Le Contemporain célèbre l’écrivain François Coupry qui veut sauver Gutenberg

Le livre agonise-t-il ? François Coupry et l’agonie de Gutenberg

■ François Coupry, aux Deux-Magots, à Paris.
 

Par Marc Alpozzo – Philosophe et critique littéraire. Il a publié une douzaine de livres, dont Seuls. Éloge de la rencontre (Les Belles Lettres), La Part de l’ombre (Marie Delarbre), Lettre au père (Lamiroy), Galaxie Houellebecq (et autres étoiles) (Ovadia) et il est coauteur de plusieurs ouvrages collectifs, dont L’humain au centre du monde (Cerf).

Ces courts textes que l’écrivain François Coupry appelle à sa manière « vilaines pensées » et que l’on pourrait rapprocher du mauvais esprit d’autrefois ne trouveraient plus un éditeur de premier plan aujourd’hui pour le publier, alors même qu’il a fait paraître plus de soixante livres chez Gallimard, Le Rocher, Robert Laffont, etc.Non qu’elles soient mauvaises. Au contraire ! Si elles sont vilaines, au sens de décapantes, elles sont, en revanche trop honnêtes et corrosives pour une époque si lisse, tiède et bien-pensante. Son prélude n’en fait d’ailleurs pas mystère ! Après avoir publié le premier tome chez le regretté Pierre-Guillaume de Roux, à la disparition de ce dernier, la liberté d’expression se réduisant encore drastiquement avec la fin des éditions du fils de Dominique de Roux, il ne restait à François Coupry que l’autoédition pour continuer de diffuser ces textes, sous forme de billets d’abord publiés dans son blog.

Il n’en fait d’ailleurs pas mystère dans le prélude à ce troisième tome, rassemblant des textes allant de 2013 à 2021 : « L’ère de Gutenberg agonise. Par goût des bouleversements je me suis renversé, à mon âge, eh oui ! vers cette manière moderne de communiquer. » François Coupry n’hésite pas à s’auto-flageller. Il a lui-même cédé à la machine, aux nouvelles technologies, et à la rapidité des blogs et des réseaux sociaux. Il est vrai, qu’au début du siècle, avec l’arrivée de toutes ces plateformes de partage, on avait cru que la liberté était libérée, et que nous avions franchi un pas de plus dans l’émancipation des masses. Que nenni !

« Le passage de la rapidité numérique à la belle pesanteur du papier, son volume, son odeur, sa tenue en main, marque son évolution dans sa violence : d’un côté un échange immédiat, consommé et aussitôt consumé, oublié, de l’autre un échange plus médiatisé, décalé, réfléchi, qui peut se garder, s’archiver, se humer, se consommer, se boire et se manger avec lenteur. »

Ce livre nous dit ce que l’on n’ose à peine penser tout bas : qu’il y eut durant le terrible 11 septembre 2001 une forme de fascination morbide pour ces tours qui s’écrasaient en chacun de nous. Il raconte les histoires de Monsieur Piano, qui écrivant un livre dont personne ne voulait, finit par acheter une maison d’édition, des librairies, des journaux pour qu’il voie le jour et qu’il soit acheté par des lecteurs. N’ayant aucun succès, c’est Monsieur Piano lui-même qui se mit à s’acheter ses propres livres.

François Coupry revisite la condition humaine et regarde le monde en face, ce monde en décomposition permanente, loin des éléments de langage et des conventions conformistes qui prétendent éloigner de nous le tragique de notre existence, la folie de nos sociétés modernes, l’épreuve de vivre dans une vie où, comme le disait Érasme, « il faut être bien fou pour se croire sage dans un monde de fou. »

À lire sans modération.

François Coupry, L’agonie de Gutenberg. Vilaines pensées 2013-2021, FCD-Livres.

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