Le magazine papier Question de philo met à l’honneur Benjamin Stevens
Catégorie : ACTU Benjamin Stevens et Rafik Benhammou (APILI)
La méthode APILI la seule efficace pour apprendre à lire avec humour par le syllabique
Méthode Apili pour mieux apprendre
Le PISA 2022, publié le 5 décembre est catastrophique pour la France. Les élèves de 15 ans sont plus nuls que les autres, et ont baissé encore plus que les autres durant le au Covid : 26e en maths, 26e en sciences, 28e en compréhension de l’écrit !
C’est bien « le système » qui est en cause, le « mammouth » administratif, et pas seulement les inégalités sociales. La baisse de performances entre 2018 et 2022 a touché à peu près également les élèves issus de milieux favorisés et les élèves issus de milieux défavorisés. Quant aux immigrés, accusés de tous les maux par phénomène classique de bouc émissaire (trop commode pour éviter de se poser des questions sur soi), l’écart de performances en maths n’est que de 17% en France contre 27% aux Pays-Bas, 28 % au Danemark ou 32% en Allemagne.
La cause en est manifestement le bordel en classe et l’inertie je-m’en-foutiste du « système » éducatif (ministère, rectorat, administration, syndicats – et bon nombre de profs égarés dans ce métier « choisi » par défaut, pour son confort d’État). Au Japon, seulement 4% des élèves disent être dérangés par des camarades qui utilisent leur téléphone portable ou un autre appareil durant les cours – contre 27% en France ! Les profs, découragés par l’administration qui garde une attitude méfiante et défensive (voir les « circulaires » de rectorat pour les parents qui accusent le collège de ne rien faire contre le harcèlement de leur enfant).
Les parents sont peu impliqués dans les efforts ou les progrès des apprentissages. Aucun tutorat par les pairs n’est instauré, ni de travail en équipe. C’est le chacun pour soi et – de toute façon – le bac pour tous dans un prurit exacerbé d’égalité. Inutile de faire des efforts, profs, le « système » conduira toute la classe d’âge où elle devrait être – et tant pis si elle se plante à l’université, dans les écoles ou dans les entreprises : pas son problème ! Autant dire que les initiatives d’enseignants ne sont pas valorisées, et même découragées pour « ne pas faire de vagues ». L’OCDE note dans son rapport PISA que « dans l’ensemble, ces résultats indiquent que les systèmes scolaires très performants accordent plus de responsabilités aux directeurs d’école et aux enseignants », même si la causalité statistique n’a pas été recherchée avec la réussite éducative.
Dès lors, que faire ?
Évidemment de la discipline au collège, mais en commençant par la société où violer la loi est beaucoup moins grave que violer quelqu’un, n’incitant pas au respect des règles.
Ensuite commencer par la petite enfance, où le principal se joue dans la compréhension de l’écrit comme des nombres. Là, c’est le rôle des parents de s’impliquer : pour ma part, c’est ma mère qui m’a appris à lire en mat sup, à 4 ans. Quant à moi, j’ai raconté beaucoup d’histoire au Gamin avant de s’endormir : cela lui a donné envie de lire pour connaître la suite et relier les images au texte.
Les éditions Liberté présentent une méthode en lecture et une autre en calcul pour apprendre dès 5 ou 6 ans : la méthode Apili. L’orthophoniste Benjamin Stevens applique une pédagogie basée sur l’humour, qui permet d’améliorer l’attention, donc la motivation et la mémorisation tout en diminuant le stress de ne pas être comme les autres si l’on suit moins bien. Trois formes de mémoire sont utilisées pour les nombres : visuelle, auditive, kinesthésique – l’illustration visuelle, les phrases qui la décrivent, les gestes qui vont avec.
L’auteur est un orthophoniste belge qui vit en France et qui a deux enfants.
« En tant que parent, vous êtes guidé par des conseils de pro tout au long de l’apprentissage : comment expliquer les histoires qui accompagnent les lettres, quelle intonation utiliser, quand féliciter votre enfant et passer au niveau supérieur. »
Ou comment apporter la confiance. Indispensable.
Benjamin Stevens, Tables de multiplication Apili: Apprendre les tables grâce à l’humour et aux différents canaux de mémorisation, 2023, éditions Liberté, 88 pages, €19,90
Benjamin Stevens, Apili : apprendre à lire grâce à l’humour – méthode de lecture syllabique recommandée dès 5 ans – conforme au programme scolaire – GS/CP- avec conseils pour les parents/enseignants/orthophonistes, 2021, éditions Liberté, 176 pages, €25,90, e-book Kindle €9,99
Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com
Interview de fond sur l’Education nationale et le syllabique par Benjamin Stevens, fondateur de Apili
Faut-il revenir à la méthode syllabique à l’école ?
Benjamin Stevens est belge et orthophoniste de métier. Il est aussi l’inventeur dans son pays d’une méthode syllabique qui se vend très bien. Remettant une vieille méthode aujourd’hui décriée à l’ordre du jour, il était intéressant, voire peut-être utile de l’interroger sur cette curieuse idée qui l’a conduit à inventer cette méthode d’apprentissage de la lecture appelée APILI, et comprendre ce qui l’a motivé.
Entretien avec Benjamin Stevens
Par Marc Alpozzo, écrivain et philosophe
Marc Alpozzo : Cher Benjamin Stevens, vous êtes l’auteur de la méthode d’apprentissage de la lecture APILI qui remet le syllabique à l’ordre du jour. Bien que cette méthode soit considérée comme dépassée, voire « réactionnaire » par un grand nombre d’enseignants et de pédagogues, car inégalitaire, vous avez écoulé plus de 100 000 exemplaires et même créé une entreprise qui a embauché deux personnes pour répondre aux commandes qui affluent en très grand nombre. Pouvez-vous nous expliquer ce paradoxe ?
Benjamin Stevens : J’ai du mal à comprendre comment l’approche syllabique peut être considérée comme dépassée, réactionnaire voir même inégalitaire puisque toutes les études récentes en neurosciences ont prouvé son efficacité indiscutable. Elle permet aux enfants de devenir de bons lecteurs, même s’ils sont issus milieux sociaux moins favorisés. Afin de comprendre cette querelle qui dure depuis des décennies, il faut revenir un peu en arrière. Jusqu’au milieu du XXe siècle, tous les enfants apprenaient à lire avec une méthode syllabique pure, le fameux b + a = ba. Cette méthode a fait ses preuves pendant de très nombreuses années et la majorité des enfants devenaient de bons lecteurs. Dans les années 60, certains psychologues sont partis du constat que les adultes lisent en reconnaissant les mots de manière immédiate, globale. Ils ont imaginé que les enfants pourraient apprendre à lire en reconnaissant les mots dans leur globalité, un peu comme des images mémorisées visuellement (méthode idéovisuelle).
Le principe était d’apprendre aux enfants à reconnaître les mots visuellement sans passer par l’apprentissage des fameuses correspondances graphème – phonème (lettre – son).
Ils souhaitaient également que le sens soit au cœur de cet apprentissage et que l’enfant parte de ses centres d’intérêt. Ils reprochaient aux méthodes syllabiques de ne pas donner assez de place à l’accès au sens. Cette approche globale, utilisée au départ avec des enfants en difficulté, a été portée par le chercheur et inspecteur de l’éducation nationale, Jean Foucombert. C’est dans les années 70 et 80 que cette approche a été testée à plus grande échelle dans les classes françaises, suisses et belges. Quelques années plus tard, le constat était sans appel : de nombreux enfants ayant appris avec cette approche globale présentaient des difficultés en lecture. Elle a été abandonnée après une dizaine d’années.
Par la suite, les pédagogues ont privilégié une approche mixte de la lecture, à savoir un assemblage d’éléments de la méthode syllabique (apprentissage des correspondances lettres / sons) et d’éléments de la méthode globale (reconnaissance visuelle des mots). Cette approche mixte est encore largement utilisée dans nos écoles à l’heure actuelle. Dans les années 60, les pédagogues ne pouvaient observer les changements qui s’opèrent dans le cerveau d’un enfant qui apprend à lire. C’est grâce à l’arrivée de l’IRM (imagerie par résonnance magnétique) que les neuroscientifiques ont pu observer le fonctionnement du cerveau humain lors de la lecture. Ils ont également pu observer le cerveau des enfants lors l’apprentissage de la lecture. Plusieurs chercheurs ont consacré de nombreuses années à ces études, notamment Stanislas Dehaene, docteur en psychologie, directeur de neuro-imagerie cognitive de l’INSERM / Neurospin ainsi que Johannes Ziegler, directeur de recherche au CNRS d’Aix-Marseille.
Ils ont démontré que chez les adultes lecteurs, une zone spécifique du cerveau est dédiée à la lecture, quelle que soit sa langue ou sa culture. Cette zone (située dans l’hémisphère gauche, proche des aires du langage) s’active lorsqu’un adulte lit. Stanislas Dehaene l’appelle la boite aux lettres du cerveau, la zone dédiée à l’identification des mots écrits. L’objectif de l’apprentissage de la lecture est de stimuler cette zone. Comment ? En apprenant aux enfants les correspondances lettres / sons (graphèmes / phonèmes), à l’aide d’une approche syllabique.
Si l’on apprend aux enfants à reconnaître visuellement des mots écrits sans passer par un enseignement explicite et intensif des correspondances lettres / sons, ils ne stimulent pas la zone dédiée à la lecture. De plus, leur mémoire visuelle n’est pas extensible à l’infini. Même s’ils parviennent à reconnaître certains mots visuellement, ils ne seront pas capables de mémoriser tous les mots de notre langue. Il faut donc apprendre le code qui permettra de déchiffrer tous les mots réguliers rencontrés. Cette zone dédiée à la lecture se spécialise ensuite et devient de plus en plus performante pour identifier les mots écrits. L’enfant entre alors dans un auto apprentissage qui va lui permettre de progresser efficacement en lecture et d’apprendre à lire les mots irréguliers à mesure qu’il les rencontre. En début d’apprentissage, certains petits mots irréguliers peuvent être appris globalement comme « est, les, des, mes, tes, ses », mais il faut que leur nombre reste très restreint. Toutes les études prouvent également que les adultes qui ont appris à lire avec une méthode syllabique sont de meilleurs lecteurs. Pour les enfants de milieux sociaux moins favorisés, cette approche syllabique est d’autant plus efficace, car ils ne peuvent s’appuyer sur une bonne connaissance du vocabulaire et compréhension du contexte qu’exige l’approche globale. L’approche syllabique est donc la moins inégalitaire et la plus efficace. Certains détracteurs de l’approche syllabique estiment qu’elle entraîne les enfants à déchiffrer sans comprendre ce qu’ils lisent. Rien de plus faux. Dès que l’enfant est capable de lire des syllabes, il peut lire des mots qui contiennent ces syllabes et les comprendre. Il peut ensuite lire des phrases qui contiennent ces mots déchiffrés et accéder à la compréhension. Ces connaissances sur la lecture sont disponibles depuis bien des années, notamment grâce à l’excellent ouvrage de Stanislas Dehaene « Les neurones de la lecture » paru en 2007, il y a 16 ans déjà…
Depuis, de nombreuses actions ont été mises en place afin d’aider les enseignants à améliorer leurs pratiques pédagogiques. 2018 a vu la mise en place du conseil scientifique de l’éducation nationale présidé par Stanislas Dehaene. Ses 29 membres, des scientifiques reconnus, proposent aux enseignants des recommandations et des outils fondés sur la recherche. En 2019, le ministère de l’éducation nationale a publié le « guide orange » à destination des enseignants. Ce guide propose une liste de bonnes pratiques et prône largement l’utilisation de méthodes syllabiques. En 2022, le comité scientifique de l’éducation nationale a publié une note d’alerte expliquant que bon nombre d’enseignants continuent d’utiliser des manuels peu efficaces. Elle précise qu’une étude, menée auprès de 16 149 enseignants, montre que les méthodes à dominance phonique (syllabique) qui favorisent l’apprentissage des correspondances graphème-phonème, l’assemblage progressif des lettres en syllabes et en mots et l’absence de mots outils permet aux enfants d’obtenir les meilleures performances en lecture.
Elle ajoute que ces méthodes sont les moins utilisées par nos enseignants. De nombreux enseignants continuent à proposer une approche globale de la lecture, en présentant des mots irréguliers, des phrases, parfois même des textes en début d’apprentissage. On apprend donc aux enfants à deviner et non à déchiffrer. Je pense que les enseignants ne sont pas responsables. Ils indiquent ne pas avoir reçu de formation préalable sur le sujet lors de leur formation initiale. Comment pourraient-ils mettre en place une pédagogie qui ne leur a pas été enseignée ? Fort heureusement, même si les choses changent lentement, de plus en plus d’enseignants font le choix d’utiliser l’approche syllabique. Leurs retours sont unanimes, leurs élèves progressent mieux. Une directrice d’école utilisant la méthode Apili m’écrivait cette année pour me dire qu’elle n’avait jamais vu tous les élèves d’une classe de CP lire des phrases aux vacances de la Toussaint.
Je note aussi que de très nombreux parents prennent conscience de l’importance de l’approche syllabique de la lecture. Ils perçoivent parfois les limites et difficultés de l’approche mixte proposée à l’école et décident d’aider eux-mêmes leur enfant à la maison avec une méthode syllabique. L’approche syllabique permet aux enfants de faire des progrès plus rapidement, d’autant plus s’ils sont en difficulté. C’est une des raisons pour lesquelles tant de parents ont acheté la méthode Apili que j’ai sortie en 2020. Il s’agit d’une méthode syllabique fondée sur l’humour.
Je l’ai créée pendant plusieurs années, en l’expérimentant avec mes patients. Je me suis appuyé sur les travaux de Stanislas Dehaene afin de choisir la progression idéale. J’y ai ajouté de nombreux moyens d’aides que j’utilise en orthophonie. L’humour, dont j’ai découvert l’effet extraordinaire sur mes patients, stimule l’attention, la motivation, la mémorisation et réduit le stress des enfants. Il permet également de vérifier si l’enfant accède à la compréhension de ce qu’il lit. L’accès au sens étant l’objectif principal de la lecture. Pour répondre à votre question initiale, je ne comprends pas ce paradoxe. Je pense qu’il est dû à la méconnaissance de certains professionnels de l’éducation. Comment certaines personnes, parfois même des inspecteurs de l’éducation nationale, peuvent-elles s’opposer, encore en 2023, à la meilleure approche de la lecture ? Je ne me l’explique pas.
Vous êtes Belge et orthophoniste de métier. Fin connaisseur du langage pouvez-vous nous expliquer pour quelles raisons précises les problèmes dans l’apprentissage de la lecture ont-ils commencé suite à l’abandon de l’apprentissage par la méthode syllabique ?
L’approche syllabique pure a été remplacée par une approche globale puis par l’approche mixte. Avec l’approche mixte, les enfants doivent mémoriser visuellement des mots irréguliers, parfois même associer des mots et des images, ce qui ne stimule pas la zone cérébrale spécifique dédiée à l’identification des mots écrits.
Ils doivent deviner certains mots. Par la suite, ces enfants présentent plus de difficultés de lecture, confondent les mots proches et sont de moins bons lecteurs.
Pour les enfants dyslexiques, cette approche est d’autant plus néfaste.
Les plus grands neurologues, comme Stanislas Dehaene, partagent vos convictions sur la syllabique. Comment expliquez-vous alors que les choses ne bougent pas plus vite ? D’où viennent les blocages ?
Je pense que les inspecteurs et les enseignants ont leurs habitudes et que les changer prend du temps. Cela demande d’importantes remises en question. Il n’est pas simple pour un enseignant de se dire que la pédagogie qu’il propose depuis des années n’est peut-être pas la meilleure.
Cela demande de l’humilité et du courage. Je suis convaincu que les enseignants n’ont qu’une seule envie : donner le meilleur à leurs élèves. Il faut donc les aider à prendre connaissance de ces bonnes pratiques et à les mettre en place.
Il me semble essentiel de préserver le libre choix pédagogique des enseignants afin qu’ils puissent choisir une méthode (syllabique) qui leur plaît. Il faut aussi prendre en compte les grandes inégalités budgétaires qui existent entre les écoles. En août 2022, le président de la république Emmanuel Macron a introduit un nouveau fond d’innovation pédagogique doté de 500 millions d’euros. Personnellement, je ne vois pas l’effet de cette annonce sur les commandes que nous recevons des écoles françaises. Lorsque j’échange avec les enseignants, ils me parlent de budgets réduits, de manque de moyens. Je note que trop peu d’enfants ont accès à un vrai manuel de lecture. De nombreux enfants apprennent à lire sur des photocopies, souvent en noir et blanc. Comment donner le goût des livres à un enfant qui apprend sur des photocopies ? Je pense que chaque enfant de CP devrait avoir son manuel de lecture.
Il ne faut pas non plus négliger l’importance des IA (Intelligence Artificielle) qui changera bientôt toute la donne. Ne croyez-vous pas que ce combat soit déjà un combat d’arrière-garde ? Je sais que vous êtes Belge, et je sais aussi que les Belges sont très francophiles, et très attentifs à l’actualité française : dans ce contexte, pensez-vous que la « décivilisation », dont parle le Président de la République, est la conséquence du niveau scolaire catastrophique ? Rappelons-nous que le ministre de l’Éducation nationale a déclaré ces jours-ci qu’il voulait s’attaquer au tabou du « redoublement », la situation en 6e étant désormais alarmante si l’on en croit certaines sources.
Je suis conscient que l’IA est la nouvelle révolution de notre époque et qu’elle risque bouleverser nos vies. Elle permettra sans doute d’améliorer les contenus pédagogiques en les personnalisant pour chaque enfant en fonction de ses forces et de ses faiblesses. Peut-être qu’un jour les enfants se verront implanter les connaissances et les apprentissages directement dans le cerveau, mais nous n’en sommes pas là ! Le combat pour les apprentissages fondamentaux reste de la plus haute importance, pour nos enfants et notre civilisation. Comment faire en sorte que nos enfants intègrent notre culture ? Comment faire en sorte qu’ils soient aptes à la vie en société ? Tout simplement en leur apprenant les fondamentaux : parler, lire, écrire, compter. Ils leur permettront de mieux comprendre la société dans laquelle ils vivent, de s’y adapter, de mieux communiquer avec les autres et de se comprendre. Je pense que la baisse du niveau scolaire peut déstabiliser notre société. L’éducation doit permettre de réduire les inégalités, de renforcer nos institutions et de favoriser la cohésion sociale. Elle doit aussi permettre à la nouvelle génération d’innover, ce qui lui permettra de trouver des solutions aux problèmes auxquels elle sera confrontée.
Propos recueillis par Marc Alpozzo
Benjamin Stevens avec Lisa Kamen-Hirsig sur Radio Notre Dame
Benjamin Stevens sur Radio Notre Dame avec Lisa Kamen-Hirsig
Comment relever le niveau des élèves en français ?
En Quête de Sens
Benjamin Stevens, orthophoniste, qui utilise l’humour dans sa pratique. Encouragé par les réactions positives de ses jeunes patients, il a développé la méthode Apili où il associe à la méthode syllabique des illustrations et des moyens d’aide.
Brigitte Prot, psychopédagogue, enseignante, formatrice, conférencière et essayiste. Elle a conçu la méthode du Bilan-Itinéraire de motivation et d’orientation. Chargée de cours et responsable d’études en licence sciences de l’éducation, à la faculté d’éducation et de formation de l’ICP (Institut catholique de Paris), consultante sur les questions d’éthique, de déontologie et d’autorité, dans les champs éducatif et pédagogique, elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur les questions d’éducation ; son dernier livre : « Génération Z » (Odile Jacob, 2023).
Lisa Kamen, maîtresse ‘radioactive’, enseignante et chroniqueuse.
« Apprentissage de la lecture : et si on passait à la méthode Apili ? » par Yves-Alexandre JULIEN dans Causeur
Apili dans L’Hebdo Bourse Plus du 22 septembre 2023
Littérature
Yannick URRIEN
Apili : apprendre à lire grâce à l’humour !
Cette semaine, nous abordons un sujet qui va concerner tous les parents : la défense de la méthode syllabique. En effet, les enfants ont de plus en plus de mal à lire et à écrire. Gabriel Attal, nouveau ministre de l’Éducation nationale, estime que la maîtrise de l’écrit chez les jeunes est devenue une « urgence républicaine » et il plaide pour le retour à la méthode syllabique. Benjamin Stevens, orthophoniste, a mis au point une méthode qui facilite l’apprentissage de la lecture et des mathématiques en combinant l’humour et l’approche syllabique. Cette méthode a été vendue à 100 000 exemplaires dans 40 pays depuis deux ans.
Benjamin Stevens rappelle que « toutes les études confirment qu’il y a toute une génération d’enfants et de collégiens qui ont de grandes difficultés de lecture. Auparavant, 10 à 20 % des enfants rencontraient des difficultés de lecture à l’entrée en sixième, pour atteindre 130 mots à la minute. Mais après la crise sanitaire, nous nous sommes aperçus que quasiment 50 % des enfants n’y arrivaient plus à l’entrée en sixième. Les raisons sont multiples. D’abord, c’est la méthode de lecture utilisée, puisque nos grands-parents utilisaient des méthodes complètement syllabiques. Dans les années 60, des psychologues ont voulu apprendre aux enfants à photographier les mots, puisqu’en tant qu’adulte on arrive à les reconnaître rapidement. Mais ils ont dit cela sans connaître le fonctionnement du cerveau. Plus tard, il y a eu les travaux de Stanislas Dehaene, qui préside le Conseil scientifique de l’Éducation nationale, et ils ont compris qu’il fallait absolument passer par le décodage. À force de décoder les mots, l’enfant commence à les reconnaître. Le fait d’apprendre des mots par cœur, cela freine l’apprentissage, car l’enfant ne peut pas stocker tous les mots dans sa mémoire. Les enfants qui n’apprennent pas avec une méthode syllabique sont de moins bons lecteurs à l’âge adulte. Ensuite, il y a le problème du vocabulaire et du langage. Beaucoup d’enfants comprennent moins bien les textes au CP, donc il est vraiment essentiel que les enseignants apprennent avec la méthode syllabique. Malheureusement, une étude réalisée l’année dernière indiquait que moins de 10 % des enseignants utilisaient la méthode syllabique. »
On voit de plus en plus de personnes mettre leurs doigts sur les mots en déchiffrant un texte lentement, tandis que d’autres arrivent à lire très facilement, presque en photographiant les groupes de mots. Pour l’auteur, « il y a un endroit dans la zone gauche du cerveau qui est dédié à la lecture. Cette zone va se spécialiser et, plus l’enfant va déchiffrer les mots, plus il va les reconnaître rapidement. Quand nous lisons un texte, c’est automatique, cela ne demande aucun effort, c’est l’objectif pour nos enfants. Il faut bien identifier les mots, les déchiffrer, et évidemment les comprendre. Beaucoup d’enfants ont des difficultés de compréhension. Il est aussi important de lire des histoires aux enfants, car on sait que lorsque l’on lit des histoires aux enfants, au cours de leur petite enfance, cela leur permet de développer leur vocabulaire et leur langage. À l’inverse, si l’on ne parle pas beaucoup aux enfants, ils n’ont pas beaucoup de vocabulaire et ils ont un stock d’environ 500 mots quand ils arrivent en cours préparatoire. Forcément, ils vont avoir plus de mal à comprendre les textes qu’ils vont lire. Ils vont aussi avoir plus de mal à lire, et surtout à comprendre les contextes. Le niveau de langage est déterminant pour l’apprentissage. »
Finalement, on observe que plusieurs générations ont été sacrifiées : « Cela fait plus d’une trentaine d’années que les enseignants utilisent des méthodes mixtes. Cela fait au moins quatre ans que l’Éducation nationale incite à l’utilisation des méthodes syllabiques dans les écoles, mais on voit bien que c’est très compliqué et que le changement demande énormément de temps. Il y a eu un guide pour expliquer aux enseignants ce qu’il faut faire, mais on sent qu’ils ont leurs habitudes et qu’il est compliqué de changer tout cela. Cela a évidemment un impact sur l’orthographe, puisque le niveau général a fortement baissé. Nos parents et nos grands-parents avaient une orthographe quasi parfaite au moment du certificat d’études. »
Benjamin Stevens est orthophoniste et il rappelle que ce sujet le concerne directement : « Les orthophonistes s’occupent des enfants qui ont des difficultés de langage, mais aussi de la lecture et de l’orthographe. On s’occupe des enfants dyslexiques, qui ont un vrai trouble de la lecture, cela va souvent de pair avec l’orthographe, mais aussi avec le calcul mathématique et la logique. J’ai rencontré des enfants qui avaient du mal à lire et je ne savais pas quoi leur proposer pour les motiver. J’ai essayé de leur faire lire des phrases humoristiques et j’ai bien vu que cela changeait tout pour eux. Cela permettait aussi de tester leur compréhension car, si l’enfant ne réagissait pas, c’est qu’il n’avait pas compris la phrase. À partir de là, j’ai voulu créer une vraie méthode accessible à tous et j’ai travaillé avec des scientifiques pour comprendre ce qui se passe dans le cerveau par rapport à la lecture. J’ai travaillé pendant six ans pour créer la meilleure méthode de lecture au monde, en parallèle à mon métier d’orthophoniste. Et, depuis 2020, j’ai reçu des milliers de témoignages de parents, d’enseignants et d’orthophonistes qui m’expliquent que c’est une excellente approche. » La méthode syllabique est finalement la méthode fondamentale d’enseignement, que l’on retrouve dans toutes les civilisations : « Même aux États-Unis, après avoir essayé des méthodes plus mixtes, les enseignants reviennent à la méthode syllabique. C’est pareil pour toutes les langues, parce que la zone du cerveau qui est dédiée à l’apprentissage de la lecture et à l’apprentissage des mots écrits est maintenant connue. Il faut apprendre le code, comme un code secret, qui permet de décoder et de déchiffrer tous les mots. Dans notre langue, il y a beaucoup d’irrégularités, mais l’enfant peut apprendre à les reconnaître à force de s’entraîner. »
Son dernier livre porte sur les mathématiques : « On peut faire des liens. En mathématiques, il y a le triple code. Il y a le code indo-arabe, avec le système de chiffres que l’on connaît, le code oral et la quantité, c’est-à-dire le système analogique. Il faut que l’enfant puisse faire des liens entre ces trois codes. On apprend d’abord à compter à l’oral, ensuite on apprend à reconnaître les chiffres à l’écrit, enfin on apprend à les associer avec différentes quantités. Donc, les enfants dyslexiques, qui ont du mal à reconnaître les lettres, peuvent avoir des difficultés à reconnaître les chiffres. » Les chiffres romains ont donc finalement une certaine logique : « C’était effectivement un très bon système. Je pense que le système indo-arabe, inventé par les Indiens et rapporté en Europe par les Arabes, est vraiment le plus efficace. Pour l’apprendre aux enfants, il faut passer par la manipulation, avec des cubes ou des allumettes. Malheureusement, cela s’est perdu dans nos classes où il y a moins de matériel. Avant, on pouvait jouer avec les quantités et travailler avec une balance. Donc, il était plus facile pour les enfants de comprendre les notions de quantité ou de distance. »
Ce sujet est essentiel car on peut se demander quel est l’avenir d’un pays lorsqu’une jeunesse ne sait pratiquement plus lire : « C’est un problème sociétal majeur, car la lecture est la colonne vertébrale des apprentissages. Si un enfant n’a pas la lecture, il aura des difficultés pour tous les apprentissages. Avant, il faut aussi parler de vocabulaire, car un enfant qui n’a pas de vocabulaire sera en échec scolaire. Le niveau de vocabulaire est déterminant et la pratique de la lecture est la base de tous les apprentissages. C’est la même chose pour l’orthographe. Même dans un monde numérique, on est entouré d’écrits en permanence. C’est pour cette raison qu’il faut travailler l’orthographe avec des techniques plus anciennes et plus efficaces. J’ai voulu que les parents puissent être aussi acteurs de l’apprentissage de leur enfant. J’ai voulu regrouper tous ces conseils dans la méthode Apili pour m’adresser aux adultes qui accompagnent des enfants, en faisant en sorte que n’importe quel adulte puisse apprendre à lire à leur enfant. Grâce à l’humour, on passe un bon moment, on discute et on réfléchit ensemble. » Enfin, on peut ajouter que le théâtre a aussi un rôle dans l’apprentissage car « cela permet de travailler la mémorisation, la lecture et la compréhension. Certaines activités peuvent être très utiles, comme la cuisine. C’est parfait pour les enfants : ils doivent lire une recette, comprendre la recette, manipuler des quantités et réfléchir. »
« Tables de multiplication Apili : apprendre les tables grâce à l’humour » de Benjamin Stevens est publié aux Éditions Liberté.
« Apili : apprendre à lire grâce à l’humour ! » de Benjamin Stevens est publié aux Éditions Liberté.
Réécoutez et revoir l’émission de 20 minutes TV avec Benjamin Stevens sur la méthode APILI
Réécoutez et revoir l’émission de 20 minutes TV avec Benjamin Stevens sur la méthode APILI ICI https://www.20minutes.tv/video/salut-ile-de-france-les-nouvelles-methodes-dapprentissage-scolaire/
SALUT Ile-de-France: les nouvelles méthodes d’apprentissage scolaire
20 MINUTES TV
La rentrée n’est pas encore très loin
Quelle est la bonne méthode pour son enfant, pour apprendre à lire ou à compter… en dépassant les difficultés?
Félicité a interrogé Benjamin Stevens orthophoniste et Agata Siwakowska
Apprendre les tables de multiplication grâce à l’humour APILI
Solution au niveau scolaire catastrophique : apprendre à lire avec Apili (Bretagne actuelle)
L’âge moyen d’apprentissage de la lecture en Bretagne est de 5/6 ans. Pour autant, l’illettrisme ne s’améliore pas, dans la mesure où il reste stable, c’est à dire relatif à un échec scolaire manifestement difficile à endiguer. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat, dont celle d’un apprentissage trop fragile sujet à des méthodes inadaptées. Benjamin Stevens est orthophoniste, créateur et auteur de la méthode APILI, construite sur les fondamentaux syllabiques grâce auxquels nos parents et grands-parents ont appris à lire et à écrire avec la promptitude que l’on connaît.
Une douloureuse réalité sociale
Une personne illettrée ne maîtrise ni la lecture ni l’écriture, bien qu’elle ait été scolarisée ; on la distingue d’une personne analphabète n’ayant, elle, jamais appris à lire ni à écrire sa langue maternelle. Illettrisme et analphabétisme nomment donc la situation des ceux qui ne possèdent pas les compétences de base pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante et, de fait, sont exposés à un risque d’exclusion sociale. Ces gens osent rarement évoquer leur méconnaissance, surtout en ce début de XXIe siècle où chacun est censé lire et écrire couramment pour avoir fréquenté l’école. Une douloureuse réalité sociale, puisqu’environ 16% * des adultes âgés de 18 à 65 ans éprouvent des difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit et de la lecture, entendu qu’une partie d’entre eux seulement a reçu un enseignement scolaire. Ceux qui n’ont jamais été scolarisées (il y en a) ou les immigrés dont la langue étrangère n’est pas le français, ne sont pas qualifiés d’illettrés, c’est alors que l’on parle d’analphabétisme. En conséquence, le taux d’illettrisme à proprement parler s’élève à 7% de la population.
Sempiternelle question de la meilleur méthode pour apprendre à lire
La première des méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture est aussi la plus connue parce que la plus ancienne et la plus utilisée, il s’agit de la méthode syllabique couramment appelée « b.a. – ba ». Elle consiste à identifier les lettres présentes dans un mot pour les associer en syllabes. L’élève commence par apprendre l’alphabet afin de regrouper chaque lettre avec une autre en formation de syllabes qu’il peut ensuite identifier dans des mots simple et courts, puis davantage complexes et longs au fil du temps. La seconde technique s’appelle la méthode globale. Le nom à lui seul suscite bien des polémiques. A l’inverse du concept syllabique, cette méthode intellectualise l’initiation en s’appuyant sur l’idée que l’élève perçoit d’abord ce qui lui fait sens : l’apprentissage des mots se fait par bloc sans passer celui des lettres ni des syllabes.
La méthode globale fut adoptée par certains enseignants « progressistes » des années 1970 avant d’être abandonnée au regard d’une inefficacité patente. Entre les deux, existe la méthode mixte actuellement utilisée, sorte de combinaison plus ou moins hybride entre l’efficacité séculaire de la première et la vanité « révolutionnaire » de la seconde. Les enfants apprennent le « code alphabétique » (combinaison des lettres et des syllabes) pour déchiffrer les mots et lisent en parallèle des phrases et des petits textes afin d’en saisir le sens. L’ancien ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer – prédécesseur de Pap Ndiaye –, avait jeté un pavé dans la marre en préconisant que l’apprentissage de la lecture doit s’appuyer « sur une pédagogie explicite, de type syllabique, et non pas sur la méthode globale » dont il est désormais attesté qu’elle est moins efficiente.
Sur l’apprentissage de la lecture
La méthode syllabique APILI associe les sons aux gestes… Montre ton nez avec ton index et dit « n »…. Un pari surprenant, mais pas tant que cela, car il a été prouvé que la mnémotechnique par le geste fonctionne chez l’enfant comme chez l’adulte. L’intelligence implique une mémoire efficace, aussi bien pour apprendre à l’école que dans la vie de tous les jours. Benjamin Stevens a construit sa pédagogie sur un développement de l’attention et de la motivation par l’humour. Chaque lettre, chaque son, chaque mot, est envisagé comme étant un des neurones de la lecture, un peu comme chaque note et chaque accord forment les neurones élémentaires du solfège et de la musique.
Ainsi peut-on résumer la méthode APILI « comme celle qui apprend à lire pour écrire, en même temps qu’elle enseigne l’écriture pour mieux apprendre à lire ». Elle est, pour cette raison, complétée par un cahier d’écriture indispensable, dans la mesure où l’impasse sur la graphie manuscrite serait un non-sens pour toute personne apprenant à lire le français qui n’est pas une langue phonétique, c’est-à-dire qu’elle ne s’écrit pas comme elle se prononce, contrairement, par exemple, à l’italien. Ultime livre de cette triangularité éducative, un cahier de 24 textes humoristiques présentés selon un code couleurs explicite et progressif. Une méthode complète en trois parties utilisables comme « passeport » scolaire durant les vacances, et comme complément éducatif durant l’année scolaire. À la fois accessible aux enfants, aux parents, mais aussi aux adultes qui souhaitent apprendre à lire. Bref ! Intelligent. Efficace. Épatant. On espère la version bretonne le plus vite possible…
* Tous les chiffres de cet article sont ceux de l’Insee.
Romain d’H. LAND
© Août 2023 – Bretagne Actuelle
Méthode Apili de Benjamin Stevens
Apprendre à lire grâce à l’humour aux éditions Liberté.
Méthode syllabique – 176 pages couleurs – 25,90 €
Cahier d’écriture – 80 pages couleurs – 15,90 €
Cahier de lecture – 60 pages couleurs – 16,90 €