Le coup de coeur de Jérôme Garcin
Nantes, 1920
En somme, c’est une petite fille de 95 ans. Guillemette Andreu, née en 1914, se souvient de son enfance dans ce premier et sans doute dernier livre, un roman autobiographique d’une beauté sans apprêt où toujours le malheur est saisi au collet. Orpheline de mère, abandonnée par un père parti fonder un autre foyer, Guillemette, alias Lise, a grandi à Nantes, dans un dénuement que seule la bonté de sa grand-mère atténuait. Combative, intelligente, curieuse de tout, elle puise sa force chez ses camarades et chez les écrivains qui seront ses meilleurs alliés, le Hugo des « Misérables », mais aussi Colette et Loti. Tout en se racontant avec une délicieuse pudeur, Guillemette Andreu dresse un portrait remarquable de la vie provinciale au lendemain de la Grande Guerre, avec ses orphelinats bondés que l’Eglise tenait d’une main de fer, ses hommages aux morts pour la France, ses assemblées de châtaignes, ses lavandières et ses plaisirs gourmands révolus : l’embeurrée, la fouace, les pommes d’or, les galettes de blé noir ou le marc de café bouilli. Guillemette se rêvait couturière, elle devint sténodactylo à la fin de l’adolescence. La suite n’est pas dans ce livre, mais on la connaît : elle a épousé l’écrivain Pierre Andreu, eut des enfants, dont Anne, le coeur battant de « Cinéma, cinémas », et a sagement attendu d’être âgée pour rester jeune.
« Tableau d’honneur », par Guillemette Andreu, Des Femmes, 202 p., 15 euros