Le Journal du Dimanche a interviewé Martin Almada, le héros de « Opération Condor », le roman vrai de Pablo Daniel Magee aux éditions Saint-Simon

Par François Clemenceau

Au milieu des années 1970, six pays d’Amérique du sud – Chili, Uruguay, Paraguay, Argentine, Brésil et Bolivie – ont coordonné leurs services de renseignements dans le but de traquer, jusqu’en Europe ou aux Etats-Unis, les opposants aux dictatures militaires. Nom de ce plan secret : opération Condor. Une campagne de répression qui s’est jouée avec la complicité tacite des Etats-Unis et de la CIA. Un livre à paraître cette semaine raconte le parcours d’un rescapé, Martin Almada.

A 83 ans, Martin Almada est convaincu que les services américains, 50 ans après l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende au Chili, sont toujours actifs pour limiter les mouvements populaires et les gouvernements de gauche en Amérique latine.

Pourquoi avez-vous été arrêté et torturé au Paraguay dans les années 1970?

A l’époque j’étais le directeur d’une école primaire et secondaire à Asunción. Nous appliquions la méthode de Paulo Freire, une alphabétisation militante au service de l’émancipation sociale. Paulo était un éducateur catholique de gauche considéré dans son pays comme subversif. J’étais également syndicaliste et mon syndicat menait une lutte pour faire augmenter les salaires des enseignants. La dictature du général Stroessner me considérait donc comme dangereux. En 1972, j’ai passé ma thèse sur l’enseignement et l’indépendance à Buenos Aires. A mon retour d’Argentine, j’ai été arrêté.

« La police politique qui me torturait a appelé ma femme au téléphone pour lui faire écouter. Elle a fait une crise cardiaque

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Combien de temps avez-vous été détenu?

J’ai passé mille jours en prison. D’abord au commissariat central d’Asunción puis dans un camp de détention. La police politique voulait que je dénonce Paulo Freire et tous ceux qui suivaient sa méthode. Je devais donner tous les contacts des gens qui lui étaient liés de près ou de loin car ils le considéraient comme un terroriste intellectuel.

Comment votre femme est-elle morte pendant que vous étiez en prison?

Un jour, la police politique qui me torturait a appelé ma femme au téléphone pour lui faire écouter la séance que je venais de subir. Elle ne l’a pas supporté, elle a fait une crise cardiaque. On m’a dit plus tard que le général Stroessner était là pour suivre mes interrogatoires.

Quand avez-vous su que votre détention était liée au fameux plan Condor?

Je l’ai appris en 1974 par la voix d’un commissaire de police dont le propre fils avait disparu. Il faisait partie avec moi d’un groupe de 43 prisonniers politiques et un jour, il m’a dit que nous étions tous victimes de Condor. Il m’a expliqué que c’était un plan initié par le général Pinochet au Chili pour lutter contre la subversion communiste. Condor a connu une existence officielle en novembre 1975 mais, en fait, il existait en germes depuis que la CIA en avait fait un instrument de coopération des armées et des polices dans six dictatures militaires d’Amérique latine, depuis le coup d’état militaire au Brésil en 1964. Ce n’est qu’à partir de la présidence Nixon qu’Henry Kissinger en est devenu le cerveau.

« En décembre 1992, j’ai réussi à retrouver une cache du régime Stroessner dans laquelle se trouvaient trois tonnes de documentation

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Votre détention a pris fin et vous avez dû quitter le Paraguay…

J’ai pu obtenir le statut réfugié politique au Panama. Là-bas, le général Torrillos et Amnesty International m’ont aidé à me rendre en France où l’on m’a trouvé un poste à l’Unesco. J’y ai travaillé pendant dix ans dans un bureau mais tous les week-ends, mes recherches portaient sur la récupération des archives du plan Condor.

Et vous avez réussi…

En décembre 1992, grâce à de nombreux renseignements, notamment au sein de l’église, j’ai réussi à retrouver une cache du régime Stroessner dans laquelle se trouvaient trois tonnes de documentation sur l’opération Condor. C’est là que j’ai découvert l’ampleur de cette machine qui avait coordonné la répression au Brésil, en Argentine, en Bolivie, au Paraguay, en Uruguay et au Chili. Une machine qui avait fait plus de 100.000 morts dont beaucoup étaient des catholiques adeptes de la théologie de la libération, des enseignants, des intellectuels et des militants démocrates.

« Je ne suis pas convaincu que le Venezuela soit devenu une dictature

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Avez-vous conscience que vos mouvements de libération étaient également instrumentalisés par Cuba et l’Union soviétique?

Disons qu’à l’Université de Buenos Aires, à l’époque, il y avait un engouement pour la révolution cubaine, un enthousiasme que j’ai mesuré des années plus tard en me rendant à Cuba. Le président Fidel Castro m’a invité et écouté. Il faut se remettre dans le contexte. L’ambiance dans les médias internationaux était plutôt favorable à Cuba. Alors est-ce que Cuba est devenue une dictature? Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis ni communiste ni anti-communiste. Je me considère comme un démocrate et je suis avocat aussi. Pour moi, le document le plus important est la déclaration universelle des droits de l’homme.

Pourtant Amnesty International condamne les atteintes aux droits de l’homme à Cuba ou au Venezuela aujourd’hui…

Je ne suis pas convaincu que le Venezuela soit devenu une dictature. Je m’y suis rendu cinq fois pour l’Unesco à l’époque d’Hugo Chavez. Le véritable ennemi n’était pas la droite ou la gauche mais la corruption. Quant à l’opposant de Maduro aujourd’hui, Juan Guaido, comment peut-il s’autoproclamer président du Venezuela? C’est ça la démocratie? Je suis étonné que les grandes démocraties européennes le soutiennent.

« Ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela n’a rien à voir avec ce que nous avons connu sous Pinochet, Stroessner ou Videla

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Autrement dit, les dictatures en Amérique latine ne peuvent être que de droite?

C’est une bonne question. Mais ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela n’a rien à voir avec ce que nous avons connu sous Pinochet, Stroessner ou Videla en Argentine.

Et au Brésil, avec le président Bolsonaro, diriez-vous qu’il y a dans sa façon de gouverner une nostalgie de la dictature militaire?

Non, pour moi Bolsonaro est un fou. Ce n’est pas possible de gouverner ce pays riche et démocratique avec si peu de respect pour les gens.

Vous avez été voir le Pape François pour lui réclamer l’ouverture des archives du Vatican sur l’opération Condor. Qu’a-t-il répondu?

Ce pape argentin a vécu cette époque. Je l’aime et je l’admire beaucoup. Il m’a promis de faire de son mieux. Mais aujourd’hui, bien qu’il ait commencé à rendre publiques les archives de cette époque au Chili et en Argentine, je n’ai toujours pas de réponse sur ce qui s’est passé au Paraguay et globalement à l’échelle du continent.

« Pour moi, l’éviction du président Evo Morales en Bolivie, c’est Condor. Le coup d’Etat qui a consisté à se débarrasser de Lula qui était si aimé de son peuple et de Dilma Roussef, c’est Condor

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Pourquoi dites-vous dans le livre que Condor vole toujours?

Le président du Paraguay aujourd’hui, c’est le fils de l’ancien bras droit de Stroessner. C’est un homme très proche de Juan Guaido au Venzuela. Mon pays n’est toujours pas une démocratie, on y fait semblant. La pauvreté et la corruption y restent considérables. Pour moi, l’éviction du président Evo Morales en Bolivie, c’est Condor. Le coup d’Etat qui a consisté à se débarrasser de Lula qui était si aimé de son peuple et de Dilma Roussef, c’est Condor. Rendez-vous compte que le président actuel du Chili essaie de préserver la Constitution écrite pour Pinochet. C’est Condor également. Je constate que Condor était au départ une alliance militaire en Amérique latine, mais qu’aujourd’hui les régimes politiques de droite continuent de s’entraider avec leurs polices et leurs magistrats.

Et vous êtes convaincu que la CIA est derrière tout cela? Sérieusement?

Oui. Même si je n’ai pas de preuves. La situation a évidemment changé et les Etats-Unis ont beaucoup perdu de leur puissance dans le monde mais la CIA reste très influente en Amérique latine. Et puis je n’oublie pas que j’ai été torturé et que ma femme et beaucoup de mes proches sont morts ou disparus à cause de la CIA. Donc, je reste très méfiant.

* Opération Condor, un homme face à la terreur en Amérique latine, Pablo Daniel Magee, préface de Costa-Gavras (Ed. Saint-Simon, 2020), 377 p., 22 euros.

« Un style clair avec des descriptions de grande beauté » (sur Eric-Louis Henri chez Wukali)

La Souciance, premier livre d’Eric-Louis Henri, le titre peut surprendre. Court récit ? Nouvelle ? Essai philosophique ? Ou plutôt, variation, adaptation à notre époque de Candide de Voltaire ? La Souciance est tout cela à la fois.

Le narrateur, avec sa nouvelle compagne, partent en vacances dans un pays étranger, indéniablement sur le pourtour méditerranéen, dans un lieu montagneux. On pense à la Croatie, au sud de l’Italie, à l’Albanie, enfin peu importe le lieu réel, seul celui créé par l’auteur importe.
Au cours de leurs pérégrinations, ils arrivent dans un hameau, loin de toutes routes historiques, plus ou moins abandonné par la modernité. Et, eux, qui ne devaient rester qu’une nuit, restent et achètent même une maison.
Ainsi, s’intégrant parfaitement dans leur nouvel univers, grâce à la culture de l’accueil des étrangers des autochtones, ils décident de faire revivre ce lieu. Ils ne veulent pas en faire une sorte de réserve des vestiges d’une façon de vivre du passé pour des touristes de passage, mais un lieu où d’autres personnes aient la même démarche qu’eux : rester, vivre, s’épanouir. Avoir une vision à long terme et non immédiate. Bâtir et non consommer. Et quel meilleur moyen que la toile pour parvenir à ce but. C’est à dire savoir se servir des moyens modernes de communication, basées sur la vitesse et le superficiel, pour vanter le temps long, la réflexion, la contemplation intérieure.

Eric-Louis Henri dans un style clair, avec des descriptions de grande beauté, nous fait suivre la démarche, le cheminement intellectuel de son « héros » à travers des « allers-retours » entre le présent et son passé.

Il dessine certaines personnalités d’une grande humanité, ces rencontres, qui, sans le vouloir, sans le savoir, l’ont aidé ou continue à l’aider dans sa quête personnelle. On pense à Jeanne, l’immigrée polonaise, ou au notaire, l’érudit local.

Réécouter l’émission de Radio Orient du 9 octobre sur le projet de Constitution de l’Algérie nouvelle

LE JOURNAL DU SOIR EN FRANÇAIS (9 OCTOBRE 2020)

Réécouter l’émission : https://www.radioorient.com/news/le-journal-du-soir-en-francais-9-octobre-2020-37821

09 OCTOBRE 2020 À 17H45 PAR LOIC BARRIERE
Le journal du soir en français (9 octobre 2020) L’ancien President du conseil Saad Hariri candidat pour diriger un nouveau gouvernement au Liban. Le président Libanais doit consulter dans une semaine le Parlement avant de nommer le nouveau Premier ministre. Nous y reviendrons avec la journaliste libanaise basée à Paris, Randa Takieddine.

Elle était officiellement la dernière otage Française dans le monde. Sophie Pétronin est rentrée en France à la mi journée après près de 4 ans de détention au Mali. Seidik Abba, journaliste et auteur de « Voyage au cœur de Boko Haram » reviendra sur cette libération.

Le référendum du 1er novembre en Algérie sur la révision de la constitution. Regard dans votre journal sur une conférence samedi à Genève sur le livre « Projet de constitution de l’Algérie Nouvelle » de Lachemi Belhocine et Reza Guemmar. Réza Guemmar que nous écouterons. 

«Il faut mettre en place la distanciation physique à l’école». L’appel de la porte-parole du syndicat des professeurs des écoles Snuipp-FSU. Guislaine David reviendra sur le protocole sanitaire mise en place dans les écoles et sur l’inquietude des enseignants.

« la dialectique du manuel et du rationnel, de la main et du cerveau. Une aventure » de Bruno Salazard

Bruno Salazard, L’éternité et deux mains

L’auteur nourrit sa production littéraire d’une vie hachée, abonnée aux femmes dépressives sur le modèle de sa mère et d’enfants rêvés merveilleux mais insondables. Voici encore une histoire de bébé, le toujours Alexandre (prénom fétiche d’un autre roman), né sans les mains. Chirurgien spécialisé dans la main de l’enfant, l’auteur est à son affaire. Mais il conte surtout l’histoire de ces appendices qui fondent l’humain plutôt qu’il n’écrit un véritable roman.

Alexandre est re-né plus de trois-cents fois et, à chaque vie, use de ses mains selon le projet humain : dessiner, écrire, modeler, guider, caresser – et tuer. L’interaction de la main et du cerveau permet de se constituer en être humain différent de l’animal et naître sans mains est un handicap moteur. Ce pourquoi le « trans » (mot à la mode) humanisme peut permettre de relier les prothèses myoélectriques au cerveau en substitut de mains. Oh, nous ne sommes pas aujourd’hui mais pas loin : en 2023 seulement, et à New York évidemment.

Pour le reste, nous voici dans la grotte de Maltraviesco, puis dans le Sahara encore vert avant l’Egypte d’Imhotep. « Alexandre » (dont le nom a dû changer durant les millénaires mais dont on ne nous dit rien) vit de multiples existences avant de trouver peut-être la bonne. Dans sa vie juste avant l’actuelle, il se tue pour avoir fauté des mains en pilotant un drone qui a certes abattu un terroriste islamiste mais aussi deux femmes en dégât collatéral.

Vous avez des parents qui veulent bien faire mais ne savent pas trop comment, un pédiatre africain qui adore palabrer et remonter aux ancêtres, un chirurgien de la main pointu, une start-up qui offre sa technologie pour faire sa pub. Tant de fées sur le berceau qu’Alexandre s’en sortira, cette fois.

Nourri de la vie compliquée et souvent abîmée de son auteur, ce livre se veut une réflexion sur le temps très long de ce qui nous fait homme : la dialectique du manuel et du rationnel, de la main et du cerveau. Une aventure.

Bruno Salazard, L’éternité et deux mains, 2020, Librinova, 199 pages, €12.90 e-book Kindle €3.99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

« Ecologie libérale » par François de Coincy

Ecologie libérale

 

Au fur et à mesure que la population humaine augmente, sa pression sur l’environnement nous semble de plus en plus pénible et nous prenons conscience que nous sommes la pollution. Nous pouvons rêver à des politiques malthusiennes qui ramèneraient la population terrestre à moins d’un milliard d’habitants: On peut craindre que la création de ce merveilleux Eden se fasse dans des conditions inhumaines.

Bien que l’Histoire nous a appris que les « lendemains qui chantent » imposés par des minorités doctrinaires génèrent des catastrophes humaines, la quasi-totalité des écologistes veulent changer la dégradation de l’environnement par la morale et la contrainte, la Raison Ecologique se substituant à la Raison d’Etat.  Ne reconnaissant que la raison tout court, l’homme libre doit construire une autre voie.

La démarche libérale sera la plus efficace, celle qui va construire une règle qui laisse la meilleure part aux initiatives individuelles et évite la multiplication des directives qui entravent l’initiative et détruisent la responsabilité. 

L’Ecologie a de multiples aspects, examinons simplement ce que serait une politique libérale sur le réchauffement climatique.

 

Le réchauffement climatique 

Nous ne voulons pas ici discuter du bien-fondé des prévisions les plus pessimistes des experts, nous nous y plaçons au contraire pour montrer l’efficacité d’une approche libérale.

Le système pourrait être le suivant :

Instauration d’une taxe carbone dont le coût est égal à celui de l’élimination du CO2 (ou équivalent CO2) dans l’atmosphère. Actuellement cela coute 100 euros par tonne. 

L’Etat rachète le carbone issu des systèmes industriels de décarbonisation ( pas celui venant du cycle naturel) au prix de 100 euros la tonne de CO2 dont il est issu et taxe à 100 euros la tonne le CO2 généré par les systèmes industriels.

Ce cout comprend le stockage du carbone ou sa recette tiré de sa réutilisation industrielle.

Un tel système renchérit de manière forte les produits émetteurs de CO2 mais le rachat du carbone incite les entrepreneurs à décarboner ces produits avec les technologies existantes et surtout en en développant d’autres plus efficaces leur permettant de dégager des marges plus importantes. Très rapidement grâce aux libres initiatives qui vont se multiplier, car il y aura une ruée vers l’or carbone, le monde va se décarboner sans bureaucratie et directives complexes.

Il y aura un coût énorme, mais bien inférieur à celui des milliers de procédures qu’un monde écologiste dirigiste devrait imposer pour arriver au même résultat. Aujourd’hui tout le monde préconise des mesures en omettant systématiquement de dire le coût qu’elles entraînent car tout le monde est écolo mais peu de gens acceptent une diminution de niveau de vie telle que le litre d’essence soit augmenté de un euro qui est le coût pour retraiter le CO2 qu’il émet. 

Quel est le coût global ? 

Si on prend un objectif de traitement en France de 500 millions de tonnes de CO2 on arrive à un coût annuel de 50 milliards ce qui n’est pas très élevé. Sur un produit intérieur de plus de 1500 milliards il n’y a pas de quoi paniquer (travaillons 39 heures au lieu de 35 et on sauve la planète). Alors qu’attendons-nous pour faire une mesure simple et efficace qui laisse libre initiative à tous plutôt que dépenser du temps et de l’argent à faire de multiples directives rigides inefficaces et coûteuses ?

Pas besoins de contraintes, juste la mise en œuvre d’une seule taxe et la pollution GES va baisser à vitesse grand V. On supprime les aides, la bourse des quota ( quel flop), les multiples lois et décrets et on ouvre la voie aux initiatives qui vont aller naturellement (la main invisible) dans les procédés de décarbonisation et dans une orientation libre et naturelle vers les solutions les moins génératrices de GES.

On sait traiter le CO2 en sortie des centrales thermiques et, avec la taxe, des inventeurs un peu malins vont chercher à mettre au point des équipements capables de traiter le CO2 à la sortie des chaudières individuelles.

Quand à l’argument qu’on ne peut mettre en place cette taxe dans un pays ou un groupe de pays, sans compromettre leur compétitivité internationale, il ne tient pas si on le fait fonctionner comme la TVA qui ne pénalise jamais les exportations. Il n’est pas nécessaire ici de rentrer dans des détails d’intendance.

Supprimons l’écologie punitive, morale et inefficace et développons l’écologie libérale.

 

Danièle Michel-Chich s’intéresse au Projet de Constitution pour l’Algérie nouvelle

Déjeuner de réflexion et d’échanges du 7 octobre 2020

Danielle Michel-Chich est née le 26 octobre 1951 à Alger. Elle y a vécu jusqu’en juin 1962, date à laquelle elle est arrivée en France, à Toulon, avec sa famille.

Etudiante à Marseille en classes préparatoires puis à Paris, où elle obtient un DEA d’études anglophones et un DEA de traduction. Elle milite pendant ces années à l’UNEF et à l’UEC, et s’engage dans le Mouvement des Femmes.

Enseignante, elle devient ensuite traductrice dans l’édition puis journaliste et autrice.

Grande voyageuse, elle connaît très bien les Etats-Unis où elle a vécu quelques années, à Houston (Texas).

Elle est toujours une femme engagée et une féministe active : à la Maison des Femmes de Montreuil pendant de nombreuses années auprès de Thérèse Clerc, elle est aujourd’hui président de l’association Femmes Monde et co-présidente de FDFA (Femmes pour le Dire – Femmes pour Agir).

A propos du livre Lettre à Zohra D. (Flammarion – 2012)

Grièvement blessée le 30 septembre 1956 au Milk Bar, à Alger, lors de l’attentat perpétré par Zohra Drif, alors qu’elle n’a que cinq ans, elle perd une jambe et sa grand-mère qui l’accompagnait est tuée dans l’attentat

Roman

Danielle Michel-Chich poursuit sa réflexion sur le terrorisme avec un roman, Je est une autre, dont l’héroïne est une imposteure qui se dit victime d’un attentat.

Ce colloque, organisé par l’hebdomadaire Marianne, France Inter, et El Khabar, commémore la fin de la guerre et l’indépendance de l’Algérie. Y participent diverses personnalités dont Bernard-Henri Lévy et Zohra Drif. Danielle Michel-Chich était dans la salle. Lorsqu’elle demanda à la militante algérienne si son attentat aveugle, contre des civils, était justifiable moralement, Zohra Drif répondit : « Ce n’est pas à moi qu’il faut vous adresser, c’est à tous les pouvoirs français qui sont venus asservir mon pays. […] À titre personnel et humain, je reconnais que c’était tragique, tous ces drames, les nôtres comme les vôtres. Nous étions pris dans une tourmente qui nous dépassait, qui vous dépassait. »2

Cette liste de publications n’inclut pas les œuvres traduites par Danielle Michel-Chich.

Paul Sunderland excellent lecteur d’Alain Schmoll pour le site « Mauvaise nouvelle »

De l’anarchiste à l’anarque

Par Paul Sunderland 

Ouvrage: La tentation de la vague
Auteur : Alain Schmoll

Editeur : L’Harmattan

« J’ai compris que le pouvoir de changer le monde n’appartiendrait qu’à celui qui saurait dompter les vagues, les dresser à sa main, les conduire comme un guerrier mène sa monture à la victoire. J’ai compris surtout que ce guerrier n’existait pas, que nul prophète, nul combattant, sur cette terre, ne pourrait jamais maîtriser la puissance destructrice de la nature. J’ai compris que mes défis de nageur n’étaient que des jeux d’enfants, que ma fascination pour la vague ultime n’était qu’une chimère et que tout détruire dans l’idée de tout reconstruire n’avait pas de sens. »

Deux hommes que bien des choses séparent vont voir se rejoindre leurs destinées. Werner est ce qu’on appelle un fils de famille. Beau, riche, oisif, célibataire, il rechigne à reprendre en main la grande entreprise familiale spécialisée dans la filière fromages lorsqu’il apprend que son père est malade et ne pourra guérir. Romain est un activiste d’ultra-gauche formé dans les milices castristes. Très épris de sa camarade de lutte Julia, il organise une manifestation officiellement écologique dans une ZAD de la province française. Mais dans un contexte d’affrontements avec les forces de l’ordre en présence, un homme meurt. Comment cet événement est-il arrivé ? Comment son onde de choc va-t-elle impacter les protagonistes ?

Commençons par le plus évident : ce qui se tient à la surface du texte. La tentation de la vague est un thriller efficace et bien ficelé parce qu’on sait d’où on part mais on ne sait pas où on va et, en plus, peut-être surtout, on ne sait pas par quel chemin on va s’y rendre. Cela tient en partie au fait qu’Alain Schmoll parvient à planter des décors convaincants et facilement saisissables, crédibles dans un contexte francophone. Rappelons en effet qu’un récit à suspense n’est pas sommé d’avoir une origine américaine. (Oui, « récit à suspense » est bien un équivalent de « thriller »!) Dans ce cadre, la vague peut-être perçue comme une métaphore de l’Histoire. Cette Histoire, nous voulons ou ne voulons pas l’affronter. Être tenté par la vague, chez les uns et les autres, peut s’apparenter au surf : il s’agit soit de suivre la vague, soit de se laisser emporter (et détruire) par elle. Suivre le mouvement de l’Histoire, participer à ses révolutions : Romain, sur cette voie, se tient d’abord en arrière, dans la position du stratège. Cherche-t-il ensuite, sous le poids de certains impondérables, à jeter son froc aux orties ? Quant à Werner, nous le voyons à un moment nager à contre-courant des vagues artificielles d’une piscine : son Histoire semble l’appeler, qui le pousse vers l’héritage de l’entreprise paternelle. Lutte-t-il en fait pour maintenir son existence de bobo désœuvré, rester à l’abri du temps qui tout emporte ?

Werner et Romain doivent résoudre ce problème d’un blasonnement pas encore abouti malgré les apparences. Bien qu’ils soient adultes, ils ont encore à apprendre, ce qui donne à l’intrigue, outre son suspense savamment distillé, les couleurs d’un roman de développement (Entwicklungsroman). À ce point précis de notre lecture, essayons de prendre une direction un peu moins évidente que les considérations qui précèdent : les différents personnages de La tentation de la vague, au fond, n’en constituent qu’un, celui qu’on appelle l’anarque, et c’est à son épiphanie que nous assistons dans le roman d’Alain Schmoll.

« Anarque » fait référence à un type d’individu décrit par l’écrivain Ernst Jünger (1895 †1998) dans une série de textes, Passage sur la ligne (1950), Traité du rebelle (1951) et Eumeswil (1977). Il s’agit de l’anarchiste passant de la domination des autres (ou de ce désir) à la domination de soi-même. Ce faisant, s’il y parvient, il ne lutte plus pour infléchir le cours de l’Histoire, il vit dans l’Histoire sans être prisonnier des conditionnements de celle-ci. La lutte contre la vague devient, en quelque sorte, une marche sur les eaux. À bien y regarder, certains protagonistes du roman d’Alain Schmoll réussissent l’épreuve, d’autres non, mais ces différentes résolutions ne sont peut-être que des facettes d’un même processus vécu simultanément. C’est un peu iconoclaste : nous nous amusons à quitter délibérément la trame linéaire, chronologique de l’intrigue, nous détricotons La tentation de la vague pour assister au surgissement alchimique d’un être conquérant car centré, non pas égocentré. La lecture n’est plus linéaire, elle est sphérique, mais, bien entendu, si nous souhaitons nous en tenir à une approche conventionnelle, l’auteur nous laisse toute latitude pour cela.

Se posera pourtant la question de savoir si ce dernier a ou non conscience de la tradition qu’il véhicule. S’il n’en a pas conscience, on a presque envie de dire : ce n’est pas grave, et même tant mieux car cela illustre une fois encore les remarquables ruses de l’esprit qui souffle où il veut, y compris sur un pays désormais privé d’échine littéraire, y compris sur ce qui semble de prime abord une étude romancée d’un engagement social et rien de plus, publiée chez un éditeur connu pour pondre au kilomètre. Il est passé par ici (Jünger), il repassera par là (Schmoll). Dans le cas contraire (et l’auteur de la présente note ne connaît pas la réponse), eh bien, on pourra dire qu’il a de bonnes lectures et qu’il a parfaitement compris ce qui se passe autour de nous. Quelles sont les forces réellement mises en jeu dans le désir de révolution ou la direction d’un grand groupe industriel ? De quelles scories devons-nous purger notre être, quelle houle devons-nous surmonter (allégorisées sous forme d’adversaires dans l’intrigue) afin de parvenir au plein exercice du pouvoir éclairé ? « Connais-toi toi-même », c’est dit depuis longtemps. Le talent d’Alain Schmoll est d’avoir exprimé cette recherche dans un contexte où bien des forces se liguent pour ne nous faire scruter que la surface des choses. La tentation de la vague est par conséquent une lecture recommandée.