Suite à mon courriel de détente d’hier, qui révélait les talents d’auteurs et plaçait sous les feux des projecteurs les personnalités si riches de deux inspiratrices de grands écrivains auxquelles la postérité fait très insuffisamment d’honneurs (Juliette Drouet et Lou Salomé), c’est de philosophie que traitera mon mailing du jour.
De philosophie, parmi la meilleure, la plus profonde, qui puisse nous être contemporaine : l’image et la parole, le visuel et le langage. C’est-à-dire qu’à eux deux ces ouvrages nourrissent l’ambition de nous enseigner le monde, de nous apprendre totalement la vie – des origines de l’humanité à ses mutations actuelles.
Ruez-vous sur « Accrochages », un livre d’exception signant le retour attendu de l’éminent philosophe Jean-Joseph Goux. Ce recueil d’articles (1989 – 2005) réussit le tour de force de dresser un panorama du visuel appréhendé dans son acception la plus globale (peinture, cinéma, photographie etc). En ce moment professeur à l’Université de Rice (USA), l’auteur de « Economie et symbolisme » (1973), « Les iconoclastes » (1978) et « Oedipe philosophe » (1990) nous offre ici un miracle de transversalité, embrassant tous les domaines intellectuels (histoire, politique…) dans tous les champs artistiques (le souci esthétique prime toujours) – et réciproquement. L’interrogation sur la représentation, les développements sur l’essence de l’image (illustrés par un cahier photos central) font de ce livre l’un des plus importants des éditions Des femmes en 2007. Clair et pédagogue, il est accessible à tous. Un choc, un éblouissement.
« Suivant différents angles d’attaque, mais reliés par le même fil conducteur théorique, les essais réunis ici ont pour but d’élucider les conflits du visuel qui ont traversé le siècle qui vient de s’écouler et se prolongent dans celui qui commence. La question de l’image dans sa dimension esthétique, mais aussi politique, philosophique, théologique, n’a cessé depuis longtemps de condenser une multitude d’enjeux souvent brûlants et conflictuels. Mais le siècle précédent a été, de ce point de vue, explosif. Secoué par l’art moderne avec ses défigurations cubistes et ses échappées non-figuratives, décontenancé par la psychanalyse avec ses forages dans la profondeur des images oniriques, bouleversé par la nouveauté des moyens mécaniques de saisie de l’apparence des choses et des êtres (photographie, cinéma), le siècle passé a connu la refonte complète de la visualité gréco-romaine et renaissante. En quelques décennies le régime visuel a basculé dans une nouvelle ère. » Jean-Joseph Goux
Aussi passionnant, mais peut-être plus spécialisé, « Le silence du nom et autres essais – Interprétation et pensée juive » d’Esther Cohen, disponible depuis un mois en librairie, est traduit de l’espagnol par Anne Picard pour les éditions Des femmes. Catherine Chalier, un autre des auteurs favoris de la maison, le préface. L’audacieuse originalité faisant la force de cet ensemble d’essais est de mettre en situation de dialogue philosophie et Kabbale. De construire des systèmes de pensée se définissant par rapport au Livre mais également susceptibles de s’en émanciper. Généreux en références à Levinas, Benjamin et Derrida, ce livre regroupe notamment trois études de « La Parole sans fin » : « Le territoire de la parole écrite », « Le labyrinthe » et « La sexualité dans la Kabbale ». La thèse maîtresse soutenue et démontrée dans cet opus est l’analyse de l’expérience de la lecture à partir du corps, observée à l’éclairage de la sexualité.
« L’essence du langage, écrit Levinas, est amitié et hospitalité. Et dans cette “maison” où habite l’homme, le nom propre est l’espace où la générosité du langage manifeste sa plus grande capacité d’accueil. C’est parce que nous sommes les hôtes du nom, humbles invités dans la maison du temps, que par la noblesse de la parole nous pouvons vivre notre vie. Le nom propre est notre première demeure dans le monde des hommes, le refuge vers lequel nous pousse le ventre maternel. En lui, et sans même en avoir conscience, nous survivons à l’arrachement originaire : en lui nous habitons le monde. » Esther Cohen, philologue et docteur en philosophie
Pour finir, je vous souhaite le dimanche… dont vous rêvez !