Catherine Deneuve lit Bonjour tristesse de Françoise Sagan
Prologue : Bertrand Poirot-Delpech – Texte intégral – 3 CD – Durée totale : 157′ – Enregistrement réalisé en 1986
Françoise Sagan a dix-huit ans au printemps 1954 lorsqu’elle écrit Bonjour tristesse, qui lui vaut le prix des Critiques et fait d’elle l’enfant terrible des années 60.
Message personnel par Catherine Deneuve (dans Le Nouvel Observateur, janvier 1987 )
Bonjour tristesse est la seconde cassette que j’ai enregistrée. La première, c’était Les Petits Chevaux de Tarquinia, que Marguerite Duras avait adapté spécialement pour une lecture à haute voix. Le côté très narratif m’avait fait penser à Antonioni, à cette lenteur inexorable des choses de la nature… J’ai eu un plaisir fou à lire Sagan. Je souriais souvent en la lisant. Sans doute parce que tout m’attendrissait, le côté Saint-Tropez, Jaguar et pieds nus, bref, les images des années 60, et des années Sagan, précisément. C’est un texte qui n’a pas vieilli, toujours aussi juste, exact, avec cette simplicité qui vous donne du plaisir. Pour moi, les deux livres – Les Petits Chevaux et Bonjour Tristesse – sont des livres cinématographiques, enfin je veux dire par là qu’ils s’approchent, dans leur ton et par leurs descriptions, davantage du cinéma que du théâtre. Mais en même temps le travail que l’on me demandait ressemblait un peu à celui qu’exige le théâtre. Et, on le sait, le théâtre est quelque chose qui me fait peur et qui m’attire. Alors ça m’enchantait, ce travail-là, c’était comme une manière d’apprivoiser le démon.
Enregistrer un texte, pour moi, c’est un exercice entre le sprint et la course de fond. Il faut se lancer. On lit d’une seule traite, comme s’il s’agissait d’une représentation. Tout doit passer par la voix. Je suis très sensible aux voix, elles évoquent des visages, ce sont des formes magiques, elles portent un message personnel. Grâce aux voix, l’intimité passe entre le lecteur et l’auditeur…
Le texte, il faut qu’il me parle à l’oreille, à l’oreille interne. Comme les mots de Sagan. Pour Bonjour Tristesse, j’ai pris des notes. Je voulais jouer plat, trouver un rythme, travailler les dialogues. Je relisais souvent des passages mais je ne les apprenais pas par coeur. Je n’avais pas le livre en mémoire, j’avais envie plutôt d’être empoignée par lui. Il y a encore une chose que je voudrais dire : lire de cette façon, ça me donne envie d’écrire. Il faut que je passe à l’acte, il le faut.
Le Nouvel Observateur, janvier 1987