Les Cahiers de Framespa encensent le génie de Pablo Daniel Magee

Pablo Daniel Magee, Opération Condor. Un homme face à la terreur en Amérique latine, Paris, Éditions Saint-Simon, 2020, 377 p.

Bertrand Vayssière

Ce livre est une biographie romancée du dissident paraguayen Martin Almada, qui s’est illustré dans la dénonciation du terrible régime du dictateur Stroessner – dont il fut l’une des victimes – et de la coopération policière internationale qui a servi à la répression des pays du cône sud contre toute forme d’opposition, sous le nom de code « Condor ». Il est l’œuvre de Pablo Daniel Magee, journaliste et écrivain français installé depuis 2012, pour les besoins de son enquête, au Paraguay. L’ouvrage permet de retracer, à travers la vie d’Almada et sa lutte, les réalités d’un régime dictatorial parmi les plus sanguinaires et l’entreprise de coercition transnationale des régimes de même type contre leurs dissidents, immanquablement qualifiés de « communistes ». Le récit est entrecoupé de témoignages de l’auteur, qui a mené là un travail d’investigation pendant sept années auprès de Martin Almada et de ses proches (parfois sous forme de dialogues), et de documents pour la plupart issus des « archives de la terreur », qui documentent les processus de la répression dans le cadre de l’Opération Condor.

La vie de Martin Almada commence en 1937 dans la plus grande misère à Asunción, dans un pays sous la coupe du Président Stroessner à partir de 1954, qui d’entrée a marqué son autorité par l’imposition d’une Loi de défense de la démocratie qui institue les « délits de conscience » et « de presse ». Almada veut devenir docteur, tout en entrant au Partido Colorado, ce qui constitue un passage obligé puisque ce parti est alors la seule formation politique autorisée. Cependant, révolté par les injustices, il s’inscrit en droit du travail, ce qui lui permettra d’exercer en tant qu’avocat. Même si son pays connaît un réel effort de modernisation grâce au soutien américain, il ne peut que constater les privilèges immenses de ceux qui gravitent autour du pouvoir, et la misère des salaires pour la plus grande partie des Paraguayens, notamment les professeurs dont il fait partie. Almada ne peut également que constater combien la dictature doit aux États-Unis, qui ont accentué leur aide et leur présence (des locaux de la CIA sont installés à l’ambassade d’Asunción) depuis que « le diable était dans le jardin » (préface de Costa-Gavras), c’est-à-dire après la révolution cubaine. Almada devient délégué syndical des professeurs de San Lorenzo et met en place sa propre école, l’Institut Alberdi, du nom d’un philosophe argentin ayant proposé une pensée fondée sur la liberté de l’homme, ce qui lui vaut soupçons et brimades de la part du régime. Lui et sa femme lisent en cachette la revue cubaine Bohemia et écoutent les radios étrangères, ce qui en soit constituait un délit. En effet, le régime est de plus en plus sur ses gardes, dans une ambiance où participent aussi bien le fantasme de la trahison, toujours communiste, et la défense d’intérêts bien compris, là où tous les trafics s’opèrent d’une manière éhontée. Pour faire respecter cet ordre stroessnien, le pouvoir possède des centres de tortures, dont le plus terrible est celui La Técnica, et, avec d’autres régimes, met en place une guerre inspirée par la doctrine française antisubversive (théorisée entre autres par Charles Lacheroy et le colonel Roger Trinquier) qui avait été pratiquée en Algérie. C’est dans le cadre de cette dernière lutte, dont les cibles sont souvent très diverses mais ramenées à l’étiquette communiste, que se pratiquent les premières coopérations policières dans un cadre interaméricain.

Pour Almada, la situation devient intenable car la pression est de plus en plus forte au sein de l’école et dans sa vie privée : c’est ainsi que les Paraguayens sont obligés d’écouter l’émission quotidienne « La voix du Partido Colorado » où Stroessner fait l’éloge de sa politique. Dans l’école même, qui s’avère un havre de paix et d’expérimentation pédagogique, la parole est de plus en plus surveillée, notamment par les mouchards, qui sont présents partout dans le pays. C’est un acte de résistance que fait Almada en refusant obstinément tout lien de son institut avec le pouvoir et en poursuivant son ambitieux projet tête baissée (construction de maisons pour les professeurs, tenue d’un festival).

De plus en plus exposé en tant que président du Congrès national des enseignants paraguayens, Almada part en Argentine pour faire une thèse en sciences de l’éducation à l’université de La Plata. Il y découvre là également un pays touché par la répression contre l’insaisissable Mario Roberto Santucho, poursuivi entre autres par la terrible Triple A (Alliance anticommuniste argentine) et ses escadrons de la mort. C’est en Argentine qu’il entend parler pour la première fois d’une Ligue anticommuniste mondiale, fortement inspirée par les Américains, dont différentes déclinaisons se développent sur tous les continents (Gladio en Europe). Dans le même temps, il découvre que certains vecteurs culturels peuvent servir la cause anticommuniste, tels que les comic’s américains, largement exportés vers les pays latino-américains. C’est là également qu’il découvre fortuitement des documents prouvant l’ingérence des services secrets américains en Amérique latine (projet Camelot) alors que partout en Amérique latine s’installent, au seuil des années 70, des dictatures à visage découvert (Banzer en Bolivie, Pinochet au Chili, Videla en Argentine, Geisel au Brésil, Bordaberry en Uruguay).

La thèse que rédige Almada à La Plata (Paraguay : Educación y Dependencia), attire l’attention de la police paraguayenne, qui la considère comme une attaque contre le gouvernement. À son retour en 1974, l’homme est arrêté et interrogé, sans juge ni avocat, devant un aéropage d’officiers issus des différents pays du cône sud. Torturé, il découvre la réalité des geôles paraguayennes, notamment à La Técnica. C’est là qu’il entend parler pour la première fois du projet Condor et de l’École des Amériques fondée à Panama en 1946 par Washington pour former les cadres des armées latino-américaines à la contre-insurrection, et comment les dictatures utilisent et parfois détournent l’aide yankee pour renforcer la terreur. Il est ensuite envoyé au camp de concentration d’Emboscada (septembre 1976) du terrible colonel Grau, où ses conditions de vie, au milieu de paysans expropriés et de leurs enfants pris en otages, tous considérés comme communistes, restent difficiles. Un changement de contexte international accentue cependant peu à peu la pression sur les régimes dictatoriaux, surtout après l’élection du Président américain Jimmy Carter. Almada signe alors un acte d’allégeance au pouvoir (décembre 1977) qui lui offre une libération conditionnelle mais aussi un exil interne dans son propre pays, tout en espérant continuer la lutte. Il parvient à s’évader avec l’aide de l’ambassade panaméenne. Au Panama, il se lie avec le Président Omar Torrijos, qui a obtenu des Américains la restitution du canal de Panama, et qui lui dit que « (…) le Condor vole de ses propres ailes… dans les limites d’une cage qui reste l’anticommunisme » (p. 290). Almada part peu de temps après à Paris, où il occupe un poste à l’UNESCO, exilé obligé à une « vie d’emprunt », entamant une carrière africaine qui le renforce dans sa volonté de dénoncer les injustices, dont la première cause lui paraît être les faiblesses de l’éducation.

Les chutes successives des dictatures en Amérique latine lui offrent l’occasion de revenir dans son pays, sans illusion : après Stroessner renversé en février 1989, c’est désormais Andrés Rodríguez Pedotti, le « général Cocaïne », qui gouverne. C’est à partir de là cependant qu’Almada se met en quête de preuves pour lutter contre l’impunité et révéler les terribles secrets de l’Opération Condor, ce qu’il parvient à faire en découvrant dans un poste de police d’Asunción, avec l’aide du courageux juge Agustín Fernandez, quatre tonnes et demi de documents (700.000 feuillets) qui les mettent en lumière. Ce sont les « archives de la terreur » qui sont ainsi rendues publiques, elles-mêmes inscrites depuis par l’UNESCO au programme « Mémoire du monde » (2009). Almada est dès lors reconnu dans son combat, obtenant toute une série de décorations, dont le Nobel alternatif. Mais ces demandes de tenir un procès à la Nuremberg sont dans l’ensemble déçues.

Un symbole reste fort, dans une teinte douce-amère : l’ouverture d’un musée des Mémoires (2006) dans les anciens bureaux de la Técnica, au moment même où meurt Stroessner au Brésil, impuni.

Ainsi, Almada pourrait être considéré comme le premier des lanceurs d’alerte, aspirant à une justice internationale dont les contours se précisent mais dont les réalisations restent toujours frustrantes, surtout pour ceux qui ont vécu l’injustice dans leur chair et dans leur âme. Quant à l’anticommunisme, il montre ici son visage le plus sauvage, rappelant une nouvelle fois qu’il peut être une étiquette commode pour justifier un pouvoir arbitraire avec la complicité, le plus souvent indirecte mais moralement en cause, des États-Unis. Car au fond, Almada a-t-il seulement été un jour communiste ? C’est par une pirouette qu’il répond à l’auteur à la fin du livre, citant Jacques Prévert : « Moi je veux bien, mais on me mettrait dans une cellule » (p. 371) …

Bertrand Vayssière, « Pablo Daniel Magee, Opération Condor. Un homme face à la terreur en Amérique latine, Paris, Éditions Saint-Simon, 2020, 377 p. », Les Cahiers de Framespa [En ligne], 36 | 2021, mis en ligne le 30 mars 2021, consulté le 04 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/framespa/10579 ; DOI : https://doi.org/10.4000/framespa.10579

Auteur

Bertrand Vayssière

Bertrand Vayssière est professeur d’histoire à l’université de Toulouse 2 Jean Jaurès. Il a notamment publié Groupes de pression en Europe, Privat, Toulouse, 2002 ; Vers une Europe fédérale ? Les espoirs et les actions fédéralistes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, Peter Lang, 2006, rééd. 2007 ; Reflets de la construction européenne. Réflexions, références et refus du débat sur l’Europe, Bruxelles, Peter Lang, 2012 (directeur) ; Crises et ruptures en Europe : vers quelles mutations ?, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2018 (direction) ; Européiste et eurocrate : la vie fédéraliste de Raymond Rifflet, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2018. bertrand.vayssiere@univ-tlse2.fr

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Envie d’ailleurs magazine annonce la Chasse au Trésor de l’Entente cordiale

Envie d’ailleurs magazine

LE  TRESOR DE  L’ENTENTE CORDIALE 

Une chasse au trésor est organisée en France et en Angleterre avec un lot d’une valeur de 750 000€
Ce projet est né d’une découverte : celle du Coffret d’Or. Véritable objet d’art, il fut offert par le Roi d’Angleterre Edward VII au Président Français Emile Loubet en guise de symbole pour sceller l’Entente Cordiale entre les deux pays.

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© Editions de la Chouette d’or

Le principe est simple : vous devez résoudre des énigmes cachées dans un livre en vous aidant d’une carte au trésor et d’une boîte à outils. Une fois résolues, ces énigmes vous donneront l’emplacement exact de la moitié d’une clef. Une moitié est cachée en France et l’autre au Royaume-Uni. Seule la réunion de ces deux moitiés de clef permettra de déverrouiller l’écrin de cristal contenant le Coffret d’Or.

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© Editions de la Chouette d’or

Deux éditions du livre sont à paraître : une version française qui donne l’emplacement de la cache située en France et une autre version en anglais qui situe la cache au Royaume-Uni.

Pour un tel projet, la jeune maison d’édition a réuni quatre grands talents :
> Michel Becker, qui porte ce projet à bout de bras, est un artiste peintre aux multiples facettes. Il est le coauteur de la Chouette d’Or et illustre le livre par sa peinture.
> Vincenzo Bianca, créateur de jeux et expert mondial en chasse au trésor, est le concepteur des énigmes de la chasse.
> Pauline Deysson, romancière onirique, est l’auteure d’un conte sur l’Entente Cordiale dans lequel sont cachées des indications mettant les lecteurs sur la piste du trésor.
> Stephen Clarke, historien et écrivain anglais à succès, propose dans cet ouvrage une partie détaillée de l’histoire qui a conduit Emile Loubet et Edward VII à la création de l’Entente Cordiale.

Le lancement de cette chasse aura lieu le 08 avril 2021. Le trésor sera exposé pendant toute la durée de l’opération au Musée Lingot d’Art de Rochefort.

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© Editions de la Chouette d’or

 

Parution le 8 avril 2021 du livre « Le Trésor de l’Entente cordiale » lançant une Chasse au Trésor aux éditions de la Chouette d’or

Lancement le 8 avril 2021 avec la parution simultanée en France et en Angleterre d’un livre « Le Trésor de l’Entente cordiale » (contenant un magnifique conte « Le Trésor des Edrei » traduit de l’écrivain Pauline Deysson) dans lequel sont dissimulées les énigmes menant à la découverte d’un trésor (un en France ET un en Angleterre : il y a deux trésors à découvrir).

Le 8 avril 2021, date anniversaire du Traité de l’Entente cordiale (signé à Londres le 8 avril 1904), sera lancée une Chasse au Trésor à la fois en France ET en Angleterre (avec un trésor à découvrir en France et un autre Trésor à découvrir en Angleterre), à l’initiative de l’artiste créateur de la Chouette d’or cachée en 1993 par Max Valentin et devenue Chasse légendaire.

Le lot de la nouvelle Chasse au Trésor lancée en 2021 est le vrai Coffret de l’Entente cordiale offert par le Roi Edouard VII au Président français Emile Loubet.

Merci de l’annoncer dans votre support en reproduisant le communiqué de presse officiel qui est en jpeg un peu plus bas en corps de mail, téléchargeable en PDF ou en pièce jointe.

Pour en savoir davantage et pour interviewer les quatre protagonistes de cette Chasse au Trésor :

 l’artiste Michel Becker à l’origine de la Chasse au Trésor de la Chouette d’or,

– son partenaire spécialiste des Chasses au Trésor Vincenzo Bianca qui a imaginé les énigmes,

 l’auteure Pauline Deysson du conte ayant pour toile de fond les relations France-Angleterre où sont cachées les énigmes,

 le best seller Stephan Clarke traducteur du conte en anglais et spécialiste de l’Entente cordiale

Pour recevoir le livre / interviewer l’auteure etc merci de contacter l’attachée de presse

Guilaine Depis 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Résumé succint : https://guilaine-depis.com/lessentiel-sur-la-nouvelle-chasse-au-tresor-lancee-par-les-editions-de-la-chouette-dor-en-2021-pour-chercher-le-coffret-de-lentente-cordiale-des-deux-cotes-de-la-manche/

Autres infos :
https://guilaine-depis.com/category/actu-la-chasse-au-tresor-de-lentente-cordiale-pauline-deysson-vincenzo-bianca-dans-le-prolongement-de-la-chasse-au-tresor-de-la-chouette-dor-realisee-par-michel-becker/

Communiqué de presse OFFICIEL ci-dessous en corps de mail sur « La Chasse au Trésor de l’Entente cordiale », lancement le 8 avril 2021 (date faisant sens en période de Brexit : c’est le 8 avril 1904 qu’était signé à Londres le Traité de l’Entente cordiale entre le Roi Edouard VII et le Président français Emile Loubet)

Pour télécharger le communiqué officiel en version PDF c’est ICI 
(et pour comprendre de manière plus lisible ce dont il est question c’est le JPEG suivant en corps de mail (ICI) 

Pour recevoir le livre / interviewer l’auteure etc merci de contacter l’attachée de presse

Guilaine Depis 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Les photos de la clef et de son anneau destinés à recevoir la  géode. (chasse au trésor 2021)

Les photos de la clef et de son anneau destinés à recevoir la  géode.

La moitié de cette  géode est enterrée, une en France et une autre au Royaume-Uni.

Il faut donc les réunir pour pouvoir reconstituer la clef afin qu’elle devienne opérationnelle et permette d’entrer en possession du trésor. Cette clef sera exposée au Lingot d’Art en attendant de recevoir la géode. 

 

Bruno Salazard s’exprime sur la paternité sur Radio Notre Dame

En Quête de Sens

Émission du 19 mars 2021 : Saint Joseph : Comment ou que veut dire être un bon père aujourd’hui ?

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Réécoutez l’émission ici : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/19-03-2021/

Bruno Salazard, chirurgien spécialiste des enfants et élevant seul son fils de 5 ans. Il publie « Un tourbillon inversé » (Librinova) qui traite de la paternité

Jean-Paul Mialet, psychiatre, docteur en psychologie expérimentale et cognitive, est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés, qui lui ont valu une large audience médiatique. Son dernier ouvrage : « L’amour à l’épreuve du temps » chez Albin Michel

Boulevard Voltaire interviewe Christian de Moliner

Christian de Moliner : « Par rapport à l’explosion de l’intolérance qui a commencé à l’été 2020, La Croisade du mal-pensant reste un texte mesuré »

Christian de Moliner, votre roman La Croisade du mal-pensant, publié récemment aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux, rencontre un écho tout particulier, ces derniers jours, avec l’affaire de « Sciences Po Grenoble »… À qui pensiez-vous, en créant le personnage de Samuel Meiersohn ? 

J’ai écrit ce roman en février 2020, ou du moins, j’ai bâti l’intrigue et je l’ai couchée par écrit à cette époque. J’ai passé, ensuite, quelques mois à ajuster le style afin qu’il soit le plus percutant possible. Au lecteur de dire si j’ai rempli ou pas ce dernier objectif.

En février 2020, le mouvement Black Lives Matter n’existait pas encore et la cancel culturen’avait pas pris son envol. Un ami, qui avait lu une des premières versions de mon livre, m’a certifié qu’il trouvait son thème exagéré, invraisemblable et que, selon lui, ce roman n’intéresserait personne, si ce n’est quelques obsédés d’extrême droite. Pourtant, par rapport à l’explosion de l’intolérance qui a commencé à l’été 2020, La Croisade du mal-pensantreste un texte mesuré. Les adversaires de Samuel Meiersohn ne sont pas caricaturaux. Leurs arguments sont « recevables » pour qui partage la doxa de la bien-pensance, alors que, dans la réalité, la cancel culture a sombré depuis le début dans l’outrance et la démesure.

Vouloir nier que J.K. Rowling soit l’auteur de la saga Harry Potter parce qu’elle a « osé » affirmer qu’il y avait des femmes qui ont des règles et d’autres qui n’en ont pas est le sommet du ridicule. Pourtant, ceux qui émettent ce genre de fatwas n’ont pas conscience de l’absurdité de leurs ostracismes. Ce qui n’empêche pas les médias de les relayer avec complaisance et en dit long sur la déliquescence de la culture des journalistes et surtout de leur bon sens.

Quand j’ai écrit mon roman, j’avais en tête les réunions sans hommes ou sans Blancs organisées par des syndicats comme SUD. Je pensais également aux espaces protégés des universités américaines où les minorités peuvent se réfugier pour éviter d’être « agressées » par la majorité blanche. J’ai donc imaginé une faculté où une demande d’une salle sans Blancs est formulée, où seul un universitaire s’élève contre cette prétention en la rapprochant (avec raison ou abusivement, c’est au lecteur de trancher) de la volonté des nazis de créer des espaces sans Juifs. Mon héros a lui-même un huitième de sang israélite, mais le seul héritage de cette religion est son nom de famille. Pourtant, ses adversaires vont le ramener à ses origines en le traitant de « sioniste », qualificatif infamant pour eux et qui est le faux nez de l’antisémitisme.

L’affaire de Grenoble est bien plus grave, en réalité, que l’histoire contée dans mon roman. Mon héros provoque les « bien-pensants » et tient des propos que certains pourraient trouver excessifs. Or, l’un des deux professeurs est mis en cause – et a même été blâmé officiellement – pour avoir simplement affirmé qu’on ne pouvait mettre sur un même plan antisémitisme et . Ce qui est une évidence pour quiconque est de bonne foi. Il a également dénoncé l’attitude de l’islam envers les femmes et établi une comparaison avec le christianisme où Jésus pardonne à la femme adultère. Ses propos relèvent de la critique d’une religion et leur légalité est garantie par notre Constitution.

En outre, en France, les actes antimusulmans sont bien moins nombreux que les actes antijuifs ou antichrétiens. Et on ne parle que rarement des incidents où des personnes d’origine maghrébine sont prises à partie violemment parce qu’elles ne portent pas le voile ou ne font pas le ramadan. Ces violences-là ne sont pas décomptées alors qu’elles sont particulièrement racistes.

En dehors des deux femmes qui traversent ce récit – dont la relative empathie semble plus procéder d’un réflexe naturel de compassion que d’un attachement réel au héros – aucun collègue, ami, proche ne lui tend la main… N’est-ce pas un regard bien noir sur la société ?

Difficile de vous répondre ! Un auteur est prisonnier de sa plume, il ne bâtit pas vraiment une intrigue de son plein gré, celle-ci lui est imposée par son inconscient ou, du moins, c’est ainsi que je procède. Une amie ayant lu la plupart de mes romans m’a fait remarquer qu’ils ont en commun la solitude de mes héros, luttant seuls contre leur destin. Dans le cas de Samuel, intervient également le poids de la bien-pensance qui a squatté le début du XXIsiècle. Malheur à quiconque sort des rails de la doxa officielle, personne ne l’aidera, de peur d’être aspiré dans sa chute. Cette censure totalitaire, triomphante et bien plus efficace que l’ancienne, celle qui, au XIXe siècle, luttait contre les accrocs à la morale bourgeoise et a essayé de faire condamner Baudelaire et Flaubert.

Votre livre se termine bien sombrement. Il n’y a donc pas de rédemption pour Samuel Meiersohn ?

J’ai senti que mon roman devait se terminer ainsi et pas autrement, que sa fin était logique. Elle est ouverte, chacun peut imaginer ce qui est arrivé à Samuel Meiersohn. La bien-pensance est un monstre froid, jusqu’à présent tout-puissant. Elle écrase ses adversaires après les avoir humiliés, voire dépouillés de leur humanité. On peut trouver sombre ma vision, mais on licencie désormais, aux États-Unis, des personnes pour leur opinion politique trop conservatrice ou même trop centriste ; le monde est vraiment devenu fou. Mon but, en écrivant ce roman, était de dénoncer, à mon niveau qui est modeste, cette folie pour, peut-être, un jour l’arrêter.

« une véritable valeur historique » pour le Journal des femmes

DE MON BALCON : PHOTOS d’un confinement parisien

Le premier confinement, chacun l’a vécu différement. Le photographe Philippe Enquin, lui, a capturé de magnifiques clichés depuis son balcon. Joggeurs, acheteurs de papiers toilettes, voisins solidaires… Découvrez son nouvel ouvrage « De Mon Balcon, Chroniques d’un confinement parisien », dont voici quelques photos…

Il y a un an, nous étions confinés pour la première fois. Quand certains apprenaient à faire leur pain, d’autres aidaient leurs voisins à faire les courses, se mettaient au sport ou s’arrachaient les cheveux à essayer de comprendre les devoirs de leurs enfants. De leurs balcons, les Français gardaient un petit contact avec le monde extérieur. Ils applaudissaient le personnel soignant à 20h, communiquaient avec les riverains et, pour certains, jouaient même au jeu Questions Pour un Balcon, initié par le comédien Noam Cartozo.
Le photographe Philippe Enquin, lui, a posé son regard d’artiste, depuis son balcon parisien, sur le monde d’en bas. Avec son objectif, il a capturé les rues désertes, les actes de solidarité, les joggeurs, ou encore les acheteurs compulsifs de papiers toilettes. Ces clichés, il les a compilés dans son ouvrage De Mon Balcon, Chroniques d’un Confinement Parisien, désormais disponible en librairies.
En attendant, découvrez quelques unes de ses photos qui ont désormais une véritable valeur historique.