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Guilaine Depis, attachée de presse (Balustrade)
Rampe de lancement ! Appuyez-vous sur la balustrade !
Interview. Catherine Bonnet-Litzler : « Tout vient de la beauté du monde extérieur, faut-il encore la voir »
Du 7 au 17 octobre 2021 vous pourrez visiter la première exposition de peinture de Catherine Bonnet-Litzler “AU FIL DE L’EAU”, à la Galerie 5 – 5 rue Jacques Callot – 75 006 Paris (du lundi au samedi de 11h à 19h30) (présence quotidienne de l’artiste près de ses œuvres). Il s’agit d’une occasion unique d’admirer ce que cette artiste peintre appelle « le jaillissement joyeux du mouvement », dans deux séries de tableaux dédiées aux poissons et aux fleurs.
Bonjour Catherine Bonnet-Litzler, la première question qui me vient à l’esprit est liée à cette affirmation que vous écrivez dans le préambule de votre présentation : « La peinture est pour moi une seconde vie ». Cela me fait penser à cette citation de Pierre Bonnard qui dit : « Il ne s’agit pas de peindre la vie. Il s’agit de rendre vivante la peinture ». Êtes-vous d’accord avec ce rapprochement ? Dans quelle mesure vous concerne-t-il ?
Bonjour. Je suis particulièrement émue que la première question évoque Pierre Bonnard car il est un de mes peintres préférés et pour lequel j’ai une grande admiration.
À un moment de mon parcours, et après avoir travaillé longtemps le dessin et l’apprentissage des techniques de la peinture, j’essayais de faire des tableaux « bien faits » en essayant de respecter le plus possible ce que j’avais appris. Un jour, voyant mon travail, un ami m’a demandé si ce que je faisais me plaisait.
Je ne regardais pas mon travail avec cet œil-là mais avec l’œil de celle qui veut bien faire, respectant le mieux possible les techniques apprises. Et j’ai réalisé que je n’avais pas envie d’accrocher mes tableaux chez moi !
À partir de ce moment, qui a été une révélation, j’ai commencé à travailler, non pas avec ma tête, mais avec mes « tripes ».
Ça à l’air très évident dit comme cela, mais ça m’a pris beaucoup de temps avant de trouver mon écriture, mon propre sens de la peinture.
Je pense que c’est ce que Bonnard veut nous faire passer comme message. Rendre la peinture vivante, c’est faire ressentir, en la regardant, la sincérité que le peintre y a mise, son émotion, qui aura peut être un écho dans le regard du spectateur.
Je ne cherche pas à faire passer un message dans ma peinture, mais j’essaye le plus possible d’être sincère, d’exprimer ma joie d’être en vie et le bonheur que j’ai de peindre.
Si l’on ressent cela en regardant mes toiles, alors peut être qu’elles sont un peu vivantes, comme le dit Pierre Bonnard.
Vous évoquez également, en parlant de votre parcours, un long cheminement et un apprentissage méticuleux. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce parcours, sur vos maîtres et sur l’école de peinture à laquelle vous avez été formée ?
Le cheminement est de deux sortes : en premier lieu, celui d’apprendre le métier que j’ai eu la chance de faire auprès d’un professeur extrêmement doué et passionné, Patrice de Pracontal à l’Atelier de Recherche Pictural qu’il a créé à Issy Les Moulineaux. J’ai eu la chance d’être acceptée dans son école où se côtoient des jeunes apprentis-restaurateurs, d’autres déjà peintres venant se perfectionner, et d’autres, comme moi, débutants mais passionnés, volontaires, voire acharnés… Patrice nous mettait à l’épreuve en nous faisant dessiner un compteur électrique pendant de longues semaines, jusqu’à ce que les dimensions, l’emplacement des interrupteurs soient parfaitement exact ! et ce, avant de toucher le moindre pinceau.
Je pense qu’il testait nos aptitudes, mais également notre patience, notre sens de l’effort et la véracité de notre engagement.
Une fois adoubée, j’ai pendant 8 années appris les techniques de la peinture en faisant des natures mortes, des copies, en regardant et en écoutant ce maître très érudit, qui ne se lassait pas de nous parler de peinture, d’histoire, des peintres, mais également de chimie et de physique pour que nous comprenions l’alchimie des couleurs et de la lumière sur la toile.
J’ai ensuite rejoint Edgard Sailen à l’atelier Artien de Montrouge. Il m’a beaucoup aidée à franchir ce pas du « lâcher prise », grâce à sa pédagogie et à sa bienveillance.
Il faut en effet trouver sa voix et suivre son propre chemin. C’est le moment le plus difficile car cette liberté s’accompagne d’errements, de doutes et d’incertitudes permanents alors qu’en même temps, il faut montrer de la détermination, voire de l’obstination au moment où l’on est dans la confusion la plus totale.
La peinture est une école de l’humilité, de la patience et de la persévérance. Et il ne faut jamais renoncer à ses idées.
Une autre phrase que vous écrivez dans la même présentation a certainement une valeur de credo esthétique : « Ce travail très exigeant m’a appris à regarder, à m’arrêter sur les choses, et à les voir, tout simplement ». Quelle place occupe pour l’artiste que vous êtes cet éloge du regard patient, apte à surprendre l’unicité et la beauté du monde ?
Tout vient de la beauté du monde extérieur, faut-il encore la voir. Pour cela il faut savoir être attentif, curieux et il ne faut jamais relâcher l’attention. C’est un apprentissage au quotidien, ce regard n’est pas inné, il s’acquiert et s’enrichit chaque jour.
La chose la plus importante que m’a apprise Patrice de Pracontal, c’est m’arrêter sur les choses pour vraiment les regarder, puis les voir, en dépassant la vérité objective que l’œil renvoie à l’esprit, et n’en garder que l’émotion.
Cela oblige à se libérer du savoir, s’emparer du monde extérieur avec tout son être, pour ne conserver que les sensations. C’est un exercice proche de la méditation.
Mais plutôt que l’unicité du monde, ce sont bien les multiples facettes de la beauté qui m’interpellent, qui vont me surprendre et m’aider dans l’acte de création.
Évidemment, tout vient de la beauté du monde extérieur, je n’invente rien, mais la façon dont je vais la regarder va m’aider à en saisir quelque chose.
Et c’est aussi la beauté de ce travail de peintre, car plus on est dans cette contemplation, plus on affute son regard et plus on approfondit sa vision du monde. On est alors heureux de parcourir ce chemin.
Puisque nous évoquons la beauté du monde qui nous entoure et notre manière de l’admirer, je souhaiterais vous demander de commenter cette citation prononcée par François Cheng dans LGL du 29 janvier 2020 : « La beauté n’est pas un simple ornement. La beauté est un signe par lequel la création nous dit qu’elle a du sens ». Que pensez-vous en tant qu’artiste peintre maniant les proportions et les couleurs à la recherche de ce sens de la création dont parle le grand écrivain ?
Selon François Cheng, la beauté nous montre que la création du monde ne s’est pas faite par hasard mais qu’il y a eu une intentionnalité. Il pense qu’il y a donc un pouvoir supérieur, et cette transcendance nous vient par le biais de la beauté. Et il lie ce pouvoir supérieur à l’existence de l’âme, qui serait le champs de la création artistique, du ressenti, de l’émotion.
Je ne suis évidemment pas philosophe et je ne réfléchis pas au sens philosophique de la beauté. Mais lorsque je regarde la nature, j’ai plutôt le sentiment que c’est l’élan vital qui m’inspire et me subjugue. C’est la croissance permanente de la nature, sa fécondation exubérante et incessante qui la fait pousser dans tous les sens, s’élever, s’enrouler et se mélanger qui m’enthousiasment.
C’est cette beauté là que j’ai envie de saisir.
Même si la recherche des belles proportions a été longtemps un élément déterminant de la beauté, la peinture d’aujourd’hui vise à autre chose. En cela je suis d’accord avec les propos de François Cheng, le simple ornement ne suffit pas.
Et je suis d’accord avec l’idée qu’il ne s’agit pas simplement de bien manier les proportions, mais qu’il doit y avoir quelque chose en plus qui vient du tréfonds de soi ; l’émotion, le ressenti, mais aussi et surtout, une très grande sincérité.
Je comprends que c’est ce que François Cheng appelle l’âme.

Les sujets des tableaux choisis pour votre exposition concernent les poissons et les fleurs, alors que vous avez peint également des paysages et des portraits. Pourquoi ce choix ?
Ce n’est pas une décision objective de ma part, les choses se sont passées ainsi. Comme je vous l’ai indiqué, j’ai essayé à un moment de faire une peinture qui me plaisait, alors j’ai laissé mon imagination errer sur la toile.
Je suis naturellement influencée par ce qu’on fait les peintres, par mes visites de musées. Mes influences viennent essentiellement des peintres de la moitié du 19e siècle jusqu’à la moitié du 20e siècle, les impressionnistes et post impressionnistes, Degas, Monet, Gauguin, Soutine, Bonnard et les autres nabis, mais aussi plus tard Nicolas de Staël, Poliakov, Truphémus, et puis les expressionnistes abstraits américains, comme Richard Diebenkorn. Mais il y a également des peintres moins connus comme Roger Mühl que je collectionne, et beaucoup de peintres actuels comme Elisabeth Cummings, Jean Pierre Ruel, Vincent Tanguy, Véronique Lafont, Marion Robert… etc la liste est infinie et ma curiosité incessante.
Alors je cherche, je visite, je fouine, je regarde, j’admire puis « j’ingurgite », je prends des idées, des images, des couleurs, des formes aussi. Le travail des autres peintres me remplit de sensations, d’envies et d’inspirations.
Je n’ai pas peint les séries de poissons et de fleurs à la suite, mais en faisant de nombreux allers et retours. Il y a certains tableaux qui sont apparus avec fulgurance, et puis ensuite, plus rien. Je n’essaye pas de faire pour faire, car ça se sent immédiatement et le tableau est raté.
En revanche, il faut travailler avec obstination pour qu’un jour apparaisse quelque chose.
Pour l’exposition « Au fil de l’eau », j’ai réussi à peindre une quarantaine de toiles avec une certaine unité.
En ce qui concerne les paysages, j’ai fait quelques toiles mais je me suis ensuite dispersée. Je les ai donc mis de coté.
J’y travaille de nouveau en ce moment et j’aimerais que les paysages et les maisons du bord du lac surgissent au milieu de l’eau, du ciel et des montagnes.
Le milieux aquatique est symboliquement identifiable comme biotope primordial portant l’origine de la vie. Vos poissons sont saisissants à la fois par leur dynamique en mouvement et par le regard étrange qu’ils renvoient vers celui qui les regarde. De quelle beauté ces insaisissables silhouettes sont-elles le nom ? Et de quelle idée de liberté ?
Je vis une partie de l’année au bord d’un lac, et l’eau est une composante très importante de ma vie. Il paraît que j’ai su nager avant de marcher, il faut donc croire que j’ai depuis toujours une relation très forte avec l’eau.
Un tableau de Jacques Truphémus m’a beaucoup inspiré : « Retour de marché » où l’artiste a peint des poissons jetés en vrac sur une table, probablement au milieu de la glace, le tableau étant à dominante de roses et de jaunes. J’y ai puisé mon inspiration et ai voulu mes poissons ainsi, « jetés » sur la toile, mais je les ai peint dans un univers bleu et ils sont vite devenus vivants, se déplaçant en banc.
J’ai laissé mon geste m’entraîner en structurant mes tableaux avec de grandes horizontales, où les tâches de couleurs sont devenues des poissons, souvent grâce à leurs yeux : c’est une tâche noire entourée de blanc qui font que ces poissons sont vivants. Dans « Sauve qui peut », le geste autour de l’œil donne au poisson un air mauvais, presque méchant, d’où le titre que j’ai donné au tableau.
C’est cela qui m’a plu, les tableaux prenaient forme au fur et à mesure, sans une intention précise.
Ces poissons sont donc l’expression de la liberté de créer à l’état pur, sans aucune autre intention que celle d’exprimer le bonheur de peindre.
Le même mouvement régit vos tableaux de fleurs. Est-ce que cet élan vertical porte pour vous le message d’un hommage à la victoire de la vie ?
Si j’ai peint mes premiers poissons il y a plus de 5 ans maintenant, j’ai commencé la série des fleurs juste après le deuxième confinement quand j’ai pu retourner en Italie. Cette peinture a été comme un jaillissement après l’enfermement, car pendant le premier confinement, je suis restée chez moi à Paris, dans une pièce assez petite et mal disposée pour la peinture, et j’ai donc essentiellement dessiné ou travaillé des portraits à partir de photos.
Ça me touche évidemment que vous parliez d’un hommage à la victoire de la vie, car avant la peinture, mon parcours a longtemps été compliqué, sombre, dominé par des écueils et des problèmes de santé.
Là aussi, l’apprentissage de la vie s’est fait sur la durée, avec beaucoup de patience, d’envies et de détermination.
Il y a évidemment des choses qui vous tombe dessus, mais chaque parcours est une longue suite de choix, de décisions qui vous mènent là où vous voulez si vous avez assez de patience, de volonté et ne craignez pas le travail.
Sur une toile, on fait ce que l’on peut et non ce que l’on veut comme le répétait souvent Gauguin. Mais si l’on est sincère lors de l’exécution d’une toile, peut être qu’il y a quelque chose de ce que l’on « veut » qui finit par émerger.
Ce que vous ressentez, c’est clairement l’élan de vie car c’est bien cela qui me plaît, ce à quoi j’aspire et qui me porte.
J’ai toujours confiance en la vie, je suis une éternelle optimiste et je le traduis dans mes couleurs, dans ma gestuelle.
C’est très consciemment un hommage à la victoire de la vie.
Deux éléments attirent ici encore le regard : la multiplication des sujets sous forme de bouquet de chardons, de fleurs champêtres, etc. et la cinétique qui suggère leur communication secrète. Comment construisez-vous l’architecture de vos tableaux afin d’obtenir l’harmonie nécessaire ?
Mes fleurs ne sortent pas totalement de mon imagination : chaque tableau est peint à partir de celles que j’ai vues dans la nature et que j’ai photographiées.
J’ai une photothèque immense que je conserve par thèmes pour les utiliser le moment venu, et qui me servent de support. Je fais souvent un croquis avant de me lancer sur la toile.
En revanche, je les restitue avec une grande liberté et je peux mélanger diverses sources d’inspirations.
Je commence souvent par des à-plats de couleurs qui viennent structurer les grandes masses de mon tableau. Puis j’y incorpore les éléments de verticalités pour créer l’architecture de la toile.
Je place les couleurs sombres, ensuite je pose les taches de couleurs, puis je retravaille le fonds et je reviens sur les demi teintes.
Je multiplie les couches, j’utilise un médium que je fais moi-même en mélangeant huile cuite et huile crue de lin, plus onctueuse.
Je mélange souvent les couleurs directement sur la toile pour que l’œil fasse son propre mélange, mais je peux également laisser la toile sécher et les à-plats se superposer.
C’est par un geste plus libre et une utilisation d’une plus grande quantité de médium entre les éléments, que je cherche à suggérer leur mouvement.
Mon travail est le résultat de nombreuses étapes successives. Je reprends régulièrement mes toiles et quand je n’y arrive pas, je peux laisser mon tableau en « jachère » pendant des jours, des semaines, voire des mois.
L’harmonie des couleurs vient au fur et à mesure de ce travail, et quand par bonheur elle apparaît, je m’arrête, même si j’ai le sentiment que ça n’est pas complètement fini.
J’aime bien l’idée que le tableau reste « ouvert ».
Sans rentrer dans des détails trop techniques, pourriez-vous nous parler du choix et de l’importance que représente pour vous les couleurs utilisées dans votre peinture ?
J’utilise une palette assez réduite d’une dizaine de couleurs environ : du Bleu ultramarine, du Cobalt, du Bleu phtalo, de l’Ocre jaune, du Jaune citron, un Rouge de cadmium, de l’Alizarine, de la Terre d’ombre brulée, du Blanc et du Noir.
J’aimerais être plus subtile dans mes mélanges mais je n’y arrive pas toujours, et ma gamme chromatique reste dans mon désir, trop égale.
La gestuelle est également très importante : ma peinture peut être déposée en petites touches, posée sur la toile avec des grands mouvements de pinceaux ou déposée en épaisseur grâce à l’usage de spatules.
Je n’ai pas peur non plus de faire des projections de peinture à l’aide d’ustensiles divers ou d’appuyer directement un tube sur la toile.
Je n’invente rien bien entendu, mais je ne m’interdis aucun mélange de style.
Et il m’arrive très souvent, à la fin d’une journée, d’enlever tout ce que j’ai fait, de gratter complètement la toile, voire de la nettoyer avec de l’essence et de recommencer le lendemain…
Mais quoi que je peigne, le bleu reste ma couleur fétiche, la base de mon inspiration. Tous mes verts viennent également de mes bleus, et je n’ajoute que rarement une touche de Vert de vessie ou d’Emeraude.
Je travaille actuellement sur des paysages qui émergent d’un univers qui pourrait être le ciel, la montagne, ou l’eau.
Toujours beaucoup de bleu.
En guise de conclusion, permettez-moi de citer ces mots de Picasso : « Un tableau ne vit que par celui qui le regarde ». Comment voyez-vous ce lien entre l’artiste, l’œuvre d’art et la personne qui la regarde ?
Je suis d’accord avec cette citation, même si mon expérience dans ce domaine est très courte.
J’ai longtemps gardé mon travail caché, je montrais très peu ce que je faisais car je craignais le regard extérieur et ne me sentais pas légitime dans ce monde de la création artistique.
Et comme je vous l’ai déjà dit, j’essayais de bien faire et ne laissais pas errer mon imagination créative.
Lorsque je me suis laissée aller à plus de liberté, j’étais en même temps contente de ce que j’avais réalisé, tout en ayant le sentiment d’un travail moins abouti.
Et c’est le regard de mes premiers spectateurs qui m’a permis de creuser dans la voie que j’entr’apercevais, et qui d’une certaine manière, m’a révélée en tant que peintre. L’intérêt porté à mes peintures m’a éclairée sur mon propre travail.
Je vais donc, avec ma première exposition, connaître ce que Picasso a écrit, à savoir laisser mes tableaux prendre vie dans le regard des autres.
J’y suis prête, même si cela m’a pris 15 ans.
Jusque là, confronter mes tableaux au regard des autres, c’était être sous le joug du jugement.
Aujourd’hui, j’ai compris que ce regard me permettait d’avancer car ce sont les interrogations du spectateur qui expliquent quelque chose du tableau et me font découvrir ce que je ne suis pas sûre d’avoir intentionnellement peint.
Et tant pis si mes tableaux ne m’appartiennent plus, je me suis moi-même approprié nombre d’autres.
En revanche, ce qui m’appartient, c’est le chemin parcouru, même si mon mari me répète régulièrement que le plus important est celui qui reste à parcourir. Et de me citer Stendhal : « Si la vie cessait d’être une recherche, elle ne serait plus rien ».
Et même lorsque je me sens complètement dans le fossé, il paraît que ça fait partie du chemin …
C’est dans tous les cas un voyage sans fin, qui me rend également infiniment heureuse, et je le vis comme une grande chance.
Propos recueillis par Dan Burcea

L’autrice est écrivaine, peintresse, musicienne, danseuse, philosophiste. Dieu faite femme en Californie américaine, elle réinvente le paradis terrestre avec l’utopie d’une société dont la Règle d’or est l’inverse de celle de notre société moderne. Préfacée par le romancier graphique, journaliste et critique de jeux vidéo Bill Kunkel alias M. Burroughs qui est mort avant la parution du livre, elle livre en un minimum de pages sa réflexion sur la solution monétaire, la guerre, la nouvelle voiture et les activités de loisirs. Rien que les remerciements occupent une pleine page.
Suite de contes surréalistes à but édifiant, Vera Nova se situe comme Terra Nova dans l’utopie. Le futur sera comme le lointain passé un paradis où il n’y aura rien à faire, rien à produire, seulement s’amuser avec le Moi en bannière. Bullford est un anti-état peuple d’esprits uniques dont on se demande comment l’un d’eux est devenu « maire » et ce qu’il a à décider pour les autres.
Ne « jamais traiter les autres comme on aimerait qu’ils vous traitassent, sauf s’ils y consentent en premier lieu, car ce qui est bon pour vous peut causer aux autres des préjudices fatals » est la Règle d’or de Bullford. Les « autres » incluent les animaux mais pas les plantes et « les gens » ne se veulent pas une masse ni « des gens » mais des individus uniques qui coexistent de façon créative – et intelligence – en société. A se demander à quoi sert encore une « société » où chacun reste chacun comme un hérisson qui craint toute ingérence dans son Moi précieux. L’indépendance ne saurait se partager : nous sommes bien dans une philosophie américaine.
(…)
A lire avec curiosité et pour la remise en cause de nos idées établies.
Vera Nova, La noble société de Bullford (The Noble Society of Bullford), 2002, traduction française Stéphane Normand, 2021, édition Les Impliqués-L’Harmattan, 117 pages, €16.00
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com
Le Maire de Cabourg Tristan Duval a confié L’ENTIERE CONCEPTION de son nouveau Salon du Livre à Balustrade ; celui-ci s’appellera désormais dès sa première édition « La Plume en éventail – Festival littéraire de Cabourg » et aura lieu les 23 / 24 octobre 2021. Pour l’édition 2021, il a été décidé de le placer sous le signe de l’Enfance, au sens très large, et de consacrer un moment d’hommage à Gonzague Saint-Bris.
Guilaine Depis qui a entièrement conçu le programme et choisi les écrivains invités a convié dans les tables rondes qu’elle animera : (dans le désordre, liste non encore définitive) : Pascal Bruckner, Catherine Clément, Mazarine Pingeot, ORLAN, Emmanuel Pierrat, Sabine Prokhoris, Franz-Olivier Giesbert, Jérôme Clément, Leili Anvar, Frédéric Ferney, Jean-Maurice de Montremy, Emmanuel Pierre, Jean Claverie, Jean-Marie Rouart, Evelyne Bloch-Dano, Patrick Poivre d’Arvor, Marie de Hennezel, Gaël Tchakaloff, Hélène Waysbord, Emmanuelle de Boysson, Anthony Palou, Gilles Martin-Chauffier, Ariane Bois-Heilbronn, Emmanuel Jaffelin, Anne-Laure Buffet, Jean-Yves Clément, Nicolas d’Estienne d’Orves…
Programme en cours de construction ; ici un simple aperçu de QUELQUES invités :





DIMANCHE 24 OCTOBRE 2021 MATIN
10h30 à 11h15
Thierry CLERMONT
Thierry Clermont est écrivain et journaliste au Figaro littéraire. Derniers ouvrages parus : San Michele, prix Méditerranée essai (Seuil, 2014), Barroco bordello (finaliste du prix Femina 2020, Seuil), La Balade de Galway (Arléa, 2021).
Marie de HENNEZEL
Marie de Hennezel écrit depuis vingt cinq ans sur les sujet tabous dans notre société, des sujets intimes : la mort, la vieillesse, la sexualité des seniors, l’indignité du mourir, l’âgisme, la spiritualité et enfin son dernier livre traite d’un autre tabou : le lien que nous entretenons avec l’invisible. Un lien naturel et universel, que l’on qualifie à tort de paranormal.
Ses livres ne sont pas des essais, mais des promenades dans une problématique. Elle laisse une large part aux témoignages et en même temps s’implique toujours dans son livre, avec des exemples personnels.
Elle poursuit son travail de psychologue clinicienne auprès de groupes de seniors qui veulent réfléchir à « l’aventure de vieillir », une aventure qui a mauvaise presse, mais qui vaut le coup si on a compris que l’enjeu est d’aller de l’extériorité à l’intériorité, et d’accomplir son « mandat céleste ».
Hélène WAYSBORD
Hélène Waysbord, née à Paris dans une famille de juifs étrangers, déportés à Auschwitz, a enseigné en classes préparatoires au Lycée Malherbe à Caen. En 1982 elle a été nommée Conseillère de François Mitterrand pour les Grands Projets du Septennat, a participé à la création de La Maison des Enfants d’Izieu dont elle est devenue présidente. Après avoir conduit des missions successives sur le thème de la mémoire pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme, elle se consacre à l’écriture.

11h30 à 12h15
Emmanuelle de BOYSSONEmmanuelle de Boysson. Romancière, journaliste indépendante, cofondatrice du Prix de la Closerie des Lilas, membre de plusieurs jurys littéraires, avec une vingtaine de livres à succès, elle poursuit une œuvre qui sonde les facettes de la psychologie des femmes : le désir d’émancipation de Grandes bourgeoises (J-C Lattès), de trois artistes du XVIIe dans sa trilogie historique, Le temps des femmes, (Flammarion. Prix Simone Veil 2017), les troubles de l’adolescence, dans Les années solex (Héloïse d’Ormesson), les secrets de famille : Que tout soit à la joie, (H.O). Je ne vis que pour toi (Calmann-Lévy, 2020), est l’histoire d’une passion dévorante entre Valentine, jeune Bretonne, et Natalie Barney, Américaine au pouvoir magnétique. Dans l’intimité de femmes fascinantes, comme Colette ou Liane de Pougy, une plongée palpitante et sensuelle dans le monde artistique de la Belle époque.
Anne-Laure BUFFET
Anne-Laure Buffet est thérapeute, conférencière et écrivain.
Elle est spécialisée dans l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales et conjugales. Elle est l’auteure de plusieurs essais destinés à informer et accompagner les victimes de ces violences particulièrement destructrices. Auteure notamment de Les séparations qui nous font grandir, Eyrolles 2020 et Tous toxiques tous victimes, L’Observatoire, 2021
Emmanuel JAFFELIN
Emmanuel JAFFELIN est connu comme Philosophe de la Gentillesse. Auteur de 4 livres sur ce sujet (dont l’éloge de la Gentillesse), cet agrégé de Philosophie, ancien diplomate, risque de devenir le Philosophe du Bonheur avec son dernier livre : Célébrations du Bonheur. Philosophe traduit et médiatique, il aimerait faire de Cabourg le Bourg du Bonheur. Carrément !

DIMANCHE 24 OCTOBRE 2021 APRES-MIDI
14h – 14h45
ORLAN
« ORLAN est une artiste française féministe reconnue dans le monde entier. Photographie, vidéo, sculpture, performance : ses œuvres embrassent de multiples disciplines et questionnent le corps, l’hybridation, l’ADN, les biotechnologies, l’intelligence artificielle, la robotique.
ORLAN écrit chaque nuit depuis l’adolescence et nous la découvrons écrivaine dans cette autobiographie où elle dit tout sur son parcours personnel, depuis sa naissance à Saint-Étienne dans un milieu ouvrier, ses amours, ses déboires, ses traumatismes et sa vie d’artiste sur la scène française et internationale dont elle a côtoyé les figures les plus importantes.
Cette étonnante confession révèle la vie d’une femme engagée et exceptionnelle qui ne ressemble à personne – une des artistes les plus importantes de notre époque. »

Emmanuel PIERRAT
Emmanuel Pierrat est écrivain et avocat au Barreau de Paris. Il est ancien Conservateur du Musée du Barreau de Paris, Ancien Membre du Conseil National des Barreaux et Ancien Membre du Conseil de l’Ordre.
Il est aussi actuellement Secrétaire général du Musée Yves Saint Laurent de Paris et a notamment publié de nombreux ouvrages de référence sur la liberté d’expression.

15h – 15h45
Contes et mythologies : comment l’imaginaire façonne nos vies
avec Catherine Clément, Jean Claverie et Jean-Maurice de Montremy & Emmanuel Pierre
Catherine CLEMENT
Philosophe, romancière, Catherine Clément, agrégée de philosophie et normalienne, enseigna à La Sorbonne dans les années soixante puis fut journaliste et diplomate. Auteur d’une cinquantaine d’essais et de romans, elle a vécu en Inde, en Autriche et au Sénégal. Lauréate du prix Bernheim pour l’ensemble de son oeuvre. Vice-présidente de la Maison des Cultures du Monde.
Jean CLAVERIE
« Il est vrai qu’en 40 années, j’en ai illustré des auteurs. Morts et vivants, connus ou oubliés. Je leur dois de m’avoir donné envie d’écrire à mon tour quand je ne trouvais pas dans leurs mots ce qu’il me fallait pour mettre en route la machine à dessiner.
Oui c’est le dessin ma grande affaire, le plaisir de restituer le réel ou d’inventer quelque-chose qui lui ressemble. On me demande souvent pourquoi je me suis cantonné au livre d’image, genre mineur alors que je maîtrisais assez le dessin pour me frotter à l’art. La réponse en est simple : le goût des histoires. »
Jean-Maurice de MONTREMY
Jean-Maurice de Montremy, éditeur et journaliste, a publié des romans et des essais. Batras est son deuxième ouvrage pour (grands) enfants réalisé en collaboration avec le dessinateur Emmanuel Pierre.
Emmanuel PIERRE
Je travaille pour la Presse et les maisons de Mode depuis les années 80 : Libération, The New Yorker, The World of Interiors, Télérama, Dior, Hermès.
J’alterne entre le dessin à la plume, comme ici pour BATRAS, et le collage, plus coloré, Hermès, l’Hôtel du Louvre.
J’ai publié de nombreux livres illustrés (Seuil Jeunesse, Gallimard Giboulée, Alma, Le Promeneur) et fabrique également des livres uniques pour bibliophiles. EP

16h – 16h45
Pascal BRUCKNER
Pascal Bruckner, écrivain et philosophe. Membre de l’Académie Goncourt.
Jérôme CLEMENT
Jérôme CLEMENT, c’est d’abord ARTE, créé et dirigé pendant 22 ans. Personnalité du monde culturel et audiovisuel, il a écrit une dizaine de livres dont » La culture expliquée à ma fille » et «Plus tard tu comprendras », porté à l’écran par Amos Gitai. Parmi de nombreuses activités, à France culture, à la télévision, au cinéma, il préside la fondation La Ruche à Paris et à participé activement à la création de la villa du temps retrouvé à Cabourg.
Sabine PROKHORIS
Sabine Prokhoris est philosophe et psychanalyste. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le Sexe prescrit – La différence sexuelle en question, Aubier, 2000, L’insaisissable Histoire de la psychanalyse, Puf, 2014, Au bon plaisir des « docteurs graves » – A propos de Judith Butler, Puf, 2017. Ses analyses au scalpel battent en brèche les conformismes de tous ordres.

Pour télécharger le PDF du carton d’invitation pour le cocktail d’inauguration de France Design Week il faut cliquer ICI

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Bénédicte Boudassou a aimé l’oeuvre de Catherine Bonnet Litzler


Alain Nicolas a bien lu « La Chambre de Léonie » d’Hélène Waysbord

« Le point fixe et douloureux de mes préoccupations » C’est de sa chambre que parle Marcel Proust dès le premier chapitre de « Du côté de chez Swann ». Chambres habitées, chambres rêvées, chambres écrites, la Recherche s’écrit de chambre en chambre, jusqu’à celle, tapissée de liège, où l’auteur s’enferme pour construire sa cathédrale, « monarque couché » n’admettant à ses petits levers que quelques privilégiés. Hélène Waysbord a consacré un mémoire à la métaphore chez Proust. C’était dans les années 1950, quand l’auteur était peu étudié. Revenant sur cette attraction, elle fait de kla chambre une figure centrale, le jalon d’un parcours où la lecture de l’oeuvre et les souvenirs de sa propre vie se côtoient sans se confondre. Il faut de l’audace pour prendre le risque d’être prise pour celle qui se prend pour Proust. Hélène Waysbord tient ce pari et nous livre quelques clés d’un itinéraire étonnant, qui conduisit la petite fille juive cachée à la campagne sous les ors de la République, comme conseillère de François Mitterrand pour les grands projets, sans jamais perdre le goût de la madeleine. Alain Nicolas dans L’Humanité
Grand entretien. Anne-Cécile Hartemann : « Assister à la métamorphose d’un être humain est un privilège »
Parler du livre Métamorphose – Le courage d’aller vers soi écrit par la thérapeute française vivant à Montréal Anne-Cécile Hartemann s’avère être un exercice ô combien nécessaire pour sortir des clichés et des sentiers battus auxquels nous ont habitués les opuscules se revendiquant du genre de développement personnel. Qualifié par son éditeur de récit et guide, ce livre se construit sur une propédeutique basée sur l’expérience personnelle comme preuve incontestable à la fois de sa nécessité et de sa réussite. Ces deux lignes conductrices font incontestablement sa richesse et ne demandent qu’à être mises en lumière. D’où, ce grand entretien avec son auteure.
Vous est née en France et vous vivez depuis 2004 à Montréal. Comment êtes-vous arrivée au Québec et quel a été en quelques mots votre parcours de vie ?
J’ai grandi dans le Calvados et étudié à l’EM-Normandie Business School qui m’a amenée à voyager au Pays-Bas, puis au Canada pour un stage de fin d’études. J’y ai rencontré le père de mes 2 enfants, je me suis mariée et j’ai obtenu la citoyenneté canadienne quelques années plus tard. En 2016, après 12 ans de vie commune, mon mari me quittait, ce fut un tsunami émotionnel et l’élément déclencheur de ma propre métamorphose. J’ai plongé au cœur de mes blessures d’enfance, affronté mes peurs et pris conscience de mes croyances limitantes. Une étape à la fois, avec tous les outils que je partage dans Métamorphose… le courage d’aller vers soi, j’ai transformé tant ma vie personnelle que professionnelle. Après 15 ans à travailler dans le domaine du marketing, de la communication et de l’événementiel, j’ai suivi plusieurs formations. Je suis aujourd’hui TRA, Thérapeute en relation d’aideMD par l’ANDCMD, enseignante de Hatha Yoga et animatrice de cercles philosophiques pour petits et grands.
En quoi consiste votre métier thérapeute en relation d’aide ?
Je suis heureuse d’avoir l’occasion de faire connaitre le métier que j’exerce. Ayant été moi-même accompagnée par des thérapeutes en relation d’aide, j’ai pu constater les bénéfices d’un tel accompagnement et j’ai choisi de me former pour aider à mon tour des personnes désireuses de transformer leur vie pour aller vers plus de bien-être.
En tant que thérapeute en relation d’aide, je travaille avec l’Approche non-directive créatrice, ANDC® de Colette Portelance. Le préalable à l’exercice de ce métier est le travail sur soi, c’est la raison pour laquelle la première année de la formation que j’ai suivie au Centre de relation d’aide de Montréal y est consacrée. Forte de ma propre expérience, je suis donc en capacité d’accueillir avec une profonde empathie le vécu des personnes qui viennent en thérapie. Comme je le mentionne lors des premières rencontres, il peut m’arriver d’être émue lorsque j’entends un vécu souffrant ou joyeux. Cette sensibilité que j’ai appris à développer aide l’autre à se connecter à sa propre sensibilité par effet miroir, c’est toute l’idée de la connexion à soi et à l’autre qui se manifeste. C’est ainsi que la personne apprend à s’accepter et à s’aimer avec ses forces et ses difficultés.
Souvent inconscients des traces qu’ont laissées les événements du passé, nous avons tendance à reproduire des situations qui ne sont plus adaptées à la vie d’adulte que nous sommes devenus. Je mets en lumière les fonctionnements tantôt défensifs tantôt constructifs des personnes que j’accompagne, sans jugement. Je les aide à comprendre et exprimer leurs besoins en relation. Je les aide à sortir de la victimisation et à prendre conscience de leur responsabilité. J’aime donner l’image de la lanterne qui éclaire le chemin de vie. En aucun cas je n’influence mes clients dans leur cheminement car la personne la mieux placée pour connaitre le chemin c’est nous-même.
Je ressors remplie de gratitude à la fin de chacune des thérapies. Assister à la métamorphose d’un être humain est un privilège.
Vous êtes également enseignante de Hatha Yoga et animatrice de cercles philosophiques. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces deux activités ?
Thérapeute en relation d’aide, enseignante de yoga et animatrice de cercles philosophiques avec les enfants ont pour moi la même finalité, ils sont des moyens d’accompagner sur le chemin de la métamorphose.
Pratiquer le yoga et philosopher sont deux passions que je cultive depuis plusieurs années et qui me paraissent complémentaires. J’ai créé YOLO, yoga et philo en 2018. Même si je pratique ces deux activités séparément, lorsque je guide une pratique de yoga, j’intègre des réflexions et des thèmes philosophiques comme la joie, la beauté, la vulnérabilité, l’amitié, et chaque cercle philosophique que j’anime avec les enfants est précédé d’une pratique de yoga.
La préparation des cours de yoga autant que des cercles philosophiques est inspirée par des lectures, des événements, des rencontres, d’une chanson, de l’environnement ou toute autre stimulation en rapport avec la connexion à soi, aux autres et au monde. Ces références sont d’ailleurs partagées à la fin de chaque cours avec les participants.
Un cours de yoga comporte plusieurs étapes : méditation guidée autour du thème choisi (par exemple « prendre du recul »), techniques de respiration et postures en lien avec le thème (observer l’environnement pendant une posture avec la tête en bas pour explorer une autre perspective, je propose des exercices comme de se placer « au coin » de la pièce et de vérifier comment on se sent, puis de prendre un pas de recul, puis deux et de continuer d’observer les sensations), après la pratique physique, les cours se terminent par la posture de relaxation finale, shavasana, toujours guidée par la réflexion initiale qui agit comme fil conducteur pendant l’heure que dure le cours. À la fin de chaque cours, je sollicite des retours et des suggestions auprès des participants.
En ce qui concerne les cercles philosophiques avec les enfants, je les anime dans des écoles primaires avec le souci toujours présent de travailler en amont, d’aider les enfants à penser par et pour eux-mêmes, de développer leur esprit critique, de rester connecté à leurs sensations, à leurs émotions et à leur intuition et d’être à l’écoute de l’autre. Les ateliers d’une durée d’environ une heure, se déroulent de la façon suivante : les enfants sont placés en cercle et tour à tour font part de leur « météo intérieure », nous effectuons ensuite une pratique de l’attention et une ou deux postures de yoga, le thème est introduit tantôt avec un texte, une image, une chanson ou encore un objet, les enfants sont placés en petits groupes et élaborent une question. Nous procédons à un vote pour savoir sur quelle question nous allons philosopher (par exemple : « qu’est-ce qu’un ami ? », « faut-il toujours dire la vérité ? » ou encore « pourquoi on existe ? »), s’ensuivent des tours de paroles pour explorer le thème retenu. Les enfants sont ensuite invités à faire un dessin qui leur permet d’exprimer par un autre moyen leur expérience.
Métamorphose, qui est votre premier livre, a un incontestable caractère autobiographique. Son intention, écrivez-vous dans son introduction, est « de mettre en lumière les outils auxquels j’ai eu recours, d’en parler avec mes mots, à partir de mon expérience ». En quoi consiste cette démarche et sur quelle expérience de vie vous concernant repose-t-elle ?
Comme je le mentionnais dans le concept de non-directivité de l’approche avec laquelle je travaille comme thérapeute, je crois que chacun connait au fond ce qui est bon pour lui. Il était important pour moi de ne pas arriver avec des conseils ou des recettes magiques. J’ai donc décidé de parler de ce qui a fonctionné pour moi et de faire confiance que chaque lecteur pourrait trouver les outils qui seront bons pour lui, là où il en est rendu de son propre cheminement. C’est d’ailleurs un commentaire que je reçois régulièrement, les lecteurs apprécient de se sentir libres dans leur exploration. Je reste émerveillée de voir comment chaque personne me partage l’élément qui l’a le plus inspiré dans le livre, ce n’est jamais la même chose !
Constatant les impacts des outils découverts au fur et à mesure de ma propre métamorphose, mon entourage, interpellé par ma transformation, m’a sollicitée sur la manière dont j’avais procédé. J’ai donc partagé mon expérience et à mon heureuse surprise j’ai vu ces personnes se transformer à leur tour. Il m’est alors venu à l’esprit de partager cette expérience à un plus grand nombre par le biais d’un livre.
De par son titre, ainsi que l’image du papillon qui illustre sa couverture, votre livre, renvoie vers les idées de changement, d’évolution, de rénovation. Lesquels de ces synonymes reflètent-ils au mieux l’esprit de votre démarche d’écriture ?
Le changement est défini comme suit : action, fait de changer, de modifier quelque chose, passage d’un état à un autre. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, il est bien question de changement dans l’esprit de ma démarche d’écriture.
La rénovation quant à elle signifie remettre à neuf par de profondes transformations, transformation aboutissant à un meilleur état. Il en est question également mais j’emploierais plutôt le terme de restauration. Comme on déblaye des gravats, que l’on découvre des trésors cachés et qu’on les remet en lumière.
Mais sans hésitation, je choisirais « évolution », d’une part, parce qu’il figure dans mes 4 valeurs piliers qui agissent comme une boussole dans ma vie, mon fameux P.A.P.E : Plaisir-Authenticité-Partage-Évolution, et d’autre part, parce que j’aime l’idée d’évolution, plus douce, qui intègre le fait que nous sommes toujours nous, mais dans une version plus épanouie, à l’image de la chenille et du papillon.
Deux autres mots-phares que vous utilisez toujours dans l’Introduction renforce cette idée de journal personnel. Vous parlez d’un « incroyable voyage au cœur de mon être », ainsi que de cheminement. Comment comprendre cette idée de parcours vers et au plus profond de son être intérieur ?
Pour reprendre la métaphore du chantier de restauration, lorsque le travail, le « voyage » commencent, on ne peut imaginer ce qu’on va découvrir. Là d’où je viens, jamais je n’aurais pu imaginer répondre aujourd’hui à cet entretien après avoir écrit un livre ! J’insiste beaucoup sur la notion de cheminement, étape par étape avec patience, courage et confiance. Certes, ce chantier est semé d’embuches, mais quelle joie de découvrir les trésors qui dorment en nous. Dépouillé des croyances limitantes, de l’éducation, des traumatismes, il est alors possible de se connecter à notre être intérieur, de retrouver notre mission de vie et aux joies qui l’accompagnent. La notion et les moyens de connexion à soi, à notre être intérieur est largement explicitée dans le chapitre 2.B du livre.
Il y a ensuite le caractère de guide, genre qui vient soutenir et appuyer l’idée de voyage. Comment définiriez-vous ce genre narratif et quelle importance a-t-il dans la construction de la structure de votre livre ?
Le genre narratif est à la fois autobiographique, ce qui a permis une construction chronologique des étapes nécessaires à la métamorphose, et guide par les outils qui permettent de franchir ces étapes. Dans un souci de partage qui fait partie de mes valeurs piliers et de crédibilité quant à l’efficacité de ces outils de par ma propre expérience, ce genre narratif m’est venu tout naturellement.
Que pouvez-vous nous dire de la structure de votre livre ? Quel est son fil conducteur, et que signifie la phrase que vous mentionnez concernant votre totale liberté qui vous fait dire que « rien n’est figé » ?
Le livre est divisé en 3 sections. Le premier chapitre propose une façon de se préparer à la métamorphose. Le deuxième est consacré à la connexion au corps, à soi, aux autres. Enfin, le dernier chapitre est consacré au passage à l’action et inclut une section qui invite à la prévention et à l’éducation, afin que les citoyens de demain s’épargnent des dérives douloureuses.
En ce qui concerne le fil conducteur, j’ai eu le souci pendant tout le processus d’écriture de rendre les explications simples et efficaces en répondant sans cesse à la question « mais comment fait-on ? ».
C’est pourquoi chaque outil est abordé sous 3 angles :
1-Description de l’outil avec les mots des créateurs et références à leurs sites et ouvrages.
2-Comment l’outil a fonctionné pour moi. Je partage mon expérience avec beaucoup d’authenticité.
3- Des exercices pratiques pour permettre aux lecteurs d’apprivoiser l’outil.
J’aborde dans le livre de nombreux thèmes comme la prise de conscience, le courage, les besoins, la responsabilisation ou comment sortir de la victime et arrêter de subir les événements pour retrouver du pouvoir sur sa vie, l’écoute de soi, de l’autre, l’amour de soi, ce grand incontournable.
Pour répondre à la question de la liberté que je prends d’affirmer que « rien n’est figé », je m’appuie sur la neuroplasticité, les nombreux témoignages de gens qui ont radicalement transformé leurs vies, et sur ma propre expérience. Les chemins neuronaux peuvent être modifiés jusqu’à la fin de notre vie. Je réfère également à la notion de responsabilité, quand on arrête de remettre la responsabilité de notre bonheur à l’extérieur de soi, des possibles jamais imaginés peuvent survenir.
Quant à la richesse de votre ouvrage, je me permets de relever ces trois sources : des situations issues de votre propre vécu ; des informations acquises lors de vos diverses formations et des données glanées au fil d’une riche bibliographie que vous partagez d’ailleurs à la fin de votre livre. Êtes-vous d’accord avec ce schéma, y a-t-il d’autres éléments qui méritent d’être rajoutés ?
J’y ajouterais l’importance des rencontres et des échanges avec toutes les personnes qui m’ont accompagnée pendant les 4 années qui ont précédé la rédaction de ce livre et au cours de son écriture. J’insiste à cette occasion sur la notion de « croissance relationnelle », ce proverbe africain illustre bien mon propos « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».
Revenons, si vous le souhaitez, à l’idée de métamorphose de votre livre. À ce propos, j’aimerais vous interroger sur plusieurs aspects auxquels votre ouvrage conduit. Le premier est celui de l’égo. Au-delà des définitions diverses et variées, vous insistez sur la double signification de ce mot, celle d’unicité (« ce qui fait que je suis moi »), et celle de barrière, de limite à la découverte et au changement de soi (« me détacher de l’emprisonnement de mes pelures identitaires »). Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Je consacre une grande place dans le chapitre de la connexion à son être intérieur à l’ego parce qu’il m’apparait essentiel dans cette quête de connaissance de soi. Agissant tantôt comme une enveloppe identitaire indispensable à la représentation et à la conscience que l’on a de soi-même et qui nous sépare du reste du monde, tantôt, en effet, comme une barrière à la découverte de soi et en cela pouvant entraver notre développement personnel. C’est un équilibre permanent à trouver pour faire la part des choses dans toutes les circonstances qui nous mettent en difficulté pour à la fois conserver une identité nécessaire à la survie sans bloquer l’accès à notre être véritable caché par les pelures identitaires qui à la fois nous sécurisent et nous emprisonnent.
Je terminerais en citant Ram Dass dans son livre Vieillir en pleine conscience « Si nous voulons apprendre de nos ténèbres, si nous voulons qu’elles nous aident à nous renforcer et à guérir, nous devons échapper à la bulle qu’est l’ego pour nous ouvrir à l’immense étendue de l’âme. »
S’ouvrir pour découvrir l’immensité de l’âme me renvoie à votre affirmation sur les limites de l’environnement émotionnel : « Je devais poser des limites pour prendre soin de moi ». Que signifie dans ce contexte « dire oui pour être aimée » ?
« Dire oui pour être aimé », c’est un amour conditionnel que l’on s’impose inconsciemment, c’est penser qu’on ne peut pas être aimée pour ce que l’on est, c’est s’exposer à se perdre. Ce point majeur, sous-tendu par la peur de perdre l’amour de l’autre parce qu’on n’est pas capable de se donner cet amour soi-même, revient régulièrement en thérapie avec les personnes que j’accompagne. Conscient de ce fonctionnement, il est alors nécessaire de commencer par nourrir l’amour de soi qui peut passer par l’identification de ses besoins et poser des limites pour prendre soin de soi en apprenant à dire non.
Autrement dit, il s’agit de faire ce « ménage intérieur » comme opération préliminaire et nécessaire au cheminement vers la métamorphose. Quelles sont dans ce contexte « les techniques de libération des émotions » ?
L’image du terrain à cultiver revient à plusieurs reprises dans le livre. Tout comme on enlèverait des roches ou des mauvaises herbes pour obtenir une terre propice à la création d’un jardin fertile, l’acceptation et le lâcher prise, se libérer du juge intérieur, apprivoiser la vulnérabilité, couper les élastiques du passé, travailler avec les différentes parts de soi et découvrir le pouvoir du pardon ont été, en ce qui me concerne, un préalable incontournable à la métamorphose.
Dans ce contexte on peut parfois faire face à des résistances tenaces nécessitant des techniques plus ciblées sur les émotions telles que l’EFT (Emotional Freedom Technique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ou encore le TRE® (Trauma Releasing Exercices). Je poursuis mes recherches quant à ces techniques qui me paraissent fort utiles dans le cadre de ce « ménage intérieur ».
Vous dites que la question « Qu’est-ce que l’amour » vous fascine. Pourquoi ? Comment y répondez-vous ?
Pour répondre à votre question, j’ai effectué une recherche dans mon livre et j’ai trouvé 153 fois le mot amour. Cela illustre bien la fascination que j’ai pour cette question. Elle est universelle et anime les esprits depuis toujours. Il serait intéressant de savoir combien de pages, de chansons, de films, de discussions traitent du sujet. Pour reprendre les termes d’Eva Illouz dans le hors-série de Philosophie magazine paru en aout 2021, de l’amour « huile invisible qui alimente sans cesse le marché de la consommation » à l’amour inconditionnel, en passant par la dépendance affective, le sujet est vaste et occupe une place majeure dans la vie de l’être humain d’une manière générale. L’amour est fondateur, source de vie lorsqu’il est présent de façon bienveillante, son absence ou l’idée leurrée que l’on peut s’en faire peut être destructrice.
Après avoir expérimenté plusieurs formes d’amour plus ou moins souffrantes, je peux dire aujourd’hui que l’amour est source de joie, de plénitude, de sécurité, qu’il se vit en relation à soi, aux autres et à l’environnement. En ce qui me concerne, l’amour agit comme une boussole et pour reprendre un des exercices que je propose dans le livre, quand survient une difficulté, un questionnement, je me pose la question « que ferait l’amour dans ces circonstances ? », dans la plupart des cas, je retrouve mon chemin.
Il ne faut pas confondre cet amour avec la dépendance affective. Quelles sont les limites de ce type de relations et comment peut-on les éviter ?
Je reprendrais cette phrase de Colette Portelance pour illustrer les limites d’une relation de dépendance affective « Lorsque tu donnes ton pouvoir à l’autre, tu perds ta liberté ». En terme de limites, la dépendance affective peut engendrer la perte d’autonomie, l’oubli de soi jusqu’à la mort psychique dans des circonstances extrêmes. Préalable à la manière de les éviter, il faut d’abord en prendre conscience. Pour se faire, le seuil de tolérance de la souffrance de chacun est déterminant. Quand il est atteint, étape par étape, le travail peut commencer avec patience et détermination pour éviter la répétition du scénario dans une autre relation. Un véritable sevrage pourra s’opérer en passant par l’identification des besoins, la guérison des blessures du passé, la mise en place de mécanismes de protection, l’amour de soi, la responsabilisation pour aller vers une relation d’amour authentique et partagée rétablissant l’équilibre.
Vous mettez à la disposition des lecteurs une riche bibliographie. Quel conseil leur donneriez-vous pour s’y retrouver ?
Je m’intéresse depuis quelques semaines au sujet de l’intuition. Je crois qu’au fond, chacun sait ce qui est bon pour lui. J’ai envie de conseiller aux lecteurs de s’amuser et d’écouter leur petite voix intérieure qui les guidera vers l’outil qui éveille en eux la joie et de s’ouvrir aux signes que celui-ci pourrait mettre sur leur chemin. Certains préfèreront lire, d’autres visionner des vidéos ou encore écouter des podcasts. La bibliographie de Métamorphose, que j’ai intitulée « boite à outils », est découpée par catégories, laissant à chacun le loisir de se diriger vers le support qui lui correspond au moment opportun.
Et pour vous joindre ?
Le partage fait partie de mes « 4 valeurs piliers », c’est la raison pour laquelle j’ai créé différentes façons de me joindre :
Au plaisir d’échanger avec vous autour de la métamorphose !
Propos recueillis par Dan Burcea
Anne-Cécile Hartemann, Métamorphose – Le courage d’aller vers soi, Éditions du CRAM, mai 2021, 246 pages.

Balagan est une histoire juive, une histoire contemporaine de l’allia, l’immigration en Israël. L’allia est un fantasme, la réalité est tout autre. Balagan est un mot hébreu qui veut dire désordre, foutoir, en familier le bordel. Israël est un bordel sans nom pour qui débarque pour y vivre depuis l’ailleurs. Rien n’est organisé, tout dans la débrouille, mais les relations sont directes et les gens sont gentils. Ce roman vrai très proche de la réalité vécue d’une parisienne résolue à l’allia est à conseiller aux aspirants au Retour.
En un style plein de verve, l’autrice conte combien c’est beau et enthousiasmant vu de loin, combien c’est une vitrine de pâtisseries colorées, odorante et appétissantes vu de près, et combien s’insérer est une épreuve initiatique qui n’est pas de tout repos. En premier lieu ne pas rêver mais faire. Apprendre l’hébreu, cette langue artificielle reconstituée au XIXe. La langue seule permet d’appartenir en venant de tous les pays de la diaspora. En attendant, l‘anglais reste un sas d’usage.
En second lieu se faire des amis, ce qui n’est pas trop difficile si l’on s’insère dans des études, à l’armée ou dans un travail, tant les relations sont simples, chacun venant d’ailleurs ou presque. A condition d’être juif, nul ne se sent étranger. C’est un peu comme à New York, où l’on parle toutes les langues et où l’on côtoie toutes les races, sauf qu’en Israël, on est d’abord et avant tout juif. Le mot juif parsème les pages en litanie, l’autrice aimant à le chanter en apprenant la langue juive dans une université juive du pays juif, parmi les Juifs, guidée par Waze un logiciel juif (dit Sandra), conduisant une Mini Cooper (le Cooper automobile serait-il juif ? il n’est pas dans la liste). Un glossaire d’une cinquantaine de mots hébreux qui se dispersent dans le texte est donné à la fin. Qu’il est bon de se sentir « appartenir » !
Israël est le seul pays où les cosmopolites se retrouvent entre eux, formant nation, ce qui est paradoxal et réjouissant. Il y a de tout – mais le tout est juif. Sauf les Arabes israéliens, qui sont citoyens mais pas juifs. D’où l’amertume de Leïla, arabe musulmane israélienne qui ne pourra ni fréquenter ni épouser Jérémie dont elle est tombée amoureuse. Ou les demi-juifs que sont les alias de père juif seulement. Depuis la découverte de l’ADN on sait reconnaître la filiation, mais la Loi mosaïque n’a que faire de la connaissance scientifique : la Loi est la Loi, et seuls les êtres issus de mère juive sont considérés comme juifs aux yeux de la Loi juive. D’où la colère de Noah, de mère bretonne (et catholique) bien que son nom du père soit Epstein et que ses grands-parents paternels aient connus les camps (où il n’y avait que des juifs, comme chacun croit savoir). Et lorsque Noah veut se convertir, rien n’est simple, la conversion n’est pas encouragée et semble-t-il très peu spirituelle : respectez les rites méticuleux de la cacherout et de la décence religieuse et bientôt vous croirez. Soyez comme les Juifs pour devenir juif est une méthode existentialiste ; Sartre disait qu’on n’est juif que dans les yeux des autres.
« Israël est un pays de fou ! » dit Sandra qui ressemble à l’autrice. « Les choses les plus simples peuvent devenir un enfer, et inversement, j’ai souvent de fantastiques surprises ! Bien-sûr les Israéliens m’agacent parfois, et je n’aime pas leur sans-gêne, leur rudesse – mais ils sont si chaleureux et attachants ! On vient en Israël en se disant : je suis juive, pas de problème, c’est ma maison, mon pays ! Et puis on se rend vite compte qu’être juif, c’est une chose, et qu’être israélien, c’en est une autre – et je ne parle même pas des différences culturelles, des Ashkénazes qui ne bronzent pas, qui deviennent rouges comme des homards au moindre rayon de soleil, et qui sont froids comme des carpes farcies… (…) Tout ce qu’on vit en Israël est exacerbé, déraisonnable, c’est le pays de tous les contrastes, les gens sont tous dans l’intensité de l’action et de l’émotion ; ils sont à fleur de peau, ils réagissent au quart de tour – bref : ici, on ne s’ennuie jamais ! » p.109. Tel est le balagan (le e entre parenthèses est-t-il par mode féministe ?).
Pas facile donc de se faire sa place dans un pays compliqué où les plus sectaires comme Elie élevé en Yeshiva se dérident au contact de libertaires comme Rebecca venue des Etats-Unis, où les Arabes discriminés comme Leïla découvrent la chaleur de la fraternité universitaire, où les « vieilles » mères de famille comme Sandra (la quarantaine en alia) retrouvent leur fraîcheur au contact de la jeunesse étudiante. Le talent de l’autrice est de faire cohabiter, se heurter et finalement s’aimer tout ce petit monde le temps de quatre saisons bien marquées. Sans compter les attentats, sporadiques mais inévitables, qui mettent en transes les parents restés en diaspora et les incitent à l’antiécologique week-end transatlantique en avion pour un oui ou pour un non.
Portée par l’enthousiasme de se sentir enfin chez elle dans un pays donné par Dieu à son Peuple élu et ancré dans une Histoire multimillénaire figée dans une Bible, l’autrice en allia offre aux Juifs de la diaspora française qui hésitent à franchir le pas les clés de la maison, et aux étrangers au peuple et à la culture juive comme moi un attachant roman vécu d’aujourd’hui sur ce pays des paradoxes.
Corine Braka, Balagan[e], éditions Maïa 2020, 167 pages, €19.00
Corine Braka, Jérusalem j’aime je commente je partage, 337 pages, Format Kindle €0.99
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com