Antoinette Fouque par Jocelyne Sauvard (sitarmag)

Le lien de Sitartmag :
* http://www.sitartmag.com/afouque.htm

* Ne pas oublier la plus belle interview du monde d’Antoinette Fouque (comme sur la beauté de l’article, que les talentueuses précédentes plumes n’en prennent pas ombrage, c’est de la com !), aussi par Jocelyne Sauvard, et encore disponible à l’écoute à cette adresse :
* http://www.jocelynesauvard.fr/pages/radio.html

ANTOINETTE FOUQUE
Portrait et entretien

Gravidanza
Editions des femmes, 2007
Il y a deux sexes
Gallimard, Le débat

Livres CD et DVD : Bibliothèque des Voix, Bibliothèque du Regard, Editions des femmes

Au jardin

Psychanalyste, philosophe, cofondatrice du MLF, éditrice, depuis quatre décennies, Antoinette Fouque enrichit la psychanalyse et la philosophie, les sciences humaines et les sciences politiques, de ses avancées théoriques sur la différence des sexes. Elle décrypte le monde et l’ouvre à la création féminine. Elle fraye de nouvelles voies pour le 21ème siècle. Et sa pensée, dit Alain Touraine, est au cœur de la mutation civilisationnelle en cours. Pour nous, elle est aussi, et peut-être même tout d’abord, écrivain.
Portrait d’une femme livre au jardin.

Intellectuelle, celle qui riche de savoirs, de connaissances, d’expériences, parle, analyse, débat et qui, par sa pensée, son action, rend conscient, fait évoluer le monde des femmes et de la création, Antoinette Fouque, femme politique et femme d’honneur, femme de lettres et femme de plumes, dont la voix a sa musique qui peut s’inscrire sur une partition, possède un style qu’on reconnaît d’emblée par sa ligne poétique, caractéristique du grand écrivain. Longtemps en réserve, cette passion de l’écriture la fait vibrer depuis la petite enfance. De prime abord, elle lui est venue par les contes, les récits qu’on lui donnait à entendre à la maison, et très vite par la lecture. Puis les mots peuplant le jardin secret, ceux qu’on griffonne et dont on ne parle pas, ceux qui résistent à la publication, deviennent au fil du temps, et des études, pratique régulière, autant qu’objets de recherche. Mais l’écriture qu’elle aime est loin du narcissisme ; c’est « une écriture qui ne refoule ni n’exploite l’oralité première », une écriture qui, s’en prenant à « l’empire du signe sur le corps », s’« articule à la chair, à la pensée génésique », une écriture non « matricide » mais « matricielle », où se symbolise la « libido creandi » des femmes. Une écriture qui ne se limite pas à l’écrit puisque c’est l’histoire aussi qu’il s’agit pour elle d’écrire. Ce n’est plus alors uniquement pour son propre compte, mais également pour celui de ses consoeurs, qu’Antoinette explore ce territoire mystérieux et privé, saturé de couleurs, le jardin où vit le verbe.

JARDIN du SUD

Très vite ce jardin n’habitera plus seulement une métaphore, mais une réalité de terre, de parfums et d’eau. Quand elle n’est pas à Paris, au cœur battant de sa maison d’édition, ou sur les routes, y compris aériennes, pour mener combats et colloques, Antoinette vit au jardin. Palmes, cistes et grappes mauves plantés sur les rocs de l’Esterel s’ouvrent sur le bleu de la mer, et elle partage son temps entre les livres et cette autre bibliothèque. Celle des feuilles, des écorces, des pétales et des essences. Son cabinet de pins, de lauriers roses, d’oliviers, de lavandes vous transporte immédiatement dans un jardin de Provence, ou de la Riviera, en Balagne, ou à Syracuse, au jardin des Hespérides ou au jardin d’Epicure. Mais l’Arbre à plumes qui ombrage la pelouse, l’Orgueil de Chine, et l’eau, élément essentiel, vous font pencher un instant pour le Yuan ming yuan, puis pour les jardins de la Résidence de Calcutta, à cause des toits rouges qu’on aperçoit. Le bambou qui s’élève au fond évoque Long Hai, le caoutchouc, Angkor, l’ophys tyrrhena vous emmène à Nara, la serre chez George Sand, et juste au moment où, interpellée par un grand poirier blanc, par les arbustes, dieux étrangers, vous cherchez la petite pièce sentant l’iris, et que parfumait aussi un cassis sauvage*, voilà qu’un cep de vigne vous rappelle que vous êtes tout près des coteaux varois. Et que c’est là qu’Antoinette Fouque écoute le ressac, le mistral et le cheminement des pensées qui vont faire des livres. Le dernier, est-ce un hasard, a pour titre Gravidanza, peut-être, parce qu’au bout de l’allée, chapeautée par un petit temple d’amour, chuchote une source ? « Les femmes venaient ici il y a longtemps y tremper la main ou boire cette eau, symbole de fertilité. » Antoinette accompagne la remarque d’un sourire. « Gravidanza », lui rappelle cette phrase de Simone Weil : « Toutes nos lois sont régies par la pesanteur, sauf la grâce ». « Il y a dans ce titre « gravide » et  » danza « , la pesanteur et la grâce, le poids de porter l’enfant et la grâce d’être légère, la légèreté de l’ espérance de l’enfant à venir », ajoute-t-elle.

JARDIN INTERIEUR

« Il fallait donc qu’il y ait une terre, un jardin premier, pour qu’en effet, ne fût-ce qu’une femme écrivain puisse savoir qu’elle avait un lieu où écrire », souligne Antoinette Fouque dans ce deuxième essai de féminologie qui rassemble une trentaine de communications, entretiens, textes et articles. Ceux-là même qui fondent, au cours des quatre dernières décennies, ce qu’Alain Touraine définit, dans la préface, comme son « postféminisme ».
Et cette terre sauvage, souterraine, celle où naît l’écriture — interdite aux femmes longtemps, très longtemps — et sur laquelle elle travaille depuis des années, elle s’emploie à la faire émerger à la conscience et à la rendre accessible à un lectorat toujours plus important.
Défendue aux femmes, tant en Occident qu’en Orient, l’écriture (et par là le savoir, la réflexion et l’exhumation de la pensée) n’a pu, pendant des millénaires, être mise au jour par elles ou très peu ; ou de manière clandestine. Elle a pu aussi rester ignorée. Il en va différemment aujourd’hui, certes, mais « la misogynie perdure ». C’est ce que pointe Antoinette dans le texte de 1974, toujours d’actualité, semble-t-il, au moment de la publication du livre, trente-trois ans plus tard : « Une femme porteuse d’une écriture créatrice, neuve, n’est pas la mieux accueillie parmi les écrivains. » Mais alors, dans les sociétés autres que littéraires, qu’en est-il ? Certaines ont renoncé, d’autres se sont battues, se battent encore ou subissent l’interdit, et Antoinette d’ajouter de vive voix depuis son éden : « Le jardin c’est la part du paradis et la part des femmes. C’est le lieu du non lieu, le lieu que nous inventons, quand nous n’avons pas droit au monde, à la parole ou à l’écriture. A cette heure, 80% des analphabètes sont des femmes, parce qu’on ne les autorise pas à apprendre à écrire – pour des raisons culturelles et cultuelles – et parce qu’elles travaillent sans arrêt. »
L’analphabétisme, Antoinette Fouque l’a non seulement cerné ici, là-bas, dénoncé sans relâche, mais aussi ressenti au sein de la cellule familiale : ses parents nés aux tout début du siècle – 1899, pour sa mère –, en Calabre et en Corse, n’avaient pas fréquenté l’école, ou si peu, qu’ils étaient restés dans les « couches illettrées de la population ». Mais des lettres, au sens de la culture littéraire, ils en avaient, et d’impérissables, qui se transmettaient par la parole.

JARDIN MARITIME

Toute une tradition orale passait par la branche familiale : « Mes parents appartenaient à la tradition méditerranéenne, la grande Grèce, pourrait-on dire en englobant la Corse, la Sicile, régions éminemment cultivées. Ma mère parlait beaucoup, racontait des histoires, me disait qu’elle était poète, ma grand-mère aussi. Mon grand-père maternel racontait des légendes ou des morceaux sortis tout droit d’Orlando furioso de l’Arioste, comme s’il les inventait. »
Et le père d’Antoinette, venu de Corse, peu bavard, « homme de peu de mots », qui avait navigué, portait avec lui la connaissance de la terre et de la mer, des départs, de l’endurance, les voix du vent, de la houle et de la méditation éloquente. Une polyphonie des silences.

La famille est montée à Marseille. C’est là qu’Antoinette voit le jour. Grandir avec en soi la passion de la littérature, dans un milieu de culture orale, pourrait paraître contradictoire, mais cela ne l’était pas. Ses parents, outre un art de vivre et de dire, professaient un immense respect pour la chose écrite, l’instruction, la culture et les diplômes. « Non pas pour franchir les échelons sociaux que cela supposait mais plutôt comme moyen de garder ou vivifier une culture qui soit héritière de la culture qu’ils avaient eux-mêmes. » Quant à leur fille, dès l’adolescence, il lui faut s’en aller, loin, très loin de l’eau saline, à une heure de train, à Aix ! Un monde de grès jaune et de Sainte(s) Victoire(s), pour se colleter à ces fameuses études, et le devenir, diplômée es lettres.

Le cours Mirabeau et la fac — où elle rencontre, très jeune, celui qui deviendra son mari et le père de sa fille — c’est encore le Sud, qui lui donne son assiette, mais ce n’est plus là où elle est née, près des calanques.
« C’est le sud qu’il ne faut pas perdre en regardant la mer, note Antoinette, je ne veux à aucun prix perdre le sud, c’est-à-dire ma mère ; le nord, il n’y a pas de risque, je sais où est le père. » Ainsi, Antoinette n’égare aucun des repères cardinaux, d’ailleurs elle a pris l’œil vert Corse qui pétille et le bouclé brun de l’Italie méridionale. En prime, bien sûr, elle a récolté l’amour du travail bien fait, du conte, de la stance et de son rythme, qu’elle a bientôt retranscrits. La voix, relevée d’une pointe de thym, chante un peu, transporte empathie, curiosité et désir de rendre les propos lumineux, sur fond discret de jeux de mots qui renvoient à l’inconscient. Cette voix, venue de l’intérieur, est retenue pour cause de pudeur.
« C’est vrai que j’ai mis beaucoup de temps à me faire entendre : j’ai commencé à parler en public, outre l’enseignement, vers 32 ans, en Mai 68, en créant le MLF. J’étais d’une timidité maladive. Et puis, un jour, comme beaucoup de femmes, j’ai parlé. Et quand on parle, on ne s’entend plus, alors j’ai continué à parler. Après est venue l’écriture… Enfin, j’ai toujours écrit, mais l’écrit publié, c’est autre chose. »

JARDIN PUBLIC

Après la fondation du MLF, du groupe « Psychanalyse et Politique », en 1968, c’est la maison d’édition Des femmes, qu’elle crée en 1973. Laquelle maison d’édition, née « après deux ans de réunions hebdomadaires ouvertes, et venue du désir de faire avancer la libération des femmes — non de créer une maison d’édition féministe » — a pour vocation de défendre une position originale. Ainsi quand elle publie une femme écrivain, Antoinette, elle, s’intéresse à toutes ses dimensions, intellectuelles, artistiques et humaines : « Ce n’est pas seulement l’écrivain, c’est aussi la femme ». Loin des conservatismes entretenus par la surmédiatisation, le succès commercial ou le scandale, sa démarche d’éditrice a pour objectif de favoriser l’éclosion de la veine artistique et intellectuelle de ses semblables.
« Depuis le début, je voulais construire, donner un lieu, tracer des voies positives… mettre l’accent sur la force créatrice des femmes, faire apparaître qu’elles enrichissent la civilisation, et qu’elles ne sont pas seulement les gardiennes du foyer, enfermées dans une communauté d’opprimées ». « La maison d’édition était, est toujours pour moi, le lieu du temps de la vie, du temps à venir, qui renoue avec le premier amour, ce que j’appelle l’homosexualité native, avec les forces de gestation qui animent chaque femme, qu’elle fasse ou non des enfants » (Gravidanza).
Simultanément, elle ouvre la première librairie des Femmes à Saint-Germain des prés ; très vite, d’autres suivent, en région, en Europe.
Directrice de recherches à Paris-VIII, psychanalyste, fondatrice de l’Alliance des femmes pour la démocratie, députée au Parlement européen (1994-1999), Antoinette Fouque par le mouvement qu’elle a créé, par la pensée qu’elle fait émerger et qui imprègne plusieurs générations, a subtilement mais radicalement bouleversé les fondements les plus méconnus des idéologies et des savoirs dominants. Elle joue un rôle moteur dans la vie culturelle, politique, sociale française et internationale. C’est elle qui, la première, défend, amène à la lumière et publie Duong Thu Huong, Taslima Nasreen, Aung San Suu Kyi, condamnées, la première à la détention, la seconde à la mort, la troisième à la privation de toutes les libertés. Pour la seule raison qu’elles sont femmes et écrivains, de romans ou d’écrits politiques, c’est tout un.

Elle défend de même tant d’autres, moins célèbres, coupables d’être nées filles, seulement, et se rend sur tous les fronts où les femmes souffrent. Parfois, c’est juste ici, en bas de la rue. Ainsi, quand en 2002, Sohane, dix-sept ans, est « brûlée vive dans le local à poubelles d’une H.L.M. de banlieue où elle avait été emmenée de force et enfermée par un amoureux éconduit, épaulé par plusieurs garçons de la cité », elle alerte, dénonce, questionne et écrit. Lettres articles, analyses, manifestes, dossiers sont publiés, entre autres, dans Libération et le Nouvel Observateur, certains seront par la suite repris dans Gravidanza.
En 1995 paraît chez Gallimard le mémorable Il y a deux sexes, qui rassemble en un volume plusieurs écrits d’Antoinette Fouque et constitue le premier essai de féminologie. Il sera réédité en une édition revue et augmentée en 2004.

La féminologie, c’est, dit celle qui en a élaboré le terme, « la création d’un champ épistémologique, les Sciences des femmes, aux côtés des Sciences de l’Homme, une promesse d’enrichissement réciproque ». C’est s’efforcer « de comprendre notre savoir forclos, à la fois inconscient et exclu. » C’est « mettre la génésique au centre de la pensée », « c’est la pensée de la gestation ou la gestation comme mode de pensée ».
Comme le dit encore Alain Touraine : « L’expérience de la grossesse, associée à la revendication de liberté et d’égalité, lui permet d’aller beaucoup plus loin que la simple égalité : d’abord, vers la reconnaissance de la différence, et, vite, vers l’affirmation de la production génitale qui donne aux femmes la possibilité de se libérer de ce qu’elle nomme un faux modèle dans une démocratie hantée dès l’origine par l’exclusion de l’autre, par « l’envie de l’utérus », qu’elle a très tôt identifiée par la haine de la femme-mère, l’expropriation et la forclusion de son corps comme lieu de création de l’être humain, du vivant-pensant. »… et aussi, par «l’appropriation par les hommes de la création intellectuelle, scientifique et artistique, de la création par le cerveau ». Antoinette relève qu’un même verbe, creare en latin, signifie indifféremment création et procréation. Et ajoute : « La symbolisation phallique est un substitut à ce qui est perçu et envié par le petit garçon, ce qu’il perçoit de la créativité du corps femelle quand il voit sa mère enceinte. Cet énorme battage autour du phallus n’est que le cache à l’envie de l’utérus qui est l’envie de Dieu ».
« La vraie création, la vraie poiesis – de  » poien  » qui veut dire  » faire » en grec —, le faire génital, génial, se passe pour les femmes à l’intérieur du corps, à l’intérieur du jardin aménagé — pour ne pas rejeter le corps étranger — comme espace d’hospitalité. Alors que le faire anal, phallique, le faire technique de l’écriture ou des avions, qui volent comme des oiseaux mais ne sont pas des oiseaux, se passe, comme la procréation pour les hommes – en dehors du corps. »

JARDIN PRIVE

Antoinette Fouque n’est pas que la personnalité aux multiples activités, engagements, et missions, elle est aussi écrivain, au sens du Robert : personne qui compose des ouvrages littéraires. Qui puise au plus près de la poésie. Exemple.
« Il pleut. Ciel bas, noir outremer à l’est. Mer formée, lourde, de plomb ou d’obsidienne, selon les fonds. Le petit bouquet du jour, crocus et narcisses, arrive avec le café et mes trois quotidiens… »
Alain Touraine compare son « imagination créatrice et révélatrice de secrets à celle de Rimbaud ». Mais Antoinette s’en défend : « Je suis aussi éloignée de Rimbaud que la cigale du jardin que nous avons entendue l’est de Mozart. Mais, si l’on veut bien considérer que cette cigale fait sa petite musique à elle, alors, pourquoi pas. »
Il n’en est pas moins vrai qu’elle écrit « sur la vie…Où luit la liberté ravie…» Et, qui sait, elle écrit peut-être aussi pour permettre à « la femme…vue dans la ville et à qui j’ai parlé et qui me parle »** de s’exprimer ?
Et si elle écrivait également pour le bonheur d’écrire ? Et parce que ça vient comme ça, du profond, du très loin. « Le jardin. Soleil ce matin. Vent tiède. Ciel lavande. Mer intense. Chaque vert, propre, encore luisant de pluie. Longtemps je me suis réveillée de très bonne heure pour embrasser ma mère qui partait travailler avant le jour. » Et ce faisant, elle donne à lire sous la couverture blanche et à peine gaufrée Des femmes, amour pour la langue, exigence, respect, transmission, mémoire. « La petite catleya orange offerte par MC il y a six ans, fleurit d’un désir inguérissable. ».
La phrase, son rythme, l’évocation du désir et ce nom de catleya (sans que rien d’autre dans l’agencement des mots ne le rappelle) font surgir immédiatement le souvenir de Proust. Passion de toujours chez Antoinette. Le thème de la mère dans La Recherche du Temps perdu , elle l’approfondit depuis les années de licence et le redécouvre sans cesse. « La tradition orale est présente chez Proust, rappelez-vous au début de La recherche, quand il ne peut pas s’endormir et que sa mère lui lit François le Champi toute la nuit — scène qu’on pourrait qualifier de scène incestueuse. Il est dit de ce texte que George Sand l’avait recueilli des conteurs oraux et sa mère retrouvait pour le lire la voix de ces conteurs. Il ajoute que c’est le premier roman qu’il ait lu, alors qu’en fait il l’a entendu avec sa mère, sa grand-mère et George Sand. » C’est cette tradition orale qui a guidé Antoinette dans la création de la Bibliothèque des Voix. Les œuvres lues, enregistrées, éditées sous formes de livres-cassettes, puis livres-CD.
« Cette tradition, orale, vocale, devenue temps perdu, chair perdue, corps maternel perdu est la voix des femmes. »
Elle a créée aussi sa collection pour que sa mère « folle de grande musique et de poésie, puisse écouter du Duras, du Sarraute. Il y a la voix dans le texte, et la voix du texte. Alors il faut l’écouter.» Dans son œuvre d’éditrice comme dans son écriture, Antoinette est une femme de tendresse.

JARDIN FRUITIER

Antoinette est une femme entourée. Elle a une famille, un petit-fils, Ezéchiel, trois chiens, des amies, des amis, des oiseaux en liberté. Une maison, harmonie de bleu et de vert, que les soleils marins teign(ai)ent de mille feux.*** Et, à Paris, entre l’impasse des anges et la rue Jacob, au bout d’une allée fleurie, un espace — blanc et paisible — qu’elle projette de rendre prochainement accueillant aux créatrices et aux créateurs qu’elle rencontre ou publie, et où elle a déjà ouvert une librairie. Soit dit en passant, le livre-DVD de Georges Kiejman, Les grands procès de l’Histoire, qui inaugure la Bibliothèque des Regards, a reçu le prix Charles Cros, de même que le livre-Audio La maladie de la mort, de Marguerite Duras, lu par Fanny Ardant.

Antoinette est douée de « bravitude », comme aurait dit Ségolène Royal. Et pour fermer la bouche de ceux qui ont moqué l’audace verbale de la candidate, elle a été rechercher, ce poème de Rilke, « Gravitude », cité par Heidegger dans « Chemins qui ne mènent nulle part ». Elle l’évoque dans un des derniers textes de Gravidanza : « Pourquoi une femme en temps de détresse » ?
Antoinette est une vaillante. Elle a dit un non sans réplique à la maladie qui voulait, de longtemps, la priver de déplacements. Aux commandes de sa machina électrique, elle sillonne à tout berzingue les allées du jardin, parfois avec Ezéchiel : « Poursuites dans les allées, chacun sur son engin électrique. Allegretto. »
Elle parcourt aussi les chemins qui mènent à Rome, et bien plus loin, dans d’autres continents. Le continent qu’elle étudie le plus volontiers, sans se déplacer, le plus mystérieux, celui qui est longtemps resté inconnu, ce « continent noir » dont parle Freud, Antoinette l’explore. Non d’après les présupposés masculins, encore moins d’après ceux de Lacan (« la femme n’existe pas »), mais bien dans la perspective d’une libération de la création. Ce continent noir, pour elle, « c’est la gestation, l’utérus » qu’il s’agit de « libérer de l’esclavage phallocentrique », de « décoloniser », pour qu’ils deviennent, « partie intégrante de la sexualité, de la pensée de la fécondité » (Area). Ainsi développe-t-elle « une théorie de la génitalité » qui vient s’ajouter à l’édifice toujours en construction de la psychanalyse. Parce que « Notre terre de naissance est un corps de femme. » Et parce que « la chair pense ». Enfin parce que « La chair est mémoire ». Lieu de conception et d’élaboration d’une oeuvre. « S’avance la libido creandi, matérialisme charnel, philosophie politique du vivant-pensant » dit-elle. « Changement de logiciel, de méthode » : « Exit la Miséricorde divine. S’exprime la générosité utérine de concevoir l’autre en soi et de s’en séparer pour qu’il-elle naisse. Exit le Pouvoir. S’annoncent les pouvoir-faire. Exit la Genèse. S’annonce, sans messianisme, la génésique laïque, humaine, œuvre de femme et d’homme. Œuvre géni(t)ale, œuvre d’être. ». S’annonce un avenir pour l’humanité.

Quoi d’autre ?
Des tas de projets, de publication — un livre, Génésique, dont le contenu relatif à l’écriture, reste encore un tout petit peu secret — et des projets de vie, comme on dit à l’école, de mouvement et de méditation, de solitude et de rencontres, de voyage et de repli poétique. Sans jamais perdre de vue la mer. Ni le jardin.

Jocelyne Sauvard
(septembre 2007)

Remerciements à Antoinette Fouque, Elisabeth Hinacoli

Citations : * : Proust, ** : Rimbaud, Baudelaire***

Jocelyne Sauvard est écrivain (romans, théâtre) et journaliste. Elle anime aussi une émission littéraire sur Idfm98, « Parlez-moi la vie ». http://www.jocelynesauvard.fr

Ghofrane sur www.ripostelaique.com (21.09.07)

http://www.ripostelaique.com/spip.php?article103

L’INTERVIEW DE LA SEMAINE > Monia Haddaoui, mère de Ghofrane
L’INTERVIEW DE LA SEMAINE
Monia Haddaoui, mère de Ghofrane
vendredi 21 septembre 2007, par Brigitte Bré Bayle

Monia Haddaoui est la mère de Ghofrane Haddaoui, retrouvée morte dans un terrain vague des quartiers Nord de Marseille. Ghofrane avait 23 ans. Elle fut lapidée par trois garçons mineurs dans la nuit du 17 octobre 2004.
Riposte Laïque : « Ils ont lapidé Ghofrane », le livre que tu as écrit avec Anne Bécart, a été publié en 2007 juste avant le procès des assassins de Ghofrane. Pourquoi as-tu écrit ce livre ? Fait-il partie de ce que tu appelles ton combat ?
Monia Haddaoui : Dès que Ghofrane a été lapidée, depuis le premier jour, parce que je voulais retrouver les assassins de ma fille, j’ai constitué mon propre dossier. Avec mes enfants et mes amis, nous avons organisé des équipes et nous nous sommes répartis les choses à faire. Jour après jour, j’ai tout marqué. Tout ce que j’assumais, tout ce que je subissais au quotidien, je l’ai écrit et je l’ai gardé. En 2005, j’ai assisté à la Marche Mondiale des Femmes et j’ai parlé devant les participants. On m’a alors proposé d’écrire un livre. On m’avais déjà contactée juste avant l’arrestation des trois garçons mais je trouvais que c’était trop tôt. Je n’étais pas prête. Je n’étais pas entrée dans mon combat à cause du poids de l’assassinat.
En 2005, j’ai fini le récit de mon histoire et nous l’avons proposé à un certain nombre d’éditeurs. Je ne voulais pas d’un éditeur qui ne voie que le côté commercial de la vente de mon livre parce que pour moi ce n’était pas l’argent qui comptait c’était un message que je voulais faire passer. D’ailleurs ce livre n’est pas cher et nous n’avons que 90 centimes par livre vendu que nous versons à notre association. En fait, je voulais que ce livre soit un témoignage de mon combat, un symbole du combat de toutes les femmes contre les violences qui leur sont faites, un appel à la lutte de tous contre la barbarie. Je voulais vraiment que ce récit touche beaucoup de femmes. Parmi les éditeurs qui se proposaient j’ai choisi Antoinette Fouque parce qu’elle est une femme de combat. Elle a milité pendant plus de 40 ans pour les droits des femmes et a fait partie du MLF. Ce livre est sorti le 8 mars 2007, journée internationale des femmes.
Riposte Laïque : Dans le titre de ton livre il y a le mot « lapidé ». Ce mot que tu as volontairement mis en évidence a été rejeté par un certain nombre de personnes. Peux tu nous dire pourquoi ?
Monia Haddaoui : « Ils ont lapidé Ghofrane », je l’ai dit tout de suite. Je l’ai utilisé pour l’enquête du meurtre de ma fille, je l’ai prononcé lors de l’arrestation des assassins. Je savais ce que j’affirmais. Pour connaître la vérité sur le meurtre de ma fille, j’ai employé un moyen que les journalistes appellent le système D. Je me suis débrouillée à ma manière. Toutes les informations que j’ai pu recueillir, j’en ai fait un dossier. Tout ce qui concernait l’assassinat de ma fille me revenait par mes démarches et ceux de mes proches. Les documents qu’avait la police, je les avais aussi. Je me suis retrouvée avec un dossier de 400 pages que j’ai apporté au palais de justice.
La police était venue chez moi le 20 octobre. Le lendemain, j’avais chez moi les photos de Ghofrane, la tête couronnée de pierres. Le soir même on est allés sur le terrain où avait eu lieu le crime. On a vu les grosses pierres, les cheveux de Ghofrane et le sang. Je me suis évanouie. Le lendemain, on est revenus et on a tout ramassé. Selon le Larousse, « tuer à coups de pierres » c’est « lapider » et c’est ce que j’ai dit au président de la Cour. Je lui ai dit que je ne critiquais ni l’islam ni aucune religion mais que je tenais à affirmer que ma fille avait été lapidée. Beaucoup m’ont reproché d’utiliser ce mot. Deux organisations seulement m’ont soutenues et ont défendu le fait que Ghofrane avait été lapidée : l’Union des Familles Laïques, grâce à toi, Brigitte, et à Jocelyne Clarke, et l’Alliance des Femmes pour le Démocratie.
Les associations que j’ai contactées au début m’ont aidée à médiatiser l’affaire et aussi pour l’arrestation des coupables. L’association « Ni putes, ni soumises » et les autres organisations m’ont soutenues à ce moment là, je les remercie du fond du cœur. Au début c’était tout un collectif qui participait aux marches silencieuses dans Marseille. Le mot lapidation ne posait pas de problème. Et puis plus tard, « silence radio ». Même le Collectif 13 qui représente plus d’une trentaine d’associations s’est rétracté. Je ne comprenais pas les raisons de leurs hésitations. Bientôt, on allait me dire que Ghofrane avait été caressée par des pierres, quelle avait été amadouée par des pierres. On sait maintenant qu’elle a reçu une quarantaine de pierres. Ghofrane s’est vue mourir. Elle a eu 17 dents cassées, 2 arrachées jusqu’à la racine avant qu’elle ne meure. On a constaté 40 impacts sur son crâne. La lapidation, c’est un crime sadique, c’est un acte de barbarie.
Riposte Laïque : Les assassins de Ghofrane étaient mineurs au moment des faits. Que penses- tu de la modification de la loi sur les mineurs ?
Monia Haddaoui : Pour le procès, les jurés ont refusé d’invoquer la minorité des accusés et c’est une bonne chose. Au procès, j’ai parlé avec une grande dignité et je n’ai pas pleuré. Je suis sortie la tête haute. J’avais fait mon travail. J’avais contraint la justice à voir les faits : il n’y avait pas trois pierres mais plus de trente. Certains auraient voulu démontrer que c’était un crime passionnel, comme ils ont voulu le faire croire pour le meurtre de Sohane, morte brûlée vive à Vitry en 2002. L’un des assassins de Ghofrane a bien déclaré « on a voulu faire un coup foireux à cette fille » Il faut aller sur le terrain, là où cela s’est passé pour comprendre que Ghofrane a été amenée à cet endroit pour y être lapidée.
Il n’y a eu aucun regret de la part des assassins. « On croyait que Ghofrane était une fille de riches » ont-ils dit. Pour eux ce fut un beau film d’horreur. Ils ont eu beaucoup de plaisir à faire ça. La lapidation de Gofrane a été reconnue par la Garde des Sceaux, Rachida Dati, qui m’a envoyé une lettre rendant hommage à ma fille. Moi, je dis qu’il ne faut pas avoir peur des mots, il ne faut pas avoir peur des sanctions. Le verdict de ce procès a été rendu au nom du peuple français, il concerne le peuple français.
Riposte Laïque : Quelle a été l’attitude du président de la République ?
Monia Haddaoui : Sarkozy est venu le 15 avril, deux jours après le procès des assassins de Ghofrane. C’était un dimanche. Je n’ai pas vu un président, j’ai vu un père. Il a été profondément troublé par les photos de Ghofrane. Il avait de la peine, un sentiment de profonde tristesse. Je lui ai dit que dans ce pays, on ne pouvait plus assumer un code pénal datant de 1945. Ce ne sont plus les mêmes personnes qui commettent les meurtres.
Aujourd’hui certains jeunes ont installé la barbarie, la loi du silence. Ils volent, ils agressent, ils tiennent les cités. Même la police n’a plus le droit d’y aller. Ces jeunes sont des caïds. Pendant mon drame, pendant cinq mois, j’ai fréquenté les rues et j’ai vu. Ce n’est pas comme ceux qui parlent des mineurs délinquants en restant assis sur leur chaise. Ceux qui sont contre cette loi des mineurs, je les invite à venir voir ce qui se passe dans la rue. Si avant ils arrachaient un sac avec un bras, à présent ils arrachent le sac, le bras, et ils arrachent le pied. J’appelle cela de la destruction humaine, de la méchanceté gratuite. Ils vous volent et ils vous détruisent en même temps. Mais si on dit trop fort ce qu’ils sont, on est accusé de racisme.
Riposte Laïque : Comment expliques-tu cette délinquance de plus en plus jeune et la formation de ces bandes qui imposent leurs lois, les actes de barbarie ?
Monia Haddaoui : Moi je pense que cela vient de la démission des parents qui ne s’autorisent plus à faire preuve d’autorité. Ils n’osent pas. Aujourd’hui, pour une gifle donnée à ton gamin tu risques la prison. Il y a des enfants qui n’ont plus de repères. Ils tombent dans la délinquance. Ils subissent l’influence des grands frères, de ceux qui leur donnent l’illusion d’être important. Certains enfants sont retirés de leur famille. Ils sont placés dans des foyers. Il y a des foyers qui fabriquent des assassins. Parfois il y a des délinquants qui sortent de prisons avec l’intention de recommencer et ils replongent pour des affaires plus graves. On ferme les yeux sur cela comme sur l’influence de certains imams des prisons qui sont des salafistes. Ils prêchent une religion qui n’est pas la mienne. Il faudrait que la société prenne mieux en charge ces petits délinquants à leur sortie de prison. Qu’ils puissent repartir à zéro, avec un encadrement, un travail, un logement.
Tout cela c’est la gauche qui l’a créé. La gauche a trop fait de social. Ils ont cassé la culture de l’effort, la culture du travail. Une société ne peut marcher que s’il y a des droits mais aussi des devoirs. Si on raconte qu’il n’y a que des droits, on en arrive à une société d’assistés. Il faut que les délinquants soient sortis de force de leur quartier, il faut les envoyer ailleurs. Il faut faire éclater les ghettos. Il faut empêcher certains imams de propager des discours de haine. Ils endoctrinent toute une jeunesse et n’ont rien à voir avec la vraie religion, celle qui enseigne la paix. Je suis musulmane même si je ne suis pas pratiquante et je dis que l’islam comme les autres religions ne dit pas qu’il faut faire le mal, qu’il faut tuer. Je ne comprends pas pourquoi certains musulmans n’aiment pas les juifs. Je peux affirmer que si des juifs m’ont aidée dans mon combat pour Ghofrane, très peu de musulmans l’ont fait.
Les assassins de ma fille, pour moi, ce sont des sortes de terroristes, ceux qui ont incendié le bus à Marseille et brûlé Mama Galledou sont de la même trempe, ils étaient des mineurs. Il faut ouvrir les yeux sur la gravité de la situation, considérer que ceux qui s’attaquent aux biens publics seront capables de faire pire. Moi, ces gamins, je les appelle des petits terroristes en puissance En tous les cas il faudrait que la justice les considère comme tels.
Riposte Laïque : Peux-tu nous dire quelques mots de l’association que tu as créée et qui porte le nom de « Ghofrane »
Monia Haddaoui : L’association « Ghofrane » est née pour défendre la mémoire de ma fille et pour que la justice reconnaisse la torture et l’acte de barbarie. A présent notre association se mobilise pour sensibiliser et aider les victimes. Nous intervenons dans les lycées, dans les collèges pour parler de la violence, du racket, de la délinquance, de cette violence au quotidien que les femmes et les jeunes filles subissent et que subissent tous les citoyens qui ne peuvent plus se promener tranquillement dans leur quartier ou dans leur ville. Nous voulons que la lapidation,encore si répandue dans les pays islamistes, soit considérée partout comme un crime contre l’humanité. Nous nous battons aussi contre l’obscurantisme et contre tous les extrémismes religieux. Nous ne comprenons pas que les responsables politiques ferment les yeux sur l’influence des imams intégristes, que j’appelle des « vampires », sur les jeunes musulmans. Comme d’autres associations, nous n’avons pas peur de dénoncer cette violence, nous n’avons pas peur des mots.
Comme je l’ai écrit dans mon livre, je dis qu’il faut défendre les grands principes fondateurs de la République avant qu’une jeunesse sans scrupule ne détruise la liberté, l’égalité et la fraternité. L’association « Ghofrane » a besoin de votre soutien, de vos encouragements, de vos dons.
Pour accéder au site de l’association : http://ghofrane.ifrance.com

Synesthésies par Juan Asensio (le Stalker – Dissection du cadavre de la littérature)

http://stalker.hautetfort.com/index.html

20/09/2007

Synesthésies

«Le souffle impétueux de l’éternel orage
Emportait les esprits comme au gré de sa rage,
Les roulant, les heurtant avec ses tourbillons.»
Dante, L’Enfer, Chant 5, second cercle, les voluptueux emportés dans un éternel ouragan (traduction de Louis Ratisbonne).

L’histoire des représentations picturales de certains personnages et scènes littéraires célèbres, dont la célébrité même s’est trouvée accrue par cette débauche d’images est proprement immense. Vieille de plusieurs siècles, ayant fasciné des générations d’artistes ou de badauds, consubstantielle à l’histoire de l’Occident et à son triomphe planétaire, nous assistons à sa fin, du moins à son éclipse, comme Martin Buber pouvait évoquer l’éclipse de Dieu.
Une éclipse de l’image postérieure à celle de Dieu (1), alors même que l’image universelle paraît avoir envahi chaque micron resté scandaleusement vierge, férocement iconoclaste de nos vies ? La proposition fera immanquablement sourire. Et pourtant, je persiste à penser que la grande tradition picturale se nourrissant des images inventées par les écrivains touche à sa fin, semble s’étioler misérablement. Que l’on me signale, ainsi, bien sûr pour me contredire, quelque roman, quelque personnage de roman, quelque scène marquante récents qui aient inspiré un peintre d’importance (ce qui peut s’acheter), voire de talent (ce qui est une denrée moins monnayable). De tels exemples ne viennent pas immédiatement à l’esprit et ils restent de toute façon risiblement peu nombreux.
La littérature française, à mesure qu’elle devient naine et commente sans fatigue sa drastique transformation, ne nourrit plus aucun imaginaire : rapetissant ainsi jusqu’à nous contraindre à utiliser très prochainement le microscope à balayage électronique, elle est tout juste bonne à faire germer quelques grossières, pataudes, affreuses, elles-mêmes microscopiques images (malgré la vulgarité de leurs effets spéciaux, ces images sont déjà oubliées avant que d’avoir été vues) dans la cervelle réduite d’un Matthieu Kassovitz et cela donne : Babylon AD, dans celle d’un Enki Bilal, considéré par nos petits journalistes parisiens comme la plus évidente réincarnation de Léonard de Vinci, et cela donne le pitoyable et très périssable navet intitulé Immortel.

«Ce que je cherche principalement, c’est à assimiler cette expérience et obtenir une sorte de panorama organique lequel illustrerait l’action constante et toujours vivre du passé dans la plupart des manifestations du présent.»Hart Crane, Lettre du 12 septembre 1927, à Otto Kahn in Le Pont (adapté par François Tétreau, préface de Jeremy Reed, postface de François Boddaert, Obsidiane, 1987), p. 83.

Ce tarissement est une évidence lorsque nous évoquons l’imaginaire pictural et, plus largement, l’art contemporain. Ce tarissement commence même à affliger nos propres imaginations : pas seulement donc les travaux des peintres, des illustrateurs, des dessinateurs ou, degré zéro de la vision, ceux des publicitaires. Nos imaginations, si elles sont remplies de quelque chose, le sont d’images vieilles de plusieurs décennies, parfois siècles. Irait-on jusqu’à oser prétendre que les romans de Michel Houellebecq, de Maurice G. Dantec pour nous en tenir à deux écrivains tout de même ambitieux, ont ne serait-ce qu’une once de la puissance de suggestion de n’importe quelle ligne de Chateaubriand, de Stendhal, de Hugo même ? Risquons l’hypothèse suivante, simple décalque appliqué à la littérature de celle que Jean-Joseph Goux développe à propos de l’art contemporain (2) : devenue marchandise, la littérature est entrée dans le cycle qui anime désormais notre civilisation tout entière opérative, c’est-à-dire capitalistique. Devenue banale marchandise obéissant à sa mise en circulation perpétuelle, la littérature a rendu «visible dans sa grandeur comme dans ses ridicules, dans son sublime comme dans ses aliénations, la logique interne d’une civilisation opérative qui ne se construit qu’en se déconstruisant en permanence». Et elle a fini, poursuivons-nous avec Goux, par s’inclure elle-même «dans cette dissolution comme dans les dessins animés loufoques où le monstre glouton finit par manger l’écran sur lequel il était projeté.» De sorte que, nous avertit Goux, il est peut-être illusoire d’attendre quelque renouveau d’un art compris comme dernière trace du divin, ultime refuge où s’est réfugiée l’aura chère à Walter Benjamin : «Cette mission bicentenaire [de l’art] subit une brutale déflation qui ne tue pas les arts en tant que tels (on pourrait même diagnostiquer tout au contraire une esthétisation extensive, diffuse, généralisée que les arts plastiques dans leur détermination traditionnelle, spécialisée, ne peuvent plus contenir), mais qui les décharge de la responsabilité exorbitante qui leur avait été attribuée.»Face à cette raréfaction troublante voisine paradoxale d’une extension universelle de l’image et du mauvais livre, du bavardage, devant ce divorce évident entre la littérature et la peinture, devant cet effondrement d’un édifice remarquable par la compénétration de matériaux d’origines diverses qui, par une espèce de fascinante capillarité, ont infusé les moindres veinules de sociétés entières, bien des exemples désormais relégués dans les musées et dans les encyclopédies me viennent à l’esprit, que je prendrai le soin méthodique d’évoquer l’un après l’autre, sans doute pour accroître ce sentiment de vide qui m’accable.

Que l’on songe ainsi à la fortune picturale de la Divine Comédie de Dante, aux innombrables représentations évoquant la tragique destinée de Paolo et Francesca (au chant 5 de L’Enfer), le terrifiant cas de conscience d’Ugolin (chants 32 et 33) et, dans Le Purgatoire, la belle face de Pia de’ Tolomei (au chant 5). Même le fade et monocorde Paradis a trouvé quelques illustres imagiers pour tenter de représenter cette longue et lassante antienne de louange : Gustave Doré, évidemment bien plus inspiré lorsqu’il s’est agi de représenter les tourments infernaux.
Que l’on songe à la longue série des Triomphes évoqués par Pétrarque, au Décaméron de Boccace (les nouvelles de Ghismonda, de Cimone, de Nastagio, je ne cite que les plus célèbres épisodes ayant enflammé l’esprit des peintres).
Que l’on songe encore au Songe de Poliphile de Francesco Colonna, au très ennuyeux Heptaméron de Marguerite de Navarre, tout de même moins prolixe en images que son illustre modèle, à Amadis de Gaule de Garci Rodriguez de Montalvo (légende illustrée mollement par Gracq dans son Beau ténébreux), au Roland furieux de L’Arioste (par exemple, l’épisode d’Angélique et le monstre au chant 10), à la Jérusalem délivrée du Tasse (Herminie chez les bergers, chant 7, Clorinde au chant 12, Herminie et Tancrède au chant 19).
Que l’on songe à Shakespeare, à la multitude de scènes que les pièces les plus noires de ce génie démesuré ont fait germer, à Cervantès dont le Chevalier à la Triste figure a parcouru bien des paysages enfermés dans quelques pages richement illustrées, à Milton dont Le Paradis perdu a permis à Satan de retrouver une grandeur énigmatique.
Que l’on songe aux rêves de Blake, premier et génial interprète de ses propres visions démoniaques, qui incitèrent Gide à croire que cet auteur était du parti du démon.
Que l’on songe à Lénore de Gottfried August Bürger.
Que l’on songe à tant d’autres : Rops ou encore Delacroix.

La liste, je l’ai dit, est proprement extraordinaire : chacun la complétera selon ses désirs.
Et à présent : à quel roman d’envergure donner vie grâce aux images ? Sollers inspire-t-il les peintres ou, plutôt qu’eux puisqu’ils n’en restent plus beaucoup, les artistes ( étant entendu que n’importe quel éleveur de limaces plongées dans de la peinture phosphorescente est désormais considéré comme un artiste, autant le dire : un être dont le prestige social reste grand) ? Gracq ? Beigbeder ? Richard Millet peut-être ? Non. Catherine Millet alors, dont la matière narrative se prête pourtant à nombre de contorsions richement suggestives ?
En lieu et place d’une série de peintures ou même d’un grand film nous avons un monochrome : gris sur gris ou rose sur rose, c’est selon.
Pourtant, la vie secrète des influences ne semble point se résoudre à totalement disparaître : elle survit à sa façon, souterraine et obscure, dérisoire peut-être si on la compare à l’éclat passé et la tâche du critique littéraire me semble suffisante qui tente d’établir des correspondances.
Ainsi, regardant une première fois le troisième volet de la série Matrix, d’où me venait cette impression de déjà-vu, lorsque des millions de machines, comme plongées dans une espèce d’attente extatique par leur Créateur, enchevêtraient de leurs danses le ciel de Sion la Résistante, pourtant toute proche de tomber ?
Je ne parvenais pas à me souvenir de l’image qui avait provoqué ce sentiment, banal, d’assister pour la seconde fois à un épisode de sa vie.
Jusqu’à ce que je reprenne, sans doute guidé par quelque évidence demeurée farouchement cachée (et non point inconsciente), mon vieil exemplaire de Dante illustré par Gustave Doré.

Notes :
(1) : Pour François Boespflug (Peut-on parler d’une mort de Dieu dans l’art ?, in Mort de Dieu. Fin de l’art sous la direction de Daniel Payot, Cerf, 1991, p. 33) commentant la thèse de Howe (Das Gottesbild im Abendland, Witten/Berlin, Eckart Verlag, 1957, p. 45) selon laquelle «avec la fin de l’art baroque, durant le troisième quart du dix-huitième siècle, nous sommes devant la fin de l’histoire-en-images des figures chrétiennes dans l’art occidental. Ce qui suit n’est plus qu’un épilogue», la mort de Dieu, en tout cas, «ne saurait être confondue avec son absence figurative. On en vient même à soupçonner que c’est l’inverse qui est vrai. Trop montré, trop peint, Dieu meurt».
(2) Jean-Joseph Goux, Accrochages. Conflits du visuel (éditions des femmes/Antoinette Fouque, 2007), dans un texte d’abord paru dans la revue Esprit, intitulé Éclipse de lart ?, pp. 33-53.

TRES GRAND COCKTAIL MERCREDI 19 SEPTEMBRE à 18 h à l’ESPACE DES FEMMES ( + dédicace de Wassyla Tamzali) – VENEZ NOMBREUX !!! TOUT LE MONDE PEUT VENIR !!!

Bonjour à tous et à toutes ! Voici l’émile le plus réjouissant de votre boite à lettres aujourd’hui (avec des petits fours !!!), et quel plaisir pour moi de vous faire plaisir en vous l’envoyant !

Vous avez gagné une invitation à rencontrer Wassyla Tamzali (auteur de « Une éducation algérienne – De la révolution à la décennie noire », juste paru) et Antoinette Fouque ce mercredi 19 septembre ! (et ce n’est même pas un canulard, ni un spam ! La preuve : le carton est en pièce jointe !)

La miss Tamzali est une auteur Gallimard (personne n’est parfait), mais comme on est une maison bien sympa (YESSSSS !!!), c’est dans notre splendide librairie Des femmes que la dédicace de son nouveau livre se déroulera à partir de 18 heures.

Ce n’est pas tout ! Puisqu’Antoinette Fouque, liée d’amitié à Wassyla Tamzali depuis des années, vous offrira un cocktail à l’Espace Des femmes (c’est très beau et très grand : à découvrir absolument – au moins comme touriste ! – si vous ne connaissez pas encore ce nouveau haut-lieu de la culture situé au coeur de Saint-Germain-Des-Prés), touchant la librairie, à la fin de la dédicace !

Je récapitule :
* Le lieu : 35 rue Jacob, Paris 6ème.
* L’heure : 18 h pour la dédicace de Wassyla Tamzali.
* Le champagne, les toasts, le miam miam etc : idem et beaucoup plus tard
* Le sujet du livre dédicacé par Wassyla Tamzali :Wassyla Tamzali a vingt ans en 1962, au moment de l’indépendance de l’Algérie. Elle est issue d’une famille de notables, riches propriétaires de pressoirs commerçant l’huile avec l’étranger. Ses ancêtres paternels viennent de l’empire Ottoman. Sa mère est espagnole. Sa jeunesse ne lui a laissé que des souvenirs de bonheur et de soleil. La guerre, l’indépendance, puis la réforme agraire et la nationalisation des propriétés familiales vont tout changer. Tout bascule en 1957, le jour où son père est assassiné par une toute jeune recrue du FLN. Le livre s’ouvre sur ce drame et se ferme à l’issue de l’enquête de toute une vie sur le « pourquoi » de ce meurtre. Pour l’auteur, l’assassinat du fils aîné d’une famille qui, bien qu’algérienne, dominait la ville, habitait une ferme coloniale et vivait « à la française » ne pouvait avoir qu’une signification : la revanche des tribus. La mère de Wassyla décide malgré tout de rester à Alger plutôt que de choisir l’exil. L’auteur s’enthousiasme alors pour la construction de l’Algérie nouvelle, fréquente le petit monde en ébullition de la Cinémathèque d’Alger, participe aux élans de la révolution, avant de céder devant les désillusions du socialisme réel et la répression et de choisir l’exil à Paris, où elle rejoint l’Unesco. Pendant vingt ans, l’auteur y mène de nombreux combats pour les droits des femmes, dont elle devient une porte-parole estimée.

Enfin, l’excellente émission littéraire du mardi 4 septembre, de 20 h à 22 h, « Parlez-moi la vie », sur idFM98 (radio 98.0 FM et internet http://www.idfm98.fr – capacité de 9 millions d’auditeurs) animée par la romancière, auteure dramatique et critique littéraire Jocelyne Sauvard, et dont Antoinette Fouque et François Guéry ont été les invités est disponible à l’écoute ici : http://www.jocelynesauvard.fr en page……… Radio ! (qui l’aurait deviné ? Un bon point ! Venir au cocktail mercredi en annonçant au personnel de service « Guilaine m’a donné un bon point, je suis prioritaire dans le choix des petits fours »)
A très vite ! Venez massivement ! Emmenez vos zamis !!!!

Du site Visa pour l’image.com

Du site http://www.visapourlimage.com/francais/interview_pommez.php3 à propos de Stéphanie Pommez, auteur du DVD Amazonie, la vie au bout des doigts (éditions Des femmes, fin 2007)

A propos du 19ème Festival International du Photojournalisme (1 au 16 septembre 2007)

Stéphanie Pommez est née en 1972. A l’époque, ses parents, des Français des Antilles, habitaient au Canada, mais elle a passé toute son enfance et sa jeunesse au Brésil, qu’elle considère comme son pays d’adoption. Elle a étudié le Développement à l’Université de Magill, à Montréal. Elle a commencé à travailler pour les ONG au Mexique, puis pour médecins du Monde, à New York. Elle y habite toujours aujourd’hui.

A la fin des années 90, elle qui dit avoir toujours fait de la photo, mais « à côté », décide de s’y consacrer. Elle commence comme assistante de photographes, et vit de commandes çà et là, notamment dans le cinéma et pour des magazines. Son travail sur les sages-femmes d’Amazonie, exposé cette année au Couvent des Minimes, est le premier gros projet individuel de la jeune photographe.

« J’ai toujours voulu travailler sur des cultures isolées, ou des sous-cultures qui ont une vision du monde et des connaissances différentes des nôtres, » explique-t-elle. « Les découvrir est important pour éviter l’homogénéisation qui nous menace. » Les populations qui vivent le long des rivières en Amazonie l’intéressent depuis longtemps, parce qu’au contraire de certains groupes indigènes d’Amazonie, elles sont plus oubliées par les travaux sur la région. « Depuis le début, je voulais faire quelque chose sur les femmes, mais il fallait trouver un angle plus précis. Et puis, j’ai été interpellée par les préoccupations grandissante des femmes américaines pour que des sages-femmes les accompagnent tout au long de leur grossesse. Je suis donc partie à leur recherche, en Amazonie. »
Ses images montrent bien le statut et l’expérience de ces vieilles femmes que sont les « gardiennes de la vie », et dont le rôle est avant tout, comme elles disent, de « guider les futures mères à travers la tempête. » Rôle à la fois symbolique et pratique : « Là-bas, le moment de la naissance est un véritable rituel, » la photographe explique-t-elle. « Souvent, les femmes se réunissent autour de l’accouchée et chacune fait part de sa propre expérience et de ses connaissances. Elles racontent des mythes sur le sens de la vie et de la mise au monde. »

Ce qui a frappé Stéphanie Pommez, c’est aussi la manière dont cette expérience est transmise de génération en génération. « Les sages-femmes amazoniennes sont souvent très âgées, et ce statut de gardiennes de la vie leur permet de garder un rôle important et actif dans leur communauté. » Au contraire de nos propres vieillards, forcés à l’inactivité, et dont le savoir ancestral, souvent riche d’implications symboliques, se perd avec la modernité…

Adrien Laplanche

Hosto Blues dans Les Nouvelles Littéraires (carnets de Gabriel Matzneff.), 1974

hosto.jpgnl.jpgDu 18 au 24 novembre 1974

Les Nouvelles Littéraires

N°2460, 53ème année

Les carnets de Gabriel Matzneff

S’il existe un autre monde, et si dans cet autre monde, les gens ont la tête à lire des livres, Montherlant aura pris un sacré plaisir à la lecture d’Hosto Blues de Victoria Thérame, qui vient de paraître aux éditions des Femmes. Déjà parce qu’au-delà de l’apparent débraillé néo-célinien de son style, Victoria Thérame a un ton vigoureux, expressif, juste, qui lui appartient en propre : il n’est que d’ouvrir ce bouquin au hasard, par exemple à la page 301 le paragraphe qui commence par « son cucu… » pour comprendre que c’est un écrivain, et singulièrement doué, qui l’a écrit. Ensuite, parce que, Montherlant a cette phrase dans l’avant-propos de Service inutile : « En 1929, j’écrivis Moustique ou l’Hôpital, roman dont l’action se passe dans le peuple : on y voit comment meurent les gens qui n’ont pas de quoi acheter des fortifiants ». Hosto Blues, qui est un livre sur la souffrance, la maladie, la solitude et la mort l’aurait bouleversé. Enfin, parce que Victoria Thérame, infirmière dans une clinique où Montherlant a été hospitalisé à la suite d’une blessure à l’oeil reçuelors d’une bagarre, trace de l’auteur des Jeunes filles » le portrait le plus tendre, le plus aigu, le plus vrai qui a jamais été fait de lui. « un regard qui fascine… qui s’agrippe : y a des jeunes tiens qui feraient bien d’avoir ce regard !… un regard qui te suit partout dans la chambre… te quitte pas des yeux… même quand tu mets ses gouttes dans l’oeil abîmé… il te regarde avec l’autre ! Un regard où vraiment tu ne peux rien sentir ni de haineux, ni de misanthrope, ni de méprisant, ni de misogyne ni de quoi que ce soit de négatif !…. (…) il te plaît, ce mec !… non mais c’est un vrai rigolo !… qui s’est acharné à le présenter comme une glacière empesée ?… mais c’est un vrai pince-sans-rire… d’une simplicité étonnante… (…) silencieux, ramassé… violent et contenu… c’est ça que les imbéciles confondent toujours avec la froideur… (…) c’est un mec qui ira jusqu’au bout… » Il y en a comme ça une dizaine de pages. C’est direct, chaleureux, magnifique. J’espère que Victoria Thérame a envoyé son livre à Mme de Beauvoir qui, dans les diverses rééditions du Deuxième sexe, n’a toujours pas cru devoir supprimer le chapitre super-faux et super-idiot qu’elle consacre à Montherlant – un Montherlant qu’elle présente comme un phallocrate, un sexiste, alors que Montherlant était tout le contraire, et LesJeunes filles une tentative passionnée de permettre aux femmes d’échapper au schéma christiano-idéalisto-bourgeois où la société occidentale prétend les enfermer.

Hosto-Blues est un livre captivant, déchirant, en vérité « le lait de la tendresse humaine » (Shakespeare). Notre société libérale peut bien se donner bonne conscience en lisant l’Archipel du Goulag, il n’est pas besoin d’aller en Sibérie pour y rencontrer l’enfer, l’enfer est ici, chez nous, dans nos coeurs, dans nos corps. Victoria Thérame dit cela asdmirablement, un livre admirable, je vous le répète, le plus beau livre que j’aie lu depuis des mois et des mois, je demande le Goncourt, pas pour moi, ça c’est le boulot de Roland Laudenbach de m’avoir un prix, à l’éditeur de s’activer un peu, l’auteur, lui, une fois qu’il a écrit son roman, il a le droit de se la couler douce, aux autres de jouer, non ce n’est pas pour moi que je demande un « prix littéraire » c’est pour Hosto-Blues de Victoria Thérame, cette écriture superbe, ce cri de colère et d’amour, oui, un chant d’amour, l’amour des êtres, de la vie, du monde créé, et partout la douleur, l’injustice, le désespoir, la déchéance physique et spirituelle, l’horreur absolue.

Un dernier argument à l’usage des radins, comme dirait Charlie-Hebdo : ce livre qui a 476 pages bien tassées ne coûte que seize francs. Ca vous changera des romans minables, merdiques, sans intérêt qui, eux, auront le Goncourt et autres palmes académiques, et qui valent quarante francs et plus.

G.M.