Seconde partie de l’entretien avec Antoinette Fouque par Jocelyne Sauvard (Sitartmag, juin 2008)

0f1da6c809449dec966f25a797bfe4a9.jpg Antoinette Fouque
de Mai 68 à Octobre 2008 et prolongations

Les révolutions psychanalytique, politique et éthique apportées par Antoinette Fouque comptent cette année quatre décennies, c’est aussi dans « la foulée de Mai » qu’elle devient la cofondatrice du MLF, en octobre 1968. Son travail théorique et son action sont évoqués à travers un essai collectif signé par douze intellectuels, Penser avec Antoinette Fouque, et un recueil de témoignages et d’entretiens avec l’éditrice, femme de mouvement et de pensée, publié à la rentrée : Génération femmes.

Les années qui précèdent 1968 oscillent entre l’ ombre : séquelles de la guerre d’Algérie, mort de Kennedy, Vietnam, « tiers-monde », apartheid, libertés faibles, peine de mort, chômage (restreint à nos yeux) qui semble grimper, et le mouvement culturel qui se dessine : accent mis sur la philosophie, la linguistique, l’anthropologie, la psychanalyse, le théâtre qui sort timidement des institutions, le Nouveau Roman, la pensée de Lacan. Peu de noms se déclinent au féminin.

Entretien avec Antoinette Fouque

a3ae77cb4cf1cef90a878b71c155dd0b.jpg Vous étiez alors lectrice au Seuil, enseignante et vous suiviez les séminaires de Lacan, comment voyiez- vous les antécédents de Mai ?

On a beaucoup parlé des Trente Glorieuses du point de vue économique. Ce qu’on oublie de dire, c’est que la décennie 60 a été une décennie glorieuse du point de vue de la culture et de la civilisation. Les années 60 ont vu la naissance d’un mouvement de pensée d’une modernité inédite dans la culture française, donc au coeur de la culture occidentale : les Modernes, contre les Anciens, ont lutté contre tous les conservatismes intellectuels, universitaires en particulier. Se sont affinés le travail de Roland Barthes, la pensée de Lacan, et la naissance radieuse et dès longtemps préparée de Jacques Derrida. On lisait Leroi-Gourhan, Lévi-Strauss, Althusser, du côté du marxisme… Comme on a parlé du siècle des Lumières, on peut parler pour ces années, d’une décennie des Lumières, d’une véritable Renaissance, c’est-à-dire d’une revivification d’une pensée tout à fait contemporaine.

J’étais en prise directe avec cette effervescence autour de la psychanalyse, de la philosophie, de l’anthropologie, de la linguistique, et des Revues… Je faisais une thèse avec Roland Barthes sur les avant-gardes française et italienne, j’étais lectrice au Seuil où l’un de mes articles sur les Novissimi dans les Cahiers du Sud, avait été remarqué. J’allais aux séminaires de Lacan avec qui j’ai commencé une analyse en 1968. Tout ceci allait avec une lutte pour affirmer la levée d’interdit : avant que les étudiants de Nanterre protestent contre la séparation des filles et des garçons, en mars 68, le mouvement de pensée avait protesté contre la censure des écrits de Sade, contre la censure des publications. Nous étions engagés contre toutes les censures.

A quel moment est venu en vous cette idée : créer un mouvement des femmes ?

Au cours de Barthes, j’ai rencontré Josiane Chanel qui m’a présenté Monique Wittig, écrivain qui avait eu le Prix Médicis pour L’Opoponax en 66, mais qui était très maltraitée dans le milieu littéraire. Une misogynie violente régnait dans la République des Lettres. Je la ressentais aussi. Les femmes n’y existaient littéralement pas, sauf comme hystériques, comme valeur d’usage ou d’échange. Elles n’étaient pas sujets, et encore moins sujets d’une théorie ou d’un discours – même pas objets d’une théorie. Nous en avons parlé.

Et à partir de mai, une fois les premiers frémissements de la révolte amorcés, une fois la Sorbonne occupée ( une majorité de garçons tenant les porte- voix) cela s’est passé comment ?

Le 13 mai 1968, Monique m’a entraînée à la Sorbonne occupée, et à plusieurs dans une salle de philo, nous avons créé un Comité d’Action Culturelle. Nous nous sommes battues pour garder l’initiative et défendre notre salle que certains voulaient nous reprendre. Beaucoup d’acteurs et de comédiennes : Bulle Ogier, Marc’O, Pierre Clémenti, Jean-Pierre Kalfon, Danièle Delorme, beaucoup d’ écrivains : Duras, Sarraute, Blanchot, des jeunes ouvriers, des femmes sont venus. On parlait, on écrivait de petites pièces de théâtre qu’on allait jouer dans la rue. Notre salle était un lieu où mijotait très fortement la culture. Ce Comité illustrait l’alliance du mouvement ouvrier, du mouvement étudiant et des femmes, la troïka dont Auguste Comte disait, un siècle auparavant, qu’elle rassemblait les trois forces de proposition à venir.
En France, je pense que c’est cette pensée moderne, que j’ai affirmée dans le mouvement des femmes et qui imprégnait toute l’intelligentsia française, qui a permis de ne pas déraper dans le terrorisme et le sang, tout en maintenant l’esprit de révolte et de modernité. Elle a permis de passer de cette révolution qu’a été mai 68, à la démocratisation de la société française puis à la venue de la gauche au gouvernement.

Le mouvement s’était étendu à Lyon, Tokyo, Mexico, Los Angeles, Rome… quelle furent les suites pour le Mouvement des femmes alors en gestation ?

Au début de l’été , nous sommes partis dans ma voiture avec Marc’O et Dominique Issermann en Italie raconter Mai 68 à Moravia, à Bertolucci, à Rome, à Bologne, ville communiste mais un communisme italien à la manière de Gramsci, culturel, contemporain…
Puis, avec Josiane Chanel, nous sommes allées dans une maison au bord de la mer, près de Marseille, à la Redonne, où Monique Wittig nous a rejointes avec son copain du moment, Jean-Pierre S ., philosophe, normalien, cinéaste de retour du Vietnam où il avait filmé avec Joris Ivens et Marcelline Lorridan. Nous voulions faire un groupe. Nous avions constaté que les femmes à La Sorbonne ne pouvaient pas parler, que seuls les hommes parlaient dans les AG – et nous avions autre chose à dire qu’eux. Nous nous considérions comme plus modernes, conscientes de la modernité des femmes. Nous avons eu tout de suite l’idée qu’il fallait garder vivant ce qui de 68 nous avait revigorées, tout en se démarquant d’un mouvement qui était aussi très machiste, très guerrier. Il y avait partout, en mai, des affiches qui disaient « le pouvoir est au bout du phallus » « Le pouvoir est au bout du fusil » ; c’était l’idée de terrorisme et du viol des filles, tout ensemble. Nous ne voulions ni de la guerre, ni des machos.

Et les femmes, alors ? Quels moyens avaient-elles pour se faire entendre ?

Les femmes n’avaient pas droit au chapitre. Tant qu’elles étaient à l’université, elles étaient des « hommes comme les autres » et dès qu’elles avaient un enfant, elles n’avaient plus qu’à se blinder chez elles. D’autre part, en mai il y a eu la soi-disant libération sexuelle, en fait, celle des hommes. La loi sur la contraception avait été votée en 67, mais la pilule n’était pas remboursée. La libération sexuelle a précédé la libération contraceptive. Les filles se retrouvaient enceintes, et il leur fallait avorter – un des premiers secteurs de lutte a été la dépénalisation de l’avortement.

Dans les semaines qui suivent, vous faites la première réunion et allez à la rencontre des femmes de ces banlieues dont on ne parlait pas encore en terme de violence, quel était alors leur mal être ?

Dès octobre, nous faisons les premières réunions du mouvement que nous programmons non mixte, dans un studio que nous prête Marguerite Duras, rue de Vaugirard. Nous étions une quinzaine alors, Judith, Anne et Suzanne monteuses, Sophie, Hélène devenue psychanalyste, Josiane Chanel, Monique Wittig, puis Françoise Ducrocq, Nelcya Delanoé… Par la suite, nous avons fait des réunions dans les banlieues : Sarcelles, Villiers le Bel…. En gardant la nostalgie de mai à la Sorbonne. Les femmes étaient enfermées et crevaient dans les quartiers. Ce dont elles souffraient, c’est de tout ce qui existe encore aujourd’hui : les discriminations, le manque d’emploi, la charge des enfants, pas de crèche… Cela a duré pendant des mois pour ne pas dire des années… C’est ainsi que le MLF est né.

Un Mouvement de libération installé dans la ligne ébauchée en Mai 68 ou en mutation ?

Le principe sur lequel on n’a pas transigé était la non mixité absolue. En situation de mixité, ou bien les jeunes femmes se censuraient elles-mêmes et ne disaient rien, ou bien les hommes ne les laissaient pas parler. Mais il y avait un double mouvement. Il fallait reconnaître qu’on était nées en politique grâce à 68, et, en même temps, en critiquer les dérapages, les effets pervers qu’il fallait essayer d’analyser et de contrer.
Ce dont nous avons parlé aux premières réunions, a été la sexualité, le viol, l’inceste, l’avortement, la violence, et nous avons travaillé cette sexualité meurtrie… J’ai tout de suite eu conscience qu’il fallait absolument parvenir à articuler sans les confondre deux scènes : celle du plus que privé, et celle de l’engagement politique. Il y avait beaucoup de folie dans la politique, dans la révolution ; la psychanalyse était donc nécessaire. Mais la psychanalyse – seul discours qui existait sur la sexualité – était aussi remplie d’erreurs et de contraintes. Les textes de Freud qui pouvaient nous être utiles, nous condamnaient à sa vision. Il fallait donc à la fois utiliser ces instruments et les critiquer aussi, les refondre. C’était une double déconstruction, du politique par le psychanalytique et de la psychanalyse par le politique. C’est pourquoi j’ai créé tout de suite ce groupe Psychanalyse et Politique. Je ne m’étais alors jamais engagée dans un mouvement politique, je n’ai fait le MLF que sur les questions politiques qui m’impliquaient charnellement et intellectuellement : ma condition non pas féminine, mais ma condition de femme dans l’histoire, à partir de Mai 68…
Nous avons finalement décidé de faire une grande réunion publique à Vincennes le 30 mai 70, après un an et demi d’existence, presque deux. Certaines avaient décidé de porter des T-shirts sur lesquels était inscrit : « Nous sommes toutes des hystériques », « Nous sommes toutes des mal-baisées ». Pour ma part, j’ai pris la parole pour dire : « Nous femmes, allons réussir là où l’hystérique a échoué »… A partir de ce meeting, le mouvement s’est diffusé. Une femme professeure à Vincennes, Christiane Dufrancatel, a exigé que, comme tous les autres groupes révolutionnaires nous ayons une salle pour nous réunir et nous nous y réunissions presque tous les jours. Nous écrivions des tracts et en particulier un qui, à notre insu, a servi de base au texte que Wittig a donné, signé par quelques-unes, à L’Idiot International de Jean Edern-Hallier qui l’a publié sous le titre : « Combat pour la libération de la femme ». Puis il y a eu le combat pour le droit à l’avortement. C’était vital. Dans le slogan : « Un enfant si je veux, quand je veux », je voyais au-delà du refus de la maternité prescrite, imposée, la libération de la procréation désirée.
En 1973, alors que pour certaines le mouvement s’essouflait, j’ai créé les éditions Des femmes pour passer de la parole à l’écriture, pour que se poursuive quelque chose du mouvement de civilisation, d’une révolution du symbolique…

La suite appartient à aujourd’hui – Antoinette Fouque multiplie les actions, les colloques, les manifestes, les créations, l’ouverture de lieux – et à demain auquel, par ses avancées théoriques sur la différence des sexes, elle ouvre de nouvelles voies, afin de faire évoluer le monde des femmes et de leur création.

article de et propos recueillis par Jocelyne Sauvard
(juin 2008 )

Jocelyne Sauvard est écrivain (romans, théâtre) et journaliste. Elle anime aussi une émission littéraire sur Idfm98, « Parlez-moi la vie ». http://www.jocelynesauvard.fr

Cette poésie qui nous est chère….

L’objet de ce Bulletin Poésie estival est de vous inciter à découvrir « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Les deux « marchent » étonnamment bien pour de la poésie, et ont en commun d’être aussi profonds que faciles et de ne plus pouvoir être lâchés dès le moment où on s’aventure à les ouvrir. (Si vous n’aimez pas la poésie, passez votre chemin… Sinon, des détails, des infos, des extraits etc etc Construction hyper organisée, liens à gogo pour approfondir etc)

Comme le remarquait Jocelyne Sauvard dans son superbe article sur Antoinette Fouque l’année dernière, la cofondatrice du MLF (1er octobre 68, date historique), (…) Antoinette Fouque n’est pas que la personnalité aux multiples activités, engagements, et missions, elle est aussi écrivain, au sens du Robert : personne qui compose des ouvrages littéraires. Qui puise au plus près de la poésie. Exemple. « Il pleut. Ciel bas, noir outremer à l’est. Mer formée, lourde, de plomb ou d’obsidienne, selon les fonds. Le petit bouquet du jour, crocus et narcisses, arrive avec le café et mes trois quotidiens… » (…) http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2007/09/22/antoinette-fouque-par-jocelyne-sauvard-sitarmag.html

Depuis deux couvertures de livres, de Clarice Lispector et Hélène Cixous, les plus attentifs avaient pu noter le dessin au feutre sur papier comme autre talent possédé par Antoinette Fouque. A présent et jusqu’à la fin de l’été, ils sont invités à venir voir, au milieu d’une foultitude d’autres illustres artistes (Louise Bourgeois, Niki de Saint-Phalle, Aurélie Nemours, Sonia Delaunay etc voir liste complète en empruntant ce lien : http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2008/06/15/concert-inedit-mardi-17-juin-a-20-h-huit-femmes-compositrice.html) certaines de ces oeuvres à la Galerie des Femmes, 35 rue Jacob.

Mais, revenons-en à la POESIE, puisque nous l’aimons aux éditions Des femmes. Cette année, deux excellentes surprises au niveau de ce genre littéraire : « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Pour les deux, les premières critiques sont dithyrambiques. Si vous souhaitez recevoir en service de presse l’un, l’autre ou les deux de ces recueils, je vous remercie de me communiquer votre adresse postale. Envoi immédiat. Je vous quitte en vous livrant suffisamment d’informations pour vous donner l’eau à la bouche sur ces deux pépites !

A très bientôt, je suis à votre disposition pour toute mise en relation avec Catherine Weinzaepflen ou Françoise Collin.

« Le temps de penser », de Richard Michel (La Chaine Parlementaire, juin-juillet 2008)

1109907706.jpg(source hebdomadaire Belle 24 juin 08 – Rubrique La télé au féminin)

Dimanche 29 juin 08 + 11 rediffusions

La Chaîne Parlementaire, 7h30

Pour visionner l’émission avec Laurence Zordan comme invitée de Richard Michel, sur le thème « Penser avec Antoinette Fouque », c’est ici :

PENSER AVEC ANTOINETTE FOUQUE

Laurence Zordan

Anciennne élève de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENA, Laurence Zordan63449 est agrégée de philosophie.
Haut fonctionnaire, spécialiste des questions de sécurité et de géostratégie, elle a publié aux éditions des femmes Des yeux pour mourir (2004), Le traitement (2006), A l’horizon d’un amour infini (2007) et au mois de juin 2008, un ouvrage intitulé Blottie.
Elle a participé à l’ouvrage collectif de réflexion Penser avec Antoinette Fouque qui vient de paraître aux éditions Des Femmes.

Les « empreintes » qui jalonnent l’émission :
«C’est la grandeur du mouvement féministe que d’avoir de plus en plus renforcé l’union de la femme dans ses besoins universalistes et de la femme qui cherche à recréer l’unité de son corps, de son désir et de ses amours, de son engagement dans la vie publique et de sa passion pour sa vie privée.» (Penser avec…, Alain Touraine, page 24)
«La parité, c’est la reconnaissance que l’un des deux sexes est en charge de la procréation, et la symbolisation de cette procréation […] elle est le coeur de la démocratisation.» (Gravidanza : Féminologie II, Antoinette Fouque, page 203, Penser avec…, page 109)
«D’un écrasant fardeau elles tirent une « triple dynamique » où se joue l’avenir du XXIème siècle : équilibre démographique, développement durable, démocratisation.» (Il y a deux sexes : Essais de féminologie, 1989-1995, Antoinette Fouque, in Penser avec…, page 103)
«La création génitale est le lieu de toute création de génie. Lacan disait qu’un être de génie est celui qui met au monde un objet qui n’existait pas avant lui. Le génie des femmes est cette capacité de faire venir au monde cet objet génital unique, comme un objet absolument vivant, pensant, parlant.» (Gravidanza : Féminologie II, Antoinette Fouque, in Penser avec…, page 179)

Penser avec dans Le Monde des Livres (27.06.08)

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PENSER avec Antoinette Fouque

Alain Touraine
Charles Juliet
Roger Dadoun
Chantal Chawaf
Jean-Joseph Goux
François Guéry
Anne-Marie Planeix
Jean-Pierre Sag
Laurence Zordan
Patricia Rossi
Karim Benmiloud

la mutation d’une culture à une autre… A.T.

* L’expérience de la grossesse associée à la revendication de liberté et d’égalité lui permet (…) d’élaborer un nouveau contrat humain. A. Touraine

* La thèse de la chair pensante produit le déblocage d’une aporie que Lou Andreas Salomé et Hannah Arendt ont approchée sans la trouver. F. Guéry

Un matérialisme charnel subvertissant les abstractions idéalistes, une nouvelle éthique dans la dimension du don, de l’hospitalité… J.J. Goux

* Cette pensée, historiquement, inscrit la géni(t)alité des femmes, leur libido creandi, dans le fonctionnement du monde. C. Chawaf

La chère Isabelle Clerc fait un article sur « Penser avec » (Santé Yoga)

Paru dans Santé Yoga
Age d’or

Sept hommes et quatre femmes… »pensent avec Antoinette Fouque ».

Après l’anniversaire de mai 68, celui d’octobre 68 : le début du mouvement des femmes.
Des luttes politiques et de l’approfondissement psychanalytique, semble se dégager aujourd’hui un « post-féminisme » qu’Antoinette Fouque a exposé dans « Il y a deux sexes » et « Gravidanza ».
Face aux enjeux écologiques (planète en péril), biologiques (manipulations génétiques), technologiques (virtuel), Antoinette Fouque propose la géni(t)alité du féminin, son indéfectible alliance charnelle avec l’énergie créatrice à l’oeuvre dans le corps de chaque être vivant, ici et maintenant, à chaque instant.
Antoinette Fouque ne rejoint-elle pas là l’antique savoir de l’humanité originelle, mémoire vive de l’âge d’or, transmise depuis, entre autres, par le yoga ?
A signaler aussi un très beau livre illustré.
« Le langage de la déesse » paru en 2006.

« Penser avec Antoinette Fouque », Ed. des femmes.

Interview d’Antoinette Fouque pour Clara Magazine mai 2008 (par Carine Delahaie)

http://clara-magazine.fr

Vous vous souvenez de la petite fille que vous étiez ?
Non seulement je crois me rappeler qui j’ai été, comme petite fille, mais je le suis restée. Souvent, je dis que j’ai 3 ans et demi du point de vue émotionnel. J’étais la troisième enfant d’une famille ouvrière marseillaise. Mon père est arrivé à Marseille de Corse à 16 ans en 1917, ma mère de Calabre en 1900, elle avait 1 an. Elle se considérait, à 37 comme un peu vieille pour un enfant. Je suis née du désir de mon père. J’ai été conçu le 1er janvier 1936, et je sui née le 1er octobre 1936. J’ai parcouru, pendant la grossesse de ma mère tout le front populaire. Mon père était militant au parti communiste et pendant le front populaire il était enthousiaste. Ma mère a raconté dans quel déni de grossesse elle a été jusqu’au 6ième mois. J’ai cru que mon histoire était singulière, et pas du tout. C’est l’histoire d’Anna Freud, la fille de Freud, et bien d’autres femmes que celle de ma mère qui m’a finalement très bien assumée.

Votre enfance a conditionné la suite des évènements ?
Oui, souvent quand on me dit des choses gentilles, comme « tu es généreuse », je dis juste c’est ma culture. Chez moi, dès que quelqu’un arrivait on ouvrait les placards, c’était la corse, l’Italie. Très petite j’avais conscience que quand les gens s’élevaient, dans l’échelle sociale ils fermaient les placards. J’étais mi-fille, mi-garçon. Ma sœur qui avait 14 ans de plus que moi, était très contenue et mon frère était libre. Alors je m’identifiais à lui. Les choses étaient comme ça dans ma famille, sans interdit, pleines d’émotions. Dans ce quartier du vieux port qui jouxtait les bordels on nous faisait la leçon sur une chose : la traite des blanches. Il fallait sans arrêt demander à la Bonne mère Notre Dame de la garde, de nous protéger. Pourtant, les hommes de Marseille disaient cette insulte, « putain de la bonne mère ». Ils associaient, le plus vieux métier du monde et le plus beau, la prostitution et la maternité. Ma mère disait « belle bonne mère » qui alliait la beauté et la bonté.
Votre mère était une femme déterminée ?

Ma mère nous mettait aussi en garde contre la prostitution conjugale. Elle avait travaillé très jeune et elle nous disait d’être économiquement indépendantes, ne jamais demander le prix d’une paire de bas à nos mari. Depuis 1917 elle travaillait, dans les usines de guerre comme tourneuse. Elle avait commencé à 6 ou 7 ans en livrant des coquillages que sa mère ramenait du port.

Une vie de femme déjà émancipée ?
Beauvoir n’a rien découvert. C’est la fin du 19ième , le début du 20ième, et la guerre qui ont émancipé les jeunes filles. Déjà l’esprit du modèle moderne y était, ne pas faire plus de 2 enfants, trouver une contraception possible même bricolée. En 1914 on a eu besoin de main d’œuvre et certaine ont continué à travailler dont ma mère.

Malheureusement la guerre est arrivée ?
Oui, malheureusement, en 39, le vieux port où nous vivions a été détruit et évacué par les nazis et leurs acolytes. Mon père a été arrêté comme militant communiste. Puis il est entré dans la Résistance. Sans réelle autorité paternelle j’étais une petite fille espiègle, avec une présence symbolique du père très solide. Mais dans tout ça je me souviens d’une abondance de poissons, de rires, au milieu des privations. Vraiment un milieu très ouvrier, très chaleureux, corse, très vivant.

Vous vous destinez aux études ?
Mon frère et ma sœur sont allé jusqu’au brevet. Mes parents avaient une idée fixe, on ne s’élève que par l’instruction. Jusqu’au moment de sa mort ma mère était désolée de ne savoir ni lire ni écrire, obsédée par l’instruction. On allait au cinéma, au théâtre. Si je demandais un livre, on me l’achetait. Le premier ce fut Oliver Twist. Elle s’est battue pour me faire entrer au lycée. Les lycées étaient faits pour les bourgeois des beaux quartiers. Je venais de la Belle de mai, un quartier rouge. J’ai fais des études secondaires et je suis tombé très malade. On m’a administré un vaccin anti variolique qui m’a donné une sorte de sclérose en plaque. A ce moment, je me suis dit, puisque je vais me paralyser progressivement, je vais devenir une intellectuelle. Je suis sorti du lycée en philo. J’ai passé le bac seule et je me suis inscrite à la fac à Aix.

Ce fut une adolescence studieuse ?
Ce fut une adolescence « cultureuse » plus que studieuse, malgré la maladie. Je me cultivais par gout, par désir. C’était surprenant dans ce quartier, mais c’est la mentalité corse, les Corses sortent de l’Ile par l’instruction. J’avais une passion débordante pour la poésie. Il y avait une revue d’avant guerre, les cahiers du sud où certains poètes résistants publiait, Éluard, Aragon et Desnos. J’avais conscience que c’était très politique, c’est poètes étaient très lié au parti communiste, ils étaient en résistance et c’était la réalité du moment. Mon père m’emmenait au meeting de Thorez après guerre c’était quelque chose de très animé, de beau, à la pointe du mouvement ouvrier, c’était une époque ou on récitait liberté d’Éluard à la fin des meetings. Donc Poésie et communisme c’était aussi ça mon adolescence.

Vous avez naturellement fait des lettres ?
J’ai intégrer l’Ecole normale de province et bien que malade j’ai été fonctionnaire à 20 ans. J’étais élève professeure, je gagnais ma vie. Puis je me suis marié à Aix. Je suis arrivé à Paris avec un traitement de professeur. Inscrite à la Sorbonne pour un mémoire, nous étions avec mon mari, endiablés de culture, de comprendre la modernité. A la suite d’un article, les Editions seuil nous ont fait entrer comme lecteurs. Et là au seuil, c’était les années des lumières. Il y avait Derrida, Barthes toute la pensée moderne, ils attaquaient les anciens, c’était drôle comme tout. Alors j’ai commencé une thèse sur l’Avant-garde avec Barthes. J’ai eu une fille en 1964 et bientôt 68 est arrivé.

Alors précisément en mai 68 vous faisiez quoi ?
Je sortais de maladie. J’étais professeure certifié par correspondance et lectrice au seuil. Je recommençais ma thèse avec Barthes. Je m’apprêtais à faire ma demande pour le CNRS. Bientôt, une amie du cours de Barthes m’a présenté Monique Wittig. Elle était comme moi très enragée par la misogynie de la république des lettres. Moi j’avais une fille de 4 ans, c’était mal vu à cette époque il fallait être libertin parce que la modernité c’était aussi Georges Bataille, Sade, cette résurgence du génie du surréalisme. On était très en colère. En Mai 68, on avait le projet d’écrire ensemble.

Monique Wittig était déjà écrivaine ?
Monique wittig était déjà reconnue, mais rejetée. Elle faisait partie de la même écurie au Seuil que les Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, ou Claude Simon, mais elle n’était jamais sur les photos. Il n’y avait que des mecs. Quelque fois on présentait Nathalie Sarraute, mais jamais Marguerite Duras et Monique Wittig. Alors elle était en colère. Donc, le 13 mai 1968 on se voit pour créer un comité d’action culturel où viennent de nombreux artistes. On y croisera Téchiné, l’actrice Michèle Moretti, Danièle Delorme, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Jean-Pierre Kalfon, Pierre Clémenti qui joua l’année suivante dans Belle de jour de Buñuel. Wittig était très passionné par le théâtre et moi par la théorie. L’agitation retombée, elle vient me rejoindre l’été avec Jean-Pierre, un ami qui rentrait du Vietnam. Il nous dit que là bas, c’est la révolution que tout le monde se bat, les femmes aussi. Nous lui disons que justement nous voulons faire un mouvement de femmes.

Vous voulez allez plus loin que le mois de mai ?
En mai 68, les femmes n’ont pas pu s’exprimer. La révolution culturelle et sexuelle de mai c’était pour les mecs. Il y avait ces petites affiches, l’une c’était « le pouvoir est au bout du fusil ». Donc il s’agissait bien d’une révolution guerrière. C’était la révolution comme en 89, une révolution « viriliste », machiste et guerrière. Les jeunes filles étaient à la ronéo. Moi j’avais déjà 32 ans, Wittig, 33. On n’était pas des perdrix de l’année et on trouvait que les petites se faisaient avoir. Elles tombaient enceintes, elles n’avaient pas de contraceptifs, c’était horrible. La révolution sexuelle sans les moyens, c’était les mecs qui en profitaient. A la rentrée on se voit presque tous les soirs, toutes les nuits, pour travailler. On lit Freud et on s’insurge contre Beauvoir. Elle maltraite les lesbiennes et Wittig se définit à l’époque comme une lesbienne alors qu’elle est dans un couple hétérosexuelle. Moi je veux intégrer la question de la maternité à la question de la liberté des femmes, puisque j’ai une fille et que je l’ai voulu. Chez Beauvoir les lesbiennes et la maternité sont banni.

Vous aller bientôt créer le MLF ?
En fait, on décide que l’on va faire un groupe et on le fait. Le 1er octobre, le jour de mon anniversaire, on fait notre première réunion dans un appartement que nous a prêté Marguerite Duras. On s’assoit à une quinzaine par terre et on se met à parler. On parle d’abord de sexualité. Monique Wittig dit qu’elle ne comprend pas cette histoire de virginité. Qu’elle n’a jamais été vierge, qu’elle n’a jamais été déflorée et qu’elle n’a jamais saigné. Moi je dis la même chose. On est plusieurs à le dire d’ailleurs. Et soudain, une fille nous dit qu’elle a été violée par son oncle qui est un photographe célébrissime, dont elle porte le nom. Une autre dit que son père est avocat mais qu’il bat sa mère. On commence à sortir des trucs invraisemblables. On n’a pas imaginé ça avec wittig. On n’en revient pas.

L’activité du groupe se déploie rapidement ?
On commence à aller dans les quartiers, aux alentours des lycées, et on fait des réunions. Chacune parle, et tout sort parce qu’il n’y a pas d’hommes. Jean-Pierre nous avaient dit « tant qu’il y aura des hommes vous ne pourrez pas parler », et c’était vrai. Moi j’avais une voiture et on se déplaçait. Comme on était des intellos avec Monique Wittig on continuait de lire Engels, Marx. En même temps on réglait des problèmes au ras des pâquerettes comme organiser des crèches, des gardes d’enfants. C’était à ce moment là mon problème majeur. Ma fille avait 4 ans et donc je comprenais bien les soucis des autres femmes. On était moitié intello, moitié ménagère de moins de 50 ans.

Quand on dit que le MLF n’était pas un mouvement populaire c’est faux ?
C’est une honte, ça n’a plus été un mouvement populaire quand on est passé d’un mouvement de libération des femmes au féminisme comme mouvement. Il n’y avait plus de femmes il ne restait que l’idéologie. C’est comme un parti communiste sans ouvrier. Ça devenait un mouvement individualiste, sans solidarité. C’est pour ça que je dis souvent que je ne suis pas féministe, le féminisme à l’étranger ça véhiculait des idées de transformation, mais en France c’était devenu l’individualisme. Quand Beauvoir dit « la femme est un homme comme les autres » ou « prenez le pouvoir » on est loin de l’altruisme.

Vous pensez que le féminisme c’est ringard ?
Alors ça non. Beauvoir avait dit à la fin du Deuxième sexe il y a 40 ans, « les luttes de femmes sont derrière nous, nous avons le droit de vote donc ça va ». C’était une connerie totale. Tout était à faire. On a fait tout ce qu’on a pu. C’est la première fois dans l’histoire, que pendant 40 ans on ne s’est pas arrêté un jour. Aujourd’hui, à gauche, comme à droite, des femmes vous diront qu’elles sont féministes, sans parler du changement de société, comme nous le voulions au MLF. Nous voulions une transformation sociale radicale. C’est vrai, c’était un féminisme radical. Mais ce qu’il faut questionner, c’est la structure du féminisme qui est humaniste qui n’est ni individualité, ni égocentré sur le modèle masculin. Joan Scott dans La citoyenne paradoxale : les féministes françaises et les droits de l’homme, qui est un livre remarquable, explique que l’option féministe est de partir d’une condition de subordonné puis de s’en détacher en la supprimant. Ne pas devenir un « homme comme un autre », ne pas adopter l’égalité des sexes sans différence, avec le modèle masculin pour les deux sexes.

Donc vous prônez le féminisme comme une alternative ?
On vous dira que le communisme a échoué alors il n’y a pas d’alternative au libéralisme, à l’individualisme, que nous devons toutes devenir des « hommes comme les autres », toutes devenir des libéraux. Mais il y a quand même des gens qui cherchent des alternatives au libéralisme qui participent à l’altermondialiste. Même si pour le moment ça n’avance pas beaucoup. Moi je crois que les femmes, tant qu’il n’y a pas d’utérus artificiel, ont cette compétence particulière qui consiste à faire des enfants. Alors il y a un déséquilibre. Il y a des pays où il n’y a pas de contraceptifs. Si l’occident continue avec sa mentalité malthusienne de dire aux femmes « faite pas d’enfants ça déforme le corps », nous irons exploiter la chair de femmes pauvres du tiers monde, pour faire des enfants pour celle qui ne veulent pas en faire. Le problème central c’est le déséquilibre démographique. Les femmes doivent être solidaires et régler ces questions en globalité. Démographie, développement durable, et développement de la personne, il doit y avoir une alliance des femmes sur ces questions. Je l’appelle la dynamique des trois D. Dans le monde entier, Il faut créer un sentiment d’alliance, de destin commun pour le moment, il en va de l’avenir de l’humanité.

Finalement c’est un combat toujours exaltant ?
C’est exaltant, car c’est l’avenir de passer d’une société de l’égoïsme, de la capitalisation, du profit, à une société du don, de l’altérité, de l’éthique, de la générosité, du partage. Cette société rêvée récupère certains archaïsmes des sociétés antiques, traditionnelles, mais vous savez Mandela dit que l’Afrique du sud qu’il souhaite a un germe dans l’histoire ancestrale et c’est ce germes qu’il faut cultiver. C’est comme si on disait que le socialisme, la question sociale est terminé, ce serait grotesque, c’est la réaction qui peut tenir de tel propos. Je n’aime pas le féminisme étroit, c’est trop prêt du socialisme. Je n’aime pas le mot socialisme et oui, je préfère le mot communisme, la mise en commun, le vivre avec. Quand je dis que je ne suis pas féministe, je veux dire que ce n’est pas assez le féminisme. Il faut se projeter au-delà. Non seulement il faut l’être de façon individuelle mais il faut aller au-delà dans l’alliance des femmes pour une libération massive. C’est ce que je reproche au féminisme français, je veux un féminisme mondial.

Propos recueillis par Carine Delahaie

Mercredi 19 mars, Soirée exceptionnelle pour le Vernissage de l’exposition de Catherine Lopes-Curval (dès 18 h 30) !!

Pour les pressé (e) s – oranges ou citrons, c’est idem : agrumes mâles et femelles traitées de la même manière aux éditions Des femmes !!! – filez décrocher le bijou (imprimable) ici d4226b05c871f59cec76a33c71e889bf.jpg: il vous fera office de carton d’invitation moderne pour notre chic soirée Catherine Lopes-Curval… (en présence d’Antoinette Fouque… murmure t-on !!!)

Pour ceux qui disposent d’une minute, je vous suggère de la scinder en deux (Attention, le compte à rebours commence ! Symptôme de l’attachée de presse soucieuse de la gestion de votre temps) : 30 secondes politiques humanistes et militantes en consultant le lien Tibet Libre d’Irène Frain http://www.dailymotion.com/IreneFrain/search/irenefrain/video/x4qggi_tibet-libre-contre-la-repression_blog et 30 secondes esthétiques contemplatives plus parisiennes mais tout aussi militantes (pour la création artistique des femmes !) en jetant un coup d’oeil sur l’oeuvre de Catherine Lopes-Curval ici http://www.artnet.com/artist/654765/catherine-lopes-curval.html.

Spécialement nourrie et inspirée par les écrivains (Kafka par-dessus tout), cette peintre dont l’univers me semble aussi nocturne et inquiétant que celui de la précédente exposition (Colette Deblé, illustratrice du si bel agenda Des femmes 2008 – encore en vente, précipitez-vous !) était diurne et jovial nous honore de venir nous habiter, au 35 rue Jacob, jusqu’au 17 mai prochain.

Le travail présentement exposé « chez nous » de Catherine Lopes-Curval, à l’imposant dossier de presse, mondialement célèbre (jusqu’en Chine !), comme Colette Deblé, porte sur « Les métamorphoses d’Alice », à partie de Lewis Carroll. Rien d’étonnant à ce qu’une grande psychanalyste comme Antoinette Fouque ait eu un violent engouement pour son talent il y a quelques années déjà, ait acquéri plusieurs de ses tableaux et désiré mettre son oeuvre en valeur…

Une Alice aussi brune que celle de Walt Disney est blonde doit être un argument suffisant pour vous convaincre de venir assister CE MERCREDI 19 MARS (clôture du Salon du Livre) DES 18 H 30 au vernissage que nous organisons à la Galerie des femmes. Adresse : au bout de l’allée fleurie, 35 rue Jacob, Paris 6ème.

Cet émile vaut invitation personnelle.

Philippe Djian a déjà remarqué la peinture de Catherine Lopes-Curval, aussi délicieuse que Colette Deblé l’a été tout l’hiver ; et Guy Goffette – autre auteur Gallimard – sera amicalement des nôtres ce soir-là.

En espérant que vous en serez aussi, je vous laisse deux mini pubs : une pour la Galerie Trigano qui expose habituellement Catherine Lopes-Curval et une pour notre livre audio (durée plus de trois heures) d’Arielle Dombasle lisant de son inimitable voix le texte de Lewis Carroll. (parution Bibliothèque des Voix 2006) + photo de couverture en PJ.

Bises pressées…! (décidément, je reste dans le « pressé » cde mon « accroche » cette nuit… Sûrement pour aller me coucher…! ) N’hésitez ni à m’appeler ni à me rappeler pour des infos en bonus….! La prochaine fois, je vous parlerai du Salon (Passez me voir mardi ou mercredi, ça me fera plaisir ! Stand S 55, Danielle Michel-Chich, Thérèse Clerc, Michèle Ramond, Catherine Weinzaepflen et Benoite Groult seront là………..) et de nos livres………….

G.

La Galerie Trigano :
http://www.artnet.com/galerietrigano.html
Galerie Patrice Trigano
4 Bis, Rue des Beaux-Arts
75006 Paris

Ce samedi 15 mars, Conférence au Salon du Livre de Paris, salle 2 à 17 h

31b6d5ed6204989643caf83a9b588e2a.jpg Ce samedi 15 mars, Conférence au Salon du Livre de Paris, salle 2 Haïm Nahnan Bialik à 17 h sur « PENSER AVEC ANTOINETTE FOUQUE » (nouveauté en avant-première) avec les auteurs… Chantal Chawaf, Roger Dadoun, François Guéry, Anne-Marie Planeix, Laurence Zordan…

Et au stand S 55

14h00 – 16h00
• Anne de Bascher, Alba, correspondance à une voix
• Marisa Berension, Le Voyage de Pirandello (livre audio)
• Catherine David, Simone Signoret ou la mémoire partagée (livre audio)
• Christine Orban, Deux fois par semaine (livre audio)
• Laurence Zordan, Blottie

16h00 – 18h00
• Françoise Collin, On dirait une ville
• Hélène Martin, Journal d’une voix (livre audio)
• Victoria Thérame, Hosto-Blues

Antoinette Fouque citée par Charlotte Rotman (libération du 29.02.08)

Sexualité j’écris ton nom
Pilule, avortement, homosexualité, la révolution sexuelle est en marche et «faire l’amour est la plus merveilleuse façon de parler».
CHARLOTTE ROTMAN
QUOTIDIEN : vendredi 29 février 2008

On est en 1967. Un an avant l’effervescence de mai, c’est déjà la pleine ébullition… hormonale. Sur le campus de Nanterre, les garçons veulent pouvoir se rendre dans les chambres des filles. Le 16 mars, l’association des résidents abolit le règlement intérieur qui prohibe cette libre circulation. L’affaire monte jusqu’au Conseil des ministres.«On leur donne des maîtres, maintenant ils veulent des maîtresses»,maugrée le général De Gaulle. La révolution sexuelle est en marche. Quelques mois plus tard, la pilule est autorisée. Un cycle s’ouvre. Les femmes partent à la découverte de leur corps comme à la conquête de leurs droits.

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On s’est contenté de changer le contenu des contraintes »

Joëlle Brunerie-Kauffmann termine ses études de médecine en 1965. Gynécologue, elle est l’une des pionnières du droit à la contraception. «A vant la pilule, il y avait la méthode Ogino et celle du retrait. Les femmes se débrouillaient.» Certaines se rendent dans l’un des 42 centres du Mouvement français pour le planning familial qui milite pour une «maternité heureuse» et choisie. On y commande des diaphragmes en Angleterre et on y forme les (rares) médecins militants. Dans une consultation, gérée par la Mnef, Joëlle Brunerie, elle, «bricole dans l’illégalité». Jusqu’à ce que «la société reconnaisse officiellement aux femmes le droit de faire l’amour». Sans peur au ventre.

Conquête. C’est l’Assemblée nationale qui va leur octroyer ce droit. Grâce à une proposition de loi du député gaulliste Lucien Neuwirth (UDR) qui, dit-il, va transformer «les conditions d’existence de millions de couples». «J’ai reçu de nombreuses lettres de femmes retraçant leurs drames lamentables, la recherche d’un médecin « compréhensif », puis, au fil des jours, l’affolement, les demandes pour obtenir une « bonne adresse » et, finalement, l’avortement clandestin chez une matrone qui faisait payer cher ses « services »», explique-t-il lors du débat parlementaire. A l’époque, l’Institut national d’études démographiques (Ined) estime qu’il y a 300 000 avortements clandestins par an. Les opposants comme Jacques Hébert (lui aussi UDR) s’emportent, évoquant une modification «du patrimoine héréditaire de l’espèce» et «une flambée inouïe d’érotisme». La loi sur la contraception est votée en décembre 1967. Première conquête de la liberté sexuelle.

«Pour la première fois, les femmes avaient le droit de dire qu’elles ne voulaient pas d’enfants ou pas tout de suite,se souvient Joëlle Brunerie. Ça a été un raz de marée de bonheur.»Et de baise.«Il y avait une liberté sexuelle, réelle, psychique, libidinale, conquise»,s’enthousiasme Antoinette Fouque, figure du féminisme.«A la Sorbonne, on dormait les uns sur les autres», se souvient un témoin. Les uns avec les autres. Les mots sur les murs invitent à «jouir sans entraves».On prône l’amour libre. On part à la découverte des écrits de Sade, publiés par Pauvert. Dans la foulée, les femmes se retrouvent… entre elles. A Vincennes, quelques intellectuelles organisent des rencontres non mixtes.«En AG, les femmes ne parlaient pas», se souvient Antoinette Fouque. Là, «sans oreille d’hommes», la parole se répand. «Le désir des femmes aussi, a circulé hors du contrôle et du mode de jouissance des hommes.»

«Orgasme final». Deux ans après 68, le Mouvement de libération des femmes (MLF) ira déposer une gerbe en l’honneur de«la femme du soldat inconnu». Dans son sillage, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), mené par Guy Hocquenghem et Françoise d’Eaubonne, voit le jour. Son acte fondateur est l’irruption salle Pleyel, à l’émission de Ménie Grégoire sur RTL consacrée à l’homosexualité, «ce douloureux problème». «C’est l’orgasme final. Couchons-nous et demain les gouines et les pédales seront le genre humain», chantent les homos.

Le 20 novembre 1971, pour la première fois, le MLF appelle à une manifestation à Paris : «Travail, famille, patrie, y en a marre. Contraception, avortement libres et gratuits.» A l’église Saint-Ambroise, le cortège veut «libérer la mariée», quand les cloches sonnent. Petit à petit, les corps se dénudent. Après la minijupe (lancée par l’Anglaise Mary Quant en 1965), le short fait son apparition dans la rue. Les seins s’exposent pour la première fois à la piscine Molitor, à Paris. Le désir s’affiche.

«Apprenons à faire l’amour, car c’est là le chemin du bonheur. C’est la plus merveilleuse façon de parler et de se connaître», conseille aux lycéens le docteur Carpentier, après l’exclusion en 1972 de deux élèves du lycée de Corbeil-Essonnes qui s’étaient embrassés sur la bouche. Cette même année, le premier rapport sur le comportement sexuel des Français est un événement et la courbe des mariages amorce sa chute. Le 3 janvier, la loi reconnaît que «l’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère».

Les 13 et 14 mai 1972, se tiennent les journées de «dénonciation des crimes contre la femme» à la Mutualité, à Paris. Les murs sont couverts de slogans : «C’est nous qui portons, accouchons, avortons. C’est nous qui risquons notre vie. C’est nous qui nourrissons, qui lavons, qui veillons. Et pourtant c’est pas nous qui décidons, nous qui parlons.»L’entrée est gratuite pour les femmes, c’est 5 francs pour les hommes. Pour la première fois, on montre un avortement selon la méthode de l’aspiration (la méthode de Karman).

«Jugez-nous !». Le 11 octobre 1972, à Bobigny, s’ouvre le procès de Marie-Claire Chevalier, 16 ans, violée par un camarade de classe et jugée pour avoir avorté. Son avocate Gisèle Halimi (fondatrice de Choisir la cause des femmes) accuse la loi, «objectivement mauvaise, immorale et caduque».A la barre, Simone Iff, vice-présidente du planning familial, les actrices Françoise Fabian et Delphine Seyrig disent avoir eu recours à l’avortement. Dehors, les manifestantes clament : «Nous avons avorté, jugez-nous !» Marie-Claire est relaxée.

De fait, de plus en plus de médecins et de militants, au Mlac (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), pratiquent des avortements. Il faut légiférer. Le 26 novembre 1974, face aux députés (presque exclusivement hommes), Simone Veil défend son projet de loi. Ce texte prévoit que «la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse» avant la fin de la dixième semaine. Le débat est d’une violence inouïe. On entend : «L’avortement, c’est un génocide légal.» Le 29 novembre 1974, le projet de loi est adopté à 3 h 40 du matin.

Après le succès du Dernier Tango à Paris et de Gorge profonde, sortis en 1972, les Valseuses de Bertrand Blier font un tabac (4 millions de spectateurs en six mois). Et Emmanuelle de Just Jaeckin, d’abord interdit par le gouvernement Pompidou pour «manque de respect envers le corps humain», fait 16 000 entrées le jour de sa sortie. Le Monde s’interroge : «Le sexe a-t-il remplacé la religion comme opium du peuple ?»

Café Babel 23.01.08 (par Mathilde Magnier)

http://www.cafebabel.com/fr/article.asp?T=A&Id=2997

Mathilde Magnier – Paris – 23.1.2008
Analyse
Féminisme : la révolution rose
Point de rupture dans l’histoire des femmes, Mai 68 avait aussi ses militantes. Celles d’hier et d’aujourd’hui témoignent et racontent leurs combats.
Slogans féministes dans une manif parisienne (Photo : DR/Jean-Claude Seine) Un vent de révolte dirigé contre une société patriarcale et un brin misogyne souffle dans une société engoncée dans un carcan social, politique et culturel, trop lourd et trop étroit. C’est mai 68, une période où nos jolies mamans, du Beauvoir plein la tête, se sont engouffrées dans la brèche contestataire en faisant claquer haut et fort l’étendard de la libération et de l’émancipation des femmes.

Avortement, contraception, parité et égalité des sexes… Autant de concepts qui semblent aujourd’hui familiers. Mais cela n’a pas toujours été ainsi. Le Girl Power dont se revendiquent certains groupes de pop épicée made in UK, n’aurait probablement jamais pu faire autant d’adeptes sans le travail acharné de nos aînées.

Mouvement de libération des femmes

Et pour cause : « En quarante ans, plus a été fait pour les femmes qu’en deux mille ans d’histoire », rappelle Antoinette Fouque, psychanalyste et politologue, ancienne eurodéputé et personnalité phare du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), groupe emblématique créé en 1968. Mais, dans les années 60 et 70, que signifiait être féministe ? Quelles étaient les attentes et les revendications de ces femmes militantes de leur propre condition ?

En réalité, le terme de « libération » était sur toutes les lèvres et surtout celles des femmes. Françoise Picq, maître de conférence en science politique à Paris Dauphine et militante de la première heure au MLF, décrit, avec une pointe de nostalgie, cette atmosphère si particulière : « Le contexte du moment était explosif », se souvient-elle. « Il était difficile d’être femme dans une société où nous n’existions qu’en tant qu’épouses, mères ou filles », poursuit Antoinette Fouque.

A partir des événements de 1968, la conception de la femme dominée par la « puissance paternelle » vole en éclat et est abolie en 1970. Les féministes rejettent l’idée d’être enfermées dans un rôle d’asservissement domestique. Les militantes du MLF prennent la tête de la revendication. Dans leurs coeurs, la révolution des mentalités et des moeurs n’est pas nécessaire : elle est incontournable.

« Le Mouvement de Libération de la Femme fut un véritable raz-de-marée, car il correspondait à un sentiment de révolte et de lassitude généralisé chez les ‘nanas’ de l’époque face à une mysoginie ambiante », explique Antoinette Fouque. « Nous étions des filles de la République. Nous avions reçu la même éducation que les garçons, et sur les bancs de la fac, nous nous sentions leurs égales. Or, une fois mariées ou enceintes, il n’en était plus rien. Nous étions toujours sous le coup des lois qui faisaient de nous des mineurs. Une femme n’avait pas le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari ! », insiste-t-elle. « Nous réclamions une révolution culturelle, une révolution de civilisation où hommes et femmes devaient être égaux en droits et en possibilités ».

Plus tard, l’association Choisir La Cause des Femmes est créée, en 1971, par Simone de Beauvoir et l’avocate Gisèle Halimi. Le Mouvement Français pour le Planning Familial est également fondé en 1956. Il permettra aux femmes de penser et façonner leur destin pour elles et entre elles.

Cheval de bataille : l’interruption volontaire de grossesse

Alors que le droit à la contraception est obtenu dès 1967, d’autres revendications se bousculent. Pêle-mêle : le droit au travail et à l’égalité salariale, la parité et la fin d’un système de domination masculine… Et surtout, le droit à l’avortement, finalement voté en 1975 grâce à la loi Veil. La question de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est le point crucial du combat féministe. C’est le cheval de bataille du MLF. Son mot d’ordre : « Un enfant, si je veux, quand je veux ». Pour la jeune historienne Bibia Pavard, « l’action a été déterminante à cet égard. On a reconnu aux femmes le droit d’avoir le choix ». Elles reprennent disposition de leur corps et de leur sexualité. Et puis surtout, elle maîtrise leur fécondité, peuvent accepter, ou non, la maternité.

« C’est un combat que nous devions mener seules, entre femmes, dans un environnement non-mixte. Il fallait que nous puissions accéder librement à la formulation de nos désirs, que nous puissions parler de tout, et particulièrement de ces choses intimes que nous n’avions, jusque là, pas le droit de dire», précise Antoinette Fouque.

Près de quarante ans plus tard, qu’en est-il de la cause féministe et de l’héritage de 68 ? Qu’est devenue la lutte engagée par les virulentes et déterminées demoiselles de ces années-là ? Aujourd’hui, les associations sont nombreuses et continuent de se faire entendre pour défendre les droits des femmes. Preuve que « si le travail accompli par les femmes de 68 a été considérable, beaucoup reste encore à faire » comme le souligne Sihem Habchi, l’actuelle présidente de l’association Ni Putes, ni soumises. « Les acquis de 68 se sont arrêtés aux portes des quartiers populaires, où trop souvent, les femmes, en particulier celles issues de l’immigration, n’ont aucune conscience de leurs droits. »

De même, pour les militantes de Femmes Solidaires. Pour cette autre association, il est urgent de mobiliser les jeunes générations, de les amener à continuer le débat et de lutter contre les régressions. Car les réformes d’hier peuvent être perdues demain. Ailleurs, comme chez Mix-Cité, on mène un combat des mentalités, contre le sexisme, mais dans lequel les hommes doivent être impérativement impliqués. Ainsi les temps ont changé : nos sociétés ont profondément évolué. Mais la défense des droits des femmes semble rester furieusement d’actualité.
Mathilde Magnier – Paris – 23.1.2008 |