Ferdaous, une voix en enfer
Naoual el Saadaoui
Réédition
Office 23/11/2006
En Égypte, Ferdaous, détenue et condamnée à mort pour avoir tué un proxénète, reçoit dans sa cellule à la veille de sa mort une femme qui étudie la personnalité des détenues. « Ferdaous » signifie « paradis », mais c’est bien de l’« enfer » que vient la voix de celle qui se met à raconter sa vie, son éternelle fuite qui ne peut se résoudre que dans la mort. Une enfance dépourvue d’affection, dans une famille où le père est tout-puissant, puis un mariage forcé avec un homme vieux et répugnant qui la bat, poussent Ferdaous à la révolte. Elle s’échappe, mais la rue est le lieu de la prostitution, et les regards des hommes la ramènent bientôt chez son mari.
Mais ce mariage est-il autre chose qu’une forme de prostitution ? Elle a été donnée à son mari contre beaucoup d’argent, et ne doit sa subsistance qu’à son obéissance. Elle se donne à un homme qu’elle n’aime pas pour pouvoir manger. Alors autant pouvoir éviter les coups, et manger vraiment à sa faim. C’est ainsi que, malmenée par des hommes qui prétendent d’abord la protéger, mais ensuite la prostituent de force, Ferdaous choisit de le faire volontairement et à son compte, dans une société où, de toutes façons, les femmes sont mises au service des hommes sans rien y gagner. Quand un proxénète veut la forcer à travailler pour lui, elle se débat et le tue. Condamnée à être pendue, elle se réjouit de « ce voyage vers une destination ignorée de tous sur terre, y compris des rois, des émirs et des gouvernants ».
Dans ce roman publié pour la première fois en 1977, Naoual el Saadaoui décrit la société égyptienne à travers l’histoire d’une vie infernale, sans issue : les fréquentes répétitions, au cours du récit, de petites scènes, traduisent l’impasse dans laquelle se trouve l’héroïne, qui revit sans cesse les mêmes déceptions, se heurte sans cesse aux mêmes obstacles. Ainsi la prostitution apparaît-elle tragiquement comme la seule véritable liberté pour Ferdaous, dans une société où les femmes, soumises aux hommes, n’existent que pour accomplir leur volonté. Au seuil de la mort, elle entame un chant de liberté, puisqu’elle s’apprête à quitter l’enfer, et que, au plus près de la vérité, elle n’a plus peur de rien ni de personne.
Naoual el Saadaoui, médecin en Égypte, est connue dans le monde entier pour son engagement dans la lutte pour les droits et les libertés des femmes arabes. En 1982, elle a reçu en France le prix de l’amitié franco-arabe pour ses livres : La face cachée d’Eve et Ferdaous, une voix en enfer (aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque).