… Et merci à Alexandre Lacroix, rédacteur en chef de Philosophie Magazine ! (précisons toutefois ici que de petites choses ont été tronquées lors de l’impression de cette interview d’Antoinette Fouque, seule femme choisie par Philosophie Magazine pour s’exprimer sur ce dossier)
Philosophie Magazine – Octobre 2009
Et si on parlait de parité ?
« L’Egalité bute à tout moment sur le roc du réel qu’est la gestation. »
Entre hommes et femmes, l’égalité semble difficile à atteindre. Pour Antoinette Fouque le paradigme de la parité, qui intègre la spécificité féminine, permet de sortir de cet écueil. Propos recueillis par Fabien Trécourt.
Figure historique du militantisme féministe, Antoinette Fouque est psychanalyste et fondatrice des éditions Des femmes. Elle a notamment écrit « Il y a deux sexes » (Gallimard, 1995)
Le principe d’égalité entre hommes et femmes est-il suffisant ?
C’est un principe abstrait louable, car combattant les discriminations, mais il vise à la disparition du multiple, aliène la question de l’identité à celle de l’uniformité. Bref, il veut faire fonctionner chaque femme comme « un homme comme les autres ». Mais, à effacer le fait que les femmes font les enfants, à refuser la procréation comme production de richesse, il finit par produire de l’injustice. On le voit aujourd’hui avec le projet de réforme des retraites (1). L’égalité bute à tout moment sur le roc du réel qu’est la gestation, cette asymétrie qui fait que dans l’espèce humaine dont la compétence principale est le langage, comme le dit Lacan, il y a une compétence charnelle spécifique aux femmes. C’est pourquoi les inégalités perdurent, malgré les réformes égalitaires des quarante dernières années.
Il faut donc dépasser la notion d’égalité ?
Avec le MLF qui, dès 1968, a intégré le combat pour l’égalité des droits entre hommes et femmes et l’affirmation d’une identité féminine, on est entré dans une phase postégalitaire. Du coup, les principes républicains ont été mis en demeure de penser qu’il y a deux sexes. C’est là qu’intervient le concept de parité. Au-delà du principe d’égalité qu’elle affine sans l’abolir, la parité reconnaît une différence qualitative, permet un équilibre entre la part des hommes et celle des femmes. Elle ouvre à une dimension éthique par la reconnaissance de l’apport des femmes à l’humanité. Avec toutes les conséquences culturelles et civilisationnelles d’une telle rupture, on peut parler d’une véritable mutation dans l’espèce.
Sur quoi repose ce concept ?
La gestation m’apparaît comme un paradigme pour l’éthique et la pensée : c’est donner la vie, créer, accueillir l’autre en soi… C’est aussi une alternative à une société de profit, un nouveau contrat humain fondé sur une économie du don, du partage et de la gratitude.
(1) La Cour de Cassation et la Halde sont opposées au nom de l’égalité à ce que les femmes ayant interrompu leur carrière pour avoir des enfants bénéficient d’annuités supplémentaires