Le lent récit d’un oubli, le récit d’une ou de deux années, mois par mois, le récit d’un journal sous forme poétique, à la fois carnet de voyage et récit d’un amour fervent et passionné, puis manqué, non partagé, délité, le récit d’une rupture amoureuse, d’un oubli.
Voyage intérieur et voyage extérieur se mêlent tout au long des vers et des phrases au rythme parfois mélodieux, parfois haché.
D’une île de la mer Egée, puis de New-York jusqu’à Salamanque, en passant par Paris et Ville d’Avray, la poétesse-narratrice emmène son lecteur dans un voyage de réflexion sur l’ailleurs, l’amour, l’oubli et la rupture. Le voyage à la fois comme stimulant de l’amour et comme remède lorsqu’il s’est enfui.
Il s’agit d’un lent découpage du temps, mois par mois, parfois à rebours : l’été, août dans les îles grecques, à Hydra où :
« Je vais à la terrasse des cafés du port
attendre
qu’on drisse les auvents
[…]
dans la lumière sourde ».
C’est ensuite l’entrée progressive dans un hiver météorologique et sentimental ; le retour à Paris depuis New-York, en octobre :
« Dans l’intervalle du ‘jet-lag’ :
trottoir sous le soleil
où ni les pieds ni les yeux ne se posent,
veines et iris et paupières de coton,
la nuque plus molle qu’une tige,
je foule plusieurs mondes ».
A Ville d’Avray, où se trouve la maison de l’ancien amour, vide de l’amour absent :
« Il pleut
L’hiver nous rejoint
dans le parc de feuilles.
Mortes elles recouvrent
l’herbe et les arbres bas,
les perrons et les massifs,
les allées ».
[…]
« Aujourd’hui la clémence
de l’automne
Prodigue mille étés ».
Puis c’est décembre et l’approche de Noël :
« Je me suis réveillée comme une brassée de glaïeuls.
Rien ne me reliait assez fort au jour
et je me rendormis ».
[…]
« Mon âme est lourde comme un vol de canards
Sur une eau pleine de phosphate.
Les sapins se vendent à l’arraché ».
Arrive janvier, où une part du mystère est levée, car cette histoire d’amour enfui, enfoui, est un secret que dévoile peu à peu la poésie.
« Nos baisers furent rêvés
Ton bateau a quitté le port d’Hydra
Et depuis,
Nos mémoires se sont tues ».
Enfin, c’est avril et l’arrivée sur Salamanque, en autobus, depuis Madrid ; Salamanque, ville parée de souvenirs :
« Salamanque comme un palais du Rajasthan,
cité de la Renaissance »
[…]
« Cependant sur le bottin son nom
ne se trouve plus.
Plus de vingt ans j’ai gardé ce nom
tombé de lui-même ».
La poétesse-narratrice, seule, solitaire, mais non isolée, entrera « dans l’inconnu, l’esprit désert ».
Sylvie Ferrando