Recopié du site d’actualité du livre gay et lesbien http://www.la-reference.info, ici http://www.la-reference.info/32-hiver2005.htm#romero
Le phénomène Susana Guzner
Par Pierre Salducci
On dit d’elle que c’est une « auteure brillante », « une écrivaine courageuse » et qu’elle est « énormément talentueuse ». Originaire d’Argentine et née en 1944, Susana Guzner est le nouveau phénomène de la littérature lesbienne et rayonne maintenant à partir des îles Canaries en Espagne où elle a choisi de s’installer.
Déjà bien connue au Canada anglais, Susana Guzner peut se vanter d’avoir captivé des milliers de lecteurs en Espagne et à travers le monde. Après avoir été traduit en anglais, en allemand et en néerlandais, son roman La Géométrie insensée de l’amour est enfin disponible en français. Publié par les éditions des Femmes, le livre a battu des records de ventes en France en très peu de temps. Selon María Rodríguez Peña Alfonso, professeure de littérature à l’université de Salamanque (Espagne), La Géométrie insensée de l’amour est « peut-être un des meilleurs romans d’amour entre femmes qui ait été publié jusqu’à présent en espagnol. Susana Guzner a ce don inné des latinos-américains pour raconter des histoires excitantes avec un énorme talent. En l’occurrence, l’amour entre les deux femmes est construit comme un suspense amoureux. »
En Espagne, Susana Guzner est considérée comme une des meilleures romancières du moment, même si María Rodríguez déplore qu’elle soit encore « injustement oubliée par les médias grand public » (comme toujours lorsqu’il s’agit de littérature homosexuelle). Son roman a réussi l’exploit de pulvériser le box-office espagnol sans un article dans la presse ni une interview à la télévision, tout s’est fait de bouche à oreille de lecteurs / lectrices. Pourtant, les critiques qu’elle reçoit sont toujours très positives comme le prouvent ces deux déclarations d’auteures : « Un roman qui vous emporte aussi fort que si vous descendiez des rapides, avec une histoire parfois tendre, parfois bouleversante, mais aussi parfois hilarante, et dans son ensemble, aussi spirituelle et turbulente que la vie », Rosa Montero, et « La Géométrie insensée de l’amour est une histoire pleine d’intrigue, d’intelligence, d’émotion et d’ingénuité, qui raconte la rencontre de Maria et d’Éva, mais aussi leurs moments de bonheur, leurs hésitations, leurs peurs et leurs audaces », Cristina Peri Rossi.
Le fil conducteur du roman pourrait se résumer en quelques mots. María, jeune traductrice, rencontre à l’aéroport de Rome la belle et énigmatique Éva, par laquelle elle se sent immédiatement attirée. La première est une lesbienne affirmée, l’autre est hétéro. Pourtant, cette rencontre marque le début d’une histoire d’amour intense et complexe, d’une passion tumultueuse qui évolue de manière inattendue et tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. L’imposant récit de plus de 500 pages tisse une toile sentimentale subtile qui s’achève par un rebondissement spectaculaire qui à lui seul justifie toute la lecture du livre. D’autant plus que Susana Guzner nous gratifie d’une impressionnante bataille de femmes qui risque de faire date dans les anales de la littérature lesbienne.
Dans la préface de son livre, Susana Guzner précise que La Géométrie insensée de l’amour est une pure fiction, animée par des personnages inventés, mais que, aussi étrange que cela puisse paraître, elle a vécu exactement les mêmes situations que dans son roman juste après les avoir écrites. Elle en arrive ainsi à la conclusion que son livre est en fait un autobiographie à l’envers puisque c’est la fiction qui est devenue sa vraie vie et non l’inverse. Par ailleurs, elle révèle que si certaines parties du récit se sont écrites presque toutes seules, s’imposant quasiment d’elles-mêmes, elle dût s’y reprendre à plusieurs fois avant de trouver le dernier chapitre de son histoire. Au terme de plusieurs tentatives infructueuses, elle décida de laisser aller ses personnages au gré de leur fantaisie, de céder aux voix qu’elle entendait, et d’adopter la fin qui lui était ainsi dictée plutôt que celle qu’elle avait auparavant prévue. Et visiblement, elle n’a pas eu tort car tout se déroule d’une manière admirablement bien tournée.
Au final, La Géométrie insensée de l’amour est un livre absolument exquis, raffiné et intelligent, admirablement porté par une langue subtile et vive. Susana Guzner décortique avec maestria la complexité des jeux de l’amour et du hasard entre deux femmes. Une grande découverte. Une auteure comme on en lit rarement. Un roman qui s’adresse à tous et toutes, et qui a les meilleures chances de devenir un incontournable de notre littérature.
Susana Guzner, La Géométrie insensée de l’amour, éditions des Femmes, Paris, 2005, 512 pages, 22 euros.
On peut en apprendre plus sur Susana Guzner, sa vie, son œuvre, en consultant son site officiel (en anglais et en espagnol) : www.susanaguzner.com