Le don de l’intuition, malgré le respect que lui portait Einstein, reste toujours tabou
Publié le 10 novembre 2019 par Marjorierafecas
« Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur fidèle et a oublié le don », constatait Einstein. Plus de 60 ans après, notre société se montre toujours aussi hostile aux intelligences différentes de la sacro-sainte intelligence logique et verbale. Pour cette raison, j’ai trouvé le témoignage de Valérie Fauchet sur sa mediumnité, dans son livre Une voyante passe aux aveux, fascinant. La voyance est une forme d’hypersensibilité qui défie les lois physiques et spatio-temporelles et qui mérite notre attention, au regard de l’intelligence artificielle versus intelligence humaine. Il existe, malheureusement, des dons que l’on subit. Certaines personnes possèdent en effet le don de « pré-voir ». Contrairement aux surdoués, les dons de voyance sont jugés douteux et sont ignorés par la science. Pourtant, ces personnes « voyantes » n’ont pas décidé d’avoir ces « flashs », ils s’imposent à eux. Comment faire alors pour ne plus voir ?
Dans ce livre Une voyante passe aux aveux, le témoignage de Valérie Fauchet est troublant, sa vie ressemble à un roman fantastique. Pour donner du coffre à ses expériences, et prouver qu’elle n’a pas peur d’être titillée par l’exigence de preuves factuelles, l’auteure a eu la bonne idée d’être interviewée par une magistrate, Marie-Noëlle Dompé. La voyance au tribunal ? Oui, mais il ne s’agit pas pour autant d’un procès. Cette magistrate, aguerrie à l’impartialité, a joué le rôle de l’investigatrice bienveillante pour comprendre comment se manifeste cette méga intuition chez notre voyante peu commune. La voyance apparaît alors sous un autre jour, plutôt comme une hypersensibilité insoutenable. Comme une faille qui attire la lumière d’un flash. Les gens dotés d’une hypersensibilité sont plus facilement fatigués, car ils absorbent énormément les émotions des autres, voire des objets… Car pour Valérie Fauchet, même les objets portent une histoire. La foule est pour elle tel un vampire, elle l’épuise. Ces phénomènes de clairvoyance sont provoqués par des émotions très fortes. Etymologiquement, émotion veut dire « dérangement ». Les artistes peuvent eux-aussi d’ailleurs avoir cette sensibilité médiumnique. Comme le souligne justement l’auteure, les artistes sont « chacun dans leur genre » des mediums, et pourtant personne ne les craint. Car leur don se manifeste dans une expression artistique, un don qui heureusement est reconnu par nos sociétés.
Son témoignage est à certains moments poignant. On est saisi de compassion lorsqu’elle explique qu’elle a découvert son don, en pressentant 8 jours avant, les futurs attouchements de son instituteur… Mais personne ne s’en alerte. Malgré cet épisode douloureux, sa vie ressemble aussi à un conte de fée. Elle voit par exemple des Elfes dans le jardin de sa maison de Rennes. Un peu comme dans les légendes celtes, elle vit des jours enchantés sur l’île aux moines, île dotée d’une énergie très particulière. Les artistes, et en particulier les poètes, sont ses amis. Elle a par exemple le plaisir d’échanger sur l’onirisme et la poésie avec le peintre brésilien Cicero Dias, ami de Paul Eluard, ouvert à la médiumnité. Après sa période bretonne enchanteresse, elle a le coup de foudre pour un appartement rue de Tournon à Paris, qu’elle transforme en cabinet de curiosités. Une vraie vie de bohème s’ouvre alors à elle. Elle apprend alors qu’une célèbre voyante, Mademoiselle Lenormand, habitait dans cet appartement et qu’elle recevait régulièrement Joséphine de Beauharnais. En somme, une jolie coïncidence.
Mais est-il judicieux d’être marié à une voyante ? On sourit lorsqu’elle relate que son don n’était pas un cadeau pour son ex-mari, car elle visualisait toutes ses maîtresses, et ce même à distance… Son mari ne pouvait pas cultiver de jardin secret. Ce qui peut donner l’impression encombrante et obsessionnelle d’être tout le temps espionné…
La voyance souffre aujourd’hui d’une image délétère, elle est perçue comme la misère de tous les espoirs déçus. Elle est souvent l’appât facile de charlatans qui exploitent le mal être des personnes insatisfaites de leur présent. Cette voyance « bas de gamme » et payante est à l’opposé du « connais-toi toi-même ». On gagne souvent plus de temps à chercher à comprendre l’origine de ses désirs, que de tenter de les assouvir à tout prix. Malgré le charlatanisme qui entoure ce don qui défie les lois spatio-temporelles, la « vraie » voyance ou la médiumnité sont une forme d’intuition. Elles échappent certes à l’intelligence logique, mais appréhendent le monde autrement. Einstein soutenait que « le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur fidèle et a oublié le don ». Notre occident est si rationnel qu’il barre la route à l’intuition. La voyance peut être perçue comme une alchimie des émotions qui nous livre une autre clé d’interprétation de la réalité. A travers son témoignage, l’auteure a cherché à « desorcelliser » la voyance.
Même quand une personne a des « flashs », ces images restent toujours interprétables. Valérie Fauchet insiste sur le fait qu’il n’y a pas de vérité absolue, même sur le passé. Sa voyance est la possibilité « d’offrir un autre regard ». La façon de vivre l’évènement prédit est elle-aussi subjective. Par conséquent, attention à l’hubris : ne jamais prédire des choses de façon catégorique. Le doute cartésien doit être la règle, même dans ce domaine de l’intuition. La médiumnité reste un mystère et n’obéit à aucune loi.
Cet ouvrage souhaite offrir une vision moins matérialiste du monde dans lequel nous vivons.
Valérie Fauchet a parfois l’impression d’être à la fois sur terre et dans l’au-delà. C’est dur de vivre cette dualité, c’est comme le destin de mélusine, mi-femme mi-serpent, ce type de femmes dérange…
Notre monde continue de refuser la complexité.
J’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteure, suite à la lecture de son témoignage. Je vous ferai part bientôt de nos échanges dans un prochain article…
Une voyante passe aux aveux, Editions Ipanema 2019, 233 pages, 17,90 €