Alexandre del Valle interviewe Christian de Moliner sur « Trois semaines en avril » pour Boulevard Voltaire
Christian de Moliner : « Il suffirait d’une étincelle pour allumer le brasier »
En 2004, Christian de Moliner publiait un thriller : Trois semaines en avril… Il vient d’en publier une version actualisée. Alexandre del Valle a bien voulu interroger l’auteur.
Votre thriller est terriblement pessimiste. Pour vous, suite au Covid-19, la France connaîtra une crise économique cataclysmique qui pourrait générer huit millions de chômeurs et induire des émeutes, voire la guerre civile.
L’impact économique du Covid-19 est inconnu à ce jour, mais il sera lourd. Je pense que les risques d’une déflagration ethnique et religieuse sont élevés, indépendamment de la récession qui menace. Il suffirait d’une étincelle pour allumer le brasier. Souvenez-vous des émeutes de 2005 : les forces de l’ordre ont peiné pour reprendre le contrôle du pays et il avait fallu décréter l’état d’urgence.
Depuis, la situation s’est encore dégradée. En 2020, les policiers n’osent plus effectuer d’interpellations dans une centaine de zones. Les invraisemblables affrontements des Grésilles, à Dijon, démontrent l’étendue de la sécession. Le gouvernement envisage des mesures en partie sécuritaires pour la contrer. On ne connaît pas ce dispositif, mais il risque d’être insuffisant car nous avons dépassé le stade de la simple police ; tôt ou tard, il faudra déployer des unités militarisées (gendarmes dans un premier temps, armée dans un deuxième). Bientôt, comme dans mon thriller, la loi martiale pourrait être mise en place sur des portions du territoire, dans une France en proie à une insurrection permanente intriquant délinquance et activisme religieux, à l’instar de ce qu’a connu l’Irlande du Nord entre 1970 et 1998.
Vous évoquez souvent, dans vos livres, la guerre civile en France. …avez notamment sorti, en 2018, La Guerre de France, dont le nom rappelle évidemment la guerre d’Algérie.
La Guerre de France décrivait la fin de la déflagration : un cessez-le-feu était négocié entre identitaires et islamistes. Trois semaines en avril… décrit le début du conflit. C’est une histoire complète que je me suis efforcé de rendre captivante et émouvante et dont j’ai essayé de travailler le style.
Dans votre roman, vous donnez la parole à tous les protagonistes quels qu’ils soient, en prenant évidemment de nécessaires précautions oratoires quand les opinions sont par trop excessives.
En effet, je me suis attaché à ne trahir personne : je rapporte sans les censurer les propos que peuvent tenir un islamiste, un « centriste » qui croit en la coexistence harmonieuse ou un identitaire partisan de la remigration, en censurant, bien sûr, le racisme.
Selon vos thrillers, notre pays sera vivisecté en trois entités reliées par un vague lien confédéral : des zones islamiques où la charia sera appliquée, des enclaves réservées aux « Français de souche » et assimilés et le reste du pays. Cela fait peur.
Cette vision cauchemardesque est le pire de ce qui peut nous arriver. Je l’ai également développée dans mon essai volontairement provocateur et au titre parlant, La réserve, avenir du « Français de souche » ?, paru fin 2019. Nous pouvons éviter d’en arriver là ; cependant, nous serons sans doute obligés de passer un compromis, réactivant, sur la base du volontariat, le statut coranique qui a disparu en 1962. De telles concessions alliées à une fermeté sans failles et une lutte contre la criminalité constituent, à mon avis, la seule façon de ramener la concorde sans trop compromettre l’équilibre du pays.