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Annulation du 38e Marché de la Poésie, lettre ouverte au Préfet de police de Paris

Annulation du Marché de la Poésie : “une grave injustice, [un] véritable fait du prince”

Antoine Oury – 28.10.2020

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Pour la première fois de son histoire, et malgré un report, le Marché de la Poésie n’aura finalement pas eu lieu en 2020. Une année exceptionnelle, bien sûr, bouleversée par la crise sanitaire liée au coronavirus. Mais les organisateurs de l’événement dénoncent, dans une lettre ouverte au Préfet de Paris reproduite ci-dessous, « une incohérence décisionnelle patente », qui dénote « un insupportable mépris pour nos activités ».

Annulation du 38e Marché de la Poésie, lettre ouverte au Préfet de police de Paris

Paris, le 27 octobre 2020

Monsieur le Préfet, 

À l’heure où nous nous décidons de vous écrire, pour la première fois de son histoire, le Marché de la Poésie ne s’est pas tenu. 

Vous avez en effet, Monsieur le Préfet, décidé de vous complaire dans un silence ambigu et de ne pas répondre aux demandes prudentes de la Foire Saint-Sulpice sur la poursuite de ses activités en un lieu ouvert. L’immédiate conséquence de votre mutisme fut l’annulation des événements à venir de cette Foire et, par conséquent, du 38e Marché de la Poésie pour lequel nous avions, dans le strict respect des mesures sanitaires, tout mis en œuvre pour suivre les gestes barrières et maîtriser le flux du public. 

Dans le même temps, vous autorisez que se tienne dans un lieu fermé, en l’occurrence le Carreau du Temple, un Salon intitulé « Les galeristes », dédié à l’art contemporain, ce dont nous nous réjouissons pour ses organisateurs. Mais, ce double régime manifeste une incohérence décisionnelle patente et s’apparente à une grave injustice relevant d’un acte arbitraire sans justification publique, véritable fait du prince. 

Ainsi, alors que les marchés alimentaires sont autorisés, qu’un grand nombre de manifestations sportives ont lieu, de nombreux événements culturels comme le nôtre se voient-ils interdits car la préfecture de police, sous votre autorité, en déciderait seule, arbitrairement. Votre rôle de Préfet n’est-il pas pourtant d’être au service de la République et de ses valeurs, dont les fondements sont « Liberté – Égalité – Fraternité » ? 

Certes, le Marché de la Poésie n’appartient pas au secteur des « industries culturelles ». Il se tient aux côtés d’artisans de la culture qui œuvrent pour la faire vivre sous ses formes les plus modestes, souvent les plus fragiles mais non moins essentielles. Leurs enjeux économiques n’ont pas la même ampleur que ceux des grandes structures. Toutefois, ces artisans de la culture que le Marché de la Poésie défend et promeut ont tout autant le droit que quiconque d’exercer leur métier et de rencontrer leur public. 

En pratiquant cette politique du silence, vous leur avez ôté ce droit citoyen, et le domaine du livre, celui de la petite édition, de l’édition de création et de poésie, en sont les victimes dont vous êtes responsable. Ainsi, ne se sont déroulés cet automne ni le Salon de la Revue, ni le Salon de L’Autre Livre, ni le Salon Page(s), ni le Marché de la Poésie. 

Tous ces artisans dans leur diversité connaissent depuis mars dernier, une année particulièrement difficile. Ces « petites entreprises » culturelles ont elles aussi leur poids économique. De nombreux fournisseurs en dépendent et vous les privez ainsi de revenus.

Vous, Préfet de police de Paris, avez donc enfoncé le dernier clou, donné le coup de grâce à ce corps de manifestations littéraires et artistiques. 

Votre impéritie, Monsieur le Préfet, n’a d’égal que le mutisme des institutions — locales, régionales ou nationales — qui s’exemptent de toute responsabilité, vous laissant en ce domaine la seule capacité d’être ni juste, ni équitable. 

Sans doute avez-vous cru que la flamme de ces derniers jours dans nos démarches pour obtenir quelque explication n’allait faire que peu de fumée et que, tel un feu de paille, elle allait s’éteindre tout aussi vite qu’elle s’était allumée. C’était vous tromper, car, lorsque nous avons appris que certaines manifestations étaient autorisées et d’autres non, sans raisons légitimes, nous avons immédiatement décidé de raviver notre feu de questions et de le rendre public. 

Que le domaine de la poésie, Monsieur le Préfet, vous soit étrange, voire étranger, ne vous donne nullement aucun droit de lui faire subir une inégalité de traitement et de défavoriser ainsi le livre et la culture, comme vous le faites si violemment en l’occurrence. 

Peut-être porterez-vous, Monsieur le Préfet, dans un avenir proche, la responsabilité d’avoir participé à la disparition d’un certain nombre de manifestations dont le dessein ponctuel n’était que de défendre, en toute conscience et respect des contraintes d’aujourd’hui, un univers culturel à taille humaine. 

Nous n’avons d’autre vocation que de porter le mot, la pensée, la parole. De par votre présent exercice du pouvoir de police, vous aurez pratiqué à l’égard du Marché de la Poésie ainsi qu’à celui des éditeurs de création, ce qui ressemble fort à une forme de censure. Vous aurez manifesté par votre silence un insupportable mépris pour nos activités. 

Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, à nos sentiments de la plus grande distanciation sociale.

 Yves Boudier, président,
Vincent Gimeno-Pons, délégué général du Marché de la Poésie
association c/i/r/c/é

« un roman plein de tendresse et de sensibilité qui fait du bien » (Le Petit Roi »)

                                                                                     Le Petit Roi                                                                             

Lecture du moment :
« Le Petit Roi »
d’Emmanuel de Landtsheer
Éditeur : Editions Saint Honoré
Prix : 16,90 €
Paru en Juin 2020

Le Petit Roi, c’est l’histoire d’un enfant qui découvre le monde… avec son regard, sa compréhension, sa quête. Il n’est qu’amour, et découvre ce monde qui l’entoure qui est tout le contraire.

Le Petit Roi est un observateur, il regarde tout, comprend tout.
Mais ce monde des adultes est tellement loin de lui qu’il décide de se mettre en retrait, refuse la parole, et cherche à le comprendre en rentrant dans le cerveau des personnes qu’il croise.
Il se réfugie alors dans son imaginaire, et au fil de ses rencontres se noue d’amitié, découvre l’amour, et se construit ainsi, en parallèle, avec cette conscience qui l’a toujours habité, il est là pour faire quelque chose…
Le Petit roi est un créatif, un pur, qui va chercher à s’inventer sa vie, comprenant petit à petit que les autres lui sont indispensables…

Voici un roman plein de tendresse et de sensibilité qui fait du bien 😌 
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Texte de François de Coincy sur l’euro numérique

L’euro numérique

L’annonce de la BCE résumée par le titre « euro numérique » pourrait sembler trompeuse: il ne s’agit pas d’étudier un nouvel euro qui serait lui numérique puisque l’essentiel des transactions monétaires de notre devise actuelle se fait déjà de manière dématérialisée. L’euro dans sa forme scripturale est numérique mais on souhaite trouver une alternative dématérialisée à  sa forme fiduciaire (les billets et pièces de monnaie).

Si la BCE constate que l’usage du papier monnaie diminue, s’en inquiète et cherche comment le remplacer c’est parce qu’elle pense que ce moyen archaïque de paiement peut être utilisé en secours en cas de cyber-crash du système monétaire.  Prudente, elle ne souhaite pas la disparition du « liquide » dans sa forme actuelle, mais envisage de créer en parallèle du « liquide » sous forme numérique.

La BCE n’indique pas la forme de ces billets numériques; au contraire sa démarche ressemble plus à un appel à projets qui s’il débouchait sur une solution répondant à une série de critères  qu’elle énumère pourrait entraîner sa mise en œuvre. Ces critères semblent relever de la quadrature du cercle quand on demande à la fois de protéger l’anonymat des transactions et de lutter contre la fraude fiscale où quand on demande en même temps d’être simple d’utilisation pour le particulier et à la pointe de la technologie pour la sécurité.

Une des préoccupations de la BCE serait de mettre au point un produit tellement performant sur tous ces critères que les utilisateurs se détourneraient alors de l’euro « ordinaire » (c’est-à-dire celui qui est sous forme de dépôt chez leur banquier)  pour ne vouloir que cet euro « numérique» beaucoup plus sécurisant. En effet l’argent en dépôt dans une banque commerciale n’est garanti que jusqu’à une certaine limite en cas de faillite de la banque, ce qui n’est pas le cas des espèces que nous avons dans un coffre qui sont valables sans limitation de montant. Si un euro numérique fiable voyait le jour, alors leur détenteur aurait les avantages du papier-monnaie sans le risque de se le faire voler.

Cet écart de risque disparaitrait si les banques commerciales n’étaient que les teneurs de compte des euros pour le compte de la BCE. Ainsi l’euro numérique ne serait utilisé que pour son ergonomie et non pour sa sécurité renforcée. Ce serait aussi le moyen de mettre fin au risque d’illiquidité des banques.

Avoir une solution de secours en cas de panne du cyber-système monétaire est une bonne idée, mais si on veut que toute l’économie ne soit pas bloquée il faudra trouver un moyen pour que tous les acteurs puissent, malgré l’arrêt du système, transformer leurs avoirs sous forme scripturale en avoirs sous forme fiduciaire (qu’elle soit numérique ou papier). Cela devrait faire partie de l’appel à projet.

Texte de François de Coincy sur la réforme des retraites

Retraites : La réforme à ne pas faire

Durant les «trente glorieuses » on travaillait 100 000 heures au cours d’une vie. Aujourd’hui un individu en fait moins de 50 000. On avait une durée de vie de moins de 65 ans et aujourd’hui on a plus de 80 ans. Comme en plus on accède au marché de l’emploi de plus en plus tard, le travail par année de vie a presque été divisé par trois.

Que les jeunes ne se plaignent pas qu’ils n’auront pas de retraite si ils ne réclament pas l’augmentation de la durée du travail.

Il faut résister à la tentation de dire que moins on travaille, plus on vit longtemps car jamais la mortalité n’a été aussi faible durant les périodes actives et l’augmentation de la durée de vie porte surtout sur les périodes de retraite. (Il y a clairement eu des effets sur les emplois pénibles, mais sans incidence majeure sur la statistique globale ci-dessus).

Vouloir régler le problème des retraites sans augmenter la durée du travail se traduira nécessairement par une diminution du niveau de vie.

Pour diminuer les déficits, le gouvernement voudrait raboter les retraites de ceux qui bénéficient d’un régime plus favorable en invoquant l’égalité. Il fait d’abord un mauvais calcul, il ne pourra imposer l’égalité qu’en alignant l’ensemble des retraites sur les régimes les plus favorables ce qui augmentera encore les déficits.

Il se trompe ensuite d’objectif : La diversité des différents systèmes de retraites correspond à des histoires différentes, des besoins différents, des accords différents. La retraite fait partie intégrante de la rémunération même si c’est une rémunération différée et certains peuvent choisir des conditions de travail plus difficiles associée à une retraite plus valorisée. L’unicité des régimes de retraite est une diminution de la liberté du travail.

Le gouvernement se trompe de fonction. Le système de retraite devrait être choisi par les travailleurs et uniquement par eux. Le paritarisme patronat/salariés dans la gestion des caisses de retraite (comme dans la gestion des caisses sociales) était une absurdité et l’intervention de l’Etat en est une autre. Le patronat paie le cout du travail (salaires + charges dites patronales) et il n’y a aucune raison qu’il se mêle de la gestion de ces sommes. Sur cette base pourrait se préparer une vraie réforme des retraites. La gestion de ces retraites serait confiée par les salariés à des opérateurs en concurrence pour optimiser les couts de fonctionnement qui pourraient être soit des assureurs soit des syndicats libres si on réussissait  à libérer les syndicats dits « historiques » de leurs privilèges.

Il ne peut être question de transformer notre système où les actifs paient les retraites de leurs ainés par celui, moins sensible aux variations de la démographie, où chacun paie ( et donc épargne)  pour sa retraite future, car il faudrait alors, le temps d’une génération, supporter une double cotisation. Par contre on devrait anticiper les variations futures du rapport actif/retraité en faisant une cotisation spécifique permettant de provisionner la valeur de cette variation.

Si il y a une chose à retirer des propositions d’Emmanuel Macron, c’est bien le calcul de la retraite par un système de points non pour qu’il soit généralisé à l’ensemble des retraités mais pour qu’il serve de mesure des systèmes de retraites. En calculant l’équivalent en  points de chaque régime de retraites quel qu’il soit, chacun pourrait avoir une vraie appréciation de la valeur accumulée par ses cotisations. Il pourrait facilement les transférer dans un autre système, notamment en cas de changement d’employeur, ou par exemple apprécier la valeur d’un nouvel avantage négocié.

Ce système de mesure des retraites en points devra avoir une référence d’âge de prise de retraite, qui pourrait être par exemple de 65 ans, quelle que soit l’âge réel de départ en retraite prévu dans chaque convention spécifique. Ainsi des conventions différentes peuvent être à la disposition des salariés qui s’y retrouveront grâce à leur évaluation en « équivalent points ».

Autant notre milieu économique serait appauvri par l’instauration d’un système de retraite unique autant il serait plus efficace en étant doté d’un outil de mesure commun permettant l’évaluation des droits acquis par nos cotisations.

Argoul sensible à l’immense travail de recherche de l’auteur décrit une « évocation captivante » de Martin Akmada

 

Préambule de Guilaine Depis :
Passons outre la bassesse d’un critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee.
Un journaliste comme un blogueur, même pas payé pour passer du temps à lire un livre, a certes le droit d’en écrire ce qu’il veut. Si on veut uniquement des articles positifs, il faut mettre son argent dans l’achat d’encarts publicitaires, là on peut y écrire ce qu’on veut, c’est beaucoup plus sûr que d’engager une attachée de presse qui ignore quand elle envoie le livre si le journaliste ou blogueur en écrira du bien ou du mal.
C’est impossible à savoir avant d’avoir lu, même pour le journaliste ou le critique.
Toutefois, je ne peux qu’être consternée de lire comme une « vengeance » politique un article récent d’Argoul, blogueur de centre droit, allergique au combat humaniste de mon auteur Pablo Daniel Magee, dont la passion de la vérité a motivé la démarche de défricheur du plan Condor. 
Les faits sont têtus ; et si cela ne fait nul doute que Pablo Daniel Magee est animé de bons sentiments (d’ailleurs la planète serait davantage paisible et juste si elle était peuplée de davantage de gens comme lui ; ce n’est quand même pas un crime d’être animé de bons sentiments, n’inversons pas la culpabilité entre les tortionnaires et les idéalistes !), ce qu’il écrit est avéré, prouvé, officiel à un point tel que plusieurs universités du monde entier sont en train de commander son livre et de le considérer comme « thèse d’histoire ».
S’il y a bien un chercheur sérieux (je l’ai rencontré, et son souci des détails et de la rigueur des faits m’a fortement impressionnée), animé par l’exigence de la vérité historique, c’est bien Pablo Daniel Magee, qui a réalisé en 2020 et comme pionnier un livre majeur sur la torture en Amérique latine, équivalent de toute la littérature concentrationnaire sur notre continent.
Il y a eu des négationnistes sur la Shoah. J’espère qu’il n’y en aura pas sur la torture infligée aux opposants de l’Amérique latine durant la Guerre froide.
C’est parce que le critique littéraire Argoul a osé railler avec des termes grossiers qui font mal l’ignominie de ces comportements des dictateurs, a osé douter de l’implication de l’administration Kissinger, que je mesure davantage encore la tâche qui m’incombe de faire connaître et lire ce livre admirable, de militer pour la mémoire et le rétablissement de la vérité.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de Nuremberg en Amérique latine que la torture n’a pas existé ; les archives découvertes par Martin Almada sont éloquentes.
Par la plume de Pablo Daniel Magee, enfin ce travail émerge ; il est de notre devoir d’humains, si nous sommes des Hommes (Primo Levi) de nous en souvenir afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.
Les temps sont troublés, « Opération Condor » doit nourrir notre réflexion sur ce qui nous menace.
Voilà un aspect essentiel du livre, le plus important pour l’humanité et les générations futures, mais on y prend surtout un plaisir immense de lecture, car c’est aussi un roman qui nous révèle plusieurs secrets insolites et méconnus. La plume est admirable, et cela même Argoul, l’admet. Passons outre la bassesse de ce critique vulgaire et politiquement hostile et hâtons-nous de plonger dans le travail élevé et digne de Pablo Daniel Magee. Guilaine Depis

Ce livre est un « roman vrai » et raconte l’histoire de Martin Almada, rencontré en mai 2010 lors d’une mission au Paraguay pour l’ONG Graines d’énergies par un journaliste français d’alors 25 ans formé à Londres. Martin jouait pieds nus à 6 ans dans la boue avec les petits indiens Chamacoco de Puerto Sastre. Il aimait l’école et apprendre, vendant les beignets de sa grand-mère aux lycéens avant d’écouter les cours sous leurs fenêtres puis de réussir des études. Il deviendra le premier docteur (en sciences de l’éducation) du Paraguay, formé à l’université nationale de La Plata en Argentine à 37 ans. Mais il reste du peuple, axé vers la pédagogie, seul moyen de sortir de l’esclavage moderne des patrons et des militaires.

Ce sera son chemin de croix. Contestataire marxiste version Fidel Castro, qu’il rencontrera tard dans sa vie, il éduque ses enfants et ses élèves à l’esprit critique dans le meilleur des Lumières. Il fonde une école, l’institut Juan Baustista Alberdi à San Lorenzo, dont la pédagogie conduit la plupart de ses élèves au bac. Il poursuit ses études de droit et devient avocat en 1968, à 31 ans. Mais il évite le dictateur Alfredo Stroessner, omniprésent président depuis 1954 de ce petit Etat enclavé du Paraguay, et le titre de sa thèse sur l’éducation dans son pays le fera soupçonner de « communisme ». Or on ne badine pas avec cette peste rouge depuis l’arrivée au pouvoir sans aide extérieure de Castro à Cuba. Les Etats-Unis mettent en place en 1975 un cordon sanitaire idéologique, financier et militaire pour contenir la gangrène. C’est l’opération Condor qui vise, sous l’égide de la CIA, à coordonner les renseignements de six Etats latino-américains dictatoriaux : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay.

Alfredo Stroessner a utilisé Condor à des fins de politique intérieure pour faire arrêter et torturer ses opposants. Le dictateur a été élu et réélu sans qu’aucun citoyen ni aucun intellectuel ne s’en émeuve vraiment, sauf ceux de l’extérieur qui voulaient imiter Che Guevara. Seul ou presque, Martin Almada a fait front.

Ce roman se lit très bien. Martin Almada sera arrêté, torturé un mois puis détenu trois ans dans les prisons et les camps de Stroessner avant d’être libéré en 1977 sur pression d’Amnesty International et alors que le monde change. Le Mur communiste va bientôt tomber en révélant la face sombre du communisme : une « vérité » révélée qui ne supporte pas qu’on la contre. Martin s’établira au Panama puis en France à Paname, où il travaillera pour l’UNESCO. Lorsqu’il pourra revenir au Paraguay, une fois le dictateur renversé, ce sera pour découvrir en 1992 cinq tonnes d’archives de la terreur, enterrées sous un bunker de la dictature, et les révéler au public. 

Le concept de Condor a toujours obsédé Martin Almada et l’a poussé à en savoir plus, à recouper les informations de la revue de la police, à interroger des témoins ou à recueillir des confidences. Pour son combat pour les libertés, il reçoit en 2002 le prix Nobel altermondialiste, le Right Livelihood Award fondé en 1980 pour récompenser ceux qui trouvent des solutions concrètes aux défis écologiques, d’éducation et de justice dans notre monde.

Au total, une évocation captivante qui romance la geste peu connue de Martin Almada, humble demi indien du Paraguay, sur les années sombres de la lutte anticommuniste durant la guerre froide.

Pablo Daniel Magee, Opération Condor – Un homme face à la terreur en Amérique latine, 2020, préface de Costa Gavras, édition Saint-Simon, 377 pages, 22.00 €

Pierre Ménat dans Le Point par Emmanuel Berretta

Un nouveau traité européen, pourquoi pas ?

Telle est la proposition de Pierre Ménat, ancien diplomate et conseiller de Jacques Chirac, qui publie « Dix Questions sur l’Europe post-covidienne. »

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Modifié le – Publié le | Le Point.fr

Entre les éructations d’Erdogan et la crainte d’un reconfinement, y a-t-il encore de la place pour la réflexion européenne ? C’est parce que nous le croyons que le livre de Pierre Ménat Dix Questions sur l’Europepost-covidienne (L’Harmattan, 97 pages) mérite d’être lu. Cet ancien conseiller aux affaires européennes du président Chirac pose 10 questions « entre défiance et puissance » (tel est le sous-titre) au moment où tous se demandent si l’Europe est capable tout à la fois de protéger les Européens, de bâtir des stratégies industrielles, de défendre une monnaie forte face au dollar, de contrer le retour des grands empires ou s’il ne vaudrait pas mieux revenir au « chacun chez soi »…

Pierre Ménat propose, in fine, un nouveau traité. On entend déjà les sceptiques s’indigner d’un nouveau transfert de souveraineté. La source d’inspiration de ce diplomate retraité est puisée dans l’œuvre inachevée d’un grand homme : le général de Gaulle, promoteur d’un plan Fouchet mort-né. On ne fera pas de l’Europe une puissance respectée et respectable sans se choisir des partenaires fiables et susceptibles d’affirmer une position dans le monde.

Le retour du plan Fouchet

Revenons donc à la source : le général de Gaulle distinguait nettement le marché commun de la souveraineté en matière de défense et de politique étrangère. Il jugeait du reste la seconde plus impérieuse que le premier. Le plan Fouchet a été rejeté au début des années 1960, car, comme le rappelle Pierre Ménat, les Belges et les Néerlandais ne le trouvaient pas assez atlantiste et souhaitaient y inclure le Royaume-Uni. Ils redoutaient l’hégémonie de la France, surtout entre les mains du général…

Or, Pierre Ménat fait l’inventaire des obstacles révolus : le Royaume-Uni est entré, puis sorti de l’Union ; les États-Unis se désengagent ou le prétendent de la sécurité européenne ; le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, créé dans les années 1970, a pris un essor considérable, conformément à ce que souhaitait de Gaulle… L’auteur y voit donc une opportunité : « Rassembler, écrit-il, ceux des États européens qui auraient la volonté de s’engager dans une Union étroite mais respectueuse des identités nationales. Mettre sur pied un Conseil de sécurité européen, indépendant des institutions de l’UE, qui traiterait des affaires étrangères et de la défense, mais qui pourrait élargir son action à d’autres domaines non couverts, ou insuffisamment, par les traités actuels, comme la santé, la culture ou la recherche. Bien entendu, un lien s’établirait entre cette Union politique et l’Union européenne. »

Josep Borrell, vaillant mais peu écouté

D’abord, on notera que la Commission et le Parlement n’en sont pas. Les institutions de l’UE ont été édifiées un peu au petit bonheur la chance des ouvertures politiques en ratant plusieurs fois le coche de l’approfondissement au moment des élargissements successifs. On se retrouve au bout du compte avec un ensemble qui poursuit plusieurs logiques sans jamais les rattraper : un bout de fédéralisme par-ci, un morceau de confédération par-là, une couche d’organisation internationale qui n’accueillerait pas seulement ses membres à part entière mais en associerait d’autres (Suisse, Norvège…) selon les compétences, les terrains de jeu… L’architecte de l’Europe n’existe pas. Ou plutôt, ils sont plusieurs, ont vécu à plusieurs époques, sous l’influence de divers courants. Imaginons une cathédrale commencée au XIe siècle, poursuivit dans le style Bauhaus, retouchée par Le Corbusier et dont l’emballage final aurait été confié à Christo et vous aurez une image assez exacte du monument européen. Pierre Ménat sollicite donc un dernier coup de main : celui du général de Gaulle pour achever l’Europe politique. Il faudrait aussi décider du sort de l’Otan, dont la Turquie est membre, ce qui laisse songeur… Là, l’auteur ne tranche pas.

Il existe bien cependant un « haut représentant pour les Affaires extérieures » au sein de l’UE. Il a même statut de vice-président de la Commission et jouit d’une administration volumineuse. Depuis que l’Espagnol Josep Borrell occupe le poste avec l’instauration de la Commission von der Leyen, le Catalan ne manie pas la langue de bois, mais, pour son plus grand malheur, il ne dispose que d’une épée… de bois. Ses analyses sont fameuses, mais ses moyens d’action inexistants. Appeler à des cessez-le-feu sans être en mesure de faire peser la moindre menace sur les belligérants est un exercice déprimant dont Josep Borrell s’acquitte non sans une certaine abnégation. Quand il ne dit rien, on enrage de l’impuissance de l’Europe. Quand il parle, on se moque de son impuissance à être écouté des puissants.

À quoi va servir la Conférence sur l’avenir de l’Europe ?

Pour faire cesser cette comédie, Pierre Ménat propose donc de passer aux choses sérieuses : quelques États européens – et pas les 27 – sautent le pas d’une vraie politique étrangère commune. Ce Conseil de sécurité serait composé idéalement de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Pologne et… du Royaume-Uni. Londres, en effet, ne serait pas obligé de réadhérer à l’UE puisque ce traité serait indépendant des institutions. Angela Merkel avait formulé l’idée d’un Conseil de sécurité, mais elle le situait au sein de l’UE avec des membres tournants. Tant que la règle de l’unanimité demeurera, l’UE ne sera jamais à l’abri d’une prise d’otage par l’un des siens pour obtenir gain de cause sur un tout autre sujet. Pour passer cet obstacle, un nouveau traité de défense qui ne regrouperait que les États vraiment motivés.

« On objectera qu’il serait vain de créer une structure supplémentaire alors qu’il en existe déjà tant. Mais face aux immenses enjeux de la souveraineté européenne, qui peut prétendre que les structures actuelles sont adaptées ? Il faut donc essayer, le jeu en vaut la chandelle », conclut l’auteur. Le seul dirigeant capable de porter ce projet est par définition français : en l’occurrence, Emmanuel Macron ou la personne qui lui succédera. Macron reprendra-t-il le flambeau tombé à terre du général de Gaulle ? Et qui trouvera-t-il à Berlin, Londres, Rome, Madrid ou Varsovie pour l’aider dans cette entreprise jadis gâchée… La Conférence sur l’avenir de l’Europe qui doit, en principe (sauf reconfinement général), s’ouvrir avant la fin de cette année et s’étaler jusqu’au printemps 2022 est le lieu pour débattre et trancher cette immense question. Osera-t-on, à la fin, en cas de nouveau traité, quel qu’il soit, faire voter les peuples ? Difficile d’imaginer que l’Europe puisse se passer de cette assise populaire pour se projeter avec force dans les grands défis du siècle. Il faudrait accepter que ceux qui n’en voudront pas s’écartent pour laisser passer les autres.

Dix Questions sur l’Europe post-covidienne, Entre défiance et puissance, de Pierre Ménat, L’Harmattan, éditions Pepper

Christian de Moliner réagit sur Causeur à la décapitation de Samuel Paty

Après Conflans-Sainte-Honorine, la menace de l’escalade