Cahier Critique de la Poésie n°17
Par Anne Malaprade
Catherine Weinzaepflen
Le Temps du tableau
Des femmes
156 p., 15,00 E
Triptyque hybride, puisqu’il réunit des textes de genre varié – poèmes, scènes théâtrales, lettre – , ce livre regroupe des fragments écrits sur plusieurs années. Le Temps du tableau, c’est avant tout ce temps de l’écriture qui sait, si justement, prendre son temps. En effet, la langue de Catherine Weinzaepflen est une langue au repos, qui goûte et prélève dans le temps ce qui lui permet de saisir la présence, celle des mots enfin accordés à l’expérience. Expérience qui peut être le voyage, la rencontre, la contemplation, la pensée de la non-pensée : ces états ou actes par lesquels la conscience se tient au bord du vide, tout près du monde et de l’Autre, et pourtant, irrémédiablement solitaire. Ni le temps ni le tableau ne sont indemnes : leurs blessures quelquefois invisibles, paisibles même, touchent jusqu’à l’écriture. La légèreté du vers n’est qu’apparente : coupé et coupant sans être incisif, il décape les couches du temps qui pourraient fossiliser l’émotion. Et cette dernière provient de la coexistence des temps que cette écriture verticale découpe et suture tempo continu. Temps mêlés et démêlés, tableaux vivants, images fixes ou mouvementées, scènes vues, peinture sur pellicule, cadres de vie : les tableaux voyagent dans une temporalité intime qui articule ce que voir veut dire, ce que voir dit, puisque « les mots, la vie des mots / sont ma survie ».