Je suis né au Caire en 1913. Mon père pouvait lire le journal, mais il n’a jamais lu un livre. Ma mère était illetrée. Si ma mère me voyait aujourd’hui, elle ne me reconnaîtrait pas. Quand je me balade au Jardin du Luxembourg, je pense « Si ma mère me voyait au Jardin du Luxembourg ! » C’est pour elle quelque chose qui n’existait pas, elle ne savait pas où était la France, mais cela fait partie de ma vie. J’ai effectué toute ma scolarité dans une école française. À dix ans déjà, je voulais être écrivain, je savais exactement ce que je voulais être. Mais l’écriture, je ne sais pas comment ça vient. Dans mes premiers romans, mes personnages sont issus d’un milieu populaire et ils ont des idées révolutionnaires. Mais, petit à petit, ça évolue vers la dérision. C’est la révolution qui devient la dérision. J’ai toujours pensé qu’il était grotesque de prendre au sérieux n’importe quel dirigeant. Je ne suis pas le seul, puisqu’il y a de plus en plus de gens qui ne votent pas. Pourquoi ? C’est parce qu’ils pensent la même chose que moi : telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, ce n’est plus de la démocratie, elle ne profite qu’aux salauds, puisqu’on peut manipuler les foules – vous savez bien qu’on manipule les gens – sinon comment un Bush peut gagner les élections, s’il ne manipule pas, avec tous ses mensonges ?
Serrer des mains de charretiers, de cochers, de fermiers ; embrasser des enfants morveux ; débiter des promesses aussi fausses qu’un orgasme de prostituée, tout cela dans l’espoir d’acquérir une infime parcelle d’un pouvoir lui-même domestique des puissances financières, il faut le faire. Pour rien, pour un petit truc, il faut vraiment ne pas aimer la vie.
(Sur Saint-Germain des Prés) Je suis venu ici en 45, invité avec mon éditeur Charlot. Il y avait beaucoup d’écrivains, de peintres qui venaient chaque soir, on allait danser à la Rose Rouge rue de Rennes, au Club Saint-Germain, il y avait Boris Vian. Il y a une rupture complète dans la clientèle depuis 65. Saint-Germain, c’est 15, 20 ans, de 45 à 65 à peu près. Dans aucun pays au monde, je n’aurais pu rencontrer tous les gens que j’ai rencontrés. Au Caire, lorsque je lisais des romans de Balzac, j’avais déjà envie de vivre à Saint-Germain.
(au Jardin du Luxembourg) Ici, c’est la campagne à cinq minutes du macadam. C’est là que je réfléchis à ce que je vais écrire.
(à propos des chaises du Luxembourg) Oui, Madame. Ca, fallait payer. C’était mieux quand il fallait payer, parce qu’au moins tu trouvais une chaise.
Je hais les hommes. J’aime les femmes, parce que jusqu’à maintenant elles n’ont pas commis de massacres.
Le luxe, c’est de ne rien posséder. Quand tu ne possèdes rien, tu es libre.
La télévision participe à un complot mondial destiné à éradiquer l’intelligence sur toute la planète.
Mendiants et Orgueilleux 1971
réalisation et production
Jacques Poitrenaud
Adaptation de Mendiants et Orgueilleux
réalisation Asma El-Bakri 1991
Extrait : « Quand on a un beau cul, on n’a pas besoin de savoir écrire (…) Tu as parfaitement raison »
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