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Camille Claudel vivante
Un livre et une pièce de théâtre redonnent vie à Camille Claudel, artiste maudite morte dans l’oubli, mais qui, depuis une trentaine d’années, ne cesse de fasciner.
Morte dans l’oubli après trente ans d’internement en asile psychiatrique, il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour que Camille Claudel revienne dans la galerie des artistes majeurs du XIXe siècle. L’acharnement de Reine-Marie Paris, sa petite nièce (petite-fille de Paul Claudel), qui a consacré toute son énergie à faire connaître la vie et l’oeuvre de sa grande tante, n’y est pas pour rien. C’est d’un de ses livres qu’a été tiré le film de Bruno Nuytten (Camille Claudel, avec Isabelle Adjani, 1988) qui imposa le personnage auprès du grand public. Quant au marché de l’art, il suit la voie. Le 26 octobre, lors d’une vente aux enchères d’art moderne chez Cornette de Saint Cyr, un marbre daté de 1898-1900, L’Aurore, a été acquis pour la somme de 2,46 millions d’euros. Un record sur le marché français et le deuxième prix sur la scène mondiale pour une oeuvre de Camille Claudel, après le bronze La Valse déjà cité adjugé 6,49millions d’euros chez Sotheby’s Londres en 2013.
Si l’artiste fascine, la femme et son destin tragique ne laissent pas indifférent. Fascinée très tôt par la sculpture, bravant l’opposition de sa mère, Camille Claudel étudia avec Alfred Boucher (1850-1934), puis avec Auguste Rodin qu’elle rencontra en 1882. Ébloui par son génie, Rodin reconnaîtra avoir été influencé par son « élève » . avec qui il créera de nombreuses sculptures, dont Le Baiser. Mais Camille Claudel veut voler de ses propres ailes. Elle quitte Rodin et entame une longue déchéance d’artiste maudit. Le choc de la mort de son père en 1913, qui s’ajoute à la malnutrition et à un alcoolisme chronique, la fait sombrer dans la démence paranoïaque. Elle est internée le 10 mars à l’asile de Ville-Evrard (Seine-Saint-Denis) puis à l’asile d’aliénés de Montdevergues à Montfavet (Vaucluse) où elle finira ses jours en 1943, vraisemblablement morte de faim. Inhumée en présence du seul personnel de l’hôpital, ses restes seront transférés dans le « carré des fous » d’une fosse commune.
150 ans après sa naissance, c’est ce destin tragique que met en scène Sophie Jabès dans sa pièce Camille, Camille, Camille, qui s’est jouée en octobre et novembre derniers au théâtre du Lucernaire à Paris et qui sera produite au théâtre 95 de Cergy-Pontoise et au théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison en décembre. C’est un cri en trois temps que poussent trois comédiennes incarnant Camille Claudel à trois époques de sa vie: au seuil de la mort ; quelques jours avant son internement; et à 20 ans, alors qu’élève de Rodin, tout semble lui sourire…
Paul Barthélémy
À lire : Sophie Jabès, Camille, Camille, Camille, Lansman éditeur, 52 p., 10 €.
Sur les prix fous des sculptures de Camille Claudel, un autre article de Valérie Sasportas dans le Figaro le 28 octobre 2014 ici
Un marbre de l’égérie de Rodin, L’Aurore, daté de 1898-1900, a été acquis pour 2,46 millions d’euros chez Cornette de Saint Cyr, lundi 26 octobre. La sculptrice bat son record sur le marché français.
Son estimation n’était pas mentionnée au catalogue mais donnée sur demande: 1,8 à 2 millions d’euros pour le marbre de Camille Claudel (1864-1943), L’Aurore, daté de 1898-1900. Et c’était déjà une estimation haute, de l’avis de connaisseurs. Or la sculpture de l’égérie de Rodin a dépassé les espérances: 2,1 millions prix marteau, 2,46 millions avec les frais, lundi 26 octobre, lors de la vente d’art moderne de Cornette de Saint Cyr dans ses nouveaux locaux à peine inaugurés du 6 avenue Hoche, à Paris.
Un record d’enchères pour la sculptrice sur le marché français et le deuxième plus haut prix sur la scène mondiale, après le bronze La Valse, de 1864 , première version, adjugé 5,12 millions de livres (6,49 millions d’euros) en 2013 chez Sotheby’s, à Londres.
«C’était très émouvant lundi soir, se remémore Arnaud Cornette de Saint-Cyr, qui tenait pour cette vente inaugurale le marteau qui lui fut offert à ses débuts par Alain Delon, ami intime de son père, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr. «Ce marbre a été réalisé juste avant que Camille Claudel ne soit enfermée en hôpital psychiatrique en 1913. Et c’est une œuvre d’une force extraordinaire, révélateur des années 1893-1905, quand Camille Claudel se libérait enfin à la fois des tensions dramatiques et réalistes de ses formes, et de l’influence d’Auguste Rodin».
Ce marbre d’une qualité extraordinaire est inédit sur le marché de l’art. Camille Claudel avait donné L’Aurore à sa sœur Louise, épouse de Ferdinand de Massary, puis la sculpture fut conservée durant plus d’un siècle dans la famille jusqu’à ce qu’elle rejoigne une collection particulière. Elle a fait le tour du monde des expositions rendant hommage à l’artiste.
«Nous la connaissions. Mais c’est son propriétaire qui nous a contactés pour la vendre aux enchères», affirme Arnaud Cornette de Saint-Cyr. Pas peu fier: sa maison française a été préférée à une anglo-saxonne qui l’aurait vendue à New York. «Cela a été un rêve. Au même titre que L’Age mûr, et plus “populaire” que mythologique, L’Aurore marque l’achèvement d’un idéal et l’inscription du génie de Camille Claudel au sein de l’histoire de la sculpture occidentale de la fin du XIXe siècle et du début XXe», conclut le commissaire-priseur, qui tient encore le marteau ce mardi soir (19h) et demain, pour la suite des ventes inaugurales, cette fois en art contemporain.