LE BONHEUR EST UN EFFET, NON UN BUT
Et si nous avions tort de courir après le bonheur ? De le considérer comme la fin de toutes nos activités ? Rien de plus trompeuse que cette recherche à perdre haleine : elle ne conduit qu’à la déception, qu’à l’amertume, qu’au désespoir ! Nous prenons l’heur, lorsqu’il complaît à nos désirs, pour le bonheur, oubliant qu’il se renversera bientôt en son contraire.
C’est dans cet heur, pourtant, que nous plaçons nos rêves de félicité. Nous succombons au coup de foudre, et voilà que tout tourne mal ! Nous donnons la vie à un enfant, et voilà qu’il meurt ! Nous avons gagné au loto, et voilà que nous perdons en qualité d’existence ! Notre faute de logique : nous plaçons notre bonheur dans ce qui ne dépend pas de nous.
Lorsque surgit l’événement contraire, la maladie, la ruine, la séparation, la disgrâce, la mort, nous nous croyons malheureux. Le malheur est une question d’interprétation. En soi, il n’existe pas. Ce n’est pas l’événement qui nous fait souffrir, mais le jugement que nous portons sur lui. Il est malheur parce que nous le jugeons tel. La mort d’un enfant n’est pas un malheur en soi ; ce n’est un malheur que dans notre jugement. Nous pouvons juger qu’elle est dans l’ordre des choses. Si les événements ne dépendent pas de nous, notre jugement lui, en dépend. Le bonheur n’est pas un but de l’action, mais un effet de la liberté intérieure.
Ne nous fions pas au titre, Célébrations du bonheur. Ce livre n’est pas un sirupeux pensum de développement personnel, cette espèce littéraire aussi toxique qu’invasive, mais un véritable livre de philosophie pour tous, écrit dans la langue du quotidien. Aussi limpide que les Entretiens d’Épictète, il est un symptôme de l’inépuisable fécondité du stoïcisme, qu’Emmanuel Jaffelin remet au goût du jour.
Emmanuel Jaffelin, Célébrations du bonheur. Guide de sagesse pour ceux qui veulent être heureuxMichel Lafon, 176 p., 12 €
Robert Redeker