Séverin rendant hommage aux éditions Des femmes pour les avoir créés.

Difficile de faire la différence en librairie. Papier ou audio, Un roman français, le dernier ouvrage de Frédéric Beigbeder, affiche la même couverture, le même format. Cet automne, le timing a été idéal : la version sonore est sortie alors que le trublion des lettres françaises recevait le prix Renaudot. Point de hasard. Né il y a deux ans dans le giron de trois poids lourds de l’édition, Audiolib a dépoussiéré l’image du livre parlé.
«Nous programmons des sorties les plus rapprochées possibles», note Valérie Lévy-Soussan, directrice d’Audiolib, qui a contribué à faire bondir le marché du livre audio de 35% en 2008. Quelques mois plus tard, Flammarion lui emboîtait le pas avec sa collection «Le livre lu», faisant définitivement sortir le genre du ghetto des personnes âgées et des non-voyants. La Mécanique du coeur, de Mathias Malzieu – leader du groupe de rock Dionysos -, ou Jour de souffrance, de Catherine Millet : ses titres montrent que la cible a changé. Les 18-25 ans et les actifs sont dans la ligne de mire, femmes en tête.
Car les livres audio s’écoutent en faisant autre chose : conduire, regarder par la fenêtre du train, le hublot de l’avion… ou repasser. L’occasion pour les gros lecteurs d’écouter sans complexes polars, thrillers et nouveautés de la rentrée. «Es les achètent pour redécouvrir des oeuvres déjà lues», précise Hélène Lotito, coordinatrice aux Editions Thélème, connues pour ses intégrales de Marcel Proust en 111 CD ou de Charles Baudelaire.
Le choix des comédiens pour la «mise en lecture» fait l’objet de castings méticuleux. Les éditions Des femmes ont ainsi accompli un véritable travail de fourmi depuis les années 1970. Le résultat est souvent un pur enchantement. «Le livre audio s’adresse à un public plutôt intello, qui lit des livres et, par ailleurs, dispose d’un certain pouvoir d’achat», confirme Patrick Frémeaux, président des éditions Frémeaux & Associés. «Je suis très surpris du budget consacré à la culture.» Cet autre pionnier, lui, fait vibrer les oreilles du public avec de grands moments du patrimoine sonore vendus dans le monde entier. Fidèle à cette mission, le petit éditeur caracole à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais son best- seller a atteint 600 000 CD vendus… avec de la philo : Contre-Histoire de la philosophie, de Michel Onfray.

Constatant la bonne santé du livre audio aux Etats-Unis (10% du marché du livre) et en Allemagne (7%), les grandes maisons ont flairé la bonne affaire. Gallimard, premier à se lancer dans l’exploitation sonore de son fonds en 2004, en a pourtant été pour ses frais. Cinq ans après, la France plafonne encore à 0,5%, avec 15 millions de chiffre d’affaires en sortie caisse. En version audio, le succès se mesure plutôt en dizaines de milliers d’exemplaires. Comme pour Harry Potter, Marc Lévy ou Anna Gavalda. «En France, la culture de l’objet livre est plus forte que dans les pays anglo-saxons», explique Paule du Bouchet, directrice de la collection «Ecoutez lire». Et de tempérer : «Nous sommes encore dans une période de transition.» Le téléchargement de livres en MP3 pourrait changer la donne. Des sites comme Audible, Numilog et Livraphone sont en embuscade.

Sélection

Eclectique
La Jeune Fille à la perle
, de Tracy Chevalier,
lu par Isabelle Carré
Depuis cinq ans, Gallimard exploite son fonds en version sonore. Grands classiques et titres à succès récents alternent, privilégiant la qualité d’écriture. Une offre de téléchargement vient d’être lancée.
Prix : 15 euros (entre 15 et 32 euros les autres)
Editeur : Gallimard, collection « Ecoutez lire ».
Autres auteurs : Muriel Barbery, Nicolas Fargues, Patrick Modiano, Marguerite Yourcenar, Anna Gavalda, Marc Lévy, Franz Kafka, Albert Camus, Biaise Cendrars…

Grand public
Le Voyage d’hiver, d’Amélie Nothomb,
lu par Thibault de Montalembert
Lancée il y a un an par Hachette Livre, Albin Michel et France Loisirs, cette collection mise sur les nouveautés romanesques, best-sellers et polars en tête. La bonne idée : reprendre la couverture, et le format, de l’édition papier.
Prix : 16 euros (entre 15 et 23 euros les autres titres)
Editeur : Audiolib.
Autres auteurs : Stieg Larsson, Douglas Kennedy, Jacques Attali, Erik Orsenna, Jean-Christophe Grange, Jean Teulé, lain Levison, Stefan Zweig, Haruki Murakami, David Lodge…

Classique
A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust,
lu par André Dussolier, Lambert Wilson, Denis Podalydès…

Depuis vingt ans, les éditions Thélème enregistrent les classiques avec des grandes voix connues et des comédiens du Français, et publient des coffrets d’oeuvres intégrales.
Prix : 365 euros (entre 15 et 29,70 euros le roman)
Editeur : Theleme.
Autres auteurs : Charles Baudelaire, Alexandre Dumas, Jean Giono, Fedor Dostoïevski, Stefan Zweig, Agatha Christie, James Ellroy, Fred Vargas…

Historique
Contre-Histoire de la philosophie, de Michel Onfray, lu par l’auteur

Ce pionnier de l’édition sonore exploite, depuis une vingtaine d’années, des documents d’archives radiophoniques, des cours, discours politiques et entretiens historiques. Aussi des classiques lus par des comédiens.
Prix : 79,99 euros (entre 19,99 et 29,90 euros les autres titres)
Editeur : Frémeaux & Associés.
Autres auteurs : Pierre Mendès France, Marguerite Duras, François Mitterrand, Françoise Dolto, Marcel Pagnol, Jean de La Fontaine, Victor Hugo…

Pédagogique
L’Infini, de Jean-Pierre Luminet, lu par l’auteur
Lancé en 2001 par un ancien banquier d’affaires désireux de satisfaire sa curiosité, cet éditeur audio propose une cinquantaine d’inédits de vingt à quatre-vingts minutes dans les domaines de l’histoire, de la géopolitique et de la science.
Prix : 9,90 euros (entre 4,90 et 14,90 euros les autres titres)
Editeur : De vive voix.
Autres auteurs : Michel Winock, Hubert Védrine, Alexandre Adler, Hubert Reeves, Claude Cohen-Tannoudji, Jean-Claude Carrière…

 
ENNUYEE
Marie-Béatrice Lalle
mand, PDG de Mazagan Beach Resort.

« Le débit est beaucoup trop lent pour moi »

– « J’ai fait l’expérience du livre audio avec un Sherlock Holmes, je me suis endormie. Le débit est beaucoup trop lent pour moi. J’avais commencé à télécharger des livres sur mon iPod en prévision d’un voyage en avion, mais j’ai laissé tomber, car je lis très vite. J’ai cependant gardé le souvenir du Petit Prince lu par Gérard Philipe : la plus belle chose que j’aie jamais entendue. La modulation de la voix par un comédien n’est pas quelque chose qui gênerait ma lecture, au contraire. Si les nouveaux enregistrements sont à la hauteur de celui de Gérard Philipe, je changerai peut-être d’avis. »

 
ENVOUTE
Didier Sandre, Comédien, à l’affiche de RER, au Théâtre de la Tempête, en Février.

« Le comédien y apporte un charme musical » – «J’écoute de temps en temps en voiture les enregistrements faits par des collègues. Je prends plaisir à écouter le grain d’une voix comme celle d’André Dussolier. Quand j’écoute Proust, j’ai l’impression qu’il est à côté… La lecture par un comédien apporte un charme musical. C’est toujours une interprétation. Le comédien exprime son rapport au texte, avec une personnalité et une sensibilité. Il faut mettre de soi dans la lecture, que l’on retrouve l’écho de soi. C’est pourquoi je n’apprécie pas les lectures de bénévoles, avec une diction neutre.»

Agnès Séverin

Lectures particulières

Laisser un commentaire