Irus, île d’Antoinette Fouque, citée dans Paris Match

Un clin d’oeil, enfin, à Mariana Grépinet qui – dans le Paris-Match du 2 août – me fait le plaisir de citer Irus, l’île paradisiaque d’Antoinette Fouque dans un reportage sur les trésors du Golfe du Morbilhan.

2 au 8 août
Match de la vie – Vacances

Tout l’été, Paris Match vous accompagne sur les plages

Cette semaine, dans le Morbilhan, les trésors du golfe

De Vannes à L’Ile-aux-Moines, l’un des plus beaux sites naturels au monde vous dévoile ses secrets.
Les gens du golfe s’enorgueillissent de faire partie d’un club sélect qu’ils ont eux-mêmes créé, celui des « plus belles baies du monde ». C’est dire s’ils sont fiers de leur « petite mer », « Mor Bihan » en breton, dont la profondeur moyenne n’excède pas les 6 mètres. Selon la légende, la baie serait parsemée de 365 îles, une pour chaque jour de l’année. En réalité, une centaine seulement est répertoriée.

Vannes, petite cité de caractère, est la porte d’entrée du golfe. Les touristes s’y pressent l’été, surtout quand il fait moins beau. Ils lèvent le nez sur les façades à pans de bois, franchissent la porte Saint-Vincent, se retrouvent dans les jardins à la française au pied des murailles du château avant de se ruer dans une des innombrables boutiques de confiserie au beurre salé.

Vannes a longtemps régné sur la région. Princes et ducs de Bretagne y établiront leurs résidences. La ville marchande prospère, avant de s’endormir. Fin XIXe, la mode est aux bains de mer. On se tourne vers la côte. Arzon, à l’extrémité de la presqu’île de Rhuys qui ferme le golfe, devient lieu de villégiature. Début 1970, le nouveau port de plaisance du Crouesty attire les voiliers et leurs propriétaires.

Aujourd’hui, 2 millions de visiteurs foulent chaque année les rivages du golfe. Sur l’eau, les ostréiculteurs côtoient les voileux, les plaisanciers et les vedettes chargées de touristes. On se croise en mer, mais rarement sur terre. A chacun ses habitudes et ses lieux cultes. Les premiers se lèvent tôt, travaillent dur pour vivre de leur activité. Les seconds voyagent sur toutes les mers du globe, mais se retrouvent toujours lors des régates et n’oublient jamais de saluer « le moine » en passant devant la petite île de Boëdic. Les plaisanciers, eux, s’échangent les adresses de petites criques cachées pour bronzer peinard ou pique-niquer. Quant aux vacanciers, ils colonisent les rares plages de sable fin et laissent leurs bambins pêcher coques et palourdes avant de les persuader qu’une balade sur le sentier côtier leur ferait le plus grand bien.

Par la mer, Port-Navalo et la pointe de Kerpenhir, les deux extrémités du golfe, ne sont distants que de 1 mille nautique mais, par la route, plus de 70 kilomètres les séparent. D’un côté le littoral urbanisé avec ses résidences Pierre & Vacances. De l’autre, des villages préservés proches de la campagne alréenne, de ses collines boisées. Au centre, L’Ile-aux-Moines, la plus importante de l’archipel. Elle passe de 500 habitants en hiver à 6 500 en été. On comprend que les natifs de l’île, les « îlois », se sentent alors un peu dépossédés. Les résidents, « les îliens », ont provoqué une explosion des prix de l’immobilier, qui contraint certains enfants du pays à rejoindre le continent. L’été, 5 000 visiteurs débarquent quotidiennement des bateaux-navettes et grimpent, en procession, jusqu’au bourg. Hormis sa voisine, l’île d’Arz, toutes les autres îles du golfe sont privées. L’actrice Danielle Darrieux est propriétaire de Stibiden ; Antoinette Fouque, militante féministe et éditrice, occupe Irus ; Yves Rocher a racheté Berder au début des années 1990. Il arrive qu’un de ces lopins de terre soit mis en vente. Les acheteurs ne se précipitent pourtant pas. Il est plus aisé de contempler une île que d’y vivre. Le meilleur moment pour les admirer ? « Certains matins brumeux, quand les îlots multiples surgissent comme les sommets d’une chaîne de montagnes dont l’eau aurait un jour envahi les vallées. » Un conseil signé André Gide.
BALADE en mer. Tous en sinagot !

Deux voiles en forme de trapèze ocre rouge gonflées par le vent, une coque en chêne peinte en noir, les sinagots sont aisément identifiables. Les premiers apparaissent en 1840 dans le port de Séné. C’est le mélange de suif et d’écorce de pin broyés qui donne cette couleur à leurs voiles. Ces bateaux de pêche puissants tirent drague à huîtres ou chalut. Les armateurs en construiront près de 700, puis ils sont abandonnés au profit de bateaux plus modernes. A la fin des années 70, des passionnés se mobilisent pour en restaurer. « Les Trois Frères », datant de 1943, est retapé par le chantier du Guip sur L’Ile-aux-Moines. Reconnaissance ultime, il est classé monument historique. Quatre autres sinagots seront construits, et chacun est géré par une association dont les membres – parmi lesquels Isabelle Autissier – se relaient pour faire découvrir le golfe, au gré des vents.
Sortie dans le golfe sur réservation, 20 euros la demi-journée, 25 euros la journée.
Sinagot « Le Crialeïs », Robert Beven, 56780 L’Ile-aux- Moines, tél. : 06 70 07 08 42.
Sinagot « Les Trois Frères », Les Amis du sinagot, 6, rue de la Tannerie, 56000 Vannes, tél. : 06 14 93 04 69.

CULTURE. Quand le folklore fait son show.
Entre bagadou et reine d’Arvor

C’est l’événement « breizhoo » de l’été vannetais. Pendant trois jours, les fêtes d’Arvor (du breton « Ar Vor » qui désigne le rivage) réunissent dans le centre-ville vingt-cinq cercles celtiques et bagadou, ces ensembles instrumentaux typiques en Bretagne qui regroupent une quarantaine de sonneurs répartis en trois catégories : bombardes, cornemuses et percussions. L’occasion aussi de s’initier au fest-noz. Les filles de 16 à 25 ans peuvent se présenter au titre de reine d’Arvor 2007. Elles ne défilent pas en Bikini mais en robe à col de dentelle et manches pagodes garnies de velours noirs, tablier et coiffe en forme de toit. Superbe et spectaculaire !
Les fêtes d’Arvor, du 13 au 15 août. Permanence à partir du 7 août de 10 heures à 12 h 30 et de 14 heures à 18 heures, Les Bigotes, rue de la Bienfaisance, 56000 Vannes, tél. : 02 97 54 25 21.
www.fetes-arvor.org

Emouvants ex-voto

Lieux de pèlerinage pour les marins, les chapelles de la région ont longtemps accueilli des maquettes et des tableaux déposés par les rescapés d’avaries ou de naufrages. Ces ex-voto, formule qui signifie « en conséquence d’un vœu », ont été rassemblés par le conseil général du Morbihan. Vestiges matériels de la piété des gens de mer, ils reflètent le quotidien de générations de marins qui ont navigué sur les vaisseaux de la Royale, sur des navires de commerce ou sur des bateaux de pêche. Il faut prendre le temps de lire les récits des miraculés qui décrivent avec leurs mots tempêtes et accidents de mer. Ces textes accompagnent les maquettes et ont parfois été directement intégrés par les peintres aux tableaux comme dans celui qui représente le naufrage de la chaloupe des douanes de Groix (ci-dessus) dans la nuit du 4 décembre 1825.
Jusqu’au 10 novembre, La Cohue, musée des Beaux-Arts, place Saint-Pierre, 56000 Vannes, tél. : 02 97 01 63 00. Entrée : 6 euros, tarif réduit : 4 euros.
Ouvert tous les jours de 10 heures à 18 heures.

PLAGES. Dans l’intimité des îles*.

Sur l’Ile GOvihAN.
On y accède par la mer uniquement. L’île est privée mais les visiteurs sont autorisés à accoster sur la longue plage et à se baigner. En revanche, à moins d’y être invité, il est interdit de poser un orteil dans l’herbe. Le sable plonge à pic dans l’eau, ce qui évite à marée basse de s’enfoncer dans la vase.
Bateau à louer avec ou sans permis à Port-Blanc, Anne Caseneuve, tél. : 06 82 69 38 13.
Sur l’Ile d’Arz. La pointe du Berno est une récompense après 5 kilomètres de marche. Cette langue de sable doré se situe à l’opposé de l’embarcadère où la navette vous dépose. Dans cet endroit secret, la seule personne que l’on risque de croiser, c’est l’ostréiculteur installé de l’autre côté de la pointe. Plus sauvage que sa voisine L’Ile-aux-Moines, moins touristique, Arz est aussi plus plate et moins arborée. Elle mesure à peine 5 kilomètres sur 3, pour tout juste 270 habitants.
Accès à l’île d’Arz par bateau depuis Conleau, départ toutes les heures, traversée de quinze minutes. A 5 km du bourg à pied.

Sur l’Ile-aux-Moines.
La « grande plage » a tout d’un lieu mythique. Des cabines couleur crème et bleu roi pour ranger les pelles et les seaux des enfants, une jolie vendeuse de bonbons, glaces et boissons, une école de voile et des habitués. Vous n’y croiserez pas d’îlois ; l’été, ils restent chez eux !
Accès à L’Ile-aux-Moines depuis Port-Blanc, départ toutes les quinze minutes, traversée de quatre minutes. A dix minutes du port à pied.

Sur l’Ile DES SEPT-ILES.
Petite bande de terre qui se découvre à marée basse, la plage est presque invisible à marée haute. Elle relie le continent et l’île des Sept-Iles. Le tour s’en fait en un quart d’heure et permet de découvrir ces confettis peu connus à l’extrémité ouest du golfe.
Accès à pied à marée basse par la plage de Locmiquel.
* Plages de la moins accessible à la plus accessible.

Mariana Grépinet (02/08/2007)

Julie Debazac lit Anaïs Nin pour la Bibliothèque des Voix

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Julie Debazac lit
Stella
de Anaïs Nin
Coup de coeur 2006 de l’Académie Charles Cros
Texte Intégral – 2 CD – 27 €

Première nouvelle du recueil Un hiver d’artifice, Stella est le portrait d’une jeune actrice dont les succès dissimulent la profonde fragilité. Devant la projection d’un film dans lequel elle joue, Stella découvre avec angoisse un clivage irréductible entre l’image que le personnage qu’elle incarne lui renvoie et ce qu’elle est dans son être intime. Dès lors, elle souffre du regard que le public et les gens qui l’entourent portent sur elle, un regard qui ne perce pas le secret de ses doutes, un regard qui la rêve plus qu’il ne la voit.

J.J. Goux dans la Revue Esprit (août-septembre 2007) par Olivier Mongin

Depuis Économie et symbolique (Le Seuil, 1973) et les Iconoclastes jusqu’à Frivolité de la valeur (Blusson, 2000), Jean-Joseph Goux, un auteur souvent publié dans Esprit, ne cesse de réfléchir au déferlement d’images qui marque notre époque. S’il ne se trompe pas sur les conséquences de la crise esthétique actuelle (« Ce qui s’annonce aujourd’hui n’est pas qu’un nouvel art va naître des cendres de l’avant-garde mais qu’une certaine mission ontologique de l’art, à laquelle deux cents ans de modernité et d’antimodernité ont cru, est en train de perdre sa nécessité. Cette mission bicentenaire subit une brutale déflation qui ne tue pas les arts en tant que tels mais qui les décharge de la responsabilité exorbitante qui leur avait été attribuée »), il suggère, dans l’un des textes qui compose ce recueil, une analogie avec la tragédie qui retient l’attention. « Nous rencontrons le même problème des limites que celui qui anime la tragédie. C’est à travers les écarts, les errances, les trajectoires unilatérales perdant de vue le tout, que se reconnaît comme la butée d’une “loi”, aussi inévitable qu’indicible. Et nous voudrions croire qu’au-delà d’un humanisme de premier niveau, qui attribue trop facilement, par ethnocentrisme, des caractéristiques universelles et essentielles à un type humain trop étroitement défini, il y a la possibilité d’un humanisme de deuxième niveau, qui viserait, au-delà de toute définition restrictive, vers une unité non inscriptible du genre humain. »
Olivier Mongin

Esprit du Prix du Style (fondé par Antoine Buéno)

Le Prix du Style (le plus désirable de TOUS les Prix !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!)

Créé par le label littéraire Plume et plomb, le Prix du Style fondé par le sensationnel jeune écrivain Antoine Buéno (à lire absolument !)  a vocation à récompenser, pour sa qualité stylistique, un livre écrit par un auteur vivant, d’expression francophone, paru dans l’année écoulée. Pour sa troisième édition, le Prix du Style sera remis fin novembre 2007, par un jury prestigieux, au restaurant-club Le Lup (2, rue du Sabot, 75006 Paris).

Composition du jury du Prix Marguerite Audoux

Le Prix Marguerite Audoux (http://www.prix-litteraires.net/prix/571,prix-marguerite-audoux.html)

Le Prix Marguerite Audoux récompense un ouvrage de langue française dont l’auteur peut être considéré comme proche de la personnalité de Marguerite Audoux, prix Fémina en 1910 pour Marie-Claire. En 2004, Xavier Houssin a été couronné avec 16, rue d’Avelghem. En 2005, ce fut le tour de Henri Raczymov avec Avant le déluge : Belleville années 50 et en 2006 celui de Françoise Henry avec Le rêve de Martin.

Composition du jury du Prix Fémina

 Le Prix Fémina (http://www.prix-litteraires.net/femina.php)

Le Prix Fémina a été fondé en 1904 par une vingtaine de femmes journalistes de la revue « Vie heureuse » (qui deviendra « Fémina ») pour rendre plus étroite les relations de confraternités entre les femmes de lettres. Il est décerné à une œuvre d’imagination par un jury composé de douze femmes. Le lauréat est annoncé fin octobre ou début novembre à l’hôtel parisien Crillon, quelques jours avant ou après le Prix Goncourt.
Il a notamment récompensé Roland Dorgelès pour Les croix de bois en 1919, Georges Bernanos pour La joie en 1929, Antoine de Saint-Exupéry pour Vol de nuit en 1931 et Marguerite Yourcenar pour L’œuvre au noir en 1968. Le Prix Fémina 2006 a été attribué à Nancy Huston pour son roman Lignes de faille.

Antoinette Fouque par Elie Flory dans Le Magazine des Livres

Ma reconnaissance s’adresse aussi à Eli Flory, qui a eu la bienveillante attention de critiquer le nouveau livre d’Antoinette Fouque dans le magazine des Livres de juillet-août 2007 : « La pensée postféministe ». Seule correction d’importance : Antoinette Fouque incarne la tendance différentialiste (et non essentialiste) du féminisme.

La pensée postféministe

Le 26 août 1970, date du cinquantième anniversaire du vote des femmes aux Etats-Unis, un groupe d’une dizaine de femmes s’est invité sous l’Arc de Triomphe… Elles veulent déposer sur la tombe du soldat inconnu une gerbe de fleurs ceinte de banderoles qui sonnent comme des slogans : « Un homme sur deux est une femme », « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme ». Les forces de l’ordre les empêchent d’aller au bout de leur initiative. En juillet, la revue Partisans avait déjà titré : « Libération des femmes : année zéro ». Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) est né.

En désaccord avec Simone de Beauvoir, convaincue qu’on naît femme, Antoinette Fouque incarne la tendance différentialiste du MLF. « Le groupe d’Antoinette » refuse le mot de « féminisme », et va devenir le mouvement de pensée connu sous le nom de « Psychépo » (Psychanalyse et politique). S’y rattachent des psychanalystes, des linguistes, des écrivains, des artistes (Luce Irigaray, Hélène Cixous, entre autres).

Elles s’opposent aux Féministes révolutionnaires qui, dans le sillage tracé par Beauvoir, pensent que « l’ennemi principal » n’est pas la masculinité, mais le patriarcat. Cette mouvance, composée surtout d’historiennes et de sociologues d’inspiration marxiste, comme Monique Wittig, Christine Delphy et Anne Zelensky, se baptiseront « Les Petites Marguerites », en hommage au film de Vera Chytilova. Gravidanza, Féminologie II, recueil de textes, d’interviews, d’articles retrace le parcours d’une femme sur tous les fronts de la pensée postféministe, de l’acte de naissance de sa maison d’édition Des femmes à sa dernière allocution prononcée le 5 avril à la Maison de l’Amérique Latine en faveur de Ségolène Royal. E F

Gravidanza : Féminologie II, Antoinette Fouque, préface d’Alain Touraine, Editions Des femmes, 295 p., 15 E

« Accrochages » de Jean-Joseph Goux par Laurent Denay

L’Art en question

Dans son livre « Accrochages et conflits du visuel », Jean-Joseph Goux nous livre une réflexion sur l’évolution de l’art visuel depuis la fin du 19ème siècle.

La société contemporaine est abreuvée d’images ; elles nous environnent ; elles font désormais partie de notre quotidien.
L’image est devenue un objet de consommation comme un autre.
Nous en oublions de nous interroger sur son évolution ; l’évolution de sa signification et de son esthétique ; par conséquent, l’évolution de l’art visuel.

La définition que nous donnons au mot art a été bouleversée durant le siècle dernier. « Tout se passe comme si le siècle de la mort de dieu était celui du déchaînement de l’image » : JJ Goux.
Une transformation d’ordre technique mais aussi politique – le rôle prépondérant de l’image dans la cité moderne : D’un rôle de représentation du sacré l’image est devenue un moyen de pression sur les masses.

Depuis la Renaissance, nous vivons avec l’idée d’une « stabilité des valeurs éternelles » ; valeurs que l’Antiquité nous a léguées : le respect de l’optique réaliste et de la perspective. « le concordat platonicien entre la raison et l’image ».

Ces certitudes se sont fissurées avec l’apparition de la société industrielle et de ce qui en découle, l’art moderne. Pour JJ Goux, l’oeuvre de Chirico symbolise le trouble né de la modernité ; Apparition d’objets industriels dans un paysage classique. « Un deuil culturel ».

Un paradoxe relevé par JJ Goux :
Durant ces deux derniers siècles naquirent la photographie et le cinéma ; ces nouvelles techniques permettent une restitution « parfaite » de la réalité – « le super réalisme ». L’image devient industrielle et reproductible à l’infini ; elle perd ainsi sa dimension esthétique et sacrée. L’image réaliste est devenue un outil au service de la communication, donc du capitalisme – la publicité.« Il y a une coïncidence explosive entre le développement extraordinaire des techniques de L’image et la crise religieuse, Morale et politique du monde occidental qui est aussi un monde globalisé et fragilisé… »

La peinture, quant à elle, s’éloigna du réel avec l’impressionnisme et le symbolisme. Il y eut des précurseurs : Manet – Olympia – Gustave Moreau, Odilon Redon. Le monde onirique et allégorique de Gustave Moreau ; les fulgurances d’Odilon Redon ou celui-ci s’évade vers l’abstraction.
JJ Goux cite Maurice Denis : « Se rappeler qu’un tableau avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est essentiellement une surface plane recouverte de couleur en un certain ordre assemblées », tiré de l’article « Définition du Néotraditionnisme » paru en 1890. Tout est dit : L’art s’est affranchi de la représentation du réel. Les nabis-les prophètes en hébreux, mouvement dont faisait partie Maurice Denis, à travers la couleur pure et l’harmonie rythmique prônent un art initiatique et sacré.
Le grand « initiateur » fut Gauguin : Séjournant à Pont Aven, il exposa ses théories à Serusier ; celui-ci rapporta à Paris une oeuvre révolutionnaire : « Le Talisman ».
Une étape cruciale.

Comme l’indique JJ Goux, à l’aube du 20ème siècle les artistes ont la volonté de revenir à un monde « pré grec » et préchrétien. « La puissance occulte du fétiche » théorisée par André Breton dans « l’art magique ».
La perte des valeurs, des repères traditionnels, l’angoisse de l’homme devant le monde industriel peuvent expliquer cette soif de spiritualité et ce besoin de transcender le réel par l’abstraction.
Malevitchcarré noir sur fond blanc, 1913.

L’art rejoint ainsi la pensée phénoménologue – notamment Hégélienne : il symbolise l’évolution de l’homme et de la société du 20ème ; il représente de manière allégorique les transformations idéologiques du monde moderne. Les théories fusent : le suprématisme de Malevitch, le néoplasticisme de Mondrian.

« Après l’effacement de la religion et de la morale à fondement transcendant l’activité artistique devait fournir enfin le grand modèle de l’action humaine désirable ».

Toutefois, de nouveaux artistes remettent en cause ces dogmes ; ils se servent pour cela de l’imposture et de la provocation : Duchamp, Klein et le nouveau réalisme.
Une remise en cause radicale de l’homme et de la société.
« C’est aussi le futile, le presque rien, l’insignifiant,
L’anodin, le négligé, l’inaperçu, le sans intérêt qui conviennent
Au regard d’une herméneutique dépréciative et démystifiante ».

L’hypothèse de JJ Goux est intéressante – le paradoxe évoqué au début du livre. Le capitalisme a sapé les fondements théoriques et éthiques de l’art. La suprématie des médias a entraîné la toute puissance de l’imagerie et de la simulation. Nous assistons ainsi à la séparation de l’art et de l’image. Une image banalisée et aseptisée.

L’image est banalisée.

L’histoire est faite de cycles succesifs. Nous nous trouvons – une possibilité – dans une impasse avant une nouvelle régénération ; une régénération qui naîtra des doutes actuels de l’art contemporain.

Laurent Denay

Patrizia Cavalli par Philippe Di Méo dans la Quinzaine Littéraire

« La Quinzaine littéraire », Du 16 au 31 juillet 2007

Trois poètes italiens

La publication de trois recueils de poésie italienne quasi simultanément est un indice parmi d’autres, de la ferveur et de la popularité certaine que rencontre en France depuis un certain temps la poésie italienne, contemporaine ou non. Un tel phénomène rachète tant d’années d’indifférence. Souvenons-nous combien il fut difficile de convaincre un éditeur de publier l’oeuvre d’Eugenio Montale ou encore celle d’Andrea Zanzotto, rappel qui prête aujourd’hui à sourire. Trois publications récentes attestent d’un tel intérêt.

Nelo Risi
De ces choses qui dites en vers sonnent mieux qu’en prose trad. de l’italien par Emmanuelle Genevois Buchet Chastel éd., 143 p., 10 E

Patrizia Cavalli
Mes poèmes ne changeront pas le monde trad. de l’italien par Danièle Faugeras et Pascale Janot Préface de Giorgio Agamben Des femmes – Antoinette Fouque éd. 489 P., 23 E

Léonardo Sinisgalli
J’ai vu les muses trad. de l’italien par Jean-Yves Masson Arfuyen éd., 209 p., 19 E

Patrizia Cavalli

Les poèmes de Patrizia Cavalli, parmi les plus traduits en France, sont agrémentés d’une préface du philosophe Giorgio Agamben dont l’intérêt pour la poésie est aussi ancien que attesté. Souvenons-nous notamment de ses écrits sur le Franc-tireur et le Comte de Kevenhüller de Giorgio Caproni ou, encore, de l’édition du recueil posthume du même, par exemple.

Dans un court mais dense préambule de quelques pages alertes, l’auteur de Stances, par un faux détour qui le ramène très tôt à son objet, s’essaie à définir le genre poétique reconduit à une opposition de l’hymne et de l’élégie dont l’oeuvre de Cavalli constituerait la confluence « sans restes ». La langue de Patrizia Cavalli apparaît au philosophe comme « la plus fluide, la plus continue et la plus quotidienne de la poésie italienne du vingtième siècle ». Mais alors, que dire alors de celles de Sandro Penna ou du premier Ungaretti ? Le philosophe d’ascendance heideggérienne, envisageant donc la poésie comme un « après » de la philosophie, y reconnaît également une « ontologie brutale et hallucinée ». Une « brutalité » excluant tout excès et confinée au grammaticalisme serait-on tenté de dire.

N’en demeure pas moins, à l’évidence, une écriture poétique particulièrement cristalline, économe au point de frôler le dessèchement et parfois campée à l’orée d’une raréfaction minimaliste extrémiste.

La contemplation, l’observation des choses du monde, et de soi, caractérisent ce parti-pris, comment dire ? essentialiste ? tout à la fois inextricablement introspectif, mais refusant l’anamnèse, et néanmoins radicalement descriptif. L’omniprésence d’une instance analytique raisonnante, renvoie bien, sans vouloir résonner, à une forme inédite d' »hallucination » (Agamben) où l’oeuvre de Nathalie Sarraute transparaît souvent en filigrane. Coupants et anguleux, abstraits, rivée à un concret proliférant, et de ce fait tout à la fois vigoureux et dévitalisés, les vers de Mes poèmes ne changeront pas le monde, semblent tenter d’aider un sujet à se construire en l’abandonnant à une poésie effleurant l’aphorisme et multipliant de menus paradoxes logiques. Car nous sommes aux antipodes du vertige ménagé par un Borges ou un Juarroz. Ce « parti pris des choses » si particulier constitue à l’évidence le plus prodigieux rempart que Patrizia Cavalli oppose obstinément à l’instabilité de tout vécu, à la terreur du « je » comme à toute confession incidente. Elle ne compose avec le monde qu’en le décomposant d’observations en dissimulations selon les protocoles d’une « loi des silences » d’autant plus déconcertante que son secret se révèle à l’évidence dépourvu de tout mystère : Je me récite (…) la vie comme un mètre avec les centimètres,/ je vois même sa couleur jaune./ j’en mesure la longueur, j’avance dans l’espace, / il ne me reste qu’à trouver un pouce et alors je me lève, /je fonce vers mon café au lait. La force du rejet du monde et de l’autre fait comme allusion à une fragilité indéfinie. Est évacuée du même coup l’ambiguïté consubstancielle au genre poétique. Une raison raisonnante emballée apparaît parfois campée au bord d’un site banalement paranoïde agrippé avec effort et volontarisme à la grisaille du quotidien. Une sorte de malaise et d’asphyxie en résulte, « automatiquement » car tout se veut cisaillante géométrie à vide et même désymbolisée. Dans cette infinie dissection du presque rien, nous ne sommes pas loin d’une sorte de Violette Leduc versificatrice. Un neutre presque absolu, en effet.

Philippe Di Méo