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Paul Sunderland a aimé « Tantièmes » de Jean-Pierre Noté dans « Mauvaise nouvelle »

Tantièmes, un monde sanspuss

Tantièmes, un monde sanspuss

Par Paul Sunderland 

Tantièmes, un monde sanspuss, de Jean-Pierre Noté (2021, Az’Art atelier éditions)

On pourrait considérer la futurologie comme une sorte de voyance à prétentions scientifiques. Le fait est que, depuis quelques années, cet exercice se multiplie au point de rejoindre, dans la quantité de ses projections, ce qu’on appelle par ailleurs la fiction spéculative (désignée aussi, peut-être de manière un peu trop restreinte, comme science-fiction).

Mais depuis un certain temps, les approches d’un côté strictement scientifique et de l’autre strictement imaginaire ont tendance à vouloir fusionner, ce qui donne lieu à une littérature d’un certain point de vue terrifiante car tendant de plus en plus à l’immédiateté des intrigues et enjeux. C’est de là que nous partons et c’est là que nous arrivons lorsque nous avons sous les yeux le très bon et très dérangeant roman Jean-Pierre Noté. Comme dit l’autre (fut-ce Maurice G. Dantec ?), la science-fiction, c’est la littérature du réel. Ici, la spéculation se tient au bord de l’abîme auquel nous sentons de plus en plus ne pas pouvoir échapper. Tantièmes relate la prise de contrôle non étatique de l’humanité, ni plus ni moins. Contrôle intellectuel, comportemental, tout ce que vous voulez. L’accès à la maîtrise du monde (vieille lune de la littérature populaire mais ici, nouvelle lune) se fait par le développement d’une intelligence artificielle (tiens donc) omniprésente et conjuguée à l’absence totale de scrupules de la part de ses concepteurs.

Le contrôle se fait par la langue : Jean-Pierre Noté a parfaitement compris la puissance géopolitique de l’idiome avili par un Etat en faillite morale suffisamment avancée (n’ayons pas peur de préciser que la chose a lieu dans la France d’un jeune président) pour vendre, ni plus ni moins, son Académie à des intérêts privés ou plus exactement, aux intérêts privés d’un homme dont le portrait physique se tient à mi-chemin entre le patron d’Amazon et l’ennemi juré de Superman, Lex Luthor.

C’est précisément là que l’écart se resserre entre le futurologue et l’écrivain : la chute des Etats, des institutions séculaires, leur remplacement par des algorithmes gestionnaires de citoyennetés sont au coin de la rue, peut-être même déjà en cours. Que l’intrigue de Tantièmes ait une fin heureuse ou qu’elle n’en ait pas, c’est au lecteur, individuellement, d’en décider (et ça évite de dévoiler la fin). Personnellement, je me rallie à l’idée venue du fond des âges que la somme des désordres contribue à un ordre plus grand, mais en ajoutant de suite qu’en ce moment, je comprends tout à fait que nous ayons un peu de mal à voir les applications concrètes de cette sapience.

C’est bien l’intérêt de ce roman où, en définitive, nous lisons l’histoire de notre abdication malgré les efforts de protagonistes plus ou moins éveillés (ou réveillés) selon le cas. C’est à vérifier, mais je pense que Jean-Pierre Noté, peut-être plus pessimiste que moi, nous invite à comprendre, par le biais de Tantièmes, que nous ne courons pas à la catastrophe parce que celle-ci, en fait, a déjà eu lieu. Et toutes les fins heureuses possibles et imaginables de la littérature n’y changeront rien.

https://guilaine-depis.com/tantiemes-un-monde-sanspuss-un-roman-melant-lintelligence-artificielle-et-la-langue-de-jean-pierre-note/

Rapporteuses a assisté à la soirée avec Romain Kroës et Jean-Pierre Noté, merci à Sarah Foucher

Faut-il avoir peur de ChatGPT ? C’est autour de cette question que se sont réunis quelques perplexes ce 31 mai, au légendaire Hôtel La Louisiane au cœur de St-Germain-des-Prés dans le 6ème arrondissement de Paris.  

C’est dans une petite salle du premier étage que Guilaine Depis, avec la complicité du gérant de l’Hôtel Xavier Blanchot, à l’habitude d’organiser des soirées de réflexion autour d’un sujet qui fait débat. La soirée est ouverte à tous les curieux et ce mercredi soir, l’attachée de presse a réuni deux de ses auteurs afin de croiser leurs points de vue sur l’impact de ChatGPT, l’intelligence artificielle récemment développée par Open AI. 

« Les robots ne remplaceront pas le travail humain »

Pour ouvrir le débat Guilaine Depis a introduit Romain Kroës, ancien commandant de bord, instructeur, économiste, et écrivain (rien que ça !), qui a traité de la question de l’Intelligence Artificielle dans une partie de son dernier ouvrage Surchauffe, L’inflation ou l’enflure économiste paru en février dernier aux éditions Libre & Solidaire. Dans le chapitre 2, celui-ci nous rassure : non, les robots ne remplaceront pas le travail humain, mais selon lui dans une déclaration à Marc Alpozo pour Entreprendre: « nous aurons beaucoup de mal à nous en libérer et, si nous y parvenons, elle aura quand-même fait beaucoup de dégâts. À commencer non par « la fin du travail », mais par son dépérissement qui peut signifier la fin de tout progrès ».

Autre invité, le toulousain (et non Belge comme l’indiquait faussement ChatGPT lorsqu’il lui avait demandé des informations sur lui-même), Jean Pierre Noté, écrivain et ancien consultant de l’industrie spatiale. Comparé à George Orwell, il a publié en juin 2021 Tantième, un monde sanspuss qui met en scène Aline, une business woman déterminée à posséder l’Académie Française avec pour projet de privatiser les langues grâce à une Intelligence Artificielle. Un thriller numérique qui est devenu un véritable roman d’anticipation puisque quelques mois plus tard sortait le projet secret de OpenAI.

Surchauffes - L'inflation ou l'enflure économiste par Romain Kroës paru en février 2023 aux éditions Libre & Solidaire

Surchauffes – L’inflation ou l’enflure économiste par Romain Kroës paru en février 2023 aux éditions Libre & Solidaire © images.epagine.fr

Tantièmes, Un monde sanspuss de Jean-Pierre Noté paru à l'été 2021 aux éditions AZ’art Atelier

Tantièmes, Un monde sanspuss de Jean-Pierre Noté paru à l’été 2021 aux éditions AZ’art Atelier © azartatelier-editions.com

“Il faut surtout avoir peur des gens qui y croient”

L’apparition de ChatGPT en novembre 2022 aura amusé, effrayé et fait couler beaucoup d’encre sur ses apports, ses limites et ses réelles utilités. Beaucoup critiqué pour la fiabilité des informations et le manque de citation de ses sources, l’IA reste un outil dont les capacités de mémorisation sont impressionnantes. La confrontation des idées développées et les discussions allant parfois jusqu’au chahut, ont mis en avant une réalité :  la dangerosité de ChatGPT ne résiderait pas forcément dans sa conception, mais surtout dans sa réception. Selon Romain Kroës : “Il faut surtout avoir peur des gens qui y croient”.  À l’inverse pour Jean-Pierre Noté cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas se méfier des raisons de sa création et de son utilisation, mais que cette IA peut s’avérer être un bon apport à qui sait s’en servir intelligemment. Et comme à chaque invention où l’Homme se sent dépassé par l’objet qu’il crée lui-même, se développe une peur d’être remplacé et de ne plus être l’Intelligence suprême dotée de raison. A l’époque de Gutenberg, l’invention de l’imprimerie était une révolution, qui inquiétait aussi sur l’avenir de l’impression et du devenir du métier de script. L’important est de comprendre que face à une telle innovation, le challenge sera d’éduquer et de sensibiliser les prochaines générations. La robotisation ne rendra pas l’humain plus stupide, mais le poussera à faire encore plus d’efforts de réflexions et de vérifications sur les informations qui lui seront communiqués. Comme le disait Lénine “La confiance n’exclut pas le contrôle”.

La soirée a réussi à mettre tout le monde d’accord sur un point, oui ChatGPT est une réelle innovation, mais personne n’a pu répondre objectivement à la question “Faut-il avoir peur de ChatGPT ?”, car finalement rien ne remplace l’échange humain, l’expérience des uns et le partage de réflexions.