Le littéraire a remarqué « L’Ombre de la Terre » de Christine Fizscher

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Christine Fizscher, L’ombre de la terre

Que reste-t-il de nos amours ?

Dans ce beau livre, tout va finir par se clore. Mais la bles­sure fut longue à cica­tri­ser. Il a presque fallu que le hasard s’en mêle :- « sur le bot­tin son nom / ne se trouve plus./ Plus de vingt ans j’ai gardé ce nom / tombé de lui-même ». Com­bien de pluies d’hiver et d’été avant que ce nom plonge « dans l’inconnu, l’esprit désert » ?
Chris­tine Fiz­scher dit le tra­vail du temps, de l’oubli. Le faut-il ? Il le faut. Non vers un impon­dé­rable som­meil mais pour accep­ter qu’oublier est un mal néces­saire afin, au fond de soi, de pou­voir se recon­naître. L’âme est par­fois encore “lourde comme un vol de canards / Sur une eau pleine de phos­phate. Les sapins se vendent à l’arraché ». Et l’amour doit subir le même sort afin de ne plus res­ter l’hôte de l’hôte, de l’autre. Avec lequel on fit pour­tant un.

Pour y arri­ver des voyages sont néces­saire. La poé­tesse les évoque. L’amour plonge peu à peu dans la faille du temps, dans sa brèche. L’auteure fait bar­rage afin que l’eau dor­mante rem­place l’eau bouillon­nante. C’est d’une cer­taine manière faire appel du vide. Au vide à com­bler.
L’amour se quitte pro­gres­si­ve­ment au moment même où il sem­blait ne pas pou­voir s’estomper. De lui, il ne res­tera même plus la mala­die, l’addiction, l’alcoolisme. Mais pour y par­ve­nir, “la nuque plus molle qu’une tige, foule plu­sieurs mondes ». La vic­time de l’amour  doit dépla­cer ses propres bases et en chan­ger les cadres  : New-York, Ville d’Avray, Sala­manque. Et d’autres lieux encore pour réap­prendre à ne plus vivre que par l’autre.

S’ins­crit le sourd récit de l’oubli entre car­net de voyage et chant de ce qui fut si fort et s’est délité. Pluie d’amour, pluie d’indifférence. C’était et ce n’est plus.
Qui n’a pas connu cela ne peut se dire vivant.

jean-paul gavard-perret

Chris­tine Fiz­scher, L’ombre de la terre, Dumer­chez, jan­vier 2019, 54 p. — 15,00 €.

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