Livre : La Guerre de France, de Christian de Moliner
Christian de Moliner, les lecteurs de Boulevard Voltairevous connaissent bien à travers vos chroniques, notamment économiques, et vous venez de publier, chez Pierre-Guillaume de Roux, un roman, La Guerre de France, dans lequel vous racontez la guerre civile entre islamistes et nationalistes qui déchirerait notre pays en 20… en quelle année, selon vous ?
Selon moi, elle a déjà commencé. L’attentat du Bataclan marque le début de cette guerre civile ethnique et religieuse. Les événements que je décris se déroulent entre 2035 et 2040. Dans mon récit, la crise actuelle s’est amplifiée. Aux attentats d’extrémistes musulmans se rajoutent des représailles sanglantes de nationalistes. Ceux-ci assassinent des civils musulmans dans la rue. J’ai pris pour modèle la guerre d’Algérie où, au sein de chaque communauté, des terroristes s’efforçaient de tuer le maximum d’innocents appartenant à l’autre camp.
La question de la partition de notre territoire est évidemment au cœur de votre roman. Annoncez-vous la fin de la France ?
Quelle France ? Celle qui a existé jusqu’en 1970 et qui n’évoluait que très lentement est morte en quatre décennies. Il y a peu de rapports entre notre pays actuel et celui de Charles de Gaulle. Le Général serait horrifié, sans doute, s’il revenait à la vie, mais nous ne pourrons jamais retourner en arrière, sauf si une dictature sanglante se mettait en place et ordonnait des expulsions massives. Je redoute une telle dérive, car le prix humain à payer serait alors terrifiant.
Mon thriller décrit une des solutions possibles : donner l’indépendance aux enclaves musulmanes en échange de la création d’une zone autonome où aucun fidèle du prophète n’aurait le droit de résider. Un début de séparation ethnique qui permettrait de « préserver » la France de toujours dans une fraction de l’Hexagone. Mais cette solution est raciste et elle ne serait acceptable que dans le cas où, comme dans mon livre, la France est en plein chaos.
L’idéal, bien sûr, serait l’intégration des musulmans dans un modèle laïque, où les communautés coexisteraient sans tensions et où aucun culte ne serait privilégié. Cette « fusion » harmonieuse semble malheureusement impossible et les fidèles rigoristes (un tiers des musulmans) s’éloignent de plus en plus de leurs compatriotes athées, chrétiens et juifs ou même des croyants modérés.
Autre solution : une soumission à la Houellebecq. Dans ce scénario, nous finirions par donner les clés du pouvoir aux musulmans (pourtant minoritaires), qui nous « octroieraient » un statut de dhimmitude. Malheureusement, la politique actuelle favorise cette option, car nous réagissons de plus en plus mollement aux empiétements de l’islam dans la vie courante. Dans ce cas, nous assisterions à la fin définitive de la France. Nous devrions même, en principe, changer de nom, car la nouvelle entité n’aurait plus rien à voir avec l’ancienne.
Cette guerre civile est-elle encore évitable ? Si oui, comment ?
Le nombre de musulmans ne cesse d’augmenter. En face, les nationalistes se renforcent d’année en année. Ils rejetteront de plus en plus l’islam (au point de frôler le racisme) et pourraient être tentés par la lutte armée, surtout si les attentats sanglants reprennent. Et il suffit, parfois, d’une atrocité pour basculer en quelques jours dans l’horreur. Le FLN, en 1955, était sur la défensive et le mouvement indépendantiste s’essoufflait. Le conflit était de basse intensité. Les massacres effroyables de femmes et d’enfants européens à Philippeville ont entraîné des représailles sans nuances qui ont révolté la majorité des musulmans algériens : ils sont passé du côté du FLN. Enfin, le pire n’est jamais sûr.
Votre héroïne porte un patronyme arabe et est née d’un père européen. Est-ce qu’au fond, votre livre ne pose pas à la fois la question de l’identité individuelle, familiale et celle de l’identité nationale ?
Si ! Djamila est entièrement « assimilée ». Quand on le lui demande, elle ne peut même pas dire si elle est musulmane ou athée. Elle est française à la mode Zemmour, même si son prénom est arabe. Elle n’adhère, en fait, à aucun culte, comme beaucoup de nos compatriotes dont les ancêtres étaient chrétiens ou juifs. L’identité nationale représente nos valeurs communes : respect de la loi, celui de toutes les religions sans exclusive, de la démocratie, du droit de vote. Mais elle se heurte frontalement avec l’islam des intégristes.
Et pour conclure ?
« La guerre de France » est inévitable et a déjà commencé. Elle est actuellement assoupie, mais elle risque de reprendre à tout moment et de s’aggraver, et j’ai donné les diverses façons d’y mettre fin. Cela dit, mon roman est avant tout un thriller que j’ai essayé de rendre palpitant et j’espère que je ferai passer un bon moment à mes lecteurs !
Propos recueillis par Georges Michel