Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmes :
Chahdortt Djavann
Lorsque les Editions Des femmes m’ont proposé de faire un CD de Bas les voiles ! et d’en lire moi-même le texte, j’ai été à la fois émue et inquiète. Emue d’une invitation qui était un geste de reconnaissance et de sympathie. Inquiète, parce que je n’étais pas sûre de réussir cet exercice dont je n’avais pas l’expérience. Je ne savais pas poser ma voix. L’émotion précipite mon débit. J’avais conscience, en outre, de mon accent étranger. Je me disais que personne ne me comprendrait et que, de toute manière, je n’arriverais pas au bout de ma tentative.
En même temps, l’idée me séduisait, lire moi-même les mots et les phrases que j’avais écrits dans ma protestation solitaire. Il y avait une grande délicatesse dans la proposition des Editions Des femmes de m’inviter ainsi à faire entendre ma voix.
L’expérience ne m’a pas déçue. La lecture de son propre texte est une épreuve étrange et enrichissante. Se lire à haute voix, c’est à la fois se mettre à distance et se retrouver, s’obliger à écouter et à entendre, à retrouver les mots conçus dans le silence. Ce n’est pas simplement se relire, c’est prendre conscience soudain de l’impact que le texte aura peut-être. Imaginer furtivement ce que d’autres pourront entendre. Si écrire, c’est donner naissance à une idée, à une pensée, à des sentiments, à des émotions, à des convictions…, enregistrer la lecture d’un texte, c’est essayer par un effort très profondément corporel de faire entendre la voix de chaque idée, de chaque phrase, de chaque mot. Au cours de ma lecture à haute voix, j’ai été encouragée par la présence bienveillante de Michelle Muller, qui de temps en temps, non sans un fou rire, corrigeait ma prononciation de tel ou tel mot. J’avais par exemple, à cause de mon accent, beaucoup de mal à prononcer correctement le mot « dehors ».
Le soutien sans condition d’Antoinette Fouque, au moment de la sortie de Bas les voiles !, a été très précieux pour moi. J’ai senti que mon témoignage et mes analyses pouvaient parler à d’autres, à beaucoup de femmes occidentales qui n’avaient pas connu la répression des islamistes.
Antoinette Fouque a su m’exprimer une compréhension intellectuelle et une solidarité sans failles qui constituaient un engagement immédiat, sans conditions et sans réserves. La confiance qu’elle a su m’inspirer m’a donné confiance en moi. Elle m’a aidée en me faisant comprendre que je pouvais compter sur elle. Expérience rare.
C.D.